I.
Une blague qui n’en est pas une
La transition énergétique, technologique, écologique, le sauvetage de la planète, c’est tout de même émouvant.
Ce splendide site d’extraction minière de cuivre (photo ci-dessus), situé en Zambie, propriété de la compagnie canadienne First Quantum Minerals (nombre des plus importantes firmes minières du monde sont domiciliées au Canada en raison d’avantages fiscaux), sera bientôt alimenté par « 430 MW d’énergies vertes » (une partie en photovoltaïque, une partie en éolovoltaïque) grâce à un partenariat entre deux autres entreprises, « l’énergéticien britannique Chariot » et le « français Total Eren ».
« Depuis quelques mois, la filiale du géant pétrolier français TotalEnergies travaille avec Chariot pour fournir de l’énergie propre aux opérations minières en Afrique. Et depuis le début de cette collaboration en novembre 2021, les deux partenaires ont également signé un accord pour la construction d’une centrale solaire photovoltaïque de 40 MWc à la mine de Tharisa en Afrique du Sud. »
Hip, hip, hip, hourra. (Certains, pourtant favorables au développement des énergies dites renouvelables, vertes, propres ou décarbonées (solaire, éolien, etc.), ne manqueront pas de trouver cela ridicule, voire révoltant, d’utiliser ces énergies pour alimenter des extractions minières. D’où pensent-ils que proviennent les éoliennes, les panneaux solaires, etc. ? Comment pensent-ils qu’ils sont construits, fabriqués ? Si vous voulez une civilisation industrielle, même alimentée en énergie uniquement par des « renouvelables », vous avez besoin de mines.)
Succès de la « transition », nous apprenons dernièrement que « le solaire et l’éolien ont conjointement produit plus de 10 % de l’électricité mondiale en 2021, selon la Revue globale de l’électricité, publiée ce mercredi par le centre de réflexion Ember ». Dans l’ensemble :
« 38 % de l’électricité mondiale est venue en 2021 de sources décarbonées, nucléaire inclus. La principale énergie renouvelable reste l’hydroélectricité – les barrages.
Mais le charbon a aussi généré 36 % de l’électricité mondiale. Ember souligne dans son rapport le rebond de cette énergie, la plus nocive pour le climat. De fait, la production des centrales électriques à charbon a connu en 2021 un rebond annuel inédit (+ 9 %) depuis “au moins 1985”, avec une production record de 10.042 TWh. »
Hip, hip, hip, hourra.
Autrement dit, le monde entier est rapidement recouvert de centrales solaires et éoliennes, de barrages et autres centrales de production d’énergie dite verte, propre, renouvelable ou décarbonée, qui n’ont, en réalité, jamais rien de vert, propre, renouvelable ou décarbonée, qui sont des infrastructures construites par la civilisation industrielle en vue de s’alimenter elle-même en énergie, qui s’ajoutent aux autres infrastructures de production énergétique, lesquelles ne disparaissent pas, au contraire, puisqu’on construit toujours plus de centrales à charbon, gaz, nucléaire, etc.
Comme ailleurs, en France, les projets de développement de centrales solaires ou éoliennes se multiplient. On apprend il y a quelques jours, entre un tas d’autres exemples possibles, que « l’allemand Kronos Solar lance son plus gros projet de parc photovoltaïque en France, dans le Cher » : « un immense parc de 31 hectares d’un seul tenant à Charenton-du-Cher », qui sera branché en 2024 (il y a bien une « enquête publique » qui vient de démarrer, mais leur résultat importe parfois, sinon souvent peu). Etienne Trichard, directeur général de Kronos Solar France, qui prévoit d’investir 19 millions d’euros, explique le projet : « Nous avons trouvé un terrain de 70 hectares d’un seul tenant qui n’était plus exploité en agriculture. Nous n’utiliserons que 31 hectares afin de respecter des zones humides et la biodiversité. » (Grands seigneurs, Trichard et Kronos Solar se proposent de ne détruire qu’un peu plus de la moitié des terres qu’ils ont achetées.)
& s’il déplore l’existence et le développement de la production énergétique à partir de combustibles fossiles, le mouvement écologiste moderne, le « mouvement climat », se réjouit et encourage le développement des secteurs industriels (capitalistes) du solaire, de l’éolien, de l’hydroélectrique (mais ne réalise toujours pas que sans production énergétique à partir de combustibles fossiles, le développement des industries du solaire, de l’éolien, etc., serait impossible).
