Nucléaire : vers un «gâchis climatique»

Nucléaire : vers un «gâchis climatique»

L’investissement du budget fédéral de 2022 dans des réacteurs nucléaires non éprouvés, appelés petits réacteurs modulaires (PRM), est qualifié de « gâchis climatique » par des groupes de la société civile. Quelques jours à peine après que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié son rapport le plus sévère à ce jour, appelant à une action agressive en faveur du climat, le gouvernement fédéral choisit d’investir dans des technologies non encore éprouvées qui ne permettront pas de réduire de moitié les émissions d’ici 2030.
 
Les réacteurs PRM désignent un ensemble de technologies nucléaires proposées, conçues pour produire jusqu’à 300 mégawatts d’électricité. Ces technologies sont proposées à la fois pour le réseau électrique et pour les communautés isolées, hors réseau, afin de remplacer la dépendance au diesel et d’alimenter les projets d’extraction de ressources.
 
Plus de 120 groupes de la société civile d’un océan à l’autre, dont la Coalition du budget vert, ont demandé au gouvernement fédéral de réaffecter les fonds destinés aux PRM à des solutions d’énergie renouvelable rentables et socialement responsables, disponibles dès maintenant.
 
Le budget consacre 120 millions de dollars sur cinq ans aux réacteurs PRM :
 
● Environ 70 millions de dollars du budget sont destinés à la recherche, orientée vers la réduction des déchets nucléaires.
 
Cela pourrait inclure le retraitement du combustible nucléaire usé, un procédé chimique permettant d’extraire le plutonium des déchets de combustible radioactif usé. Le retraitement n’est actuellement pas utilisé au Canada et il soulève de nombreux problèmes de prolifération et de sécurité. Le plutonium est une matière dangereuse que l’on ne trouve pas dans la nature.  Le retraitement n’est en aucun cas une solution pour réduire les déchets radioactifs, il ne fait que redistribuer les produits de fission hautement radioactifs dans différents flux de déchets. Une fois les produits de fission retirés, les matières restantes sont beaucoup plus susceptibles d’être volées ou utilisées dans des armes nucléaires.
 
● Environ 50 millions de dollars pour renforcer la capacité de l’organisme de réglementation nucléaire du Canada à réglementer les réacteurs PRM.
 
L’investissement dans les processus réglementaires ne remédiera pas au fait que les réacteurs PRM ont été retirés du processus fédéral d’évaluation des impacts sur l’environnement. Les projets PRM ne sont soumis qu’à un processus d’autorisation restreint, mené par l’organisme de réglementation nucléaire du Canada. Leur expertise et leur cadre réglementaire ne sont pas équivalents à la loi sur l’évaluation des impacts, qui exige un examen préalable des impacts écologiques, socio-économiques et de durabilité sur toute la durée du projet.

 
Le budget comprend également deux autres dispositions que les développeurs de PRM pourraient demander :
 
● Un nouveau crédit d’impôt pouvant atteindre 30 % pour les technologies nettes zéro telles que le stockage sur batterie et l’hydrogène propre. Les projets nucléaires devraient être inéligibles à ce crédit d’impôt car ils ne sont pas compétitifs en termes de coûts par rapport aux énergies renouvelables et, comme cela a été souligné précédemment, l’hydrogène alimenté par le nucléaire n’est pas un hydrogène renouvelable. Toute demande de ce crédit d’impôt doit également être tenue de démontrer de manière transparente la viabilité économique du projet.
 
● Poursuivre l’initiative Net Zero Accelerator, dotée de 8 milliards de dollars, pour les projets susceptibles de réduire considérablement les émissions d’ici 2030 et de soutenir l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050. Les réacteurs PRM en sont à la toute première phase de planification et les dates prévues d’exploitation se situent bien au-delà des années 2030. Cette situation, associée à la tendance du secteur nucléaire à accuser des retards de construction et des dépassements de coûts, devrait rendre les projets PRM inéligibles, car ils ne peuvent contribuer à la réalisation de l’objectif climatique le plus urgent, à savoir la réduction de moitié des émissions d’ici 2030.
 

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