L’anarchisme à l’épreuve des faits de mai 1937

L’anarchisme à l’épreuve des faits de mai 1937

Voici, pour illustrer les analyses des articles précédents, la retranscription, issue d’une partie des notes et documents de Companys[1], des discussions télégraphiques secrètes du jeudi 6 mai entre les dirigeants cénétistes et socialistes en vue d’une résolution du conflit[2].

Comme convenu avec Galarza, Vazquez et Montseny travaillèrent toute la nuit pour préparer la trêve. Des consignes furent notamment données aux sections locales pour laisser les gardes d’assauts envoyés par le gouvernement central de Valence parvenir sans encombre à Barcelone.

À la suite de cette retranscription, nous avons, à titre non exhaustif reproduit les diverses consignes, mots d’ordre et appels au calme de l’union sacrée républicaine.

Dès l’aube du vendredi 7 mai, de nombreux ouvriers complètement désillusionnés, quittèrent les barricades se sentant à contre-courant de la volonté de leurs dirigeants. Leur ardeur révolutionnaire ayant fini par se consumer, la domination des anarchistes en Catalogne était brisée et pouvait laisser la place à celle des stalinistes. Celle-ci allait présager d’une terrible répression…


Les ministres anarchistes Federica Montseny et Juan García Oliver[3]


Garcia Oliver : Ici Valence, ministère de l’Intérieur. La ministre de la Santé est-elle là ?

Montseny : Oui… Écoute, Garcia, Marià va te parler et ensuite nous parlerons à Galarza. […]

Vazquez : Ce matin, la situation semblait sur le point d’être résolue […] À midi, elle a commencé à se détériorer parce que la police se préparait à attaquer les syndicats […] Le fait qu’Arrando [le nouveau délégué à l’Ordre public qui avait remplacé Escobar, blessé] ait maintenu Rodriguez Salas au poste de commissaire à l’Ordre public doit avoir eu une influence décisive sur la situation. Il dispose encore du contrôle de la force publique et il est évidemment responsable de l’attitude qu’elle a adoptée. Dans de nombreux endroits, on a déchiré systématiquement les cartes de la CNT […] On est venu chercher chez eux cinq camarades qui faisaient partie de la garde d’Eroles [Dionisio Eroles, anarchiste et jefe de servicios, chef des services, au commissariat général à l’Ordre public] pour les assassiner. Tout cela et d’autres faits similaires ont eu pour résultat que les camarades se sont organisés pour se défendre. L’atmosphère est devenue encore plus tendue avec la nouvelle de l’arrivée à Tortosa de 1 500 gardes. Il est impossible de prévoir en ce moment ce qui va arriver. […] Faute de rectification rapide de la direction et de l’attitude de la force publique, il sera impossible d’empêcher que les combats ne se généralisent de nouveau. […] On ne doit pas créer l’impression que l’on prépare de vastes représailles contre [notre] organisation et ses militants. […] Si la force publique qui vient de Valence continue à progresser, il sera impossible d’éviter l’embrasement dans les villages où il ne s’était rien passé jusqu’à présent.

