RIP, ‘Gorby’

RIP, ‘Gorby’

RIP, ‘Gorby

31 août 2022 (11H05) – On sait, ou bien on le devine, je n’ai le goût ni des commémorations, ni des cérémonies, ni des convenances. Les condoléances, les biographies pour saluer un mort, ces choses convenues ne sont pas de mon parti. Par conséquent, quand je prends la plume pour saluer un mort, c’est le signe que je lui trouve du mérite, et que je crois que sa vie et sa carrière sont à méditer, aussi bien pour l’histoire que pour notre temps. Gorbatchev entre parfaitement dans ce cadre.

J’ai vécu son aventure, comme journaliste et chroniqueur à Bruxelles, comme l’une des périodes les plus excitantes, sans doute la plus exaltée par rapport aux choses du possible de ma très longue carrière de plus d’un demi-siècle (55 ans exactement). A partir de 1985, il imposa un rythme étourdissant aux relations internationales, au point que tous les autres problèmes, notamment nos longues méditations intellectuelles caractérisant les milieux français de l’esprit, passèrent au second plan. Sa popularité mondiale (j’insiste sur cette ‘mondialisation’) fut extraordinaire, et dans tous les grands pays d’Occident il dépassait en popularité les grands chefs du cru. Il a terminé avec une retraite où il battit dans son propre pays tous les records d’impopularité. Ceci ne dépend pas de cela, et même justifierait cela.

RT.com, qui serait plutôt un réseau que les vrais nationalistes purs et durs de Russie regardent avec une certaine suspicion, titre à son propos ces mots que je lui connaissais pas, – qui marquent aussi bien la gloire et la malédiction du liquidateur de l’URSS :

« Si ce n’est moi, qui ? Et si ce n’est maintenant, quand ? »

C’est dire que ‘Gorby’, comme les yankees, bluffés par son abattage incroyable, l’avaient surnommé alors, est un personnage terriblement contrasté dans la perception qu’on en a. Aujourd’hui, nos crétins-Système le célèbrent pour pouvoir mieux descendre Poutine, – quand on est cons, on dit des conneries en escadrille, c’est normal. (S’ils pouvaient se rappeler, ceux-là, ce que les “ultras” de notre Système qui dézinguent Poutine aujourd’hui ont pu déverser de tombereaux de soupçons sur lui, sur ‘Gorby’ : “agent du KGB montant un piège pour l’Occident”, notamment.)… “Les vrais nationalistes purs et durs de Russie” le détestent et le traitent avec mépris, et je crois qu’en cela, si je peux les comprendre, je dois dire avec fermeté qu’ils n’ont pas raison. Ce qu'on peut lire dans le texte ci-dessous, qui rend compte d'une interview qui est à mon sens la meilleure de lui dans la presse américaniste-occidentaliste, parce que menée par un Stephen Cohen, – ce qu'on peut lire, c'est du Poutine dans le texte, – bref, c'est de l'esprit du Russe dans la présente situatioin.

On a énormément parlé de Gorbatchev sur ce site (on retrouve 165 entrées sur son nom), avec notamment l’idée de trouver un correspondant US pour liquider le monstre, un ‘American Gorbatchev’ (apparition de l’expression le 29 octobre 2008), ce qui montrait une bonne dose d’idéalisme et d’ingénuité dans mon chef, à propos d’Obama. J’ai pensé que le mieux alors, pour le saluer à l’heure de sa mort, était de déterrer un article où je ne trouverais rien à redire par rapport à ce que je pense de Gorbatchev aujourd’hui. C’est le cas notamment et parmi d’autres, – car je n’ai pas beaucoup varié dans mon jugement, – de ce texte du 2 novembre 2009, que je reprends avec comme seul changement sérieux la traduction de citations anglaises en français. Il est vrai que ce texte, pour le vingtième anniversaire de la chute du Mur, était menée par Stephen Cohen (avec sa femme Katrina vanden Heuvel, rédactrice en chef de ‘The Nation’), qui fut jusqu’à sa mort sans doute le meilleur observateur de la Russie chez les universitaires US.

