Les Ukrainiens ont trouvé un moyen pratique de fuir vers la Russie

Les Ukrainiens ont trouvé un moyen pratique de fuir vers la Russie

Merci Marianne qui dans ses traductions arrive comme ici à nous faire comprendre ce qui se joue réellement entre l’Ukraine et la Russie. Nous sommes loin des bulletins de triomphe de part et d’autre, c’est la « Storia », ce beau bouquin d’Elsa Morante dont les protagonistes sont des petites gens vivant au jour le jour dans la guerre géostratégique et développant leur propre logique celle de la survie. Les tactiques y compris proclamées aboutissent à des comportements inattendus comme ici avec cette route de l’exode non vers l’Europe pour laquelle il faut plus de moyens financiers mais vers la Russie dont on parle la langue et qui est moins loin du peu que l’on possède. Danielle Bleitrach

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par Nikolaï Storozhenko.

Les médias occidentaux s’étonnent : les Ukrainiens fuient en masse vers les territoires libérés du régime de Kiev par l’armée russe, les régions de Zaporojié et de Kherson. Ironiquement, il existe une route officielle pour cela. Comment est mis en place le système que l’on peut appeler la « barrière de Zaporojié », et pourquoi son existence même est une preuve de la justesse et de l’efficacité de l’Opération spéciale ?

« Les Ukrainiens retournent dans les territoires occupés » – la nouvelle portant ce titre est publiée par Euronews. Et démontre ainsi soit une incompréhension totale de la situation en Ukraine et spécifiquement dans la région de Zaporojié, soit la volonté de cacher le véritable état des choses. Non, bien sûr, il y a aussi des Ukrainiens qui sont dans ce cas : ils sont partis pour la durée des hostilités et reviennent maintenant. Cependant, beaucoup de ceux qui sont partis temporairement sont revenus depuis longtemps. Et aujourd’hui, ceux qui franchissent la barrière de Zaporojié en convoi ne sont pas du tout des gens qui rentrent chez eux.

En groupe, en ligue, en procession

Les départs vers les territoires non contrôlés par l’Ukraine ont commencé au printemps et n’ont pas été réglementés dans un premier temps. Cependant, au début du mois de juin, une nouvelle procédure a été établie pour quitter Zaporojié vers le sud.

Le mouvement se déroule en colonnes. Des convois sont formés dans la zone du marché automobile de Zaporojié. Habituellement, il y a trois ou quatre convois de 50 voitures par jour. Seuls les citoyens ukrainiens sont autorisés à partir. Avant le départ, vous devez remplir et envoyer à l’administration militaire régionale de Zaporojié une demande de départ, et surtout, vous devez recevoir la confirmation de l’enregistrement de la demande et la « permission » de départ. Ensuite, vous pouvez vous rendre au marché de l’automobile et chercher un transporteur (si vous n’avez pas votre propre moyen de transport).

Officiellement, la plupart des voyageurs rentrent chez eux, vont vérifier la sécurité de leurs maisons/possessions, rendre visite à leurs proches ou les emmener en Ukraine. Dans la plupart des cas, il s’agit simplement d’alibis pour les postes de contrôle ukrainiens (qui font l’objet de multiples plaisanteries). En réalité, la « barrière » de Zaporojié est un moyen relativement facile et peu coûteux pour toute personne ayant des raisons de quitter l’Ukraine.

Qui sont ces gens ? Tout d’abord, ceux qui fuient la mobilisation. Le prix officieux de la sortie par la frontière occidentale ou vers la Moldavie pour les hommes de la catégorie « 18-60 » est absolument exorbitant : 5 mille dollars et plus. Et même pour cet argent, personne ne garantit rien. En conséquence, les commissaires militaires ont augmenté les taux. Un certificat d’exemption du service militaire coûtera 1 à 2 mille dollars.

Mais vous ne pouvez de toute façon pas quitter le pays avec un tel certificat ; son propriétaire sera immédiatement démasqué à la frontière. Et une « exemption » plus fiable, avec un rapport du médecin, vaut déjà 10 000.

Il est moins cher de passer par Zaporojié pour aller à Kherson et de là en Crimée. Ensuite vers l’UE via la Géorgie (un chemin plus court, mais les médias font peur avec les files d’attente à la frontière) ou via les pays baltes. Ou bien on peut rester en Russie, selon ce qui nous tient le plus à cœur.

Un exemple typique est une histoire publiée en juin sur Pikabu : « J’ai 26 ans, astreint au service militaire, deux jours avant mon départ j’ai reçu une convocation à ma porte », peut-on lire dans une courte introduction. Vient ensuite la description fascinante d’un voyage à Kherson, puis en Crimée, ainsi que des tentatives de retrait à distance d’argent sur des cartes bancaires ukrainiennes.

Ensuite, il y a ceux qui fuient l’Ukraine tout simplement. Ceux-là, bien sûr, fuient aussi souvent une éventuelle mobilisation, mais dans l’ensemble, la motivation est plus large. Ce sont des gens pour qui l’opération militaire russe a finalement ouvert les yeux sur les perspectives de l’Ukraine. Et ils se rendent en Russie en passant par Kherson et la Crimée, bien que le détenteur d’un passeport ukrainien puisse aujourd’hui se rendre dans l’UE en tant que réfugié sans trop de problèmes.

