En Espagne comme un peu partout, l’idéologie trans et ses effets progressent à grand pas (et toujours grâce à des financements importants, pas parce que c’est une volonté populaire authentique). Et en Espagne, comme un peu partout (mais bien plus qu’en France), des femmes tentent de s’organiser, de faire front contre les changements juridiques et institutionnels que les militants trans tentent d’imposer. Le 19 septembre 2022, le journal numérique Republica publiait cette excellente argumentation de la Federación de Mujeres Progresistas, soit la fédération des femmes progressistes, contre le projet dit de la « loi trans », qui est en train d’être examiné en Espagne. En voici une traduction.
Après les « lois trans » régionales déjà approuvées et en vigueur, le Conseil des ministres a approuvé un projet de « loi trans » national, qui a été envoyé au Parlement espagnol (29–6‑22) pour être traité par la procédure d’urgence.
Nous nous opposons à ce projet de loi (ainsi qu’aux « lois trans » déjà en vigueur, qui devraient être abrogées) pour les raisons suivantes :
Parce qu’il ne protège pas les personnes trans
Le projet de loi définit les « personnes trans » comme étant celles « dont l’identité sexuelle ne correspond pas au sexe assigné à la naissance » (art. 3, J). À son tour, l’« identité sexuelle » est définie comme « l’expérience interne et individuelle du sexe telle que chaque personne la ressent et la définit » (art. 3, h). Des « définitions » aussi vagues et subjectives rendent impossible la délimitation du sujet du droit et la prise en compte de ses besoins spécifiques.
À l’égard des personnes qui expriment un malaise concernant leur sexe/genre, le projet de loi impose ce que l’on appelle le « traitement affirmatif » (consistant à accepter l’autodiagnostic du patient qui déclare avoir une autre identité de genre). Tout autre diagnostic pourra être considéré comme faisant partie des « méthodes, programmes et thérapies d’aversion, de conversion ou de contre-conditionnement, sous quelque forme que ce soit, visant à modifier l’orientation ou l’identité sexuelle ou l’expression de genre des personnes, même avec le consentement de l’intéressé » qui sont interdits (art. 17) et passibles de peines pouvant aller jusqu’à 150 000 euros (art. 75, 4 et 76, 3).
Par conséquent, ces personnes perdent le droit à :
a/ une évaluation psychologique ( elles iront directement en endocrinologie ou en médecine de famille), nécessaire pour évaluer la présence et l’intensité du malaise (dysphorie) et détecter d’éventuelles comorbidités concomitantes (anxiété, dépression, troubles du spectre autistique, ou situations d’abus, etc.) et un diagnostic différentiel avec d’autres situations qui peuvent être similaires
b/ un soutien psychologique pour traiter les causes de leur détresse psychologique, qui peut être liée à divers problèmes, notamment : le manque d’estime de soi, les conflits avec le rôle assigné au sexe, les difficultés relationnelles, la recherche d’une orientation sexuelle, etc. De plus, en imposant un tel « modèle affirmatif », le projet de loi empêche d’analyser et de traiter des phénomènes de plus en plus fréquents, comme par exemple :
a/ la « dysphorie de genre à apparition soudaine », souvent associée à la contagion sociale (groupes d’amies qui se déclarent trans au même moment) et à l’augmentation (4 000 % en dix ans) des mineurs, principalement des femmes, qui se déclarent trans.
b/ les détransitions (personnes qui, après une période de traitement hormonal et/ou d’opérations chirurgicales irréversibles, souhaitent faire marche arrière).
Parce qu’il met les enfants, les adolescents et les jeunes en danger
Le « modèle affirmatif » imposé par le projet de loi encourage les enfants, les adolescents et les jeunes qui se sentent mal à l’aise avec leur sexe/genre à effectuer une « transition sociale » (changement de nom, de vêtements, etc.), susceptible d’être suivie par un traitement hormonal et, souvent, une intervention chirurgicale : amputation des seins, des organes génitaux, « construction » de vagins ou de pénis non fonctionnels avec de la peau provenant d’autres parties du corps, etc.
