Ukrisis sur le fil du terrorisme

Ukrisis sur le fil du terrorisme

Ukrisis sur le fil du terrorisme

• L’assassinat de la fille d’Alexandre Douguine est-elle un tournant décisif dans la crise-Ukrisis ou bien plus simplement un épisode particulièrement tragique ? • La question se pose en même temps qu’il apparaît assez clairement que l’Ukraine abandonne ses prétentions de guerre conventionnelle pour des actes de “terrorisme”, dont fait partie l’attentat contre Dina Douguine. • Encore faut-il savoir de quel “terrorisme” l’on parle : celui qu’on fait avec des howitzers et des lance-fusées de 155mm et plus demande quelques explications. • Aux fous de nous les donner.

L’horrible assassinat de Dyna Dougina (Dina Douguine) restera-t-il ou pas comme un tournant symbolique d’Ukrisis ? Il est important de le savoir, nous qui vivons au rythme des symboles puisque la Vérité est devenue insaisissable, – sauf pour ceux qui saisissent une vérité-de-situation, – est que la réalité est transformée en tragédie-bouffe, comme spectacle permanent de notre haute civilisation respirant au rythme de l’affectivisme. Certains en jugent pourtant dans ce sens, et ils peuvent être cités malgré qu’ils soient classéscomme source exotique et complotiste, quand l’on voit par comparaison avec ce que valent nos “sources sérieuses” !

« En réponse à l’action du régime socialiste ukrainien soutenu par les néo-colonialistes occidentaux, qui a assassiné la jeune fille russe Daria Douguine, le conseiller principal du Kremlin, Petr Akopov, dans sa lettre ouverte“Comment allons-nous réagir au meurtre de Daria Douguine”, a noté qu’une nouvelle ère mondiale a commencé le 24 février avec le lancement de “l'opération spéciale de dénazification” pour libérer l'Ukraine, mais que l’on devrait désormais l’appeler “l’ère de Daria”. »

… Alors que les sources “sérieuses”, elles, ont été si promptes à dégainer pour nous informer que l’attentat n’était rien d’autre qu’un ‘faux-drapeau’ machiné par Poutine pour relancer une guerre d’Ukraine où les puissantes et incessantes offensives de Kiev menacent de transformer la déroute des Russes en désastre eschatologique (“sarcasmes”, comme disent ceux qui doutent du sens de la dérision du lecteur).

“Source sérieuse” ? By Jove, le ‘Daily Telegraph’ s’impose, lui démontrant qu’on peut être vertueux et complotiste à la fois ; que c’est même recommandé et recommandable… Cela donne cette chose, sans traduction nécessaire (uniquement le titre/sous-titre, le reste étant payant, et nous-mêmes sans aucun goût de lire les fientes diverses de cette sorte de déchet, de monsieur James Kilner : on appréciera, tout de même et tonnerre de Brest, le ‘most likely’ tout en finesse…) 

« Russia blames Kyiv for killing daughter of ‘Putin’s Rasputin’, but the truth may be closer to home

 » Car bomb attack in Moscow most likely to be a false flag attack to whip up public support and escalate war against Ukraine »

On a lu hierquelques extraits de l’article de Pépé Escobar sur l’assassinat de la fille de Douguine. Sa conclusion doit être ici rappelée parce qu’elle résume bien l’une des recommandations lancées à Poutine après cet événement de si haute portée symbolique :

« Dougine propose que le statu quo actuel autour de l'opération Z ne puisse pas durer plus de six mois. Il ne fait aucun doute que “les plaques tectoniques ont bougé”. Darya Dougine est partie voler comme un aigle dans les cieux d’un autre monde. La question est de savoir si sa tragédie deviendra le catalyseur qui propulsera l'ambiguïté stratégique de Poutine à un tout autre niveau. »

Escobar estime que, d’une certaine façon, Poutine n’a pas vraiment le choix parce que cet attentat, qui suivent d’autres actes terroristes (en Crimée notamment), indique que la Russie est menacée désormais d’une nouvelle forme de guerre par l’Ukraine, battue sur le terrain de la guerre conventionnelle.

 « En revanche, ne rien faire, c'est accepter une invasion terroriste imminente et de facto de la Fédération de Russie : la tragédie de Darya Dougine aux stéroïdes.

» Dans son avant-dernier message sur Telegram, Douguine a une fois de plus défini les enjeux. Voici les points essentiels à retenir.

» Il appelle les dirigeants russes à des transformations “structurelles, idéologiques, personnelles, institutionnelles et stratégiques”.

» S'appuyant sur les preuves – de la multiplication des attaques contre la Crimée aux tentatives de provoquer une catastrophe nucléaire à Zaporozhye – il conclut à juste titre que la sphère de l'OTAN a “décidé de tenir en face jusqu'au bout. On peut les comprendre : La Russie a réellement (et ce n'est pas de la propagande) défié l'Occident en tant que civilisation”. »

Cette analyse est, depuis quelques jours, largement partagée. On la retrouve dans un textede ‘Southfront.org’, décrivant l’évolution de la situation selon les mêmes lignes du passage de la guerre conventionnelle en Ukraine à une guerre de terrorisme menée par l’Ukraine qui constate de plus en plus qu’elle n’a aucune chance sur ce terrain de la guerre conventionnelle.