Garcia Oliver : Ici Garcia Oliver. […] Le ministre de l’Intérieur a ordonné la révocation immédiate de Rodriguez Salas, il est prêt à résoudre la situation en Catalogne de la façon la plus équitable possible. Il est indispensable que les gardes d’assaut en route pour Barcelone parviennent à destination pour relever les forces de l’ordre de Barcelone qui sont complètement épuisées, nerveuses et passionnées. […] Il faut que vous le compreniez et que vous le fassiez comprendre aux comités et aux camarades tout comme il est indispensable que vous le fassiez comprendre à tous les camarades des villages que doivent traverser ces forces pacificatrices impartiales, absolument impartiales, car le gouvernement n’ignore pas que sans cette impartialité des forces publiques, le conflit, loin de se résoudre, s’envenimera, s’étendra à toute la Catalogne et au reste de l’Espagne, provoquant la chute politique et militaire du gouvernement. […Le] ministre de l’Intérieur [étudie] l’opportunité d’envoyer ces forces autrement que par la voie terrestre, trop longue et pleine d’obstacles, que sur leur passage pourraient dresser tous ces provocateurs qui ont intérêt à voir la situation de Barcelone se prolonger et le gouvernement tomber. L’administration de l’ordre public étant maintenant prise en main, je répète qu’il faut que vous prépariez rapidement les camarades dans les villages pour qu’ils ne dressent aucun obstacle sur la route de ces forces de pacification ; au contraire, qu’ils leur facilitent la tâche et les accueillent avec affection, sans quoi il existe un risque, […] si elles sont attaquées en chemin, qu’elles deviennent elles-mêmes très irritables, […] si bien que nous aurons seulement réussi à transformer la situation de la Catalogne en un brasier national dont nous serons tous inévitablement et rapidement la proie. Avant tout, agissez rapidement dans la province de Tarragone, où le POUM et les séparatistes [allusion à l’Estat Català] ont de nombreux partisans, afin de les empêcher de se mêler à [nos] camarades pour les inciter à la résistance armée contre les forces de l’ordre public. […]

Vazquez : [Tout en] comprenant l’intérêt évident de relever la police de Barcelone, nous devons reconnaître que les problèmes d’ici ne nécessitent pas l’intervention de la force publique. La situation est telle que si elle recevait simplement l’ordre de retourner dans ses casernements pour quelques heures, tout redeviendrait normal. Il est indispensable que pendant trois ou à quatre heures, la force publique cesse son harcèlement et ne fasse plus rien. Ce délai suffirait à restaurer la confiance, entraînant la disparition des barricades et l’abandon des bâtiments et des endroits occupés.

Galarza : Ici le ministre de l’Intérieur. En apprenant à 19 heures 30 que le commissaire Rodriguez Salas était encore en fonction, j’ai fait la déclaration suivante [à Arrando], que je recopie d’après le télégramme que j’ai sous les yeux : «Il faut immédiatement placer à la tête du commissariat à la Sûreté un commissaire qui fasse partie des forces régulières, quelqu’un en qui vous avez toute confiance, et que cessent d’intervenir dans les questions d’ordre public les représentants des syndicats et des partis.» [Arrando] m’a répondu : « Entièrement d’accord et je vais exécuter vos instructions immédiatement. » [Quant] au délai que vous demandez [pour restaurer la confiance], je ne vois aucune objection à faire la chose suivante. À 22 heures, les forces de police recevront l’ordre de ne plus tirer un seul coup de feu et de ne plus faire de tentative d’attaque contre aucun bâtiment, et seules les forces nécessaires à la surveillance resteront dans les rues, mais sans fouiller ni arrêter personne pendant une période de trois heures. Vous veillerez à ce que les gens [de votre organisation] qui sont dans les rues et dans [leurs] locaux restent chez eux pendant ce laps de temps et ne tirent pas un seul coup de feu. Je vais donner ces ordres. Vous comprendrez bien sûr que s’ils ne sont pas loyalement observés par les deux côtés, nous n’arriverons à rien. Le président du Conseil m’appelle, attendez un instant. Garcia Oliver est là. […]

Montseny : Garcia, ce que dit Galarza nous pouvons l’accepter à condition que la trêve soit fixée à demain matin, entre 6 et 9 heures, afin de nous donner le temps de préparer et d’organiser une gigantesque manifestation pacifique à laquelle tout Barcelone participera et qui sera conduite par les représentants des organisations, leurs drapeaux mêlés en tête. Nous allons proposer cela à l’UGT et nous sommes sûrs qu’elle sera d’accord. […]