(Aucune production d’énergie industrielle n’est et ne sera jamais écologique. La civilisation industrielle est une vaste machinerie mortifère à démanteler en intégralité. & toute production d’énergie, dans toute société, y compris, donc, dans la société industrielle, est production d’énergie au bénéfice des dominants. Quand on propose à de braves citoyens de participer à l’installation d’une « centrale citoyenne » sur leur commune, on leur propose de contribuer eux-mêmes au renouvellement de leur propre servitude.)
II.
StopEACOP ou l’inconséquence du « mouvement climat »
EACOP, c’est l’« East African Crude Oil Pipeline », soit l’« oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est », un projet de pipeline, porté notamment par TotalEnergies, destiné à transporter du pétrole depuis des champs pétrolifères ougandais vers le port de Tanga, en Tanzanie, au bord de l’océan Indien.
Une alliance d’ONG prétendument « écologistes » en tous genres (350.org, Inclusive Development International, Avaaz, les Amis de la Terre France, Reclaim Finance, etc.), appelée StopEACOP, s’est constituée afin de protester contre sa réalisation. À très juste titre. Ce projet serait un désastre environnemental et social de plus. Il est plus que légitime de le contester. Comme il est parfaitement justifié de s’opposer à tout projet de développement industriel. C’est là que le bât blesse.
D’un côté, l’alliance d’ONG milite très justement contre le projet de pipeline.
De l’autre, elle promeut une « économie inclusive et équitable », « offrant des emplois de qualité sur le long terme », qui requiert d’« investir dans les industries du futur », d’« investir dans les industries durables et créatrices d’emplois de demain », « l’industrie du tourisme en Ouganda par exemple », mais aussi « les industries durables comme l’énergie renouvelable et les transports électriques ». (« Kiira Motors, par exemple, un fabricant de véhicules appartenant à l’Etat, emploiera 14 000 Ougandais pour produire 5 000 bus électriques et autres véhicules par an. Les voitures devenant plus abordables, la demande pour des véhicules électriques ne cessera d’augmenter. » Hallelujah.)
À ceux qui entreprendront d’investir dans toutes ces industries durables du futur, l’alliance StopEACOP promet d’« énormes retombées économiques ».
Récapitulons. D’un côté, l’alliance conteste à raison un projet nuisible. De l’autre, elle fait l’apologie d’une montagne de niaiseries et d’absurdités, du mythe du capitalisme vert, de la chimère indésirable d’une civilisation industrielle écodurable. C’est-à-dire qu’elle fait l’apologie, en réalité, de nouvelles nuisances écologiques et sociales, de projets industriels nuisibles (aucune industrie n’est durable, écologique, les industries de production d’énergie dite verte, propre ou renouvelable pas davantage que les autres), l’apologie de la continuation du désastre sous couvert d’écologie (et en faisant miroiter d’autres absurdités comme l’inclusivité et l’équité dans le cadre du capitalisme technologique et de la domination étatique).
Cela dit, dans son plaidoyer en faveur d’une « économie meilleure, plus juste et plus inclusive bénéficiant à tous » (sic), dans son plaidoyer en faveur du capitalisme vert, l’alliance se prononce également en faveur de l’investissement dans « une agriculture durable à petite échelle » et dans les « activités de subsistance ».
À boire et à manger, donc. Confusion générale.
Dans l’ensemble, malgré leur opposition bienvenue et légitime à un projet industriel nuisible, à des projets industriels nuisibles, il me semble que le rôle et l’activité de ces ONG s’avèrent majoritairement nuisibles, dans la mesure où elles n’aident absolument pas à la formation d’un mouvement écologiste conséquent, mais accompagnent de manière relativement inoffensive — et, pire, servent à faire accepter — la continuation de la civilisation industrielle (du capitalisme), en faisant miroiter son impossible verdissement, l’inclusivité, une « équité » grotesque (l’équité façon commerce équitable, dans lequel on considère qu’une personne peut-être « équitablement » exploitée).
Voir aussi : https://floraisons.blog/comment-ne-pas-saboter-un-pipeline-selon-les-bougistes/
III.
