Il n’y a pas de soins de santé sans travailleurs de la santé

Il n’y a pas de soins de santé sans travailleurs de la santé

Linda Silas est infirmière et présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers, représentant près de 200 000 infirmières, infirmiers, étudiantes et étudiants en sciences infirmières.
 

Comme un grand nombre d’infirmières et d’infirmiers au Canada, j’étais ravie d’apprendre, la semaine dernière, que le Premier ministre Justin Trudeau et le chef du NPD Jagmeet Singh avaient conclu une entente au cœur de laquelle il y a les soins de santé. En qualité d’infirmières et d’infirmiers, nous avons longtemps revendiqué un régime national d’assurance-médicaments, des normes de soins de longue durée, un régime de soins dentaires, et nous reconnaissons que le logement abordable est un déterminant social essentiel de la santé.

Ces mesures vont certainement améliorer les résultats en santé au Canada. Or, l’entente ne reconnaît pas l’état désastreux dans lequel se trouve notre système de soins de santé. La pénurie de travailleurs de la santé, qui dure depuis des décennies, s’envenime constamment et a laissé notre système de soins de santé en mode survie et sur le point de s’effondrer.

Les espoirs du personnel infirmier s’accrochent maintenant à la promesse dans le cadre de l’entente « d’investissements supplémentaires immédiats et continus » dans le système de soins de santé du Canada, y compris davantage d’infirmières. Les infirmières et les infirmiers espèrent désespérément qu’on alloue un financement ciblé substantiel aux initiatives éprouvées de recrutement et de maintien en poste, assorties de mesures concrètes de reddition de compte.

Oui, nous avons besoin d’un plus grand nombre de travailleurs de la santé, de personnel infirmier et de docteurs. En même temps, nous avons aussi besoin de maintenir en poste les infirmières que nous avons pour qu’elles puissent former, mentorer et maintenir en poste une nouvelle génération d’infirmières. Le recrutement et le maintien en poste sont deux côtés de la même médaille. Au quatrième trimestre de 2021, Statistique Canada rapporte 126 000 postes vacants dans le secteur de la santé et des services sociaux, un sommet jamais atteint auparavant. À l’échelle nationale, le nombre de postes infirmiers vacants dépasse 34 000, soit une augmentation de 133 pour cent en deux ans.

Les infirmières et les infirmiers en fin de carrière réexaminent leur régime de retraite. Pendant ce temps, les nouvelles recrues sont consternées par les conditions de travail intenables aux premières lignes et réévaluent leur choix de carrière.

Les charges de travail éreintantes et le manque de personnel ont fait des victimes. Selon un sondage mené par Viewpoints Research et commandé par la FCSII, le burn-out chez le personnel infirmier a augmenté de 45 pour cent. Le personnel infirmier doit composer avec des niveaux élevés de stress. Le sondage indique qu’un peu plus de la moitié des infirmières et des infirmiers pensent à quitter leur emploi cette année. De ces personnes, une sur cinq pourrait même quitter la profession. Même s’ils ne quittent pas immédiatement, plus de 20 pour cent des travailleurs de la santé sont admissibles à la retraite d’ici 2026.

De concert avec plus de 60 autres organisations du secteur de la santé, la FCSII appuie l’engagement, dans le cadre de l’entente, à recueillir de meilleures données, ce qui, nous l’espérons, permettra d’éclairer l’élaboration d’une approche robuste en matière de planification des ressources humaines en santé. À cette fin, le gouvernement fédéral doit mettre en place un organisme de coordination spécialement chargé de trouver des solutions aux lacunes importantes dans les données sur la main-d’œuvre en santé.

Sans engagement à mieux recueillir, coordonner et analyser les données grâce à des outils de planification, nous pouvons nous attendre à une planification inadéquate maintenant et dans l’avenir.

Les travailleurs de la santé représentent un investissement public très important. En 2019, cela représentait près de huit pour cent du PIB. Plus de 10 pour cent de toutes les personnes ayant un emploi au Canada travaillent dans le secteur de la santé. Or, nous savons très peu au sujet de notre main-d’œuvre en santé. Nous n’avons même pas les données de base ni les outils nécessaires pour faire la planification. Si nous voulons planifier pour l’avenir et bâtir un système de soins de santé qui puisse répondre aux besoins, nous devons avoir la capacité de prévoir comment la main-d’œuvre va changer.

Le gouvernement fédéral doit exercer un rôle de leadership en recueillant de meilleures données et des données complètes. Ainsi, les provinces, les territoires et les régions bénéficieront d’une approche plus stratégique et holistique en matière de planification de la main-d’œuvre.

Pendant toute cette pandémie, le personnel infirmier a porté le fardeau du manque de personnel et du sous-financement du secteur de la santé. Il est temps d’agir honorablement envers les travailleurs de la santé et d’investir pour bâtir un système de soins de santé plus solide.
 

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