La colère de la sagesse

La colère de la sagesse

La colère de la sagesse

• Articles du 1er mars 2022. • Comment un commentateur respecté et mesuré, diplomate indien devenu observateur indépendant et unanimement apprécié, porte un jugement terrible sur l’Occident. • Contributions : dde.org et M.K. Bhadrakumar.

Cet article de l’ancien ambassadeur indien M.K. Bhadrakumar doit être lu et médité par tout “Européen” qui n’a rien à faire du totalitarisme bureaucratique de madame Ursula, cheffe de la Commission Européenne, et de la cabale de nos piètres dirigeants, et tout à consacrer au statut qu’il devrait vouloir renforcer sinon acquérir d’“honnête homme” au sens du grand XVIIème siècle classique.

Bhadrakumar, on le sent  derrière son langage clair et très policé, est envahi d’une saine colère, celle qu’éprouve la Sagesse lorsqu’elle croise la Bêtise. Le comportement occidental, le soutien presque illuminée, presque religieux-hystériques apporté à un pouvoir dont la composante nazie est très largement documentée, tout cela commence à susciter des remous considérables, surtout dans des régions qui ont eu à subir de la part du bloc-BAO, à de multiples reprises, cette sorte d’attaques illégales que le susdit-bloc dénonce hystériquement chez les Russes après avoir tant fait pour que cela se produise..

Voici donc comment Bhadrakumar ressent la chose :

« … [P]our [lesquels] une politique de porte ouverte à l’égard des réfugiés d’Ukraine… est justifiée

 » Les journalistes occidentaux ont soutenu avec passion que ces réfugiés ne sont pas comme ces sous-hommes des pays musulmans qui frappent aux portes de l'Europe pour demander l'asile, mais que ces réfugiés ukrainiens sont des chrétiens, – et cela aussi, avec des cheveux blonds et des yeux clairs ! […]

» Pas un seul pays musulman n’a exprimé son soutien à Washington dans sa confrontation avec la Russie. Bien qu'ils soient parties prenantes d'une troisième guerre mondiale, ils préfèrent ne pas y penser. Le fond du problème est qu’ils pensent qu’il s’agit d’une nouvelle croisade des pays chrétiens, – sous couvert de valeurs et d'un “ordre fondé sur des règles” – de la sorte qu’ils connaissent bien. Ils voient que les pays occidentaux sont de retour avec leurs guerres bestiales endémiques de l’histoire européenne à travers les siècles. »

Il y a également, autre sujet, l’attitude d’Israël, qui se sent une solidarité historique avec la Russie également pour le passé d’une souffrance commune des deux du fait des activités nazies, et qui n’ignore pas, bien informé par les Russes, « ce qui se passe en Ukraine, – où le cœur du pouvoir est entre les mains de groupes néonazis agissant avec le soutien des pays occidentaux ». Les Israéliens ont plusieurs fois montré indirectement cette attitude, dernièrement lorsque le Premier ministre Bennett a offert à Moscou la médiation d’Israël entre la Russie et l’Ukraine. Par ailleurs, Bhadrakumar nous apporte quelques précisions très concrètes sur l’attitude d’Israël :

« Toutefois, c’est Israël qui a fait l’ouverture la plus mémorable à la Russie, une ouverture historique empreinte d'une grande sensibilité. Israël a empêché les États-Unis de transférer à l'Ukraine son système de défense antimissile Dome, qui aurait changé la donne dans le conflit actuel, au motif qu’il ne voulait pas agir contre la Russie !

» Washington et Tel Aviv ont étouffé l'affaire jusqu’à ce qu'elle soit révélée récemment par les médias. Puis vint la demande de l'administration Biden, qui souhaitait obtenir le soutien d'Israël pour co-parrainer sa résolution au Conseil de sécurité concernant l’Ukraine. Israël a refusé ! Les États-Unis ont fait connaître leur mécontentement. »

Tout cela nous plonge dans une grande confusion puisque nombre de positions politiques et surtout idéologiques, si souvent passionnées dans une orgie d’affectivisme, se retrouvent en porte-à-faux avec leur orientation générale, en contradiction les unes par rapport aux autres, et cela dans tous les sens, de toutes les façons. Nous ne nous en plaindrons pas nécessairement, car c’est bien là un reflet autant qu’un effet de la suite interminable de positions manichéennes intimées par nos autorités-Système, avec le “Camp du Bien” changeant de camping régulièrement, portant anathème dans tous les sens, sans souci de la logique, des cultures, des nuances, du passé-vrai et non recomposé en simulacre hollywoodien ; développant sans cesse ni mesure une politique extrême de l’affectivisme narcissique, jusques et y compris dans nos tragédies-bouffes de la repentance, qui finit par susciter une exaspération tout aussi extrême.