Ces traitements et opérations peuvent avoir (surtout s’ils sont effectués à l’adolescence) des conséquences graves et irréversibles : stérilité, anorgasmie et autres qui ne sont pas bien connues, parce que les études sur les filles et les garçons pubères et adolescents ont été entamées il n’y a pas si longtemps.
Selon toute probabilité, dans quelques années, il y aura (en fait, cela a déjà commencé) une vague de poursuites judiciaires contre les professionnels qui auront conseillé, autorisé ou effectué ces traitements.
Conscients de ces dangers, d’autres pays autour de nous restreignent l’accès des mineurs à ces traitements (Finlande, Suède) et autorisent l’investigation de milliers de cas de mineurs « trans » afin de déterminer une éventuelle responsabilité médicale (Royaume-Uni).
Parce qu’il nuit aux femmes et vide de son contenu la catégorie juridique du « sexe »
Le projet de loi ne concerne pas seulement les personnes transgenres, mais l’ensemble de la population. S’il est adopté, n’importe qui pourra s’adresser à l’état civil et changer son sexe légal, sans aucune condition (art. 38).
Ainsi, il transforme la catégorie juridique « sexe » en une chose que l’on peut choisir, arbitraire, vide, qui ne signifie rien. Il introduit une nouvelle catégorie qui primera sur le sexe : « l’identité sexuelle », définie comme « l’expérience interne et individuelle du sexe telle que chaque personne la ressent et la définit, qui peut correspondre ou non au sexe assigné à la naissance » (art. 3 h). Tout l’édifice juridique est ainsi construit sur un concept subjectif, non scientifique, indéfinissable et indémontrable.
Parce qu’il menace les espaces protégés et les droits spécifiques des femmes, ainsi que les politiques d’égalité des sexes
En permettant à tout homme, sans aucune condition, d’être légalement considéré comme une femme, le projet de loi met en péril les espaces protégés et les droits (tels que les quotas de parité) conquis par les femmes. Il ouvre la porte à la présence d’hommes, y compris de délinquants sexuels, dans les toilettes, les vestiaires, les équipes sportives, les refuges, les prisons, etc. jusqu’ici réservés aux femmes, comme cela se produit déjà dans d’autres pays.
Il n’est pas possible d’affirmer qu’il « y a très peu de cas » et que « seuls ceux qui ont besoin de la loi l’utiliseront », puisque nous ne savons pas combien de « personnes trans » il existe (il s’agit d’un concept trop imprécis), et que nous ne pouvons pas non plus prévoir combien de personnes utiliseront la loi ni à quelles fins (le changement de sexe légal sera un droit pour quiconque, sans motivation ni exigence, ce qui rendra impossible la distinction entre les « vrais trans » et les « fraudeurs »). De plus, un petit nombre d’individus suffit à altérer les principes de justice, de fair-play, de sécurité, etc., qui concernent toutes les femmes, ainsi que le concept même de « femme ».
Parce qu’il rend les politiques d’égalité impossibles
Les politiques d’égalité des sexes n’auront plus de sens si la catégorie « femme » devient indépendante du sexe biologique et est redéfinie de manière à pouvoir inclure les hommes.
Si cette loi devait être adoptée, il deviendrait impossible de rendre visible, de mesurer et d’analyser l’inégalité entre les hommes et les femmes. Par exemple, si les violeurs masculins s’identifient comme des femmes, que ce soit avant ou après le crime, et qu’ils sont comptabilisés comme tels dans les statistiques, ces dernières ne décriront plus correctement la réalité, ce qui rendra difficile toute action. Autre exemple : comment comprendre l’écart de rémunération s’il n’existe même pas de mot pour définir la catégorie des personnes capables de gestation, d’accouchement et d’allaitement ?
