Le texte suivant est une traduction du chapitre 5 du livre The Abolition of Sex : How the “Transgender” Agenda Harms Women and Girls (« L’abolition du sexe ou comment le programme “transgenre” nuit aux femmes et aux filles ») de Kara Dansky, une autrice et féministe états-unienne, paru en novembre 2021.
Comment en sommes-nous arrivées là ? Pourquoi le gouvernement américain est-il en train d’abolir le sexe dans la loi ? Pourquoi les femmes sont-elles contraintes de céder du terrain et de partager leurs espaces avec des hommes sous le prétexte fallacieux qu’ils seraient de sexe féminin ? Pourquoi n’avons-nous pas le droit d’en parler ? Pourquoi les médias — qui comptent de nombreuses femmes puissantes et intelligentes — cherchent-ils à nous induire en erreur, à nous manipuler ? Pourquoi des femmes ont-elles perdu leur emploi pour avoir déclaré que le sexe est réel ? Ces questions me sont fréquemment posées.
Une industrie invisible met en branle toute cette machinerie institutionnelle. Mais bien qu’elle n’agisse pas en secret, peu de gens le réalisent. L’objectif premier de cette industrie est d’une simplicité et d’une arrogance à toute épreuve : il s’agit d’annihiler la vie humaine telle que nous la connaissons. Le fondement philosophique de cette campagne extrémiste est un déni de la nature et des limites qu’elle nous impose en matière de réinvention de nous-mêmes et de transformation du monde. Selon cette philosophie dualiste (NdlT : séparation du corps et de l’esprit, de la matière et des essences), il n’y a qu’en destituant l’idée d’une réalité objective et en affirmant la primauté de la subjectivité, c’est-à-dire la primauté de « l’expérience vécue », que nous pourrions enfin créer une nouvelle réalité dans laquelle nous disposerions tous de la faculté démiurgique de nous recréer intégralement selon nos moindres désirs.
Les intérêts et les droits des femmes, dans la mesure où ils sont intrinsèquement liés à notre existence biologique en tant que femmes, sont donc autant d’obstacles à la réalisation de ce programme (NdlT : idéaliste et ultra individualiste). L’effacement du sexe biologique dans la loi et dans la société entière doit alors en constituer le premier acte. Les droits et les corps des femmes ne sont que des dommages collatéraux (NdlT : comme ils l’ont toujours été dans l’histoire du patriarcat et de l’institutionnalisation de ses mythes et de ses religions égotiques).
L’industrie de « l’identité de genre » se fonde sur un mélange vicieux de haine des femmes, d’antiscience et de lucre. Ce propos pourrait vous sembler exagéré. Je vous demande de bien vouloir faire preuve d’indulgence et de me permettre de développer.
En 1979, la professeure Janice G. Raymond de l’Université du Massachusetts, à Amherst, publiait un livre prophétique, intitulé L’Empire transsexuel, dans lequel elle prédisait tout ce qui s’est passé dans le domaine du transsexualisme (et du transgenrisme, que nous pourrions appeler transsexualisme 2.0) au cours des quarante et quelques dernières années[1]. Raymond notait que le « transsexualisme » était une idéologie qui rejetait tout ancrage dans la réalité matérielle : nous ne pouvons effectivement pas changer de sexe, tout comme nous ne saurions « naitre dans le mauvais corps ». C’est pourquoi elle soutenait que « le transsexualisme constitue un “programme sociopolitique” de sabotage du mouvement politique visant effectivement à éradiquer les stéréotypes sexuels et l’oppression sexuelle de notre culture. En effet, l’idéologie du transsexualisme renforce les bases institutionnelles du sexisme sous couvert de thérapie[2] » (en italique dans l’original).
Raymond plaçait son analyse dans le domaine de la morale, des valeurs et de l’éthique. Elle semblait alors moins intéressée à débattre de la véracité de l’affirmation selon laquelle les gens pourraient changer de sexe (même si elle répondait déjà clairement « non » à cette question) qu’à discuter de la manière dont le transsexualisme renforçait insidieusement les stéréotypes sexistes liés aux rôles sexuels. On lui décerne largement et à juste titre le mérite d’avoir été l’une des premières féministes à le faire. En bref, elle a vu venir tout ce marasme idéologique et noues a averties de ce qui se préparait.
Il serait terriblement tentant de rejeter cette analyse en bloc en la taxant de conspirationnisme. Personne ne veut vraiment chercher à comprendre l’étendue et la gravité de ce qui arrive aux femmes sous couvert de tolérance et d’inclusivité. Réaliser ce qui se cache derrière le mouvement pour l’abolition du sexe peut s’avérer moralement éprouvant. Cependant, ce n’est pas compliqué, il suffit d’ouvrir les yeux : tout est là au grand jour. Si nous échouons à contrecarrer l’industrie de « l’identité de genre », le sexe, légalement et socialement, sera bientôt complètement aboli.
Qu’est-ce que l’industrie de « l’identité de genre » ? Comme indiqué précédemment, il s’agit d’un vaste consortium de multinationales, de cabinets d’avocats, d’entreprises médicales et pharmaceutiques, de gouvernements, de médias, d’universités et d’organisations à but non lucratif engagés dans une conspiration en vue de nous mentir sur tout ce qui se passe[3]. Non pas une conspiration au sens juridique d’un accord manifeste entre ces parties, mais plutôt au sens d’un accord tacite entre nombre d’entités les plus puissantes de notre société visant à convaincre tout le monde que le sexe n’existe pas en tant que réalité matérielle, et que seule l’identité subjective est souveraine.