Bref, – la colère de l’Indien Bhadrakumar nous signale que, très vite, nous autres “Européens”, allons être confrontés à de bien pesantes contradictions. Nombre de canots de sauvetage seront nécessaires pour sauvegarder les divers lambeaux de la vertu bienpensante et démocratique d’Occident, menacée de naufrage du fait de son ‘Titanic’.

Dans le titre initial, Bhadrakumar emploie la savoureuse expression anglo-saxonne de “strange bedfellows” (“étranges compagnons de lit”), qui n’a pas son équivalent aussi évocateur en français. L’article a été publié le 28 février 2022 sur le site ‘Punchline.com’ de Bhadrakumar.

dde.org

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L’Ukraine favorise d’étranges rencontres

La communauté internationale est consternée par les tensions aiguës entre les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN, d’une part, et la Russie, d’autre part, qui se trouvent au bord d’une confrontation militaire comme le monde n’en a pas connu depuis la fin de la guerre froide.

Ce qui est choquant, c’est qu’il s’agit d’une lutte sans merci, menée becs et ongles, car les préjugés raciaux et religieux cachés dans les profondeurs sont remontés à la surface dans le monde occidental.

Le spectacle amusant des chaînes de télévision occidentales discutant ouvertement des raisons pour lesquelles une politique de porte ouverte à l’égard des réfugiés d’Ukraine est justifiée dans les pays européens met à jour les courants culturels transversaux souterrains sous le mince vernis de la modernité.

Les journalistes occidentaux ont soutenu avec passion que ces réfugiés ne sont pas comme ces sous-hommes des pays musulmans qui frappent aux portes de l'Europe pour demander l'asile, mais que ces réfugiés ukrainiens sont des chrétiens, – et cela aussi, avec des cheveux blonds et des yeux clairs !

C'est lorsque des périodes traumatisantes surviennent que le vernis de culture et de modernité des Européens s'écaille et que la véritable nature humaine fait surface dans toute sa crudité. Ce n'est pas une question d'éducation ou de richesse.

Nous avons vu que même António Manuel de Oliveira Guterres est un homme différent aujourd'hui. Il se comporte davantage comme un occidental portugais et un catholique romain que comme le secrétaire général des Nations unies. Après Dag Hammarskjöld, Guterres est le premier secrétaire général de l'ONU qui s'est heurté à un membre permanent du Conseil de sécurité, – ou, plus précisément, qui s'est totalement identifié à un des membres du CSNU contre un autre.

Le conflit entre Hammarskjöld et les États-Unis n'était pas personnel, mais fondé sur des principes et une idéologie. En revanche, les motivations de Guterres sont douteuses. (Est-ce une coïncidence que ses représentants spéciaux dans les points chauds du monde où les intérêts occidentaux sont en jeu, – que ce soit au Myanmar, en Somalie, au Soudan, en Afghanistan ou au Venezuela, – se trouvent être des candidats issus des pays occidentaux) ?

Bien sûr, Guterres ne connaîtra pas le sort tragique d'Hammarskjöld (que la CIA a éliminé) car la Russie ne fait pas de choses aussi horribles. Mais Guterres rabaisse sa propre organisation où la grande majorité des pays sont issus du monde non-occidental.

Pas un seul pays musulman n'a exprimé son soutien à Washington dans sa confrontation avec la Russie. Bien qu'ils soient parties prenantes d'une troisième guerre mondiale, ils préfèrent ne pas y penser. Le fond du problème est qu’ils pensent qu'il s'agit d’une nouvelle croisade des pays chrétiens, – sous couvert de valeurs et d'un “ordre fondé sur des règles” – de la sorte qu’ils connaissent bien. Ils voient que les pays occidentaux sont de retour avec leurs guerres bestiales endémiques de l’histoire européenne à travers les siècles.

Si l'on en croit les rapports, l'Arabie saoudite a refusé catégoriquement d'écouter les supplications de l'administration Biden de rompre son alliance énergétique avec la Russie, connue sous le nom d’‘OPEP+’, qui règle avec précision la position de l’offre sur le marché mondial du pétrole. L’Iran, rival de l’Arabie saoudite, et la Syrie ont ouvertement soutenu la Russie. La Turquie a proposé une médiation entre la Russie et l'Ukraine et a même participé à l'organisation des pourparlers au Belarus.

Toutefois, c’est Israël qui a fait l’ouverture la plus mémorable à la Russie, une ouverture historique empreinte d'une grande sensibilité. Israël a empêché les États-Unis de transférer à l'Ukraine son système de défense antimissile Dome, qui aurait changé la donne dans le conflit actuel, au motif qu’il ne voulait pas agir contre la Russie !