J’y retrouve une idée centrale : Gorbatchev, comme « personnage maistrien », jugement dit et répété dans le texte. On y trouve cette explication qui me va comme un gant, aujourd’hui comme hier :

« Effectivement, Gorbatchev est de ces hommes qui, comme de Gaulle par exemple, ne lésinent pas sur les grands desseins tout en concédant aussitôt, voire simultanément, comme dans une seule pensée, et avec cette joie édifiante qui en dit long sur leur conscience des vanités terrestres, qu’en dernier ressort c’est l’Histoire, ou disons “la force des choses”, qui fixe le destin de leurs desseins. »

… J’aurais pu écrire déjà “métahistoire”, n’est-ce pas ? Dans tous les cas, pour montrer qu’effectivement, c’est “la force des choses”, ou “des forces qui nous dépassent”, qui décident de ce qui importe et de ce qui importe moins, quoiqu’en dise et veuille “l’instrument”, je crois depuis toujours que Gorbatchev eut tort de croire que son dessein d’une ‘perestroïka’ était l’essentiel. Comme je l’ai écrit si souvent, son véritable trait de génie fut l’autre idée qu’il appliqua, la ‘glasnost’, qui libéra la psychologie des gens, qui réalisa une véritable révolution mondiale.

Bon… Il faut bien le dire, n’est-ce pas : nous attendons, nous, notre ‘glasnost’…

PhG – Semper Phi

____________________

 

 

L’ombre de Gorbatchev sur notre temps

2 novembre 2009 — Puisque c’est le mois-anniversaire, allons-y. Jamais événement aussi sensationnel, aussi fécond d’illusions, déclencheur d’espoirs, moteur d’enthousiasmes, aura apporté autant de désillusions, de déceptions, de désespoirs que la chute du Mur de Berlin. Toute la responsabilité, absolument toute la responsabilité de cette triste désorientation d’un tel événement libérateur pèse de tout son poids sur l’Ouest, son américanisme, son occidentalisme, sa suffisance et son arrogance. L’Occident a transformé en une folie déstructurante ce qui était au départ un événement structurant parce qu’il détruisait le foyer de déstructuration qu’était l’univers communiste.

Il y a une excellente interview, dans The Nation du 16 novembre 2009, mise en ligne le 28 octobre 2009, du seul homme de la période qui mérite d’être retenu par l’Histoire comme particulièrement et singulièrement grand. Il s’agit de Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev, le seul à avoir deviné d’intuition, malgré certaines pressions de sa raison, ce qu’il faisait, ce qui se passait et ce qui allait advenir. L’un des deux intervieweurs, avec la rédactrice en chef de The Nation Katrina vanden Heuvel, est l’un des meilleurs spécialistes US de la Russie et sans doute le seul à bien comprendre le destin actuel de la Russie, le professeur Stephen F. Cohen. (L’interview a été réalisée à Moscou le 23 septembre dernier.)

Parmi les points intéressants de cette interview.

• Bien sûr, Gorbatchev met, fort justement à notre sens, l’accent sur les réformes qu’il avait entreprises dès 1985, dès son arrivée au pouvoir, et notamment par son attitude propre qui précipita une formidable transformation psychologique des gens en URSS. Comme toujours, nous sommes en désaccord sur l’importance première qu’il accorde à la perestroïka, et seconde à la glasnost. Nous nous en sommes déjà expliqué à plusieurs reprises.

• Pour Gorbatchev, tout était achevé en mars 1989, avec les premières élections libres en URSS. D’ores et déjà, il jugeait que le Mur de Berlin allait rapidement tomber, et le reste avec. Manifestement, il estimait que le rythme de l’Histoire était déjà en route, qui allait tout balayer, d’où ce rappel qu’il fait d’une conférence de presse conjointe avec Kohl sur la réunification de l’Allemagne…

« En juin 1989, j'ai rencontré le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl et nous avons ensuite tenu une conférence de presse. Les journalistes ont demandé si nous avions discuté de la question allemande. J'ai répondu : “L’histoire a donné naissance à ce problème, et l'histoire le résoudra. C'est mon opinion. Si vous demandez au chancelier Kohl, il vous dira que c'est un problème pour le XXIe siècle.” »