Galarza : Au sujet de ces trois heures, […] je ne vois pas d’inconvénient à ce que cela soit entre 6 et 9 heures du matin. Quant à la manifestation, à condition qu’il n’y ait pas d’éléments provocateurs, ça me paraît une très bonne idée ; mais j’ai peur que ces éléments ne profitent de l’état général de tension et que la manifestation [tourne mal]. Il serait peut-être préférable de l’organiser dimanche au lieu de demain [vendredi] et de l’annoncer dans un communiqué commun des deux organisations syndicales. Je vais donner des ordres à la police pour qu’elle observe la plus grande prudence pendant la nuit. Remettez-vous-en à moi pour que demain matin, après 9 heures, il y ait là-bas des forces fraîches et reposées avec à leur tête une personne qui a mon entière confiance [allusion au lieutenant-colonel des gardes d’assaut Emilio Torres Iglesias, qui fut nommé chef de la police de Barcelone[4]].

Montseny : Très bien, Galarza […] La trêve peut être salutaire, mais pensez que si les mêmes personnes restent chargées de l’ordre public, je ne suis pas sûre que vos ordres soient entièrement exécutés. […]

Galarza : Demain, il y aura d’autres officiers. Mais gardez cela pour vous, de peur que quelqu’un ne cherche à renouveler l’affaire Escobar. Demandez à vos militants que certains essaient de rentrer chez eux après minuit et si, comme je l’espère, rien ni personne ne les en empêche, que tout le monde fasse de même, et alors demain, ces trois heures ne seront même plus nécessaires à cette opération. Il sera très facile de faire cet essai. Toutefois cela me demande d’assumer une telle responsabilité que j’espère non seulement pouvoir compter sur votre aide, mais également que vous comprendrez que de mon côté, ce doit être la dernière tentative de solution de ce type. N’annoncez pas nos accords à la radio mais faites-les connaître à vos hommes de confiance au moyen de documents portant votre signature. Cela vous convient-il ?

Montseny : Nous allons faire un essai cette nuit, bien que nous ne puissions être sûrs de rien, étant donné la difficulté de circuler la nuit et de diriger nous-mêmes [nos] hommes. […] Marià me dit de vous demander de partir du principe d’une trêve de 6 à 9 heures, ainsi aurons-nous le temps de travailler et cela sera plus facile.

Juan García Oliver

Consignes, mots d’ordre et appels au calme :
l’union sacrée républicaine s’adresse aux prolétaires insurgés

Mardi 4 mai

« Déposez les armes ; embrassez-vous comme des frères ! Nous obtiendrons la victoire si nous sommes unis, la défaite si nous luttons entre nous. Pensez-y bien. Pensez-y bien. Nous vous tendons les bras, sans armes ; faites de même et tout s’arrêtera. Qu’entre nous règne la concorde »

Tract de la CNT-FAI, distribué sur les barricades[5]

« Ouvriers de la CNT, ouvriers de l’UGT ! Ne soyez pas dupes de la tromperie et des manœuvres. Au-delà des divergences, unissez-vous. Déposez les armes. Imposez un seul mot d’ordre : que tout le monde travaille à vaincre le fascisme ! »

Appel de la CNT-FAI, radiodiffusé

« Que le gouvernement de la Generalitat procède à l’épuration en son sein des éléments qui ont fait un mauvais travail et ont donné de mauvais conseils »

