Guerre, crise alimentaire et ultrariches : un temps pour le pain quotidien

Guerre, crise alimentaire et ultrariches : un temps pour le pain quotidien

Du 22 au 26 mai, dans la chic station de ski de Davos, en Suisse, se retrouveront grandes fortunes, capitaines d’industries et de multinationales, chefs d’État, ministres et experts influents en vue du 51e Forum économique mondial. Cette grand-messe annuelle réunit les gagnants de la mondialisation pour discuter de l’avenir de la planète avec l’objectif de construire un monde meilleur, et ce, grâce à un capitalisme de partenariat

L’édition 2022 du Forum se tient dans un contexte sans précédent marqué par plusieurs facteurs socioéconomiques et environnementaux déséquilibrés et très alarmants.

Les images et les nouvelles préoccupantes de l’Ukraine bombardée continuent de faire la une de nos médias et d’investir nos conversations quotidiennes, au supermarché ou à la pompe. Depuis plusieurs semaines, nous regardons avec effroi et impuissance le chaos provoqué par l’invasion russe.

Mais à des milliers de kilomètres de ce terrain de guerre, le retentissement des obus fait d’autres victimes. 

Au Liban, au Guatemala, en Égypte, au Yémen, en Afghanistan, dans la Corne de l’Afrique, au Sahel, en RDC : partout, les populations affamées voient leurs sacs de blé de plus en plus vides. On peut le visualiser clairement sur la carte de la faim mise à jour par le Programme alimentaire mondial.

Cette guerre arrive alors que la pandémie de covid-19 a par ailleurs déjà plongé des milliards d’individus dans une grande précarité économique, sans réel soutien efficace pour changer la situation. L’ONU avait d’ailleurs tiré le signal d’alarme quant au risque de crise alimentaire mondiale en 2022, avant même le déclenchement des hostilités russes.

Le mythe du ruissèlement

Tous ces problèmes, et bien d’autres, menacent le développement intégral et la sécurité alimentaire de centaines de millions de personnes dans les pays plus vulnérables, avertissent encore une fois le FMI, la Banque mondiale et une multitude d’organisations internationales (Oxfam, le Réseau mondial contre les crises alimentaires (GNAFC), Action contre la Faim, le CCFD-Terre Solidaire, Action Aid).

Le droit à l’alimentation est reconnu dans le droit international. Depuis toujours, l’ONU en fait une préoccupation majeure. 

En mai, au siège des Nations-Unies, le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, présidera une réunion des ministres des Affaires étrangères de plus de 30 pays sur le thème Appel à l’action pour la sécurité alimentaire mondiale.

Un récent rapport d’Oxfam révèle qu’en 2020, les ultrariches de ce monde ont scandaleusement profité de la crise sanitaire. De nouveaux milliardaires ont émergé tandis que ceux qui l’étaient déjà ont continué à accumuler de faramineuses richesses.

Dans son dernier ouvrage publié en janvier, Davos Man : how the billionnaires devoured the world, le correspondant du New York Times et fidèle analyste du Forum de Davos, Peter S.Goodman, déboulonne cette fausse théorie duruissèlement vers le bas soutenu par les ultrariches voulant qu’un enrichissement des plus fortunés profite à toute la collectivité. 

Cette théorie est d’ailleurs dénoncée par le pape François dans sa lettre encyclique Fratelli Tutti (#168). Pour le pape, le prétendu ruissèlement ne résorbe pas l’inégalité, il est plutôt source de nouvelles formes de violence qui menacent le tissu social.

Des expériences récentes nous ont rappelé les conséquences très lourdes que peuvent avoir les pénuries agricoles. Les « émeutes de la faim » survenues en 2008 ont secoué plusieurs pays dans le monde. À l’origine des printemps arabes, les questions alimentaires ont joué un rôle considérable.

 Le risque qu’éclatent de nouvelles émeutes de la faim est bien réel. 

Famine, Elon Musk et ultrariches

 « La faim aigüe atteint des niveaux sans précédent et la situation mondiale ne cesse d’empirer », clame sur toutes les tribunes David Beasley, directeur général du Programme alimentaire mondial (PAM). 

Selon lui, la flambée des prix des denrées alimentaires, du carburant, ainsi que la guerre en Ukraine ont créé une « tempête parfaite » capable d’emporter toujours plus de personnes au bord de la famine. « Nous avons besoin d’un financement d’urgence pour les sortir du gouffre », plaide-t-il.

C’est pourquoi, fin octobre 2021, le PAM a lancé un Appel ponctuel aux milliardaires pour financer un plan qui permettrait de nourrir pendant un an les 42 millions de personnes qui en ont le plus besoin, dans 43 pays, et donc d’éviter le risque de famine.

Le multimilliardaire américain Elon Muskl’homme le plus riche au monde, a mis alors au défi le PAM de lui prouver qu’avec 6 milliards de dollars, on pourrait contribuer à lutter contre la faim dans le monde. L’ONU l’a pris au mot en lui soumettant son plan chiffré de mesures à mettre en place. 

À ce jour, Musk n’a toujours pas donné un sou…

En 2018, lors de la deuxième Journée mondiale des pauvres, le pape François osait affirmer que le cri des pauvres devient chaque jour plus fort, mais chaque jour moins écouté, dominé par le vacarme de quelques riches, qui sont toujours moins nombreux et toujours plus riches. 

Une sainte colère ?

Dans ce contexte de crise alimentaire et de cupidité créant inégalités et injustices, il nous faudrait peut-être réentendre le célèbre cri prophétique de colère lancé jadis par l’abbé Pierre, la voix des sans-voix.

Mais, diront certains, la colère n’est-elle pas un péché capital, une maladie spirituelle ? Saint Paul ne nous exhorte-t-il pas à rejeter la colère ? Les Béatitudes n’affirment-elles pas que les doux possèderont la terre ?

Pourtant, la Bible rayonne de manifestations de colère sainte : celles de Moïse, d’Osée ou d’Amos, le prophète politiquement incorrect. Jésus lui-même s’est enflammé à plus d’une reprise.

Saint Jean Chrysostome n’hésite pas à écrire que celui qui ne se met pas en colère quand il y a une cause pour le faire commet un péché.

Comme le souligne Alain Joly dans un ouvrage à paraitre, il faut plutôt parler du bon usage de l’indignation. L’indignation vient toucher quelque chose de la dignité de l’autre, et donc de la mienne. Les mots dignité et indignation ont la même racine.

L’indignation est un processus d’humanisation, en ce sens qu’elle nous pousse à demander plus de justice pour nous-mêmes et pour nos frères et sœurs.

L’indignation explique le développement des changements nécessaires, comme autant d’adaptations de la société pour qu’elle puisse être viable, meilleure pour l’humanité, signe intrinsèque de l’espérance.

La prière, le cri lancé vers le Ciel par les masses affamées est actuellement : « donnez-nous notre pain quotidien ! » Puissions-nous l’intégrer de manière incarnée lorsque nous récitons le Notre Père.

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