• Gorbatchev repousse farouchement l’idée que la fin de la Guerre froide intervint en décembre 1991, avec sa propre chute, la fin de l’URSS et l’arrivée d’Eltsine au pouvoir en Russie, thèse favorisée par les historiens occidentaux US, qui s’appuie implicitement sur l’idée que c’est l’effort d’armement US des années Reagan qui força cette issue. (Nous sommes en complet désaccord avec cette thèse qui ne sert qu’à justifier l’effort de production d’armement aux USA après la chute de l’URSS.) Gorbatchev estime que la Guerre froide se termina formellement à la rencontre qu’il eut avec le nouveau président US Bush-père à Malte en décembre 1989. Il estime au contraire de la thèse sur “la course aux armements” qu’à côté de la nécessité impérative de briser le système bureaucratique soviétique, existait la crainte mutuelle d’une guerre nucléaire, et que c’est l’action conjuguée des deux hommes de la période (Reagan et lui-même) qui résolut cette question. C’est l’exacte antithèse de la “victoire” de l’Ouest par la pression de la production des armements US. Un passage intéressant à cet égard, avec quelques révélations sur les confidences de deux dirigeants US, le futur président Bush-père et le secrétaire d’Etat George Schultz:

The Nation : « Donc la guerre froide s'est terminée en décembre 1989 ? »

Gorbatchev : « Je pense que oui.  »

The Nation : « Beaucoup de gens ne sont pas d'accord, y compris certains historiens américains.  »

Gorbatchev : « Que les historiens pensent ce qu'ils veulent. Mais sans ce que j’ai décrit, rien n'aurait résulté. Laissez-moi vous dire quelque chose. George Shultz, le secrétaire d'État de Reagan, est venu me voir il y a deux ou trois ans. Nous nous sommes longuement remémorés, – comme de vieux soldats se rappelant les batailles passées. J’ai beaucoup de respect pour Shultz, et je lui ai demandé : “Dites-moi, George, si Reagan n'avait pas été président, qui aurait pu jouer son rôle ?” Shultz a réfléchi un moment, puis a dit : “À cette époque, il n'y avait personne d'autre. La force de Reagan était qu'il avait consacré tout son premier mandat à construire l'Amérique, à se débarrasser de toutes les vacillations qui avaient été semées comme des graines. L'esprit de l'Amérique s'était ranimé. Mais pour prendre ces mesures de normalisation des relations avec l'Union soviétique et de réduction des armements nucléaires, – il n'y avait personne d'autre qui aurait pu le faire alors.”

» D'ailleurs, en 1987, après ma première visite aux États-Unis, le vice-président Bush m'a accompagné à l'aéroport, et m'a dit : “Reagan est un conservateur. Un conservateur extrême. Tous les imbéciles et les crétins sont pour lui, et quand il dit que quelque chose est nécessaire, ils lui font confiance. Mais si un démocrate avait proposé ce que Reagan a fait, avec vous, ils ne lui auraient pas fait confiance.”

» En vous disant cela, je veux simplement donner à Reagan le crédit qu'il mérite. J'ai trouvé très difficile de traiter avec lui. La première fois que nous nous sommes rencontrés, en 1985, après avoir discuté, mes collaborateurs m'ont demandé ce que je pensais de lui. “Un vrai dinosaure”, ai-je répondu. Et Reagan a dit de moi : “Gorbatchev est un bolchevik pur et dur !” »

The Nation : « Un dinosaure et un bolchevik ? »

Gorbatchev : « Et pourtant, ces deux personnes sont parvenues à des accords historiques, car certaines choses doivent être au-dessus des convictions idéologiques. Aussi difficile que cela ait été pour nous, aussi désaccordés que Reagan et moi l'ayons été à Genève en 1985, nous avons néanmoins écrit dans notre appel aux peuples du monde : “La guerre nucléaire est inadmissible, et dans celle-ci il ne peut y avoir de vainqueurs.”… »

• Plusieurs questions portaient sur les conséquences de la façon dont se terminèrent l’URSS et la carrière de Gorbatchev lui-même, avec son brutal remplacement par Eltsine, tout cela en connexion avec le débat sur la fin de la Guerre froide. De ce point de vue, l’ancien Premier secrétaire du PC de l’URSS montre à la fois une extrême lucidité et une certaine déception rentrée, mais, nous semble-t-il, sans jamais d’amertume. Pour lui, ces circonstances elles-mêmes, et le sentiment de triomphe de l’Occident, conduisirent à une situation catastrophique qui engendra tous les événements que nous avons connus depuis. Il dit cela un peu comme on affirme une évidence ou comme on enfonce ce qui lui paraît être une porte ouverte; ou comme on fait, en passant et sans trop y insister, la leçon à un adolescent instable.