L’indécente et criminelle bêtise des lèche-cul du GIEC
Ce qu’on appelle la science est une création du pouvoir, un produit séculaire — né aux environs du XVIIème siècle en Europe — de la domination du plus grand nombre par le plus petit, et intrinsèquement lié, d’ailleurs, à la guerre.
Sans l’État et les importantes hiérarchies sociales qui le constituent, sans les inégalités et les injustices qu’il implique, la science n’existerait pas. Ni, plus généralement, la civilisation industrielle, le monde moderne dans son ensemble. Ni le capitalisme, ni l’ONU, ni le GIEC.
Malheureusement, tout ça existe. Et donc, aujourd’hui, inquiète pour son avenir, la civilisation industrielle cherche, par le biais de ses institutions supra-étatiques (entre autres, mais notamment en ce qui nous concerne ici), comment perdurer le plus longtemps possible malgré les dérèglements climatiques (et autres destructions environnementales) qu’elle précipite.
D’où le GIEC, missionné pour trouver les meilleures solutions pouvant permettre de faire perdurer le capitalisme, la civilisation industrielle (c’est-à-dire de faire perdurer son monde, le contexte social qui assure son existence à lui) en l’adaptant aux dérèglements climatiques (et, secondairement aux autres catastrophes environnementales) en cours et en tachant de les endiguer au mieux. Le GIEC n’est pas spécifiquement mandaté pour cela, bien entendu, c’est simplement l’eau dans laquelle il nage, dans laquelle nagent les scientifiques en général. Rien de plus logique. Ainsi que le notaient Riesel et Semprun, le capitalisme (ou la civilisation industrielle, c’est idem) ne pose jamais les problèmes qu’il prétend « gérer » que dans des termes qui font de sa perpétuation une condition sine qua non.
(Au passage, un rappel : l’ONU est une création des États du monde entier, qui la financent (de même que les États financent la recherche scientifique en général). Le GIEC a été créé en 1988 par deux institutions qui composent l’ONU : l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Et le GIEC travaille main dans la main avec les États. « Ce sont ses États membres qui assurent collectivement la gouvernance du GIEC et acceptent ses rapports durant des réunions plénières annuelles ou bisannuelles. La liaison permanente entre le GIEC et les États est assurée par un point focal national. »)
Quoi d’étonnant, alors, à ce que le GIEC préconise (oui, oui, préconise, n’en déplaise aux imbéciles qui aiment à répéter aveuglément que le GIEC ne formule pas de préconisation, que la Science est « neutre », comme la technologie, sans jamais préciser vis-à-vis de quoi elles seraient neutres, et comment cela se pourrait étant donné tout ce qu’elles impliquent), quoi d’étonnant, donc, à ce que le GIEC préconise la « décarbonation » de la civilisation industrielle (ou du capitalisme, c’est idem) et la réalisation des « objectifs de développement durable » de l’ONU (lesquels comprennent le fait de « promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous », de « promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation », etc.) ? Rien.
Quoi d’étonnant à ce que, pour ce faire, le GIEC recommande notamment de (plus ou moins rapidement) abandonner les combustibles fossiles ; de miser sur le développement et l’innovation technologiques, sur le déploiement massif des industries de production d’énergie dite verte, propre, renouvelable ou décarbonée (notamment solaire et éolien), de même que sur celui des technologies dites vertes, propres ou décarbonées (voitures et autres moyens de transport électriques), des technologies numériques (internet des objets etc.), de miser sur l’électrification de tout, etc. ? Rien non plus.
Le GIEC fait essentiellement ce qu’il est conçu pour faire.
& certes, de manière secondaire, le GIEC se prononce aussi en faveur de l’agroécologie (mais version bureaucratico-capitaliste, intégrée à la civilisation industrielle, forcément), en faveur du droit des peuples autochtones, de « l’empowerment » des femmes, de la prise en compte de la volonté des « communautés locales », de la lutte contre les inégalités, de la préservation de la biodiversité et des massages à l’huile végétale de jojoba bio. Mais il s’agit simplement d’une autre illustration de l’absurdité du travail du GIEC. Moitié pensée magique, moitié prétentions vides de sens. Comme s’il était possible de faire disparaitre les inégalités ET de préserver (ou : dans le cadre de) l’État et du capitalisme. Le GIEC est en faveur de tout et n’importe quoi. Technocratie ET démocratie, agroécologie ET biocarburants pour l’aviation, planification étatique ET autonomie des communautés locales, détruire le monde ET sauver la planète.
