Technopolice : l’escroquerie du citoyennisme numérique (par Tomjo et Marius Blouin)

Technopolice : l’escroquerie du citoyennisme numérique (par Tomjo et Marius Blouin)

Un texte que nous repro­dui­sons depuis le site de PMO, ini­tia­le­ment publié à cette adresse : https://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1712. De la même manière qu’il n’existe pas de bonne ver­sion de l’État (avec de bons diri­geants, etc.), il n’existe pas de bonne socié­té tech­no­lo­gique, de bon usage des tech­no­lo­gies modernes. Les pro­blèmes qu’elles posent leur sont intrin­sèques, ils ne relèvent pas d’une mau­vaise manière de les pro­duire, d’une mau­vaise manière de les uti­li­ser, etc., mais de ce qu’impliquent par défaut leur pro­duc­tion, leur usage, etc. Les indi­vi­dus et les asso­cia­tions qui tentent de faire accroire le contraire sont les idiots utiles de leur impo­si­tion. & quoi qu’ils en disent, ils par­ti­cipent à la per­pé­tua­tion du désastre tech­no-indus­triel en cours. Au pas­sage, on sou­li­gne­ra, en plus de ce que rap­pellent déjà Tom­jo et Marius Blouin dans ce texte, que La Qua­dra­ture du Net est sou­te­nue (finan­cée ?) par l’E­lec­tro­nic Fron­tier Foun­da­tion (EFF), basée à San Fran­cis­co, créée par trois hommes dont le pré­sident fon­da­teur de la Mozilla Foun­da­tion, qui est éga­le­ment l’in­ves­tis­seur his­to­rique de l’or­ga­ni­sa­tion Lin­den Research (à l’o­ri­gine de la créa­tion du monde vir­tuel Second Life). Sachant que l’EFF est elle-même finan­cée par d’autres richis­simes fon­da­tions (dont la Sili­con Val­ley Com­mu­ni­ty Foun­da­tion, le Craig­slist Cha­ri­table Fund, la Flo­ra Fami­ly Foun­da­tion, liée à la célèbre marque d’in­for­ma­tique HP, et d’autres). La Qua­dra­ture est éga­le­ment sou­te­nue (finan­cée ?) par la Free Soft­ware Foun­da­tion créée par le célèbre mili­tant du logi­ciel libre Richard Stall­man ; Free Soft­ware Foun­da­tion qui béné­fi­cie elle-même, entre autres et quelque peu para­doxa­le­ment, du sou­tien ins­ti­tu­tion­nel d’A­li­ba­ba Group, Bloom­berg et Google.


Technopolice : L’escroquerie du citoyennisme numérique

La Qua­dra­ture du net (QDN), asso­cia­tion « pour un Inter­net libre, décen­tra­li­sé et éman­ci­pa­teur » (ten­dance « RGPD »), était à Calais le 21 juin, Rou­baix le 22 et Lille le 24, avec sa « Cara­vane de la Tech­no­po­lice », afin d’alerter les citoyens sur les tech­no­lo­gies de sur­veillance de masse dans l’espace public, et de lan­cer contre celles-ci une plainte col­lec­tive : « Par­tout sur le ter­ri­toire fran­çais, la Smart City révèle son vrai visage : celui d’une mise sous sur­veillance totale de l’espace urbain à des fins policières. »

Ladite « Qua­dra­ture » — pour­tant un wor­king space d’ingénieurs, de juristes et d’experts — révèle ain­si qu’elle ne sait, ni ce qu’est la police ; ni ce qu’est la tech­no­po­lice. Mais qu’attendre de gens qui ne voient même pas l’ineptie du jeu de mots qui leur sert d’enseigne. La « qua­dra­ture du cercle » qu’ils essaient de détour­ner par humour machi­nal étant le type même du pro­blème irrésoluble.

Quoi que pré­tendent la QDN et ses experts, l’« Inter­net libre » et le « numé­rique inclu­sif » ne seront jamais qu’un oxy­more et un pléo­nasme. Exa­men d’une escro­que­rie en asso­cia­tion citoyenne.