« …Les temps travaillent à travers les gens dans l'histoire. Je vais vous dire autre chose qui est très important sur ce qui s'est passé par la suite dans votre pays. Lorsque les gens [aux USA] sont arrivés à la conclusion qu'ils avaient gagné la guerre froide, ils ont conclu qu'ils n'avaient pas besoin de changer. Qu'il fallait laisser les autres changer. Ce point de vue est erroné, et il a sapé ce que nous avions envisagé pour l'Europe, – une sécurité collective mutuelle pour tous et un nouvel ordre mondial. Tout cela a été perdu à cause de cette pensée confuse dans votre pays, et qui a rendu si difficile la collaboration. Le leadership mondial est maintenant compris comme signifiant que l'Amérique donne les ordres… »

Et, plus loin :

« En Eltsine, Washington s'est retrouvé avec un vassal qui pensait qu'en raison de son anticommunisme, il serait porté dans leurs bras. Des délégations sont venues en Russie les unes après les autres, y compris le président Bill Clinton, puis elles ont cessé de venir. Il s'est avéré que personne n'avait besoin d'Eltsine. Mais à cette époque, la moitié des industries russes étaient en ruine, voire 60 %. C'était un pays dont l'économie non compétitive était largement ouverte au marché mondial, et il est devenu servilement dépendant des importations.

» Combien de choses ont été affectées ! Tous nos plans pour une nouvelle Europe et une nouvelle architecture de sécurité mutuelle. Tout cela a disparu. Au lieu de cela, il a été proposé d'étendre la juridiction de l'OTAN au monde entier. Mais alors la Russie a commencé à revivre. La pluie de dollars provenant de la hausse des prix mondiaux du pétrole a ouvert de nouvelles possibilités. Les problèmes industriels et sociaux ont commencé à être résolus. Et la Russie a commencé à parler d'une voix ferme, ce qui a mis en colère les dirigeants occidentaux. Ils s'étaient habitués à ce que la Russie reste allongée. Ils pensaient qu'ils pouvaient lui arracher les jambes quand ils le voulaient. »

Gorbatchev et la marche de l’Histoire

C’est l’une des interviews les plus intéressantes qu’ait donnée Gorbatchev, sur cette période cruciale, que nous allons célébrer sans doute aux plus mauvais des motifs, avec notre absence caractéristique de sens de l’Histoire, avec notre tendance universelle aujourd’hui à réécrire l’histoire d’hier pour mieux justifier nos engagements et nos choix d’aujourd’hui. On nomme cela “mémoire”, pour brouiller les pistes.

Cette commémoration du 9 novembre 1989 (chute du Mur) à laquelle nous nous préparons avec nos torrents de mélasse humanitaristes et démocratiques rendra un son bien obscène, ou bien extrêmement paradoxal. La chute du Mur et celle de l’URSS, telles que nous les avons interprétées et exploitées, si elles nous procurèrent un moment factice de triomphe, mirent en marche une implacable mécanique qui a conduit à notre actuelle crise catastrophique. La fin de l’URSS interprétée comme elle le fut, par le triomphe absolu de l’Occident américaniste et de son système libéral et capitaliste adoré, montra très vite que le roi restant en place était nu, et, vraiment, fort peu ragoûtant à regarder. Au triomphe de l’effondrement du Mur de Berlin correspond, exactement vingt ans après, comme l’image d’un miroir ricanant, la dévastation d’une planète et d’une civilisation par le système triomphant de 1989. Vingt ans pour nous montrer cela, ce n’est pas attendre trop longtemps en termes de longueur historique. L’Histoire ne s’est pas fait prier.

Sont-ce le fatalisme slave et le sens russe du tragique ? Dans cette interview, Gorbatchev apparaît, à côté de l’image classique de l’homme d’Etat (il mérite ce titre) formidablement volontariste qu’il fut, mais qui fut constamment contrarié dans ses desseins par rapport à ce qu’il espérait, comme un personnage particulièrement maistrien. Il ne cesse de répéter qu’il faut laisser faire et parler l’Histoire, après que certains détonateurs, certains événements, certains acteurs (lui-même, certes, parmi d’autres), aient déclenché l’impulsion initiale ou, plutôt, l’accident initial. (“Accident” plutôt qu’“impulsion” puisque, souvent, cet acte initial conduit à des situations si différentes de celles qu’on avait envisagées et imaginées.)

