L’organisation Reclaim Finance (ce qui, en français, signifie « se réapproprier la finance », un nom qui dit tout), créée par Lucie Pinson, se présente comme « au croisement de l’ONG et du think tank. Nous mettons notre expertise au service des autorités publiques et des acteurs financiers désireux de transformer les pratiques existantes de manière à les soumettre aux impératifs écologiques. Mais il y a urgence, et les petits pas ne suffisent pas. Cela nous oblige en tant qu’ONG à mener des campagnes qui identifient les responsables de la crise climatique et les acteurs financiers derrière les bonnes et mauvaises pratiques. »
Une bonne finance est possible, une vraie finance verte est possible — c’est-à-dire un vrai et bon capitalisme vert — avec de bons acteurs financiers. Il faut juste écrémer les mauvais, ou les amener à changer, à cesser d’investir dans l’exploitation des énergies fossiles. Car tout ce qui pose problème, avec le capitalisme industriel, avec la civilisation industrielle, c’est son recours aux énergies fossiles. Bon sang, mais c’est bien sûr. Et comment Reclaim Finance est-elle financée ?
« Nos principaux financements proviennent de dons individuels et de fondations privées, dont celles listées ci-dessous, pour des projets que nous construisons et décidons de mener. »
Impossible de trouver un détail de leur financement, mais en voici un aperçu, établi d’après ce qu’ils daignent dévoiler sur leur site web :
Toujours sur le site de Reclaim Finance, on lit : « Reclaim Finance est une organisation indépendante de tout parti politique, toute entreprise ou organisation religieuse. […] Reclaim Finance ne reçoit aucune contribution de la part des acteurs financiers. »
Il faut un certain culot pour écrire ça. La fondation Zegar est celle du milliardaire Charles Zegar, un des cofondateurs de la méga-entreprise Bloomberg ; la KR Foundation est liée à la richissime famille danoise des Rasmussen, parmi lesquels Anders Gangsted-Rasmussen, qui investit notamment dans le développement des énergies dites renouvelables (ou vertes, ou propres, ou décarbonées, etc.), de même que feu Jens Rasmussen (Eurowind Energy) ; la Fondation Laudes appartient à la richissime famille Brenninkmeijer, dont la fortune est liée à l’industrie du vêtement (qui possède notamment la marque C&A), et qui compte parmi ses membres Marcel Brenninkmeijer, le fondateur de Good Energies Inc., « une société de capital-investissement spécialisée dans les investissements dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique » ; la fondation Oak appartient au milliardaire britannique (installé en Suisse) Alan Parker, ayant fait fortune, entre autres, dans le luxe et les hautes technologies. Etc.
Comme l’explique le politologue Edouard Morena dans un texte traduit en français sous le titre « Les philanthropes aiment-ils la planète ? », « une poignée de riches fondations privées […] dominent le paysage de la philanthropie climatique ». Par exemple, en 2012, on estimait :
« que les dépenses combinées des fondations Oak, Hewlett, Packard, Sea Change, Rockefeller et Energy – qui font toutes partie de ce groupe – représentaient environ 70 % des quelque 350 à 450 millions de dollars philanthropiques alloués annuellement à l’atténuation du changement climatique. Ces “big players” partagent des caractéristiques communes. Conformément à la tradition libérale, ils se considèrent comme des agents neutres agissant dans l’intérêt général, et ils présentent le changement climatique comme un “problème résoluble” nécessitant des solutions pragmatiques, non idéologiques, bipartisanes et scientifiquement fondées. Or, un examen plus approfondi montre que leurs priorités de financement et leurs approches en matière de philanthropie reflètent une vision du monde et une conviction singulières et imprégnées d’idéologie, à savoir que les logiques de marché et la poursuite de l’intérêt personnel sont à même de sauver le climat. Pour la plupart de ces grands bailleurs de fonds du climat, la défense de l’environnement et l’ordre économique libéral sont non seulement compatibles mais se renforcent mutuellement. Derrière leur vernis altruiste et pragmatique se cache une volonté réelle de résoudre la crise climatique tout en perpétuant l’ordre économique dominant – ordre que de nombreux observateurs tiennent pour responsable de l’aggravation de la crise climatique. »
La plupart des ONG qui constituent le paysage écologiste, ou plutôt le « mouvement climat », en France (et ailleurs), dépendent de l’argent du philanthrocapitalisme. Ceci explique cela. Le capitalisme, les capitalistes, ne sont malheureusement pas suicidaires (enfin si, mais à un autre niveau). Ils n’ont aucune raison ni aucune envie de financer des mouvements ou des groupes anticapitalistes. Non, les groupes et mouvements qu’ils financent ne font qu’exiger une sorte de réforme du capitalisme, se contentent d’en appeler à la décarbonation du capitalisme (et aussi à la sobriété, certes, ce qui est aussi sympathique que ridicule dès lors qu’on encourage la perpétuation du capitalisme industriel).
Autrement dit, ce « mouvement climat » (ces ONG prétendument écologistes), financé, plus ou moins directement, par l’argent d’ultra-riches capitalistes, n’est en réalité qu’une sorte de lobby dont l’objectif consiste à promouvoir la disparition d’un secteur du capitalisme industriel — celui de l’exploitation ou de la production d’énergies fossiles — tout en promouvant le développement d’autres secteurs du capitalisme industriel — ceux de la production d’énergies dites vertes, propres, renouvelables ou décarbonées et des technologies dites vertes (mais qui ne sont rien de tout ça en vérité).
Ce qui explique pourquoi Lucie Pinson et son organisation sont régulièrement promues dans les médias de masse, et pourquoi Lucie Pinson se voit même offrir la possibilité d’écrire des tribunes dans Le Monde, etc.
Lucie Pinson et ses collègues ne sont pas des « Amis de la Terre », mais des traîtres du mouvement écologiste (en tout cas du mouvement qui mériterait de s’appeler « écologiste »), des vendus qui participent à la perpétuation de la catastrophe.
Nicolas Casaux
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