Mais cette absence de problème est illusoire. La masse de ces réfugiés sera tôt ou tard invitée à quitter l’UE, et tous ne parviendront pas à s’y implanter. Alors où retournent-ils ? En Ukraine, qui a choisi la méthode lente et douloureuse du suicide ?

– Faut-il dire aller « à l’Ukraine » ou « en Ukraine » ?

– Le plus correct est de dire : [sortir] d’Ukraine.

La vieille anecdote a soudainement pris de nouvelles couleurs.

Une barrière qui profite à tous

D’ailleurs, les Ukrainiens eux-mêmes réfutent la version d’Euronews. Depuis la fin du printemps, ils annoncent une contre-offensive des forces armées ukrainiennes dans le sud. En conséquence, certains habitants des régions de Kherson et de Zaporojié se déplacent précisément dans la direction opposée, ne souhaitant pas se retrouver à nouveau dans la zone de guerre. Début mai déjà, selon la partie ukrainienne, un habitant sur deux avait quitté Kherson. En juin, l’Administration de Zaporojié a enregistré 8000 personnes supplémentaires qui ont quitté les territoires des régions de Kherson et de Zaporojié non contrôlées par l’Ukraine.

Certains l’ont regretté plus tard : « Maudit soit le jour où j’ai décidé de quitter Kherson pour Nikolaiev ! Je me cache parmi mes proches. Il n’y a rien pour nourrir mes enfants. Je ne trouve pas de travail. Parce que j’ai l’âge de la conscription. Je ne veux pas faire la guerre, car cette guerre n’est pas la nôtre. J’ai déjà reçu deux convocations du bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire. J’ai déjà dû quitter ma deuxième cache. Je vois rarement mes enfants et ma femme aussi », se plaint l’un des hommes qui sont partis. Le retour coûte 8000 dollars, dit-il.

Mais il s’agit probablement de tarifs locaux, c’est pourquoi de nombreuses personnes préfèrent passer par la « barrière » de Zaporozhye. Les transporteurs demandent environ 300-400 dollars à ceux qui sont prêts à faire le voyage. Non seulement c’est nettement moins cher, mais c’est aussi parfaitement légal. Et même le nouvel réglement, en vigueur depuis juin, n’a en rien limité le flux d’émigrants. Au contraire, même les données du côté ukrainien montrent que le nombre de départs n’a fait qu’augmenter.

Au début du mois de juillet, on craignait que la « barrière » ne soit fermée, du moins pour les hommes. À l’époque, les autorités ont informé les Ukrainiens en âge d’être appelés sous les drapeaux de la nécessité d’obtenir l’autorisation des bureaux d’enrôlement militaire pour quitter la région de sa résidence principale. Cependant, à en juger par les discussions dans les chats thématiques du réseau Télégram, personne ne refuse les hommes âgés de 18 à 60 ans et ne distribue de convocations aux points de contrôle (du moins pas en masse). Tout au plus, ils avertissent de la nécessité de revenir après le délai spécifié dans la demande de sortie et de la responsabilité en cas de non-retour.

L’une des raisons de cette soudaine loyauté envers les gens qui veulent partir (au moment où l’on assiste à des raids de recruteurs sur les plages et dans les supermarchés) est probablement que les transporteurs facturent 400 dollars par tête de pipe pour une bonne raison.

Ce prix comprend le passage des points de contrôle : chaque voiture ou minibus Sprinter laisse un montant convenu au point de contrôle. Tout le monde est heureux, tout le monde en profite : 150 à 200 voitures passent, chacun se remplit les poches. S’ils commencent à distribuer des contraventions aux points de contrôle, le flux de circulation sera instantanément réduit, et avec lui les profits de tous les participants au système.

Quant à Euronews… Nous soupçonnons que même expliqué comme ça, la situation les laisse perplexes. Comment peuvent-ils retourner dans les territoires « occupés » ? ! Les « occupants » y sévissent ! C’est pourquoi, lorsque vous vous efforcez de trouver des récits de ceux qui ont traversé la « barrière » de Zaporojié, en règle générale, vous tombez sur des récits et des interviews de ceux qui ont traversé cette voie en sens inverse : depuis Kherson, Melitopol, Energodar. Et il n’y a pas d’histoires de ceux qui quittent l’Ukraine, du moins pas dans les médias traditionnels. Il faut les chercher dans les discussions Telegram (« Corridor vert »), demander à des amis et connaissances de les raconter. Toutes ces histoires sont assez typiques, mais personne ne se souvient d’un flot de personnes rentrant chez elles depuis les oblasts de Zaporojié et de Kherson.

Incidemment, il serait utile que les administrations civilo-militaires des régions libérées d’Ukraine puissent clarifier cette situation. Y compris pour les médias occidentaux. Combien de citoyens ukrainiens sont passés par la « barrière », combien ont fait le voyage de retour, combien ont demandé (et obtenu) l’asile temporaire, combien d’entre eux font l’objet d’une mobilisation. Sur la base de ces chiffres, il est possible de faire une présentation aussi vivante des résultats de l’Opération spéciale que celle d’un rapport sur les objectifs « calibrés » [frappés par des Kalibr, NdT] en Ukraine. Et surtout, c’est compréhensible et proche de tous : voilà des gens, ils sont si nombreux, ils viennent à nous – parce que la vérité et la justice sont de notre côté.

source : VZGLYAD

traduction Marianne Dunlop pour Histoire et Société
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Source : Lire l'article complet par Réseau International

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À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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