Personnage maistrien, dans ce cas, mais pas vraiment mécontent de l’être s’il en a conscience. C’est certainement là l’un des traits les plus remarquables, les plus superbes de Gorbatchev. Le contraste entre l’énergie formidable, le volontarisme qui furent les siens lorsqu’il fut à son poste de Premier secrétaire du Parti, fonction infâme qu’il réussit en quelques petites années à rendre noble, et cette acceptation des grandes forces de l’Histoire, fait croire, en effet, à une conscience d’être un personnage maistrien; à côté de cela, dans les mots et dans l’humeur, on découvre chez lui une propension à se satisfaire de cet assemblage apparemment si paradoxal, d’une façon roborative, presque joyeuse. Cette attitude mise en regard de notre arrogance satisfaite pour l’empilement de catastrophes qui caractérise nos actions, de nos récitations “par cœur” de nos principes humanitaires, quel contraste édifiant. Effectivement, Gorbatchev est de ces hommes qui, comme de Gaulle par exemple, ne lésinent pas sur les grands desseins tout en concédant aussitôt, voire simultanément, comme dans une seule pensée, et avec cette joie édifiante qui en dit long sur leur conscience des vanités terrestres, qu’en dernier ressort c’est l’Histoire, ou disons “la force des choses”, qui fixe le destin de leurs desseins.

Ce que fait également apparaître cette interview d’une façon éclatante, c’est la vastitude des projets que Gorbatchev entretenait pour “après” (après le communisme, après l’URSS), si l’“aventurier” imbibé d’alcool, le “vassal de l’Amérique” qui mettait cinq avant des bâtons dans les roues de Gorbatchev pour stopper ses réformes au nom de l’orthodoxie de la nomenklatura du système communiste, – si Eltsine ne lui avait pas été jeté dans les pattes à nouveau, pour le bloquer net, cette fois pour répondre aux consignes du système de l’américanisme. (Eltsine, entre deux muflées carabinées dans les rues de New York ou de Chicago, avait su, au cours de voyages aux USA dans la période intermédiaire, s’assurer à propos des soutiens qu’il fallait pour usurper la position de Gorbatchev.)

Gorbatchev avait des idées de réforme fondamentale du système international, de la sécurité de l’Europe, etc. Mais peut-être est-ce là que parle l’Histoire. S’il était resté en place et s’il avait eu quelque réussite, n’aurait-il pas, indirectement au moins, prolongé le système occidentaliste en lui permettant de s’installer dans un équilibre acceptable? Au lieu de quoi, son élimination mit à nu (“le roi est nu”), sans le moindre doute, sans le moindre recoin d’ombre, ce qu’est et ce que vaut ce système américaniste et occidentaliste. Le paradoxe est en effet que la mise à l’encan obscène de la Russie par les bandes ultra-libérales venues de l’Ouest durant les années-Eltsine fut un des éléments qui contribuèrent à lancer le système de l’américanisme dans les excès qui conduisent à la chute finale. C’est une mise à jour qui, finalement, bien qu’elle soit passé par l’injustice ainsi faite à l’encontre de Gorbatchev et les malheurs épouvantables imposés à la Russie, ne souffrait pas d’attendre, tant l’imposture méritait effectivement d’être exposée pour ce qu’elle est. On en tirera la conclusion que l’Histoire a supplanté Gorbatchev, selon l’ordre et “la force des choses”, après qu’il ait accompli l’essentiel pour quoi il était appelé.

En ce sens, on dira que Gorbatchev, par sa carrière volontaire et par sa destinée involontaire, fut non seulement le destructeur du système communiste, mais le deus ex machina complètement involontaire qui contribua décisivement à mettre en pleine lumière le degré de décadence, de perversité et d’instinct de mort auquel est arrivée en vérité notre civilisation. Après tout, on comprend qu’il n’ait jamais cédé à l’amertume; être à ce point l’instrument de l’ironie grandiose de l’Histoire vous rachète et vous soulage de vingt, de cent Eltsine s’il le faut…

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You