Marguerite Stern et Dora Moutot représentent, ainsi que l’ont apparemment décidé les médias, la voix consensuelle des associations et des individu·es qui demandent des comptes à la suite de la très rapide institutionnalisation d’une idéologie prétendant que le sexe est une construction sociale et que la non-conformité de genre, c’est-à-dire la non-conformité aux stéréotypes sexistes comportementaux et vestimentaires que représentent la masculinité et la féminité, requiert la médicalisation précipitée d’enfants et d’adolescents.
Les deux femmes se sont adressées à la ministre Elizabeth Borne afin de lui faire part de leur inquiétude et de lui rapporter des rétropédalages, observés dans des pays anglophones et d’autres pays d’Europe, concernant les lois qui encadrent la « transition » des jeunes dits « transidentitaires ». L’affiche qui les a fait réagir, politiquement, n’était qu’une énième occurrence de promotion du (trans)genrisme de la part du Planning familial, au détriment de la condition des filles et des femmes.
Dans leur tribune, elles pointaient des problèmes légitimes et établissaient de graves constats qui nécessitent réflexion, et qui questionnent l’engouement massif des institutionnels, des politiques, des philanthropes de la tech, de l’industrie pharmaceutique, des grandes multinationales et d’à peu près tout l’univers patriarcal-capitaliste existant envers l’idéologie (trans)genriste. L’on pourrait s’attendre à ce qu’un média (supposément) de gauche, (supposément) critique des médias, s’aperçoive qu’il y a anguille sous roche. Au lieu de cela, Arrêt sur images adhère aveuglement, sans discussion, au système de croyances que constitue la « transidentité » et pire encore, brandit, pour discréditer celles qui le critiquent, l’épouvantail de l’extrême droite — une tactique digne d’un Emmanuel Macron. Et ce n’est pas tout, car l’article de Pauline Bock recourt aussi au déshonneur par association et à la fabrication d’un adversaire de paille.
Les positions de Mmes Stern et Moutot rejoignent celles d’un grand nombre d’associations (dont une association de personne trans dont vous entendrez bientôt parler) et d’individu·es rejetant l’idéologie (trans)genriste (dont de nombreuses personnes ayant médicalement « transitionné », mais aussi de personnes ayant « détransitionné »), mais ne représentent pas la diversité des critiques et des abolitionnistes du genre. Elles ne sont pas leurs porte-paroles. Cela étant, pour ne pas avoir à répondre aux points soulevés par les deux femmes, Pauline Bock s’emploie à les traîner dans la boue, au moyen de multiples déshonneurs par association.
Celles-ci, en tant qu’individues singulières avec leurs histoires propres, ont porté la voix de toutes les personnes qui avancent de réels arguments, des sources, des études, des faits, et sont motivées par un profond souci envers les enfants, leurs proches, envers cette jeunesse mutilée qui exhibe ses cicatrices de mastectomie sur les réseaux sociaux pour regretter 5 ans plus tard de ne pas avoir été arrêtée par des adultes responsables, à un âge ou la loi ne vous permet pas encore de passer sous les aiguilles d’un tatoueur, car vous n’êtes pas aptes à prendre des décisions irréversibles au sujet de ce que vous voulez faire à votre corps. Le transactivisme est bien évidemment dans le déni (du monde réel en général, mais en particulier) quant à l’ampleur des détransitions.
Sur ce sujet, Mmes Stern et Moutot disaient : « Parmi d’autres exemples : la Suède qui était à la pointe dans les transitions de genre et les a arrêtées en mars dernier pour les mineurs, estimant que les conséquences sur leur santé pouvaient être graves. La Finlande n’en fait plus avant 25 ans, avec l’argument que le cerveau humain n’est pas terminé avant. » Nulle réponse ne sera apportée à cela, sinon l’opinion d’une militante en faveur du proxénétisme.
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Malheureusement, les deux femmes sont du « pain béni » pour les (trans)genristes, qui donnent libre cours à leur misogynie — parfois intériorisée, en ce qui concerne les femmes. Stern et Moutot sont vilipendées pour leurs accointances avec deux idéologues masculinistes notoires, l’un d’extrême droite, et l’autre d’extrême charlatanisme[1], tous deux ayant en commun une profonde haine des femmes qu’ils expriment librement. La journaliste sans scrupule pointe les ombres du doigt, les imbéciles regarderont sa phalange et personne ne regardera la lune, énormissime dans la nuit. Le torchon diffamatoire rédigé par une fervente progressiste issue de Science-po et ayant écrit dans tous les plus grands médias du libéralisme international, du New York Post à l’Express en passant par The Guardian, Politico, etc., désormais reconvertie en critique des médias — n’y voyez aucune contradiction —, ne répond pas à un seul des points, à une seule des questions que soulèvent Mmes Stern et Moutot, de même que les critiques du (trans)genrisme en général. Sans doute parce que cela aurait été autrement plus ardu que de se contenter de les diaboliser : beaucoup de faits et de chiffres sont avancés à l’encontre du (trans)genrisme. Heureusement, au royaume de l’Ultralibéralistan, rien de plus facile à pervertir que la réalité ; il suffit de l’ignorer et de faire diversion.