Toutes sortes d’associations, de think tanks et d’ONG, gre­nouillent dans le mari­got de « l’informatisation citoyenne », cha­cune dans sa spé­cia­li­té : le cyber­mi­ni­ma­lisme pour le Droit à la décon­nexion (col­lec­tif « Lève les yeux ») ; le numé­rique inclu­sif et bien­veillant envers les seniors, les migrants ou les femmes (We tech care, Femmes@numérique, secré­ta­riat d’État au numé­rique) ; le numé­rique social contre « l’illectronisme » (Emmaüs Connect, Le Coup de main numé­rique) ; la green tech (Shift Pro­ject, Ademe, Usbek & Rika)[1].

Selon la QDN, la smart city ne serait en fait qu’une safe city, aux effets, certes funestes, mais limités :

« Ren­for­ce­ment des formes de dis­cri­mi­na­tion et de ségré­ga­tion, musel­le­ment des mou­ve­ments sociaux et dépo­li­ti­sa­tion de l’espace public, auto­ma­ti­sa­tion de la police et du déni de jus­tice, déshu­ma­ni­sa­tion tou­jours plus pous­sée des rap­ports sociaux[2]. »

En rédui­sant le sens du mot « tech­no­po­lice » au seul main­tien de l’ordre public par des moyens tech­no­lo­giques (QR code, camé­ras, recon­nais­sance faciale, etc.), la QDN réduit éga­le­ment la cri­tique des tech­no­lo­gies à la seule cri­tique du sécu­ri­taire. Son objec­tif étant de trier le bon grain numé­rique de l’ivraie des­po­tique, et de nous vendre un « Inter­net libre ».

Or la police n’est pas d’abord « la force publique », mais « le gou­ver­ne­ment » (en grec « pilo­tage » au moyen du « gou­ver­nail », du « gou­ver­neur », etc.), « l’organisation ration­nelle de l’ordre public », de la cité (polis), ou de cer­taines de ses acti­vi­tés (les jeux, les mœurs, les mar­chés, etc.). L’organisation de l’ordre public n’est pas le main­tien de l’ordre public, qui mobi­lise par­fois la force publique – par exemple les archers scythes à Athènes, des esclaves d’État en charge de la police urbaine – mais l’agencement de ses organes au sein de l’organisme col­lec­tif (la cité), sui­vant leurs fonc­tions, leurs capa­ci­tés, et leurs évolutions.

Et ain­si la tech­no­po­lice n’est pas le fli­cage des citoyens par des moyens tech­no­lo­giques, mais l’organisation tech­no­lo­gique de la cité.

La technopolice c’est la smart city

La police, en fran­çais, nous arrive du latin poli­tia qui désigne l’organisation poli­tique, le gou­ver­ne­ment. Par­fois sous la forme poli­tie, pour dési­gner la bonne admi­nis­tra­tion publique. La police des popu­la­tions. On ne parle de gens de police qu’au XVIII° siècle pour nom­mer les forces de l’ordre, habillés plus tard en bleu et dotés de « véhi­cules de police ».

Orga­ni­sa­tion ration­nelle, admi­nis­trée, de la socié­té, la police dis­pose d’une arme qui n’est ni le lan­ceur LBD ni la camé­ra de sur­veillance, mais la sta­tis­tique, du latin sta­tis­ti­cus, qui est « rela­tif à l’État » (state en anglais).

« Le mot a d’abord dési­gné, sui­vant le Dic­tion­naire his­to­rique de la langue fran­çaise, l’étude métho­dique des faits sociaux qui défi­nissent un État, par des pro­cé­dés numé­riques : dénom­bre­ments, inven­taires chif­frés, recen­se­ments, etc. »

Vau­ban est l’instigateur en France du recen­se­ment moderne de la popu­la­tion, qu’il comp­ta­bi­lise « tête par tête », et non plus par « feux » (foyers, mai­sons). Ses deux pre­miers recen­se­ments « par tête » sont orga­ni­sés à Valen­ciennes et Douai en 1676 et 1682 : sexe, âge, pro­fes­sion, reve­nus sont ain­si col­lec­tés. L’administrateur Col­bert sait trop bien que « la gran­deur des rois consiste dans le nombre de leurs sujets[3] ». Et le recen­se­ment sert leur puis­sance[4].

