Drag-queens, misogynie et sexualisation des enfants (par Audrey A. et Nicolas C.)

Drag-queens, misogynie et sexualisation des enfants (par Audrey A. et Nicolas C.)

Dans la vidéo ci-des­sous, Kit­ty Demure, drag-queen pro­fes­sion­nel, rap­pelle aux parents qui emmènent leurs enfants assis­ter à des spec­tacles de drags, aux res­pon­sables qui mettent en place des pro­grammes de « lec­ture aux enfants » par les drags dans les biblio­thèques publiques et aux drag-queens eux-mêmes, trans­sexuels ou non, que la per­for­mance des drag-queens est intrin­sè­que­ment sexuelle. Qu’il s’agit d’une per­for­mance hyper­sexua­li­sée des­ti­née à un public adulte. D’un diver­tis­se­ment pour adultes. Qu’il est par­fai­te­ment incom­pré­hen­sible que des parents exposent des enfants à la vision d’attributs sexuels hyper­tro­phiés mis en scène dans des cho­ré­gra­phies obs­cènes. Qu’il lui est incom­pré­hen­sible que les exé­cu­tants eux-mêmes ne soient pas mal à l’aise à l’idée de tor­tiller du cul et d’agiter leurs nichons (vrais-faux ou faux) devant des enfants.

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Ce mou­ve­ment est un mou­ve­ment d’hommes adultes, gays ou hété­ro­sexuels, auto­gy­né­philes extrêmes ou légers, au cœur duquel se trouve l’objectification et l’hypersexualisation des femmes par des hommes.

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Kit­ty Demure dénonce aus­si à juste titre le fait que les jeunes enfants ne sont pas en mesure de com­prendre que les per­son­nages gro­tesques qui se tré­moussent devant eux ne sont pas des femmes, et que les jeunes enfants assi­milent donc les femmes à ce que montrent les drags dans leurs per­for­mances. Qu’ils assi­milent les femmes au fait d’écarter les cuisses et d’être maquillé comme un camion volé.

L’un des pre­miers — sinon le pre­mier — maga­zines consa­crés aux drag-queens, aux États-Unis, s’intitulait Female Mimics, soit « Imi­ta­tions de femmes », et avait pour sous-titre « Les meilleurs imi­ta­teurs de femmes au monde » (« imper­so­na­tors » en anglais). Dans les pre­mières pages du pre­mier numé­ro, paru en 1963, on apprend qu’un « imi­ta­teur de femmes » est « un homme qui s’ha­bille avec les vête­ments du sexe oppo­sé et qui, grâce à son ima­gi­na­tion, et aidé par les vête­ments, est capable de se trans­for­mer, comme par magie, en une femme ».

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Le troi­sième numé­ro de Female Mimics (1963) :

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Un numé­ro plus récent (1997) de Female Mimics Inter­na­tio­nal :

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Un des der­niers numé­ros du maga­zine Drag (paru en 1980) [ATTENTION : por­no­gra­phie, nudité] :

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Tou­jours dans le pre­mier numé­ro de Female Mimics, suite à la défi­ni­tion de l’i­mi­ta­teur de femmes s’ensuivent, afin de ratio­na­li­ser, de défendre et de jus­ti­fier cette pra­tique, des exemples d’hommes illustres qui aimaient appa­rem­ment à « s’habiller en femmes », et qui « pre­naient un grand plai­sir à les repré­sen­ter », comme Jules César, Néron ou Louis XIV. Le maga­zine explique en outre que : « Les “imi­ta­teurs de femmes” pro­fes­sion­nels sont deve­nus popu­laires en Amé­rique à la fin des années 1800. La plu­part des pre­miers spec­tacles de ménes­trels com­pre­naient un numé­ro avec un imi­ta­teur de femme dans un sketch comique. À l’é­poque du vau­de­ville, de nom­breux artistes sont deve­nus célèbres pour leurs imi­ta­tions amu­santes de femmes. »

Dans les pages sui­vantes, on nous pré­sente « Bam­bi », un drag-queen[1] (ou tra­ves­ti) pari­sien, tra­vaillant au caba­ret Le Car­rou­sel. « Bam­bi use de deux arti­fices qui ajoutent à la cré­di­bi­li­té de son numé­ro : il évite la per­ruque et a lais­sé pous­ser ses propres che­veux à une lon­gueur de femme [SIC] ; il a sui­vi un trai­te­ment hor­mo­nal pour que sa poi­trine prenne les doux contours de la fémi­ni­té. Artiste de talent, Bam­bi chante, danse, et sait imi­ter les actrices fran­çaises célèbres… »

Mais il y a plus : « Contrai­re­ment aux imi­ta­teurs amé­ri­cains, Bam­bi ne se débar­rasse pas de son appa­rence de femme en dehors de la scène. À la mai­son, il cui­sine, coud, tient la mai­son comme n’im­porte quelle jeune fille de car­rière. [SIC] »

Les hommes qui éditent ce maga­zine emploient de manière par­fai­te­ment indif­fé­ren­ciée les termes « femme », « femelle », « fille » ou « fémi­ni­té ». Ils ne font aucune dif­fé­rence entre les « femelles adultes de l’espèce humaine » et les sté­réo­types sexistes de leur culture, c’est-à-dire, les rôles socio­sexuels impo­sés aux femmes, c’est-à-dire aux femelles humaines, ain­si que tous les attri­buts com­por­te­men­taux et ves­ti­men­taires de la subor­di­na­tion : sou­mis­sion, pas­si­vi­té, dou­ceur, salope en cha­leur, vête­ments incon­for­tables et contrai­gnant, sexua­li­sa­tion de l’apparence, objec­ti­fi­ca­tion et por­ni­fi­ca­tion du corps via des posi­tions contor­sion­nées et manié­rées, attrac­tion « natu­relle » pour la cui­sine, le ménage et la vais­selle. Pour eux, être femme c’est cor­res­pondre à ces sté­réo­types. La femme n’est rien d’autre que l’ensemble des repré­sen­ta­tions sté­réo­ty­piques et des rôles socio­sexuels conçut par les hommes et qu’on appelle la féminité.