Washington et Tel Aviv ont étouffé l'affaire jusqu’à ce qu'elle soit révélée récemment par les médias. Puis vint la demande de l'administration Biden, qui souhaitait obtenir le soutien d'Israël pour co-parrainer sa résolution au Conseil de sécurité concernant l’Ukraine. Israël a refusé ! Les États-Unis ont fait connaître leur mécontentement.

Ensuite, lors d’une conversation au ministère russe des affaires étrangères à Moscou, l'ambassadeur israélien s'est apparemment vu demander par la partie russe si son pays n'était pas au courant de ce qui se passe en Ukraine, – où le cœur du pouvoir est entre les mains de groupes néonazis agissant avec le soutien des pays occidentaux.

Il est certain qu'Israël doit être bien conscient de la situation. Pour Israël, l'Ukraine n'est pas un pays comme les autres. C'est le pays où ont eu lieu les horribles massacres de la fin septembre 1941, lorsque l'armée nazie, les SS, les unités de police allemandes et leurs auxiliaires ont perpétré l'un des plus grands massacres de la Seconde Guerre mondiale.

Il a eu lieu dans un ravin appelé Babyn Yar (Babi Yar), juste à l'extérieur de la capitale ukrainienne, Kiev. Selon l'Encyclopédie de l'Holocauste, « les Allemands ont continué à perpétrer des meurtres de masse sur ce site jusqu'à peu avant que les Soviétiques ne reprennent le contrôle de Kiev en 1943. Pendant cette période, les Allemands ont abattu des Juifs, ainsi que des Roms, des civils ukrainiens et des prisonniers de guerre soviétiques. Dans les décennies qui ont suivi la guerre, Babyn Yar a symbolisé la lutte pour la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et de l'Holocauste en Union soviétique ».

Nous ne connaîtrons jamais la réaction de l'ambassadeur israélien à la démarche russe, mais Moscou a eu une agréable surprise lorsque le Premier ministre israélien Naftali Bennett a appelé le président russe Vladimir Poutine dimanche pour proposer une médiation sur l'Ukraine. Le compte-rendu russe de l’entretien dit brièvement : « À son tour, Naftali Bennett a offert les services de médiation d'Israël afin d'arrêter les actions militaires. » Poutine a bien sûr informé Bennett sur l'opération militaire spéciale pour défendre le Donbass et a expliqué que Moscou « est prêt à discuter avec les représentants de Kiev, qui ont fait preuve d'une approche incohérente jusqu'à présent et n'ont pas encore utilisé cette opportunité ».

Israël se trouve dans une situation délicate. Les États-Unis sont le proche allié d'Israël et Bennett a fait preuve de prudence en évitant que les divergences avec l'administration Biden ne se transforment en différends, – contrairement à son prédécesseur Benjamin Netanyahu, abrasif et acerbe.

D'autre part, Israël a une relation très spéciale avec la Russie qui a également beaucoup souffert des envahisseurs nazis. Après tout, plus de 20 millions de citoyens soviétiques ont péri pendant la Seconde Guerre mondiale.

De même, Israël est parfaitement conscient que la Russie est profondément engagée dans la campagne contre le fascisme à un moment où le monde occidental lui tourne le dos, décidant non seulement d’aller de l'avant mais aussi acceptant la recrudescence de l'idéologie nazie dans les sociétés européennes ces derniers temps.

L'implication de l'Allemagne dans les activités des néo-nazis en Ukraine doit certainement être connue des services de renseignement israéliens. Mais que peut faire Israël de son côté ? C’est une réalité profondément douloureuse, tant pour Israël que pour la Russie, que dans l'écosystème politique occidental, l'idéologie nazie ne soit plus répréhensible. 

N’est-il pas étonnant que deux des trois religions abrahamiques soient dans l’embarras face aux cris de guerre du monde chrétien ? La crise ukrainienne fait en effet d’étranges compagnons de lit. Les Émirats arabes unis, un allié fidèle des États-Unis dans la région de l’Asie occidentale, se sont abstenus à deux reprises ces derniers jours de voter les résolutions parrainées par les États-Unis condamnant la Russie au Conseil de sécurité des Nations unies.

Antonio Guterres s'est personnellement chargé de mobiliser le soutien pour les États-Unis lors de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies consacrée à l’Ukraine. Les diplomates américains ne ménagent pas leurs efforts. Si une grande partie des membres de l'ONU choisissent encore de s’abstenir, ce sera un coup dur pour Guterres personnellement. Démissionnera-t-il si cela se produit ? Bien sûr, c'est trop demander. Les Américains ne le laisseront tout simplement pas faire, puisqu'ils l'ont maintenu en poste pour un second mandat.

M.K. Bhadrakumar

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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