La sta­tis­tique est numé­rique (qui se rap­porte aux nombres) puisqu’elle trans­forme la réa­li­té en don­nées chif­frées, pour trai­te­ment chif­fré. Le capi­ta­lisme et l’État modernes sont donc eux aus­si numé­riques. Et le numé­rique est par défi­ni­tion inclu­sif : pour les besoins de l’impôt, de la direc­tion des res­sources humaines, des armées, des stocks de mar­chan­dises, et désor­mais de l’écologie, bref pour les besoins de tout ce que l’État entend gou­ver­ner et le capi­ta­lisme valo­ri­ser, tout est voué à entrer dans la grande tabu­la­trice, alias ordi­na­teur numé­rique, afin de mettre de l’ordre dans les nombres. L’ordinateur, c’est la police.

La « tech­no­po­lice » n’est donc pas née de la vidéo-sur­veillance intel­li­gente, avec sa détec­tion auto­ma­ti­sée des com­por­te­ments frau­du­leux et la recon­nais­sance faciale, à des fins de main­tien de l’ordre. Elle ne sert pas d’abord des hommes en bleu, des brutes para­noïaques. La safe city n’est qu’un aspect mineur de la smart city, qui est un pro­jet cyber­né­tique de pilo­tage glo­bal, de la mai­son jusqu’à la pla­nète. Là-des­sus, La QDN ne dit rien.

La SNCF par exemple, uti­lise déjà la vidéo­sur­veillance « intel­li­gente » sur ses quais pour inter­ve­nir plus vite en cas d’accident, et elle tra­vaille avec la CNIL pour rendre ses don­nées ano­nymes. La « tech­no­po­lice » lui per­met certes d’automatiser le tra­vail des forces de l’ordre, mais aus­si tout le tra­vail de tous ses agents :

« Une ana­lyse pous­sée d’images per­met­tra de repé­rer les com­po­sants défec­tueux des pièces répa­rables du maté­riel, ou bien les équi­pe­ments dans le train comme l’ordinateur de bord, ou l’écran. SNCF uti­lise déjà les images prises par une camé­ra embar­quée sur le train pour ana­ly­ser les défauts de voies ferrées. »

Aus­si, « cette tech­no­lo­gie pour­ra réa­li­ser une recon­nais­sance de la signa­li­sa­tion laté­rale, dans le cadre du train auto­nome[5]. »

L’« usine du futur », ou « usine 4.0 », se déve­loppe aujourd’hui comme moyen de com­pé­ti­ti­vi­té. Tel ministre de l’Industrie la mobi­lise comme argu­ment de relo­ca­li­sa­tion de l’industrie, au motif que les robots, cap­teurs, et vidéos « intel­li­gentes » seraient com­pé­ti­tifs face aux ouvriers chi­nois. Auto­ma­ti­ser les pro­cess, et sup­pri­mer l’humain des postes de tra­vail, serait aus­si une ques­tion de salu­bri­té en cas d’épidémie. Nul des­sein de basse police.

Libre comme un poisson dans le filet

La QDN est l’alter-Commission natio­nale de l’Informatique et des Liber­tés – une CNIL citoyenne si l’on veut. Elle défend depuis ses débuts en 2008 les « bons » usages des « outils » numé­riques contre les « dérives » sécu­ri­taires. Ses quatre membres fon­da­teurs sont ingé­nieurs infor­ma­ti­ciens. Par­mi eux, Jéré­mie Zim­mer­man, avoue avoir « pleu­ré » à l’arrivée de Naps­ter, le réseau d’échange de fichiers de musique, en 1999.

Libé­ra­tion le pré­sente en 2014 comme un com­bat­tant des « droits et liber­tés citoyennes sur Inter­net[6] ». Selon lui, les États et les « GAFAM » auraient « retour­né la machine contre nous » et œuvré à un « mons­trueux dévoie­ment » d’Internet. Comme si Inter­net et l’informatique n’étaient pas issus des labo­ra­toires mili­taires, soit pour simu­ler des explo­sions ato­miques à Los Ala­mos, soit pour cal­cu­ler les tra­jec­toires de mis­siles, soit pour chif­frer ou déchif­frer des missives.