Déclaration de la CNT-FAI, radiodiffusée

« Camarades : pour l’unité antifasciste, pour l’unité prolétarienne, pour ceux qui sont tombés dans la lutte, ne vous laissez pas entraîner par les provocations. Ne cultivez pas en ce moment le culte des morts. Que ce ne soient pas les morts, la passion pour les morts, pour vos frères tombés qui vous empêche, en ces moments, de réaliser le cessez-le-feu. Ne faites pas le culte des morts. Dans toute guerre civile, comme celle que nous vivons, il y a toujours des morts. Tous les morts de la grande famille antifasciste auront la même gloire, auront les mêmes honneurs. Je vous le dis comme je le pense. Vous me comprenez, vous me connaissez suffisamment pour savoir qu’en ce moment j’agis uniquement par impulsion de ma libre volonté, car vous me connaissez suffisamment, pour être convaincus que jamais, ni avant, ni maintenant, ni à l’avenir, jamais personne ne me fera prononcer une déclaration que je ne ressente moi-même. Oui, après avoir dit cela, je dois ajouter : Tous ceux qui sont morts aujourd’hui sont mes frères ; je m’incline devant eux et je les embrasse. Ce sont des victimes de la lutte antifasciste et je les embrasse tous sans distinction. »

Appel de García Oliver, radiodiffusé

Mercredi 5 mai

« Nous vous disons que cette situation doit cesser. […] Nous ne voulons pas que cette souillure entache le mouvement anarchiste espagnol. […] Ce n’est pas le moment, devant cet amoncellement de cadavres, de discuter pour savoir qui a raison. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est disparaître des rues avec les armes. […] Nous ne devons pas attendre que les autres le fassent. Nous devons le faire nous-mêmes. Nous discuterons après. Si, lorsque vous jugerez notre conduite en assemblée, vous croyez que nous méritons d’être fusillés, fusillez-nous, mais maintenant obéissez à nos consignes. »

Appel de Marià R. Vázquez, secrétaire de la CNT, radiodiffusé

Marià R. Vázquez

« Cessation des hostilités. Chaque parti garde ses positions. La police et les civils qui combattent à ses côtés sont priés de faire une trêve. »

Proposition du comité régional de la CNT

« N’écoutez pas les provocateurs, les trotskistes qui veulent que la lutte se poursuive. Unissons-nous autour du gouvernement de la Generalitat. »

Appel du PSUC

« Travailleurs de Barcelone, camarades de la CNT, nous ne devons pas gaspiller nos forces une seconde de plus. Nous devons en finir avec les criminels trotskistes qui, dans leurs journaux, continuent à inciter les antifascistes de Catalogne à se tuer entre eux. »

Déclaration de Miquel Valdés, dirigeant du PSUC

« Ceux qui provoquent les troubles de Catalogne ne sont pas nos frères. […] Ce ne sont ni des anarchistes, ni des socialistes, ni des communistes, ni des républicains, ni des antifascistes d’aucune sorte. […] Ce sont des ennemis, nos ennemis féroces, des gens sans idéal et sans cœur, au service des envahisseurs. […] Quelle pitié peut-on avoir pour ceux qui tentent, inspirés par le fascisme, de créer à l’arrière une situation chaotique qui risque d’affaiblir la résistance de notre armée et de favoriser l’intervention étrangère ? Quelle pitié peut-on avoir pour ceux qui assassinent nos ouvriers, nos soldats, les défenseurs dévoués et héroïques de notre peuple ? Aucune, aucune. […]

Pas un instant d’hésitation. Le gouvernement a pris en main l’ordre public en Catalogne. […] Ceux qui ont provoqué cela devront en subir les conséquences. Car les décrets ne peuvent plus rester lettre morte. Il faut maintenant agir avec une énergie implacable et, surtout, avec une extraordinaire rapidité. L’affaire catalane doit être définitivement réglée dans les heures qui viennent. […] Quiconque se soulève contre le peuple, quiconque collabore sanguinairement avec l’ennemi, doit sentir immédiatement le poing inexorable de la force populaire s’abattre sur lui. Tout, absolument tout, doit être fait aujourd’hui même pour qu’il ne se passe pas un autre jour sans que les rues de Catalogne soient pacifiées et que tous les ouvriers catalans, tous les hommes honnêtes et tous les antifascistes sincères se remettent au travail et à la lutte pour gagner la guerre et faire avancer la révolution populaire. »