Parce que la « loi trans » est une « loi bâillon »
Le projet de loi (articles 72 à 77) impose des sanctions sévères (amendes pouvant aller jusqu’à 150 000 euros, fermeture d’établissements, disqualification, perte de subventions…), de nature administrative (sans les garanties d’une procédure judiciaire) à des comportements définis d’une manière extrêmement vague, tels que « le refus d’assister ou d’aider ceux qui ont subi tout type de discrimination pour des raisons d’orientation et d’identité sexuelles, d’expression de genre ou de caractéristiques sexuelles » (art. 75, c) ou aux « méthodes, programmes ou thérapies d’aversion, de conversion ou de contre-conditionnement » susmentionnés (art. 75, d).
Si la théorie queer est variée et complexe, la version qui parvient à la société, que nous appellerons « idéologie transgenre », s’avère schématique et simpliste.
C’est cette idéologie que nous voulons critiquer, parce qu’elle est en train d’être acceptée par l’opinion publique et d’acquérir une force normative.
Parce qu’il s’agit d’un mélange intéressé de concepts très différents : L, G, B, T, Q, I…
En créant l’acronyme « LGTBQI », le transactivisme :
a/ confond de manière intéressée des concepts très différents : l’orientation sexuelle (lesbiennes, gays et bisexuels), l’auto-identification du genre (« personnes trans ») et, au sein de celle-ci, des conditions très différentes (simple changement de nom, travestissement, opérations chirurgicales…), et encore l’anomalie génétique (intersexualité).
b/ amalgame abusivement sa propre cause avec la cause très différente (mais beaucoup plus populaire) de la non-discrimination des homosexuels et des bisexuels.
c/ s’approprie les luttes féministes afin de les dénaturer et de les neutraliser.
Parce qu’elle célèbre le « genre », que le féminisme combat
Le féminisme utilise le concept de « genre » pour analyser les relations de pouvoir entre les hommes et les femmes et pour faire référence à une structure sociale qui subordonne les femmes et à l’ensemble des rôles et stéréotypes sexistes qui permettent d’ancrer et justifier cette subordination. Pour le féminisme, le « genre » est quelque chose de négatif, qui doit être combattu afin d’atteindre l’égalité.
Le transgenrisme donne au terme « genre » un sens positif et complètement différent : une « identité » individuelle, purement subjective, qui n’est ni remise en question ni combattue, mais célébrée, à la seule condition qu’elle puisse être choisie indépendamment du sexe biologique. Ainsi, le transgenrisme attaque la ligne de flottaison de la lutte féministe.
Parce qu’elle sacralise les stéréotypes de genre et est homophobe
Le transgenrisme nie la définition biologique des sexes, affirmant qu’être une femme ou un homme constitue une mystérieuse « identité » innée. « Une femme est une personne qui se sent femme. » Mais il s’agit d’une définition circulaire, vide (si nous ne pouvons pas définir le terme « femme », que ressent celui qui prétend se sentir comme une femme ?).
En pratique, le transgenrisme renforce les vieux stéréotypes sexistes : si une fille aime le football, préfère porter des pantalons, est compétitive… elle est en fait un garçon, et si un garçon est gentil, aime les poupées et se déguiser en fée, il est une fille.
L’idéologie transgenre encourage des mineurs dont le comportement n’est pas conforme aux rôles de genre, qui sont parfois homosexuels, à s’identifier comme des personnes de l’autre sexe (devenant donc hétérosexuelles). Il fournit ainsi une « explication » et une « solution » (homophobe) à l’homosexualité.
Parce qu’elle anéantit le sujet politique « femmes »
Le fait d’être une femme ou un homme implique certaines expériences corporelles, différentes pour chacun des sexes, que nous élaborons subjectivement selon des modalités dictées par la société et la culture.