Face à la sur­veillance des télé­com­mu­ni­ca­tions, Zim­mer­man pro­pose l’apprentissage par tou­té­tousses des rudi­ments du cryp­tage GPG et des logi­ciels libres, « indis­pen­sable pour pou­voir se libé­rer. […] Pour faire com­prendre ça, est-ce que l’on pas­se­ra par l’éducation natio­nale ou une édu­ca­tion popu­laire comme celle des hackers­paces ou des cryp­to­par­ties[7] ? »

En tout cas la popu­la­tion a besoin de s’upda­ter, de deve­nir hacker. C’est-à-dire, sui­vant notre citoyen infor­ma­ti­cien, que pour résis­ter à L’informatisation de la socié­té, telle que la sou­te­nait le rap­port Nora-Minc « au Pré­sident de la Répu­blique », en 1977, nous devons tou­té­tousses nous faire infor­ma­ti­ciens. C’est smart, non ?

Zim­mer­man venait de publier un livre d’entretien avec Julian Assange, Menace sur nos liber­tés[8]. On y lit une vibrante défense des logi­ciels peer-to-peer, des logi­ciels libres, ain­si que du Bit­coin, « une excel­lente idée ». Inter­net pro­met­tait une révo­lu­tion, par la libre cir­cu­la­tion des infor­ma­tions, mais, hélas, la cen­sure et l’appropriation capi­ta­liste du web l’auraient retour­né. La naï­ve­té des années 1960 était encore à l’œuvre dans les années 2010.

Le Monde nous expose le 7 juillet 2018 le mode d’action de La QDN :

« Une veille juri­dique ser­rée sur tous les textes en pré­pa­ra­tion sus­cep­tibles de por­ter atteinte aux liber­tés des uti­li­sa­teurs d’Internet, un tra­vail d’alerte auprès de l’opinion publique et un lobbying. »

Et puis une vaste « action conten­tieuse » (une dizaine de plaintes et de recours par an). La dépu­tée (LRM) des Fran­çais de l’étranger Pau­la For­te­za lui recon­naît alors « une vraie exper­tise sur les sujets ». Ce qui est un com­pli­ment de sa part, mais non de la nôtre.

La cri­tique au nom de l’expertise ou de la contre-exper­tise, c’est la ruse de la tech­no­cra­tie pour gar­der le mono­pole du dis­cours sur tel ou tel sujet tech­no­po­li­tique, et inter­dire l’expression et la récep­tion de la cri­tique radi­cale. Nous n’avons pas plus besoin de « l’expertise » de la Qua­dra­ture du Net pour savoir quoi pen­ser de l’organisation infor­ma­tique de la socié­té (cyber­po­lice), que nous n’avons besoin des ser­vices de la météo­ro­lo­gie pour savoir que la fièvre monte dans nos eaux et forêts ; et que les deux cala­mi­tés sont liées. C’est qu’il faut refroi­dir les cen­trales nucléaires et les data cen­ters.

L’exercice de cette com­pé­tence n’aurait pas été pos­sible sans le sou­tien, à hau­teur de 40 % de leur bud­get à l’époque (244 000 euros), du tra­der mil­liar­daire et ultra­li­bé­ral Georges Soros, qui a per­mis l’embauche des deux pre­miers sala­riés (dont Zim­mer­man) — ils sont aujourd’hui sept et le bud­get s’élève à 296 000€. L’Open socie­ty Foun­da­tion, puisque c’est le nom de la Fon­da­tion Soros, sub­ven­tionne la QDN pour que « l’é­vo­lu­tion rapide de la tech­no­lo­gie numé­rique sou­tienne les valeurs d’une socié­té ouverte » — open data, open access, open socie­ty. Ce que fait La QDN, pour qui une autre 5G est possible :