Et comme le fait remar­quer Kit­ty Demure, les drag-queens qui tiennent abso­lu­ment à se don­ner en repré­sen­ta­tion devant les enfants font pas­ser leur com­mu­nau­té pour des pédophiles.

Le drag-queen a dès le départ consis­té et consiste par défi­ni­tion en l’objectification extrême des femmes par des membres de la classe sexuelle domi­nante dans la phal­lo­cra­tie. Jus­te­ment parce qu’il s’agit d’hommes, ceux-ci ont très vite pu légi­ti­mer leurs pra­tiques assi­mi­lées à l’homosexualité, et que le grand public asso­ciait éga­le­ment à l’homosexualité. Le drag-queen, c’est la moque­rie ultime de l’oppression des femmes, c’est la sexua­li­sa­tion d’un état de subor­di­na­tion injuste dans une socié­té de domi­na­tion. C’est un loi­sir, une per­for­mance d’excitation libi­di­neuse d’oppresseur. C’est l’érotisation ou la féti­chi­sa­tion de l’oppression des femmes, dans le sens où c’est l’érotisation ou la féti­chi­sa­tion des rôles socio­sexuels, des sté­réo­types com­por­te­ments et ves­ti­men­taires qui sont assi­gnés aux femmes.

Comme l’a écrit la phi­lo­sophe et fémi­niste Mari­lyn Frye dans sa col­lec­tion d’essais inti­tu­lée The Poli­tics of Rea­li­ty (Poli­tique de la réalité) :

« Par­mi les choses qui laissent accroire au monde hété­ro que les homo­sexuels ne sont pas vrai­ment des hommes, on retrouve l’ef­fé­mi­na­tion de cer­tains homo­sexuels et la pra­tique gay de l’i­mi­ta­tion des femmes qui, dans l’es­prit popu­laire, sont asso­ciés à l’ho­mo­sexua­li­té mas­cu­line. Mais d’a­près moi, l’ef­fé­mi­na­tion des homo­sexuels et le fait qu’ils portent des vête­ments fémi­nins ne témoignent pas d’un amour pour les femmes ou la fémi­ni­té. La plu­part du temps, cette fémi­ni­té est affec­tée et se carac­té­rise par une exa­gé­ra­tion théâ­trale. Il s’a­git d’une moque­rie désin­volte et cynique des femmes, les­quelles sont oppri­mées par la fémi­ni­té, mais aus­si d’une sorte de jeu, de jeu avec ce qui est tabou. Il s’agit d’une per­ver­si­té à laquelle se livrent, je pense, davan­tage ceux qui croient en leur immu­ni­té à la conta­mi­na­tion que ceux qui ont des doutes ou des craintes. […] La repré­sen­ta­tion de la fémi­ni­té par les hommes homo­sexuels me semble être une sorte de sport sérieux dans lequel les hommes peuvent exer­cer leur pou­voir et leur contrôle sur le fémi­nin, tout comme dans d’autres sports on exerce un pou­voir phy­sique et un contrôle sur des élé­ments de l’u­ni­vers phy­sique. Cer­tains homo­sexuels par­viennent, en effet, à une maî­trise pro­di­gieuse de la fémi­ni­té, et ils sont sou­vent trai­tés par les ini­tiés avec le res­pect dû aux héros. Mais la maî­trise du fémi­nin n’est pas fémi­nine. Elle est mas­cu­line. Il ne s’agit pas d’une mani­fes­ta­tion d’a­mour des femmes, mais de haine des femmes. Quel­qu’un qui pos­sède une telle maî­trise peut avoir la toute pre­mière pré­ten­tion à la virilité. »

Les pages des tout pre­miers maga­zines de tra­ves­tis et de drag-queens ne sont qu’érotisme, sexua­li­sa­tion et gros­sière exci­ta­tion libi­di­nale. Les hommes rédi­geaient très pro­ba­ble­ment en état d’érection : les études de Ray Blan­chard sur le sujet montrent que la simple écoute d’un pro­pos stu­pide, n’ayant en lui-même rien d’é­ro­tique, sauf pour un auto­gy­né­phile — tel que : « Vous enfi­lez vos bas et pro­cé­dez à vous mettre du rouge à lèvres… » — suf­fit à pro­vo­quer une érec­tion chez ses patients, même chez ceux qui niaient être auto­gy­né­philes (cer­tains admet­taient être atteints de cette condi­tion médi­cale, d’autres se mon­traient plus résis­tants). L’autogynéphilie, chez cer­tains, exige un état d’excitation constante, à la manière d’une dépen­dance sévère. L’homme auto­gy­né­phile extrême aime­rait pou­voir pas­ser sa vie en érection.

En tout drag-queen, il y a un homme auto­gy­né­phile, que son exci­ta­tion soit faible ou extrême. Il est regret­table d’exposer des enfants à l’excitation sexuelle d’hommes qui objec­ti­fient et por­ni­fient les femmes, que ce soit en spec­tacle dans des bars ou dans un cadre plus ins­ti­tu­tion­nel (biblio­thèque).

Audrey A. & Nico­las C.


  1. Oui, l’usage vou­drait qu’on écrive « une » drag-queen, mais il nous semble plus appro­prié d’écrire « un » drag-queen.

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À propos de l'auteur Le Partage

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