Comment la Russie a connu une vague migratoire de France après la Révolution de 1789

Comment la Russie a connu une vague migratoire de France après la Révolution de 1789

par Boris Egorov.

Dans la Russie de la fin du XVIIIe siècle, l’on plaisantait en disant que n’importe quel propriétaire terrien de province pouvait se permettre d’engager un marquis français comme précepteur. Et c’était presque vrai.

La Révolution française de 1789 a été une bénédiction pour certains Français et une malédiction pour d’autres. Plus la terreur faisait rage, plus les gens fuyaient le pays en quête de sécurité. Ailleurs, trouvaient refuge les riches aristocrates, leurs fidèles serviteurs, la noblesse pauvre, le clergé et même certains révolutionnaires, qui avaient été hier portés au pouvoir par la foule, mais que celle-ci souhaitait désormais amener à la guillotine.

Au total, entre 100 000 et 150 000 personnes ont quitté la France pendant les événements révolutionnaires de la dernière décennie du XVIIIe siècle. La plus grande partie d’entre eux (25 000) s’est installée en Grande-Bretagne, mais la deuxième destination s’est soudainement avérée être la Russie – environ 15 000 Français y ont trouvé un foyer temporaire ou permanent. Pourquoi ce glacial pays les a-t-il tant attirés ?

Un accueil chaleureux
Apparition de l’impératrice Catherine II, par Alexandre Benois, 1912.

Au début, l’Empire russe, lointain et inconnu, semblait effrayer les émigrants français, et leur nombre demeurait faible. Avec le temps, cependant, les réfugiés ont commencé à se rendre compte des avantages de la vie en Europe de l’Est.

Tout d’abord, la Russie était loin des champs de bataille des guerres révolutionnaires. Les émigrants, s’ils ne souhaitaient pas prendre part aux combats eux-mêmes, pouvaient donc vivre en toute tranquillité dans ses vastes étendues (du moins jusqu’en 1812 et la campagne de Napoléon).

Les pays voisins de la France, en particulier les petites principautés allemandes, s’inquiétaient souvent de la réaction de la puissante République lorsqu’ils abritaient ses ennemis détestés. Ils ont par conséquent parfois créé des conditions de vie extrêmement difficiles pour les Français en fuite, essayant de s’en débarrasser le plus rapidement possible. La Russie, en revanche, était totalement indifférente aux menaces que pouvaient représenter la France.

Sur les terres de l’impératrice Catherine II, les opposants à la Révolution ont été accueillis très chaleureusement. « À tous les Français que je rencontre, je prêche l’unité sur un principe : la loyauté absolue au roi et à la monarchie, avec cela pour vivre, avec cela pour mourir, et puis je les renvoie, en leur disant : je serai l’ami et le soutien de tous ceux qui le pensent », affirmait la souveraine russe.

De précieux invités
Armand-Emmanuel de Vignerot du Plessis de Richelieu.

Ce sont certainement les membres de la haute aristocratie française qui se sont sentis le plus à l’aise en Russie. Ici, ils pouvaient espérer occuper sans problème de hauts postes dans la fonction publique.

Ainsi, un descendant du célèbre cardinal Richelieu, Armand-Emmanuel de Vignerot du Plessis de Richelieu a été faire maire d’Odessa, et il gouvernait également la région de Nouvelle-Russie (côte nord de la mer Noire). Guillaume-Emmanuel Guignard de Saint-Priest a quant à lui choisi une carrière dans l’armée russe et, après avoir été élevé au rang de lieutenant général, est mort en 1814 près de Reims lors d’une bataille contre ses anciens compatriotes.

Marie-Gabriel-Florent-Auguste de Choiseul-Gouffier.

Certains aristocrates français bénéficiaient même de privilèges semblant se déverser d’une corne d’abondance. Le comte Marie-Gabriel-Florent-Auguste de Choiseul-Gouffier, archéologue et diplomate, s’est immédiatement vu accorder une importante pension à son arrivée en Russie en 1793 et promettre le poste de président de l’Académie des sciences, qu’il n’obtiendra toutefois pas, mais uniquement en raison d’une disgrâce soudaine de la part de Catherine II. Néanmoins, Paul Ier, qui lui a succédé, a élevé le Français au rang de président de l’Académie impériale des beaux-arts et lui a attribué la propriété de vastes domaines en Lituanie.

L’immigré le plus important
Portrait de Louis XVIII (1755-1824) par François Gérard.

Le migrant français le plus honorable qui s’est installé en Russie est le comte Louis-Stanislas-Xavier, qui, en 1795, a été proclamé roi de France sous le nom de Louis XVIII. Persécuté par la détestée République des Bourbons, le roi sans royaume a été contraint d’errer à travers l’Europe jusqu’à ce que Paul Ier lui accorde l’asile en 1798.

L’empereur a mis à la disposition de Louis un palais à Mitava (aujourd’hui Jelgava, en Lettonie) et lui a également donné comme garde personnelle une centaine de soldats du célèbre corps royaliste de cinq mille hommes de Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé, qui, à cette époque, avait lui aussi trouvé refuge et soutien en Russie.

La vie tranquille du roi de France dans son « petit Versailles » a cependant pris fin en 1800, lorsque Paul Ier, désabusé par ses alliés britanniques et autrichiens, a brusquement changé le vecteur de sa politique étrangère et cherché à se rapprocher de la France napoléonienne. Le 19 janvier 1801, l’empereur a donc ordonné à Louis de quitter immédiatement le pays.

Les souverains alliés de Paris : Alexandre Ier de Russie, Louis XVIII de France, François Ier d’Autriche et Frédéric-Guillaume III de Prusse, 1815.

Le roi en exil n’est revenu en Russie qu’en 1804, à l’invitation du nouvel empereur Alexandre Ier, qui a de nouveau engagé le pays dans la lutte contre le « monstre corse ». Néanmoins, cette désagréable histoire s’est répétée. En 1807, la quatrième coalition anti-française s’est effondrée, et Alexandre et Napoléon ont conclu la paix à Tilsit (aujourd’hui Sovetsk, dans la région de Kaliningrad).

« Après les traités de Tilsit, les relations amicales entre les deux ennemis de toujours ont incité Louis XVIII, attristé, à s’éloigner à nouveau de la Russie, mais cette fois non pas par la force, mais de son plein gré », a écrit Ambroise-Polycarpe de La Rochefoucauld, un proche collaborateur du monarque.

Et des invités plus ordinaires
L’arrivée de la gouvernante, par Emilia Chanks, 1893.

Bien sûr, tous les émigrants français en Russie à la fin du XVIIIe siècle n’étaient pas issus d’anciennes familles aristocratiques. L’écrasante majorité de ceux qui ont trouvé refuge dans l’empire n’avaient ni fortune, ni relations, ni mécènes nobles.

Les nobles français qui ne parvenaient pas à trouver leur place en Europe s’installaient en Russie, où ils étaient contraints de travailler comme médecins, bibliothécaires, artisans, modistes ou maîtres à danser. Une bonne option était de devenir précepteur dans une famille. La société russe de l’époque plaisantait en disant que désormais, même dans l’arrière-pays le plus reculé, n’importe quel pauvre propriétaire terrien pouvait aisément recruter un marquis français.

Après la défaite de Napoléon et la restauration de la monarchie des Bourbons sur le trône de France en 1814, la plupart des émigrés français sont rentrés sur leurs terres natales. Il y en a cependant qui ont choisi de rester pour toujours dans leur nouveau pays de cœur, et leurs descendants ont fidèlement servi l’Empire russe jusqu’à sa chute, en 1917.

source : Russia Beyond
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Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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