« Nous savons que les poli­tiques en matière de télé­coms pour­raient avoir un visage bien dif­fé­rent, que les réseaux télé­coms pour­raient être faits pour les gens et par les gens. Par­tout en Europe et dans le monde, des alter­na­tives existent[9]. »

L’infrastructure numé­rique, tout dépend ce qu’on en fait ? Un autre comp­teur Lin­ky est éga­le­ment pos­sible, et Phi­lippe Aigrin, co-fon­da­teur de La QDN, infor­ma­ti­cien et tra­fi­quant de logi­ciels libres à l’époque, dis­pense ses conseils aux dépu­tés pour rendre le nou­veau comp­teur acceptable :

« Dans ce domaine comme tant d’autres, les per­sonnes acceptent de four­nir des don­nées bien plus intimes, par exemple sur l’alimentation et la san­té, pour des études, à condi­tion d’être asso­ciées à la défi­ni­tion de leurs buts et à leur mise en œuvre et que des garan­ties d’indépendance à l’égard des grands inté­rêts éco­no­miques existent, ce qui est hélas rare­ment le cas. La réou­ver­ture de ces débats sur les pou­voirs d’agir de cha­cun, loin d’être une perte de temps, est la seule chance d’en gagner[10]. »

« Dans le pay­sage mili­tant, La Qua­dra­ture se situe donc à un car­re­four, à l’interface d’un mou­ve­ment mili­tant “libriste”, ins­pi­ré par l’éthique éman­ci­pa­trice des hackers et autres pion­niers de l’Internet libre, et des asso­cia­tions de défense des droits ». Voi­là com­ment se pré­sente l’association. Par­mi ses par­te­naires his­to­riques : le Chaos Com­pu­ter Club, fon­dé en Alle­magne, repré­sente la plus grande com­mu­nau­té hacker du globe, ou encore l’APRIL, prin­ci­pale asso­cia­tion « libriste » en France, dont Zim­mer­man est admi­nis­tra­teur, et la Ville de Paris adhérente.

L’APRIL, c’est l’association qui applau­dit le minis­tère des Armées quand celui-ci étu­die son bas­cu­le­ment vers le logi­ciel libre : « C’est une très bonne chose que le minis­tère des Armées prenne acte de sa dépen­dance à Micro­soft et pose les bases de sa décon­ta­mi­na­tion[11]. »

Le 10 novembre 2021, l’APRIL salue le plan d’action d’Amélie de Mont­cha­lin, à l’époque ministre de la Trans­for­ma­tion et de la fonc­tion publiques, « en faveur du logi­ciel libre et des com­muns numé­riques » dans l’administration fran­çaise. Rap­pe­lons que la Trans­for­ma­tion numé­rique orga­ni­sée par Mme de Mont­cha­lin pré­voit le rem­pla­ce­ment de 120 000 fonc­tion­naires par des pro­cé­dures « déma­té­ria­li­sées ». Sans doute un « bon usage » du numé­rique et d’Internet s’ils sont pro­pul­sés par Mozilla et Linux ?

La tech­no­po­lice, libre ou bre­ve­tée, c’est d’abord cela : l’automatisation des entre­pôts de La Poste, des pistes de décol­lage et des avions, des trains et des gares ; le pilo­tage des voi­tures auto­nomes et des bou­le­vards péri­phé­riques, des métros et des allées de métro, en vue de leur flui­di­fi­ca­tion ; le puçage des pou­belles et des camions-pou­belles, des arbres et des jar­di­niers, sous cou­vert d’écologie ; la tra­ça­bi­li­té des ani­maux dans leurs éle­vages auto­ma­ti­sés, et jusqu’aux boîtes de conserves aux­quelles ils sont des­ti­nés. Les comp­teurs Lin­ky, et leur enre­gis­tre­ment des don­nées, ne sont pas un outil de sur­veillance machia­vé­lique ou para­noïaque, mais une tech­no­lo­gie de pilo­tage du monde-machine en pleine tran­si­tion élec­tro-nucléaire – puisque l’usage des outils numé­riques explose nos besoins en électricité.

