par Patrick Amstrong.
Je ne m’attendais pas à ce que la Russie envahisse l’Ukraine. J’ai été assez affirmatif sur ce point à plusieurs occasions : « La Russie n’envahira pas l’Ukraine », j’ai dit. J’envisageai plusieurs possibilités, mais rien comme ce que nous avons vu ces dernières semaines. Mon argument se basait sur le postulat que Moscou ne voulait pas prendre possession du pays, selon l’expression d’Aslund, « le plus pauvre d’Europe ». Je continue à penser que c’est le cas – je crois que Moscou veut une Ukraine neutre et dé-nazifiée qui serve de tampon entre elle et l’OTAN. J’en viens aussi à croire que la Novorossiya, dans une délimitation plus ou moins proche des frontières historiques formées par Catherine II après l’avoir reprise aux Ottomans, sera indépendante. La possibilité qu’elle continue de faire partie de l’Ukraine est probablement dépassée. Comme je l’ai écrit en 2014 « En raccourci, l’Occident a cassé l’Ukraine, maintenant elle lui appartient. Ou, pour le dire d’une manière plus précise, il est propriétaire de la partie que Moscou ne veut pas avoir. Et le choix de cette partie revient entièrement à Moscou ».
• https://patrickarmstrong.ca/2014/05/27/the-destruction-of-ukraine
Moscou est en train de choisir maintenant. Alors, pourquoi je me suis trompé ? Qu’est-ce que j’ai raté ?
Je pense que j’ai raté trois choses – deux que j’ignorais et une à laquelle je n’ai pas assez porté d’attention. Ces choses sont : la question des armes nucléaires, l’attaque prévue sur la LDNR et les laboratoires bioterroristes.
À la Conférence de Munich, le Président ukrainien Zelensky a fait [allusion à la possibilité que l’Ukraine développe des armes nucléaires. Il y a une opinion très répandue que l’Ukraine a abandonné ses armes atomiques après la rupture avec l’URSS, mais c’est absurde. Oui, un certain nombre d’armes nucléaires de l’URSS étaient stationnées dans la République soviétique socialiste d’Ukraine, mais elles n’étaient pas plus sous le contrôle de Kiev que les missiles ICBM américain dans le Montana ne sont contrôlés par le gouvernement d’État à Helena. L’Occident était enchanté quand Moscou a pris la responsabilité de l’armement nucléaire de l’URSS, tout comme il était enchanté quand Moscou a entrepris de donner la nationalité russe à tout citoyen soviétique abandonné, de retirer toutes les armes et les troupes de l’URSS de l’Europe de l’Est et de prendre à son compte toutes les dettes de l’URSS. Imaginez si Moscou avait dit que, pour tout cela, elle ne prendrait que la part de la Russie (à peu près la moitié) et que la Moldavie, par exemple, soit responsable de sa part. C’est plus tard que l’accord de Moscou a été reformulé en accusations – et nous (et je m’en rappelle bien) étions très soulagés à l’époque : pas de bombes, pas de missiles nucléaires ou d’armes abandonnés, pas de soldats armés sans responsables, pas de dettes impayées, pas de peuples et de personnes sans nationalité. Ainsi l’Ukraine n’a jamais « possédé » d’armes nucléaires. Mais que Zelensky évoque cette possibilité a été vu à Moscou comme une réelle menace : à défaut d’une armement nucléaire parfaitement fonctionnel, au moins une sale bombe aurait pu être construite – il y a plein de matière radioactive à Tchernobyl après tout, et l’Ukraine a hérité d’un stock de missiles Tochka. Ainsi, cette question a été un des facteurs. Que la déclaration d’Azarov que l’OTAN était effectivement en train de planifier cela soit vraie ou fausse, Moscou ne pouvait pas se permettre le doute. Poutine a mentionné lui-même ce facteur.
La deuxième raison pour l’attaque a été l’information – et il a été dit que des documents ont été découverts – comme quoi Kiev était en train de planifier une attaque sur la LDNR pour mars. Des preuves définitives n’ont pas encore émergé mais le fait que la majeur partie des forces armées ukrainiennes aient été positionnées de manière à attaquer la LDNR plutôt qu’à défendre les frontières de l’Ukraine est significatif. Au vu de ces éléments, Moscou a décidé, de manière évidente, de réaliser une attaque préventive. Poutine a également mentionné cet élément comme un facteur.