Passons rapidement sur les relations décriées. Oui, les deux femmes ayant grandi en société patriarcale, et en dépit de leur féminisme et de leur militantisme qui n’est plus à prouver (Marguerite Stern était dans la rue avec les Femen contre la Manif pour tous), ne sont pas immunisées contre l’hétérocaptivité, ni contre des faiblesses de jugement. Dans la même veine, Matt Walsh[2], un autre conservateur misogyne — et anti-avortement ! — a malheureusement eu droit à l’admiration de certaines féministes parce qu’il dénonce, à sa manière, l’idéologie du genre. Sauf qu’en bon conservateur, Matt Walsh le fait uniquement parce qu’il cherche à défendre la hiérarchie traditionnelle du genre. Les femmes et les enfants, il s’en contrefout un peu. Alors oui, en tant que féministe radicale, je n’ai qu’une envie, c’est de les secouer par les épaules et de leur dire : « mais enfin, ne réalises-tu pas que les propos que tu ne trouves pas si inintéressants chez lui sont les mêmes antiennes misogynes que tous les idéologues misogynes ont tenues avant lui. » Quoi qu’il en soit, Pauline Bock nous montre son majeur, les imbéciles regarderont la phalange tendue, et la lune brille dans la nuit, invisible à presque tous – et toutes.
Ainsi le travail de Jennifer Bilek est-il dépeint comme une version 2.0 du protocole des sages de Zion, faisant passer à la trappe l’enquête journalistique (digne de ce nom, pas comme celle de Pauline Bock) pour avoir mentionné un nazillon paranoïaque (Keith Woods). Nous l’avons contactée pour savoir ce qu’elle en pensait. « Je n’ai jamais soutenu Keith Woods. Je ne savais même pas qui il était. J’ai fait mention d’une vidéo dans laquelle il remarquait les liens entre les relations qu’entretenaient diverses religions (y compris le judaïsme) avec l’idéologie du genre. C’était sûr, parmi des milliers de posts, il fallait bien qu’ils sortent celui-là, parce qu’ils n’ont rien sur moi, et parce que mon enquête met droit dans le mille. » D’ailleurs, une célèbre plateforme intellectuelle juive de gauche a récemment publié ladite enquête. Oui, contrairement à l’article de tabloïd que nous contestons, les sources et les liens que nous vous proposons ne constituent pas un simple écran de fumée confusionniste. Celles et ceux qui ont un minimum d’honnêteté intellectuelle peuvent directement aller lire ce qu’écrit Jennifer Bilek et ainsi évaluer de première main la qualité de son travail, jauger de son caractère supposément « complotiste », plutôt que de se fier à ce que suggère Pauline Bock en rapportant les dires d’un média (xTra) dédié à la « culture LGBTQ2S+ », célébrant les émissions de télé-réalité de « Drag ». Plusieurs articles de Jennifer Bilek ont été traduits en français[3].
Ensuite vinrent les cris d’orfraie devant l’emploi du terme « femmelliste », vers lequel certaines femmes en sont réduites à se tourner pour penser leurs droits et leur condition, étant donné que l’idéologie (trans)genriste vide les mots de leur substance et se les approprie. Réaménager le monde à leur propre convenance grâce à leur pouvoir de déterminer et de nommer, telle est la prérogative des dominants. Comme quelqu’un l’avait fait remarquer il y a déjà longtemps : « La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de la production intellectuelle, si bien qu’en général, elle exerce son pouvoir sur les idées de ceux à qui ces moyens font défaut. » Or, la classe dominante, la classe qui dispose actuellement des moyens de la production matérielle, la classe des chefs d’États et des PDG de multinationales, adhère aujourd’hui à l’idéologie (trans)genriste et la promeut — en témoignent les décisions gouvernementales au Canada, aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni, en France et ailleurs. Elle est donc en mesure de réifier ses idées au travers de la législation. Mais là n’est pas le lieu d’établir une histoire de la fiction juridique.