« Puisque la contre-offensive fièrement annoncée de l'armée ukrainienne dans le sud n'a pas eu lieu, et que de plus en plus de territoires du pays passent sous le contrôle des forces russes, le régime de Kiev, qui a un besoin vital de déclarer des victoires, est passé à une stratégie terroriste d'opérations militaires.

» Perdant sur les lignes de front, l'armée ukrainienne est occupée à mener des attaques terroristes contre les Russes en RPD, RPL ainsi que sur les territoires russes. L'armée ukrainienne a déjà bombardé des civils à Donetsk avec des mines PFM-1. Ils poursuivent leurs attaques contre la centrale nucléaire de Zaporozhskaya et la centrale de Kakhovskaya, menaçant le monde de catastrophes écologiques. Les saboteurs ukrainiens tentent d'attaquer des installations militaires et civiles en Crimée et dans d'autres régions russes. […]

» Le régime de Kiev ne s'arrête pas et poursuit les attaques contre les responsables pro-russes dans les territoires sous contrôle russe.

» Le 20 août, le maire de Marioupol a survécu à une tentative d'assassinat. Début août, une autre tentative d'assassinat a visé le chef adjoint de l'administration des services communaux de Novokakhovskaya.

» Le 20 août, l'explosion d'une voiture a tué Darya Dugina. La jeune femme travaillait comme commentatrice politique et figurait sur les listes de sanctions occidentales. Elle était la fille du célèbre philosophe et politologue russe Alexandre Douguine. Fondateur du néo-eurasianisme, il est devenu l'un des penseurs les plus influents de Russie. »

On retrouvait déjà ce constat, avant l’assassinat de Daria Douguine, par exemple dans un article du ‘Saker-US, qui observait ce passage à l’action terroriste mais estimait que rien de fondamentalement nouveau ne pouvait/ne devrait être entrepris. Ce constat était largement minoré dans ses effets, par l’affirmation que ces actions terroristes étaient surtout réalisées pour leurs effets de relations publiques et ne changeraient rien sur le terrain, dans la zone des opérations en Ukraine. Par conséquent, il s’agit de tenir en répondant aux attaques selon ce qu’elles seront :

« C’est un problème majeur pour la Russie et, pire encore, c’est un problème qui ne disparaîtra pas de sitôt.

» La seule chose que les Russes peuvent faire est 1) de se préparer à de très longues opérations de contre-espionnage et de contre-sabotage qui dureront plusieurs années et 2) d’accepter la réalité de la guerre pour ce qu’elle est et de ne pas paniquer la prochaine fois que les Ukronazis feront exploser quelque chose, que ce soit un navire, un train, un avion, un pont ou toute autre cible en LDNR ou en Russie. »

L’attentat de samedi soir n’a certainement rien changé à cette analyse, d’autant que le ‘Saker-US’, comme Martianov, a semble projeter leur peu d’estime éprouvée pour Douguine pour évaluer l’importance de l’attaque, c’est-à-dire refusant en bonne partie son aspect symbolique tel qu’on l’a vu plus haut. La chose peut être effectivement considérée dans cet esprit mais on objectera que cette façon d’écarter l’effet symbolique constitue, pour le regard extérieur, un signe de faiblesse et une perception imparfaite de la mesure de l’événement. Les critiques de Douguine n’en sortent pas grandis.

Quoi qu’il en soit, on observe que l’analyse ne peut pour l’instant pencher d’une façon évidente d’un côté ou de l’autre, – considérer l’aspect symbolique ou l’abandonner et admettre que Daria Douguine n’est qu’une victime de plus du terrorisme et nullement un symbole. Du côté de la direction russe il semble bien qu’on ne veuille nullement “enterrer” l’affaire, qui progresse rapidementavec l’identification de l’auteur[e] (puisqu’il s’agirait d’une femme venue du régiment Azov) et le traçage de son opération avant et après l’attentat, tandis que Poutine lui a donné une certaine importancepar des condoléances publiques et l’attribution à titre posthume de l’“Ordre du Courage” à la fille de Douguine.

Il y a terrorisme et terrorisme…

Cette réflexion autour de la guerre conventionnelles en Ukraine se muant en une “offensive terroriste” contre les territoires ukrainiens tenus par l’armée russe et la Russie (dont la Crimée) est extrêmement problématique. Elle tourne autour de la définition du terrorisme et de la façon dont on l’envisage dans le cas de l’Ukraine.