Je savais qu’il y avait un grand nombre de bio-laboratoires américains à travers le monde – assurément le monde entier est maintenant au courant de celui de Wuhan, et je pense que je savais globalement qu’il y en avait en Ukraine. À ce sujet, le travail d’investigation de Dilyana Gaytandzhieva est une lecture essentielle. Ce qui était « une théorie du complot » il y a seulement un ou deux semaines a été admis par Victoria Nuland elle-même. L’histoire est ainsi passé d’une théorie complotiste à « quelques laboratoires bénins et peu nombreux » puis à « les Russes pourraient faire une attaque en utilisant les matières dangereuses qui y sont stockées ». Je me suis rappelé cette révélation, il y a quelques années, que l’armée américaine collectait des échantillons d’ADN russes. Mais je n’ai pas mis tous ces fragments bout à bout. Nous verrons l’étendue de cette question : il a été dit que des documents ont été saisis. Poutine a fait référence à cette question.
Ainsi il y a désormais trois raisons pour une attaque : une attaque préventive pour arrêter l’éventualité d’attaques nucléaires, biologiques et pour protéger la LDNR. Il est maintenant évident que l’« ultimatum » représentait une dernière chance : si à Washington, le véritable pouvoir derrière la scène avait répondu sérieusement aux demandes de Moscou – l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et forcer Kiev à suivre les Accords de Minsk – il n’y aurait pas de guerre aujourd’hui. Moscou a de toute évidence décidé d’un plan B quelque part autour de la fin 2021 et a commencé à se préparer.
Ensuite, alors que la guerre progressait, j’ai oublié la fameuse citation de Clausewitz comme quoi la guerre est une continuation de la politique par d’autres moyens et j’ai sur-estimé la rapidité des développements. Au début, Poutine a exprimé les objectifs : dé-nazification, désarmement et pas d’OTAN. Le premier objectif est à réaliser en tuant les nazis et en poursuivant en justice et en exposant les survivants, le deuxième objectif est à peu près achevé et le troisième n’est pas encore là (bien que Zelensky y fasse périodiquement référence). Ces objectifs peuvent être atteints par la violence ou par la négociation (aidé par la violence – les « autres moyens »). L’opération russe se poursuivra jusqu’à ce que tous trois soient accomplis. Je n’imagine pas les troupes russes s’avancer de beaucoup dans l’Ukraine occidentale : laissons à l’OTAN, et plus particulièrement à la Pologne, la joie de s’occuper de la Galicie.
Mais, en fin de compte, il y aura quelque chose appelé Ukraine et plein d’Ukrainiens à la porte de la Russie. Moscou préfère que ces Ukrainiens ne détestent pas les Russes et cela nécessite des mouvements précautionneux et attentifs et le moins de veuves et d’orphelins possible. Ainsi les mouvements de la première semaine ont été rapides mais depuis il y a eu de nombreuses pauses pour négocier – avec peu de résultat pour ce que nous en savons – des pauses pour des corridors humanitaires et des cessez-le-feu locaux. Comme le dit le Colonel Macgregor, les Russes essayent de minimiser les pertes civiles.
Les forces russes ont une bonne expérience de ce genre de choses depuis la Syrie et nous voyons le lent encerclement des villes et les déploiements militaires qui se font toujours avec des voies de sorties pour permettre aux civils (et aux combattants qui ne veulent plus se battre) de mettre hors de danger. Les Tchétchènes en particuliers sont agiles pour ces tâches. (et pour le moins grâce à leur expérience de combat avec la Russie dans la Première Guerre tchétchène. Qui aurait pensé que cela tournerait ainsi ?). Larry Johnson remet l’avance de la Russie dans son contexte. Ainsi l’opération militaire est au service de la politique et elle est plus lente que si la seule destruction était son objectif.
source : Patrick Armstrong
envoyé par A. Lucciola
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