Un écran de trop — Guy CHAPOUILLIE

Un écran de trop — Guy CHAPOUILLIE

Scène émouvante l’autre soir sur les planches du Festival de Cannes lorsque l’acteur Forest Whitacker reçoit une Palme d’Or d’honneur. J’ai une grande faiblesse pour cet acteur qui, là, au milieu des paillettes et des airs convenus, sa veste trop serrée, son corps fragile et son « œil paresseux », tranche par son humilité et des propos qui font honneur au cinéma.

. Ce cinéma qui l’amène dans un orphelinat de l’Ouganda où il reconnaît dans le regard des enfants, ce qu’il avait éprouvé lui-même en grandissant : le stress, les problèmes que l’on doit surmonter. Il créera une ONG pour lutter contre la pauvreté sans délaisser pour autant le cinéma qu’il va même associer à l’ humanitaire pour produire un film Au nom de la Paix, tourné dans un camp de déplacés au Soudan du Sud et projeté là, à Cannes, en première mondiale.

Et puis patatras… Zelensky est arrivé, une irruption comme dans certains films d’horreur où règnent les effets les plus détestables. La colère m’a envahi, celle qui rejette les offenses, les abus, l’autoritarisme, l’imposture et au moment où il cite Le Dictateur de Charles Chaplin j’enrage : c’est tout simplement la récupération la plus abjecte qui puisse être. Certes, les Russes sont entrés en Ukraine et le sentiment national des Ukrainiens s’aiguise. La guerre est réelle où, comme toujours, les civils sont les principales victimes. Mais, au moment où débute le procès d’un militaire russe pour crime de guerre, je ne peux m’empêcher de penser aux centaines de milliers de civils Irakiens morts sous le déluge de feu américain au nom desquels j’attends toujours que Bush soit traduit devant la justice pour crimes de guerre. C’est précisément le thème de Monsieur Verdoux de Charles Chaplin qui met en relation la mise à mort de celui qui fait des meurtres en petit nombre et les responsables de guerre décorés en fanfare, qui tuent vague après vague. Je suis en colère contre la grande majorité des médias français qui délaissent la communication-information au profit de communiqués de guerre dont s’empiffrent nos journaleux hors-sol, loin du feu, et dont la simplification récurrente floute notre perception des choses.

Qui nous parle clairement des 14000 morts d’une guerre commencée en 2014 contre les séparatistes russophones ( Pourtant, il y a bien un rapport de l’ONU du 15 mai 2016 qui détaille les atrocités commises par les milices Azov) ? Qui ose dire tout haut que Poutine refuse de voir les armes de l’OTAN à sa porte comme Kennedy avait refusé les missiles soviétiques de Cuba pointés contre son territoire ? À la place de cela, certains ont voulu nous refaire le coup des incubateurs de Koweit City, où les irakiens furent accusés à tort de tuer les bébés sous couveuses, en accusant les russes de bombarder l’Hôpital de Marioupol, plus exactement la Maternité de cet Hôpital. En réalité, l’Hôpital avait été vidé de ses malades et de ses soignants à la pointe du fusil par les troupes d’Azov sur lesquelles tirèrent les Russes, tout simplement. Je rappelle que le groupe Azov a été créé par Andriy Biletsky, proche des thèses nationales-socialistes, anti-sémite et anti-russe, bref pour purifier racialement l’Ukraine. Aujourd’hui, 40% de l’armée ukrainienne porte un blason très proche de celui d’une division SS de la seconde guerre mondiale, celui de la Rune du loup inversé. Les raisons de ce conflit sont difficiles à identifier, c’est aux médias d’un pays démocratique à tenter de le faire.

Ma colère n’a plus de borne lorsque j’entends Zélensky donner carrément des ordres à la France sur sa conduite dans cette affaire. Mais d’où parle-t-il ? Et pour qui se prend-il ? C’est en 2019, alors qu’il est la vedette d’une émission Le serviteur du peuple, que son patron, l’oligarque ukrainien Ihor Kolomoisky, propriétaire de la chaîne de télévision, le propulse dans l’arène politique. Il devient Président et se retrouve très vite en bonne compagnie dans l’affaire des Pandora Papers soupçonné de dissimuler des avoirs dans des sociétés offschore notamment à des fins d’évasion fiscale. Parallèlement, le fils de Joe Biden est membre du Conseil d’Administration de Burisma Holdings, qui se préoccupe très sérieusement du Gaz russe, détenu par le même Ihor Kolomoysky. De sorte que Zelenskiy et Hunter Biden ont le même patron. Est-ce que ceci expliquerait cela ?

Je n’en sais rien, mais les USA désireux de s’implanter en Ukraine, sans attendre les adhésions ou non à l’OTAN, ont joué un jeu pervers en cherchant à instrumentaliser l’Ukraine, son Président et sa population a des fins géostratégiques dont nous ferions bien de nous garder en n’allant pas nous jeter dans la gueule du loup comme malheureusement l’a fait le public de la séance inaugurale du festival de Cannes en applaudissant sans équivoque le Janus du moment. Maurice Pialat avait peut-être raison lorsqu’il leva le poing en direction de ceux qui le sifflaient en déclarant « si vous ne m’aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus ».

En tout cas, moi j’aime bien l’actrice Adèle Haenel qui par une formule incisive a lancé une courte mais magnifique conversation qui dessine un autre chemin pour l’Europe que la guerre.

Le 6 mai 2022, Le Figaro Culture rapporte que l’actrice Adèle Haenel espère la fin du système capitaliste.

Le 8 mai 2022 Raphaël Enthoven répond : Les gens qui espèrent « la fin du système capitaliste » sont-ils en mesure de citer UNE SEULE expérience démocratique qui n’ait pas été marchande et qui n’ait pas produit d’injustice

Le 9 mai 2022 la réplique de l’économiste Raul Sampognaro est superbe :
Facile … La Sécurité Sociale.

Guy Chapouillié

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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