En même temps, le sexe biologique (de même que la race ou la classe sociale, mais plus clairement et invariablement dans le cas du sexe) assigne chaque individu à une certaine place dans une structure sociale. Le fait d’être une femme entraîne des conséquences qui vont, selon les pays et les époques, de la non-naissance (avortement sélectif) aux mutilations génitales, en passant par la vente de l’enfant à un homme plus âgé pour être mariée, la traite des êtres humains à des fins de prostitution, l’obligation de mener à terme une grossesse non désirée, le fait de gagner moins qu’un homme pour le même travail, l’obligation d’effectuer gratuitement des travaux domestiques et de soins.
Si « femme » devient le nom d’un groupe dépourvue de définition objective (ne pouvant être délimité en termes biologiques puisqu’il s’agirait d’une définition « excluante »), pouvant inclure des hommes sans autre condition que leur volonté, qui finalement ne signifie plus rien voire disparaît (remplacé par des euphémismes tels que « personne enceinte », « menstruée », « porteuse d’utérus », etc.), comment pouvons-nous unifier conceptuellement les différentes formes de discrimination que subissent les femmes ? Comment percevoir la continuité historique et géographique de ces expériences, leur dénominateur commun ? Comment pouvons-nous être un sujet politique ?
Parce qu’elle favorise le progrès d’un « transhumanisme » qui transforme le corps des femmes en marchandise
En niant la biologie, en affirmant que la perception subjective prime sur la réalité matérielle, qu’elle est capable de transformer à l’infini, le transgenrisme constitue une avancée sur la route du transhumanisme. Nous nous dirigeons ainsi vers une société dans laquelle les personnes privilégiées, celles qui ont accès aux ressources économiques, médicales, culturelles, etc., pourront — ou tenteront — de réaliser leurs désirs corporels en utilisant le corps des personnes pauvres, en particulier des femmes, comme entrepôt de pièces détachées (par le biais de la « maternité de substitution », par exemple).
Parce qu’elle abandonne l’égalité au nom de la « diversité »
Le féminisme avait adopté l’idée de diversité dans un sens d’« intersectionnalité », c’est-à-dire en mettant l’accent sur l’inclusion et la défense des femmes qui subissent de multiples oppressions ou discriminations, dans le cadre du principe d’égalité. Le transgenrisme oublie l’égalité au profit d’une « diversité » qui, en pratique, signifie :
a/ L’amalgame de problèmes très différents, qui nécessiteraient des recherches et des mesures spécifiques : les Roms, les personnes handicapées, les migrants ou les lesbiennes n’ont pas les mêmes problèmes.
b/ le court-circuitage des exigences d’égalité de la moitié de la population, les femmes (dont l’objectif politique est conflictuel et implique un coût économique), en proposant à la place la défense des « identités diverses », souvent sans aucun esprit critique (sans remettre en question les idées patriarcales et la hiérarchie sexuelle), purement cosmétiques et renforçant les stéréotypes.
Parce qu’elle oublie le matériel et le collectif au nom du subjectif et de l’individuel
En embrassant l’idéologie transgenre, une grande partie de la gauche relègue aux oubliettes les conditions matérielles et collectives de l’existence, et affirme que ce qui compte, ce qui existe vraiment, ce sont les perceptions subjectives et individuelles de soi. Au lieu de travailler à l’amélioration des conditions de vie des femmes au niveau collectif, l’idéologie transgenre leur offre la solution illusoire consistant à pouvoir choisir d’être des hommes. La lutte devient individuelle et individualiste, par opposition aux luttes collectives ayant fait progresser les droits sociaux et l’égalitarisme depuis des décennies.
Dans le même ordre d’idées, cette gauche défend les désirs au lieu des droits, en oubliant que les désirs en question sont exercés par un groupe privilégié au détriment d’un autre plus mal loti : le désir du putassier au détriment des droits de la femme prostituée, celui des « parents intentionnels » au détriment des droits de la femme qui va porter l’enfant et lui donner naissance, et celui de ceux qui se lancent dans un « changement de sexe » au détriment de la lutte pour les droits des femmes.
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