La tech­no­po­lice, la pla­nète intel­li­gente, la smart city, sont d’abord des sys­tèmes de pilo­tage et de pla­ni­fi­ca­tion de l’économie, en vue de son expan­sion. Si l’on est éco­lo­giste, on com­bat l’informatisation, et non pas ses « dérives ». Deux mou­ve­ments contre la tech­no­po­lice se sont expri­més ces der­nières années, sans l’aide de la QDN : l’un contre les comp­teurs Lin­ky, l’autre contre la 5G. Face à l’emballement tech­no­lo­gique, ces mou­ve­ments s’en prirent à l’infrastructure tech­no­lo­gique plu­tôt qu’aux enca­dre­ments légis­la­tifs – qui ne sont que des chif­fons de papier et des moyens d’acceptabilité. Rien ne sert de cou­rir après les pro­jets de loi, les comi­tés d’éthique et les dépu­tés euro­péens. C’est à la racine et à temps qu’il faut prendre le problème.

Pièces et main d’œuvre publie en 2008 Ter­reur et Pos­ses­sion. Enquête sur la police des popu­la­tions à l’ère tech­no­lo­gique ; Le Télé­phone por­table, gad­get de des­truc­tion mas­sive, ain­si que RFID : la police totale. Puces intel­li­gentes et mou­chards élec­tro­niques, puis encore en 2011 L’Industrie de la contrainte. Tom­jo publie L’Enfer vert en 2013, une cri­tique de la ratio­na­li­sa­tion éco­lo­gique de la ville par RFID[12]. Le Groupe Mar­cuse publie, en 2013 éga­le­ment, contre l’informatisation du monde, La Liber­té dans le coma. Essai sur l’i­den­ti­fi­ca­tion élec­tro­nique et les motifs de s’y oppo­ser[13]. Quant à la Qua­dra­ture du net, elle est à la cri­tique des TIC (tech­no­lo­gies de l’information et de la com­mu­ni­ca­tion), ce que les syn­di­cats sont à la cri­tique de l’économie poli­tique ; des repré­sen­tants du per­son­nel inté­res­sés à la bonne marche de l’entreprise et débor­dant de sug­ges­tions pour amé­lio­rer son fonc­tion­ne­ment. Des geeks et des hackers pour­ris­sant bien­tôt dans leurs cap­sules de « réa­li­té vir­tuelle » et pleur­ni­chant pour que Mark Zucker­berg amé­liore la qua­li­té immer­sive de leurs mondes artificiels.

Qu’ils bogguent !

Nature et liberté !

Tom­jo & Marius Blouin

Lille, Gre­noble, 27 juin 2022


  1. Cer­tains d’entre eux sont pré­sen­tés dans l’ouvrage Contre l’alternumérisme, Julia Laï­nae et Nico­las Alep, La Len­teur, 2020.
  2. « Mani­feste », technopolice.fr.
  3. Cf. « Vau­ban, inven­teur des recen­se­ments », Eric Vil­quin, Annales de Démo­gra­phie His­to­rique, 1975.
  4. Cf. Contre le recen­se­ment, Pièces et main d’œuvre, piecesetmaindoeuvre.com, 2012
  5. SNCF News, 22 décembre 2020.
  6. Libé­ra­tion, le 15 sep­tembre 2014
  7. Rage­mag, 12 novembre 2013.
  8. Robert Laf­font, 2012.
  9. « Bri­sons le totem de la 5G », 9 octobre 2020, laquadrature.net.
  10. laquadrature.net, 15 décembre 2017
  11. Com­mu­ni­qué du 7 avril 2022.
  12. Tous édi­tés par L’Echappée.
  13. Ed. La Len­teur.

Adblock test (Why?)

Source: Lire l'article complet de Le Partage

À propos de l'auteur Le Partage

« Plus on partage, plus on possède. Voilà le miracle. »En quelques années, à peine, notre collec­tif a traduit et publié des centaines de textes trai­tant des prin­ci­pales problé­ma­tiques de notre temps — et donc d’éco­lo­gie, de poli­tique au sens large, d’eth­no­lo­gie, ou encore d’an­thro­po­lo­gie.contact@­par­tage-le.com

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You