Quo Vadis?

Quo Vadis?

À une question relative à la possibilité d’un éventuel processus de négociation en vue de mettre un terme aux combats en Ukraine, lequel même en cas d’aboutissement à une solution médiane pour tous les belligérants, ne mettra pas fin au conflit en Europe orientale et encore moins à la guerre mondiale hybride en cours, voici notre réponse :

1. Tout processus de négociation ne pourra être entamé que si les États-Unis acceptent une telle éventualité, laquelle est pour le moment totalement contraire aux objectifs de leur nouvelle stratégie en Europe. Les autorités de Kiev ne sont pas libres et encore moins souveraines pour pouvoir prétendre avoir la moindre participation dans un processus de prise de décision aussi important.

2. Il ne peut y avoir de retour au statu quo ante bellum, c’est-à-dire à la situation prévalant en Ukraine avant le 24 février 2022. Cela veut dire que Kiev ou ses soutiens occidentaux devront admettre des concessions territoriales importantes. En plus de la Crimée, un cinquième (1/5) du territoire ukrainien d’avant le 24 février 2022 est sous contrôle russe ou pro-russe et cette situation semble irréversible à court et moyen termes.

3. Les hostilités en Europe orientale démontrent une nouvelle fois la capacité des États et des populations de l’espace post-soviétique à accepter de lourdes pertes humaines en situation de conflit, contrairement aux pays et populations de l’espace occidental où a été élaboré le concept médiatique de zéro mort lors des opérations militaires à l’étranger. Or, le conflit en Ukraine est particulièrement meurtrier et rappelle, de par cet aspect, les combats sanglants des deux dernières guerres mondiales. La formule selon laquelle il faut se battre contre la Russie “jusqu’au dernier Ukrainien” bute sur des considérations démographiques défavorables affectant aussi bien l’Ukraine que la Russie ou tout autre pays de l’espace eurasiatique. Loin des prévisions pessimistes des années 70 évoquant la bombe démographique, le monde de l’an 2022 fait face aux effets d’une dépopulation. Les effets de ce phénomène est visible dans l’extrême difficulté de mobiliser des combattants dans cette guerre. Un officiel ukrainien a affirmé la mobilisation d’un million de personnes mais dans les faits, beaucoup de jeunes fuient le pays par tous les moyens possibles en dépit de la promulgation d’un cadre législatif portant mobilisation générale et forcée.

4. Le conflit est en phase de montée en gamme, exacerbé par des livraisons massives d’armes et de fonds destinées à faire perdurer au maximum la durée de la guerre avec pour objectif premier l’affaiblissement de la Russie et non une éventuelle victoire ukrainienne. Ce conflit est donc perçu à la fois comme un piège bourbier et une guerre d’usure dans laquelle la Russie sera suffisamment affaiblie pour entamer une autre phase relevant de la guerre mondiale hybride. Une phase préparant l’aboutissement de ce que certains analystes ont désigné comme le piège de Thucydide. Ce concept tente de décrire une situation internationale dans laquelle une puissance dominante entre en guerre avec une puissance “révisionniste” ou émergente du fait de sa montée en puissance et dans ce cas précis c’est la Chine qui est ciblée.

4. Tout indique que la guerre en Ukraine est non seulement endémique mais va durer assez longtemps pour devenir un fait banal dans le flux informationnel. La situation sur le terrain importe peu Washington car le véritable enjeu n’est pas l’Ukraine mais le drainage des ressources russes en vue d’une autre phase prévoyant l’affaiblissement définitif de l’Eurasie ou de la puissance continentale au profit de la puissance océanique transfigurée par l’essaimage de bases militaires sur les quatre continent. Cet affaiblissement inclut par anticipation la suppression de toute velléité de puissance européenne future et la garantie de son maintien sous tutelle politique, économique et énergétique. Reste à savoir si le conflit sera assez maîtrisé pour éviter le seuil au delà duquel il ne sera plus possible d’éviter l’usage d’armes nucléaires tactiques, ce qui constituera un point de non retour vers l’inconnu.

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À propos de l'auteur Strategika 51

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