Oui, c’est atroce, et à la campagne tout le monde bouffe des pesticides. Un soir de juin, l’année dernière, chez mes parents à la campagne, alors que j’étais dans le parc, j’ai eu soudainement un goût désagréable sur la langue… Leur maison est dans les bois, à plusieurs centaines de mètres des premiers champs… mais j’ai compris que j’avais le goût des pesticides pulvérisés dans les champs sur la langue… le vent avait porté les gouttelettes et je les bouffais comme au cul du tracteur… Evidement, il y a trente ans, dans mon enfance, les sous-bois étaient pleins de grillons, d’araignées, de mille-pattes, de scarabées, et quand on arrivait en voiture de nuit, le pare-brise était couvert d’insectes… Aujourd’hui, on peut remuer les feuilles mortes, il n’y a plus rien. Mort de chez mort. Tout ce qu’il reste, c’est des bouffées ponctuelles, des invasions de chenilles de papillons de nuit, de punaises ou de hannetons, une seule espèce qui explose et disparaît l’année suivante… comme des sortes de tentatives désespérées… Et du côté des arbres, ça a été la même chose il y a une dizaine d’années : des pollinisations délirantes, comme pour compenser la disparition des insectes, et puis finalement rien, comme si les arbres avaient baissé les bras… Mais ces explosions de pollens et d’espèces uniques d’insectes, à tour de rôle, ça a vraiment été comme une ultime coup de collier avant la fin… une sorte de compensation de chacun, mais dans le déséquilibre, sans trouver la contrepartie, dans le vide… On a vraiment vu l’agonie de la nature, les dernières tentatives de respirer, d’inspirer encore une bouffée d’air, dans l’effort et la lutte…
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