Jésus contre les vampires

Jésus contre les vampires

Un très grand nombre de cultures racontent des histoires de créatures qui boivent le sang de leurs victimes. Depuis les derniers siècles, en Occident, nous employons cependant une version spécifiquement aristocratique du mythe. Pensez au comte Dracula. Pourquoi ?

C’est que nous utilisons les vampires pour comprendre les hiérarchies tyranniques où le supérieur ne fait que consommer ses subordonnés. L’image constitue alors une corruption du christianisme où, au contraire, le supérieur se sacrifie pour ses subordonnés.

Comme saint Paul l’explique notamment dans son épitre aux Éphésiens, pour qu’un corps et une tête soient un, il faut que le corps se soumette à la tête, mais aussi que la tête se sacrifie pour le corps.

Considérez vos différents membres : vos bras se soumettent complètement à votre tête, par exemple. Quand votre tête demande des choses à vos bras, ceux-ci obéissent. Ils donnent complètement leur force à votre tête.

Un corps sans tête n’a pas de sens, et une tête sans corps est impuissante. Encore plus : sans l’union de la tête et du corps, c’est m

Mais en retour, votre tête s’occupe de vos bras. Vous consommez de la nourriture pour les nourrir, par exemple. Et si l’un de vos bras a une blessure, vous vous en occuperez. Plus simplement, votre tête donne une mission, du sens à l’existence de vos bras.

Un corps sans tête n’a pas de sens, et une tête sans corps est impuissante. Encore plus : sans l’union de la tête et du corps, c’est même la mort des deux parties, tout simplement.

Exemples naturels

Même ailleurs, dans la nature, on peut voir que c’est à l’image de la tête et du corps que les groupes existent. Frans de Wall, dans son livre Chimpanzee Politics, montre que même chez les chimpanzés, les tyrannies ne fonctionnent pas à long terme. Si le chef ne fait qu’imposer sa volonté par la force sans donner en retour aux membres de sa troupe, il sera victime d’une mutinerie.

Au contraire, dans les hiérarchies fonctionnelles, le mâle alpha passe du temps à s’occuper des femelles et des enfants, par exemple. Comme la tête écoute le corps, le chef chimpanzé doit écouter sa troupe.

Pour aller encore plus loin, on peut même penser à une simple cellule. Dans une cellule, la tête est le noyau, et le corps est représenté par le reste des organelles. Les différentes organelles obéissent aux signaux envoyés du noyau et en retour, le noyau agit de façon à répondre aux besoins des différentes organelles.

En général, dans toute organisation complexe, il est normal que les serviteurs obéissent au maitre, mais ce maitre doit réciproquement écouter, protéger et diriger ses serviteurs.

Vampires

Le vampire moderne vient corrompre cette façon de fonctionner en consommant sans rien redonner. Il se garde en vie artificiellement en volant la vie des autres. C’est pour cela que le Dracula de Bram Stoker est un comte sinistre, un souverain menaçant.

Ce n’est pas non plus un hasard que cette histoire soit apparue au 19e siècle, quand le communisme et d’autres critiques de la hiérarchie gagnaient en popularité. Le vampire est une façon mythologique de critiquer ceux au pouvoir qui ne prennent pas soin de leurs sujets. Karl Marx lui-même employait l’analogie :

Le capital est du travail mort, qui, semblable au vampire, ne s’anime qu’en suçant le travail vivant, et sa vie est d’autant plus allègre qu’il en pompe davantage. Le temps pendant lequel l’ouvrier travaille est le temps pendant lequel le capitaliste consomme la force de travail qu’il lui a achetée

  1. Marx, Karl. Le Capital, Livre 1 X.1. https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-10-1.htm.
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