Éditorial à la une de Frente Rojo, organe du Parti “communiste” d’Espagne

« Ce comportement, camarades de la CNT, camarades de l’UGT, camarades du PSUC et de la FAI, camarades de la garde d’assaut et de la garde nationale républicaine, est inconcevable et vil ; vil parce qu’il nous avilit tous. […] À Barcelone, les ouvriers s’assassinent entre eux. […] Cet état de démence qui a réussi à rendre fous les plus sensés doit cesser. […] Pensez que le front n’est pas loin. Pensez qu’il sera démoralisé quand il apprendra ce massacre. […] Camarades des forces de l’ordre, retournez dans vos casernes ! Camarades de la Confédération nationale du travail, retournez dans vos syndicats ! Camarades de l’UGT et du PSUC, retournez dans vos locaux également ! Que la paix revienne ! »

Déclaration de Jacinto Toryho, directeur de Solidaridad Obrera et membre de la FAI

« Chacun doit suivre les consignes de ces comités. Le conseil de la Generalitat étant maintenant formé, chacun doit accepter ses décisions, puisque nous y sommes tous représentés. Plus d’armes dans les rues ! »

Déclaration des comités régionaux CNT-FAI[6]

« Il faut revenir à la normale. Abandonner le travail alors que nous faisons la guerre contre le fascisme revient à collaborer avec notre ennemi commun, en nous affaiblissant. »

Appel commun de la CNT et de l’UGT

Jeudi 6 mai

« La manœuvre contre-révolutionnaire ayant été déjouée, les ouvriers doivent abandonner la lutte et reprendre le travail aujourd’hui, afin de poursuivre dans l’enthousiasme l’action qui mènera rapidement à la défaite du fascisme. Le POUM ordonne à tous ses militants armés de quitter les barricades et les rues et de retourner au travail, tout en restant vigilants. »

Communiqué de la direction du POUM, paru dans La Batalla

Vendredi 7 mai

« Tous au travail, Camarades ! »

Appel commun des comités locaux de la CNT et de l’UGT

Et pour conclure, deux coupures de Solidaridad Obrera, organe de la CNT-FAI: l’édition du dimanche, la veille de l’attaque du Central téléphonique, et celle du vendredi, le jour des derniers combats et de l’entrée des troupes gouvernementales dans Barcelone. En l’espace d’une semaine de lutte prolétarienne acharnée, on peut mesurer toute l’évolution des consignes de la plus puissante centrale anarcho-syndicaliste d’Espagne[7]

Dimanche 2 mai 1937…

LA GARANTIE DE LA RÉVOLUTION, C’EST LE PROLÉTARIAT EN ARMES. ESSAYER DE DÉSARMER LE PEUPLE, C’EST SE RANGER DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA BARRICADE.

AUCUN CONSEILLER OU COMMISSAIRE, QUEL QU’IL SOIT, NE PEUT ORDONNER DE DÉSARMER LES TRAVAILLEURS, QUI LUTTENT CONTRE LE FASCISME AVEC DAVANTAGE DE GÉNÉROSITÉ ET D’HÉROÏSME QUE TOUS LES POLITICIENS DE L’ARRIÈRE, DONT PERSONNE N’IGNORE L’INCAPACITÉ ET L’IMPUISSANCE.

TRAVAILLEURS, QUE PERSONNE NE SE LAISSE DÉSARMER SOUS AUCUN PRÉTEXTE !!

…Vendredi 7 mai 1937

LA LUTTE EST TERMINÉE.
Avec la paix renaît la concorde.
Travailleurs, frères : unis comme un seul homme pour la fraternité, pour la victoire !

« Il faut seulement préciser que cette supériorité militaire était celle des masses de la CNT, non celle de la CNT comme organisation, étant donné qu’elle ne fit absolument rien pour développer la lutte armée ou la diriger une fois déclenchée, ce qu’attendaient avec anxiété les travailleurs.