Normalement, le terrorisme se développe dans des territoires occupés dans lesquels se constituent des réseaux à partir de la population elle-même (avec des aides extérieures ou pas) soumise à une contrainte, ce qui implique un soutien implicite de la population ou d’une partie importante d’elle. Selon la formule maoïste du “révolutionnaire”, le terroriste doit être, d’une certaine façon, “comme un poisson dans l’eau” sur le territoire où il opère, s’il veut réussir.

Si ce n’est pas le cas, si c’est un “terrorisme” opéré sur un territoire dont la population est majoritairement en principe opposée à l’idéologie ou aux propositions politiques que défendent les terroristes, ou bien totalement indifférente et assez mal disposée, il s’agit d’opérations tenant plus d’actions de commandos, ou “quelque chose d’extérieur” qui cherche à exercer une “frappe” (y compris une frappe “de terreur”), aveuglément ou pas, contre des cibles identifiées ou contre une population civile dans un but politique qui n’est en général guère apprécié par cette population. C’est beaucoup plus le cas dans la situation présente, même si les Ukrainiens peuvent trouver des complicités éparses là où ils interviennent, – et ce seront toujours des complicités clandestines et dissimulées, c’est-à-dire des auxiliaires, temporaires ou pas, de la “frappe venue de l’extérieur”.

On distingue d’autant plus ce caractère spécifique du “terrorisme” dont on parle avec ce qui s’est passé jusqu’ici, et qui est désigné comme “terrorisme”. Il s’agit essentiellement :

• de frappes d’artillerie, plus ou moins guidées, vers les territoires des républicains du Donbass ;

• de frappes diverses, mais avec une bonne part de drones et de missiles, contre la Crimée ;

• de frappes diverses sur la bordure russe de la frontière, plus ou moins ciblées, etc.

• l’attentat contre Daria Douguine est une opération spécifique, extrêmement technique et ciblée, et donc une “frappe venue de l’extérieur”, théoriquement sans nécessité du moindre relais intérieur actif.

Jusqu’à nouvel ordre et selon la possibilité, – qui nous semble assez réduite, – que les formes d’attaque de cette forme changent complètement, les Ukrainiens ont besoin d’un appui technique et d’armements extrêmement puissants (drones, artillerie lourde, missiles), c’est-à-dire qu’ils ont besoin de la poursuite de l’aide affichée des Occidentaux ; c’est-à-dire, de l’aide affichée des USA…

(L’aide des Européens est en train de se réduire drastiquement, traduisant un malaise grandissant en Europe, avec la confrontation à des situations économiques très dures pour les mois qui viennent, dues essentiellement aux relations catastrophiques avec la Russie, – que ces mêmes Européens auraient tendance à chercher à éventuellement améliorer, – en commençant par un soutien très ralentie à l’Ukraine en guerre.)

Cela signifie que le “terrorisme” ukrainien constitue une affaire complexe, dépendant de l’aide des USA, et surtout d’une aide en armements lourds (type HAMARS). Nous parlons d’une aide de cette sorte parce que les USA, – la communication US, la communication du DeepState, l’industrie d’armement, le Congrès, le Pentagone, – veulent une aide “visible”, “tonitruante,”, permettant de clamer haut et fort l’“engagement” US tout en faisant des gracieusetés à leurs industries, et dont le but final reste bel et bien l’engagement victorieux sur le terrain, pour épuiser l’armée russe, voire puisqu’on y est, pour “vaincre la Russie”, – et peut-être bien défiler à Moscou avec les boys(et les drapeaux LGTBQ+), – nom de Dieu « On Our Side » !

Pour cette raison, la remarque du ‘Saker-US’ concernant la tâche des Russes (« de très longues opérations de contre-espionnage et de contre-sabotage qui dureront plusieurs années ») nous semble irréaliste en raison des échéances, des fébrilités psychologiques et maniaques, des faiblesses structurelles, des évolutions politiques internes des deux  acolytes USA et Ukraine. Ainsi est-il bien possible que la stratégie de Poutine telle que certains l’apprécient, – faire durer un conflit contenu et un “terrorisme” (?) plus ou moins contrôlé, pendant que l’hégémonie US s’effrite et s’effondre, pour aboutir à la multipolarité tant attendue, – ne puisse se réaliser face à ses adversaires. Non pas qu’il (Poutine) puisse être décisivement menacé par eux et que son projet de multipolarité soit compromis, mais parce que les remous du côté des USA et de l’Ukraine pourraient bien obliger à une autre stratégie, plus tranchée, plus affirmée, – celle que recommande Pépé : « [propulser]l’ambiguïté stratégique de Poutine à un tout autre niveau ».

Notre idée générale est bien que Poutine et la Russie ne pourront s’en sortir d’une façon disons “atténuée”, sans trop de chambard (bien que le terrorisme en fasse à sa façon, mais ce n’est jamais un chambard décisif…). Avec les fous en jeu, celui du Zelenskistan et ceux de “D.C.-la-folle”, il faudra un quelque chose d’éclatant et de très voyant, quelque chose dans le genre du feu d’artifice, avec bouquet final.

 

Mis en ligne le 23 août 2022 à 19H05

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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