Un incroyable tissu de propositions nuisibles, d’un côté, et d’inepties et d’absurdités de l’autre, que nos influenceurs, ONG et autres « activistes climats » préférés — Bon Pote (alias Thomas Wagner), Camille Étienne, Greenpeace, le Réseau Action Climat, Cyril Dion, etc. — se sont empressés de louanger et de promouvoir sur les réseaux sociaux et dans les médias.
En réalité, en tant que création des institutions dominantes, en tant que produit de la techno-bureaucratie mondiale, inféodé aux États et aux organismes supra-étatiques, inféodé au capitalisme, à la civilisation industrielle, le GIEC représente une grande partie de ce qui pose aujourd’hui problème. De même que l’ONU qui est elle aussi célébrée, en la personne de son Secrétaire général (Antonio Guterres), par les influenceurs, ONG et autres personnalités du « mouvement climat ».
Peu importe que l’ONU ait été créé et soit financée par les États du monde entier, qu’elle reçoive également beaucoup d’argent de la part d’institutions non-étatiques comme la Fondation Bill et Melinda Gates, dont Guterres est très proche. (En 2018, « le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a nommé Mme Melinda Gates, de la Fondation Bill et Melinda Gates, et M. Jack Ma, Président du Groupe Alibaba, Coprésidents du nouveau Groupe de travail de haut niveau sur la coopération numérique ». Ce groupe doit servir à accélérer et organiser le déploiement mondial d’internet et des technologies numériques. Il s’agit, comme nous le rapportent les technocapitalistes d’Usbek & Rica, « de lutter contre la fracture numérique. Alors que plus de la moitié de la population mondiale n’a toujours pas accès à Internet, les Nations Unies proposent un plan d’action pour que chaque adulte soit connecté d’ici 2030, grâce à la coopération internationale. » Cela ne fait-il pas chaud au cœur de voir tous ces amis de l’environnement, du climat, de la liberté et de la démocratie travailler ensemble ?!)
Peu importe que le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ait développé un partenariat avec la Norvège intitulé « Pétrole pour le développement » (Oil for Development — OfD), dont la présentation stipule :
« La découverte de réserves substantielles de pétrole et de gaz naturel offre des possibilités importantes pour le développement social, économique et politique de tout pays. Lorsqu’elle est gérée de manière efficace et équitable, avec des mesures de protection sociale et environnementale, l’industrie pétrolière peut favoriser le développement humain. […]
Alors que le monde se dirige vers des économies à faible émission de carbone afin d’atténuer le changement climatique, il est admis que les combustibles fossiles continueront à jouer un rôle dans le mix énergétique mondial. Les pays disposant de ressources en hydrocarbures peuvent bénéficier de plus de 30 ans de bonnes pratiques internationales en matière de gestion environnementale dans les secteurs du pétrole et du gaz pour soutenir le développement durable. Permettre aux pays d’accéder à ce savoir-faire est l’objectif clé du nouveau partenariat entre le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et le programme “Pétrole pour le développement” du gouvernement norvégien. Le programme norvégien “Pétrole et développement” coopère actuellement avec 13 pays : Angola, Cuba, Ghana, Irak, Liban, Kenya, Mozambique, Myanmar, Somalie, Soudan du Sud, Soudan, Tanzanie et Ouganda. Grâce à ce partenariat, le PNUE renforcera les capacités nationales pour une meilleure gestion environnementale dans les secteurs du pétrole et du gaz dans les 13 pays soutenus par la Norvège. »
Bref, celles et ceux qui se soucient de la nature et de la liberté ne devraient pas se leurrer. L’ONU, le GIEC et les États sont autant d’ennemis de la nature et de la liberté. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est perpétuer le désastre social et écologique. Si nous voulons sérieusement y mettre un terme, il va nous falloir sérieusement trouver des moyens de (nous organiser pour) démanteler toutes ces institutions et faire machine arrière.
Nicolas Casaux
Source: Lire l'article complet de Le Partage