« Femmellistes », donc, c’est l’avorton conceptuel d’une pensée acculée dans ses derniers retranchements, spoliée des mots qui lui permettait de nommer le réel, le matériel, et donc la réalité du corps que seule une dissociation d’origine psycho-traumatique (ou une idéologie prônant le dualisme méthaphysique) viendra effacer.
Le mot femme ne désigne rien d’autre que la femelle de l’espèce humaine. Femme est un sexe, non pas un ensemble de stéréotypes sexistes. Le genre est un ensemble de stéréotypes sexistes, et l’on parlera alors intelligiblement, mais non sans grincer des dents, de « genre féminin ». Cependant, il y a plusieurs décennies, des hommes atteints d’autogynéphilie (gays ou hétéros), autrefois appelés travestis, ont commencé à vouloir se réapproprier le terme « femme ». Cela s’est concrétisé récemment, grâce aux idéologues du (trans)genrisme et à leur acharnement. Aujourd’hui, pour beaucoup, le mot femme ne veut plus rien dire étant donné qu’il peut désigner tout le monde et n’importe qui. L’emploi, sur les réseaux sociaux, du terme femmellisme est une tentative de réponse à l’appropriation et la colonisation que le mouvement transactiviste — qui est, rappelons-le, un mouvement porté par des hommes misogynes[4][5] —, opère sur les femmes.
Voici ce que Mmes Stern et Moutot avaient à dire là-dessus : « Nous pensons que le mot femme doit continuer à représenter notre sexuation, c’est-à-dire le sexe femelle. Par esprit scientifique d’abord. Et aussi par respect pour toutes celles que l’on excise, que l’on viole, que l’on vend et que l’on prostitue sans leur demander leurs pronoms avant. Nous sommes toutes des femmes très différentes. Mais nous avons un point commun : notre sexe longtemps désigné comme faible, le sexe féminin. Nous refusons que le mot qui nous relie soit effacé au profit d’étiquettes qui nous divisent. Nous regrettons qu’une institution historique comme le Planning Familial fasse fi de l’universalisme sur lequel elle s’est construite. »
À ceci, rien n’a été répondu. L’on a préféré parler d’autre chose, recourir à l’argumentum ad hominem, à la calomnie et au discrédit par association.
La pire affabulation est gardée pour la fin. Les deux femmes sont mises au bûcher, avec une association lanceuse d’alerte de « parents, soignant·es, citoyen·nes concerné·es par l’explosion des transitions médicales rapides et irréversibles proposées à des enfants, et des transitions chirurgicales chez les adolescent·es et jeunes adultes », le tout saupoudré de Bolsanoro et de Trump. Pas un instant, Pauline Bock ne daigne discuter des idées et revendications transactivistes sur lesquelles Mmes Stern et Moutot ont attiré l’attention, ni de l’histoire du mouvement, de ses causes, de ses supporters. Aux États-Unis, le mouvement d’opposition au transactivisme ne se compose pas que de républicains : les parents désemparés, dont beaucoup sont progressistes (lire, à ce propos, le livre Dommages irréversibles d’Abigaïl Shrier), se tournent vers tous les représentants qui voudront bien les écouter.
Que disaient à ce propos Mmes Stern et Moutot ?
« Nous pensons que personne ne peut naître dans le mauvais corps. Nous comprenons néanmoins que certaines puissent se sentir mal dans le leur, et que c’est important de leur proposer un accompagnement psychologique plutôt qu’un traitement mutilant. Au Royaume-Uni, la plus grande “clinique du genre” (Tavistock) a été contrainte de fermer ses portes, car elle est poursuivie en justice par plusieurs centaines de familles qui estiment que ses médecins ont poussé leurs enfants mineurs à transitionner. C’est un véritable scandale sanitaire dont le Planning familial devrait prendre note. »
Quelle insupportable (trans)phobie ! Mais évidemment, ce passage a lui aussi été insidieusement ignoré.
Bien au contraire de ce qu’avance la tabloïdiste, parmi les républicains se trouvent, sans grande surprise, des conservateurs particulièrement homophobes qui, n’ayant rien à envier aux mœurs iraniennes, préfèrent voir des « filles trans » que des « garçons efféminés ». Si vous avez des doutes, voyez, dans l’épisode intitulé « Texas Strong » de la série Trans in America, comment cette fervente chrétienne texane se réconcilie avec l’homosexualité de son fils et avec dieu en le mutilant afin d’avoir une « fille ». Pour rappel, en Iran, où la transsexualité a été adoubée il y a déjà plusieurs décennies, depuis une fatwa de l’ayatollah Khomeiny, les homosexuels sont très fortement encouragés à « transitionner », et par très fortement encouragés, j’emploie évidemment un euphémisme.