Les leaders arrivés de Valence, ceux restés à Barcelone et le journal confédéral, Solidaridad Obrera, s’efforcèrent tous de réduire la lutte et de concilier révolution et contre-révolution, c’est-à-dire d’empêcher la victoire immédiate de la première et de rendre plus probable la seconde – ce qui arriva. Il était évident pour les travailleurs que la conciliation conduirait au triomphe des éléments contre-révolutionnaires.

Sur les barricades, la capitulation fraternelle prônée par Solidaridad Obrera recevait le plus souvent le traitement mérité : on brûlait le journal. »

Grandizo Munis, Leçons d’une défaite, promesse de victoire


[1] Ce document a été obtenu par Burnett Bolloten lors de la rédaction de son ouvrage sur la révolution espagnole, La guerre d’Espagne – Révolution et contre-révolution (1934-1939). L’authenticité de celui-ci lui a été confirmée par Felipe Ubach, assistant du premier conseiller Taradellas (chef du gouvernement catalan présidé par Companys, en mai 1937), qui déclara avoir vu et lu une copie appartenant au premier conseiller.

[2] García Oliver, ministre CNT de la Justice, et Ángel Galarza, ministre socialiste de l’Intérieur, se trouvaient alors à Valence. Ils communiquaient avec Federica Montseny, ministre CNT de la Santé, et Marià Rodriguez Vazquez, secrétaire de la CNT, qui étaient tous deux à Barcelone, au palais de la Généralité.

[3] On peut aussi mentionner les deux autres ministres anarchistes qui sont entrés en même temps qu’eux au gouvernement : Juan López (Commerce) et Joan Peiró (Industrie). En mai 1937, la Généralité de Catalogne comptait également quatre ministres CNT : Francesc Isgleas (Défense), Andreu Capdevila (Économie), Josep Juan i Domenech (Services publics) et Aurelio Fernández (Santé et assistance publique).

[4] Torres était plutôt favorable à la CNT et la FAI. Quoi qu’il en soit, il fut remplacé quelques semaines plus tard, après la chute du gouvernement Largo Caballero, par le lieutenant-colonel Ricardo Burillo, membre du Parti « communiste » et ancien chef de la police de Madrid.

[5] Il est intéressant de comparer ce tract avec celui des Amis de Durruti, distribué au même moment sur les barricades. Ce groupe fut formé par des membres de la CNT-FAI, et c’est la raison pour laquelle on trouve la mention de la centrale anarcho-syndicaliste sur leur manifeste (il est consultable en fin de cet article http://guerredeclasse.fr/2022/05/24/necessite-dune-junte-revolutionnaire/ ) Cependant, on notera la rupture évidente qui avait commencé à s’opérer entre l’organisation et ses éléments incontrôlables, par le contenu radicalement opposé des deux tracts.

[6] Dans l’ouvrage de Bolloten, on apprend également que les comités régionaux CNT-FAI accusèrent les Amis de Durruti d’être un groupe « d’agents provocateurs » et déclarèrent que leur tract, déjà cité, était « absolument scandaleux et en conflit avec les buts du mouvement libertaire. »

[7] Remarquons ce qui fut peut-être un signe annonciateur, à l’orée de l’insurrection, du comportement des instances anarchistes : la coupure de l’édition du 2 mai était placée en fin d’édition, à la toute dernière page, tandis que celle du 7 mai fit la une du journal.

Les numéros de Solidaridad Obrera de la période 1907-1939 peuvent être consultés, en espagnol, à cette adresse : http://www.cedall.org/Documentacio/Castella/cedall203503000_Solidaridad%20Obrera.htm

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Source: Lire l'article complet de Guerre de Classe

À propos de l'auteur Guerre de Classe

« Nous pensons d’abord qu’il faut changer le monde. Nous voulons le changement le plus libérateur de la société et de la vie où nous sommes enfermés. Nous savons que ce changement est possible par des actions appropriées »

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