Le transgenrisme est un genrisme : l’extrême droite n’en a que faire, au contraire, le (trans)genrisme s’aligne avec ses représentations conservatrices : il n’y a pas de lesbiennes, mais des hommes trans, il n’y a pas de gays, mais des femmes trans. Le (trans)genrisme n’a rien à voir avec le progressisme et l’abolition des rôles sociosexuels (désormais appelés « normes de genre ») et du sexisme qu’ils impliquent — le genre est une construction sociale hiérarchique plaçant les hommes au-dessus et les femmes en position de subordination. Au contraire, le (trans)genrisme renforce et se fonde sur le genre : il s’agit de passer d’un ensemble de stéréotypes (comportementaux, vestimentaires et cosmétiques) à un autre par le biais d’une « transition sociale et médicale ». Le transgenrisme existe parce que les stéréotypes sexistes (le genre) existent. Le transgenrisme existe parce que le genrisme est plus fort que jamais. Et le genrisme, c’est l’idéologie conservatrice des rôles sociosexuels. L’extrême droite et la droite aiment ça.
Pour finir, comme nombre de militantes, Pauline Bock ignore la signification de la notion d’essentialisme. L’essentialisme nous vient des essences. Les essences dans le ciel, les idées platoniciennes. Les ectoplasmes métaphysiques. Les stéréotypes. La réification de constructions sociales. La réification de stéréotypes sexistes. Le genre est essentialisme par définition. L’essentialisme, c’est de dire que si une personne (dotée d’un pénis et de testicules) aime porter des robes et se mettre du vernis à ongles, alors cette personne est une femme. L’essentialisme, c’est dire que puisque cette personne (dotée d’une anatomie de sexe féminin) a revêtu une armure et mené des combattants à la victoire, alors elle est un homme. La réalité, la vérité, c’est que la première personne est un homme qui aime porter des robes et se peindre les ongles. Techniquement, il pourrait même s’agir d’un homme transgressif des stéréotypes (mais en fait non, puis qu’il demande à être considéré comme un ensemble de stéréotypes sexiste, comme « une femme »). La réalité et la vérité, c’est que la seconde personne est une femme, qui avait tellement foi en elle qu’elle brava tout ce qu’il y avait à braver en termes de carcans et conventions sociales pour écouter sa voix. Affirmer qu’il s’agit d’un homme est profondément sexiste, on ne peut plus misogyne.
Enfin, l’essentialisme, c’est amasser une série de clichés mensongers pour fabriquer des femmes de paille, et procéder ensuite à l’exhibition moqueuse de l’ignoble caricature que l’on vient de fabriquer, sans avoir répondu une seule fois aux points soulevés par l’adversaire ni à une seule de ses questions.
J’arrête donc sur cette image.
Audrey A.
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Le fond du propos engage toutes les féministes critiques ou abolitionnistes du genre signataires de cette tribune. Toutefois, la forme et les mots choisis n’engagent que moi, ainsi que l’analyse concernant une partie des raisons qui font que des féministes telles que Dora Moutot ou Margueritte Stern peuvent discuter avec des idéologues misogynes.
Signataires :
L’Amazone Avignon
Rebelles du genre
Lise Bouvet, Ressources Féministes
WDI France – Noues femmes
Nurja, Oui, les femmes existent
L’Amazone Paris
- Sur Casasnovas, voir : https://www.youtube.com/watch?v=NXVlXpG5eyQ ↑
- Sur Matt Walsh, lire : https://www.partage-le.com/2022/06/10/quest-ce-quune-femme-ou-le-conservatisme-contre-le-transgenrisme-par-audrey-a-nicolas‑c/ ↑
- Ici : https://www.partage-le.com/2021/01/25/martine-rothblatt-un-des-peres-fondateurs-du-transgenrisme-et-fervent-transhumaniste-par-jennifer-bilek/ et ici : https://www.partage-le.com/2022/04/04/les-veuves-trans-la-technologie-et-la-destigmatisation-de-lautogynephilie-par-jennifer-bilek/ ↑
- https://www.partage-le.com/2018/11/16/les-principes-de-jogjakarta-une-menace-internationale-contre-les-droits-des-femmes-par-hannah-harrison/ ↑
- Illustration ici, entre autres : https://www.partage-le.com/2022/07/27/le-createur-du-drapeau-de-la-fierte-transgenre-etait-un-travesti-et-un-fetichiste-notoire-par-genevieve-gluck/ ↑
Source: Lire l'article complet de Le Partage