L’histoire débute dans les années 60 et 70, au sein des universités américaines, avec la diffusion de la pensée postmoderne, qui se transforma par la suite en « théorie queer ». Les soi-disant « théoriciens queers » promeuvent activement l’idée que la biologie serait socialement construite et que nous pourrions lui échapper en nous « identifiant » simplement à autre chose (NdlT : c’est le constructivisme). Judith Butler est l’une des « théoriciennes queers » américaines contemporaines. Elle est professeure au département de littérature comparée et de théorie critique à l’université de Berkeley en Californie (NdlT : Berkeley était le philosophe idéaliste du subjectivisme extrême : grosso modo, la réalité n’existait pas, tout était subjectif et seule la version subjective de l’individu prévalait). Ses travaux s’appuient sur la pensée de Michel Foucault, un philosophe français du vingtième siècle ayant plaidé pour la réduction, voire l’élimination de l’âge du consentement sexuel à un moment où des débats se tenaient autour des lois contre le viol. Selon la philosophe Susan Cox :
« La théorie queer s’est grandement inspirée de Michel Foucault, d’ailleurs qualifié de “père de la théorie queer”. Il a popularisé la méthode qu’il appelle “généalogie historique”. À l’origine, il l’a tirée de Nietzsche, mais il l’a vulgarisé au 20e siècle dans le cadre de la philosophie postmoderne. Il réalise donc toutes ces généalogies historiques, par exemple, l’histoire de la folie, l’histoire de la sexualité, etc., pour montrer comment l’homosexualité a pu être construite comme sexualité déviante. [NdlT : les pédosexuels se sont réapproprié cette analyse pour leur propre cause]
Il s’agit d’un travail important. Seulement, la théorie queer élimine le pouvoir politique de l’équation, et prétend ensuite que les normes arrivent presque par hasard, ce qui nous vient, malheureusement, aussi de Foucault. Foucault soutenait que les normes étaient en quelque sorte le fruit de la contingence. C’est-à-dire du hasard. Elles se formeraient comme ça, tout simplement, elles prennent leur élan pour une raison quelconque et continuent sur leur lancée. Personne ne saurait vraiment pourquoi. Comme si elles ne profitaient pas à un groupe spécifique de personnes. De la même manière, Judith Butler a affirmé que les femmes ne sont pas opprimées au bénéfice des hommes, mais que ces normes sont simplement apparues, qu’elles sont très restrictives et qu’elles oppriment les gens[4]. »
Selon la théorie queer, les femmes ne sont donc pas opprimées par les hommes sur la base de leur sexe, mais sur la base de l’existence de la catégorie binaire du sexe. Cette assertion est fondamentalement antiféministe. Aussi, les théoriciens queers parlent fréquemment de « queerifier la binarité ». En voici un bon exemple :
« Butler (1990, 1993) a influencé tout un courant de pensée en soutenant que notre biologie n’est pas une base neutre sur laquelle le genre serait culturellement construit. Comme l’ont montré Laqueur (1990) et d’autres, même nos corps sont culturellement construits dans la mesure où ils sont appréhendés d’une manière spécifique à notre culture. Selon Butler (1990, p. 10), “peut-être que ce que l’on appelle ‘sexe’ est une construction culturelle au même titre que le genre ; en réalité, peut-être le sexe est-il toujours déjà du genre et, par conséquent, il n’y aurait plus vraiment de distinction entre les deux.”[5] »
La théorie dite queer, avec son insistance à concevoir les corps comme des « constructions culturelles », représente le crépuscule de la réalité matérielle du sexe — tout ce qui suit en découle directement.
Mais comment une théorie académique aussi obscure (et absurde) a‑t-elle pu s’échapper de la tour d’ivoire du milieu universitaire pour se retrouver dans les salles de classe, de réunion, dans le salon de monsieur et madame tout le monde et jusque dans la loi elle-même ? Il me semble que suite à la « queerification (NdlT : déconstruction) de la binarité du sexe » réalisée par l’académie, trois phénomènes corrélatifs se sont produits qui ont créé les conditions nécessaires à l’abolition contemporaine du sexe dans la loi et dans toute la société : (1) l’invention du mot « transgenre » ; (2) l’explosion des technologies et des pratiques médicales marchandes ; et (3) l’adhésion totale de la gauche à l’exploitation sexuelle des filles et des femmes.
Si l’on avait essayé de prêcher aux Américains l’idée que le sexe n’est pas réel en citant une idéologie prépostère concoctée par une poignée d’universitaires éminemment obscurs, cela n’aurait jamais marché. Tout le monde sait comment sont faits les bébés. Pour faire accepter aux Américains que le sexe n’existe pas, il fallait un nouveau mot : « transgenre ».
Comme nous l’avons vu au chapitre 1, le mot « transgenre » ne signifie rien, du moins, rien de cohérent. Néanmoins, son emploi massif dans le discours culturel et médiatique a fini par persuader la plupart des gens du contraire. Il est tentant de penser qu’il existe un clivage politique concernant l’acceptation des « personnes transgenres », mais il s’agit d’un préjugé trompeur. Il est tentant de croire que les gens de gauche sont « tolérants » ou qu’ils « acceptent » les « personnes transgenres » tandis que les gens de droite sont « intolérants » ou « phobiques » à leur égard, parce que c’est ainsi que les médias tiennent à simplifier les choses. Mais c’est faux. Il est vrai qu’aux États-Unis, les démocrates sont à l’origine des pressions politiques visant à inscrire « l’identité de genre » dans la loi et que de nombreux républicains s’y opposent. Mais la plupart des républicains, qu’ils soient employés ou cadres, même s’ils s’opposent à l’inscription de « l’identité de genre » dans la loi, acceptent et ont intégré dans leur conception du monde la fiction des « transgenres », l’idée selon laquelle les « transgenres » constitueraient une catégorie cohérente de personnes. Tel n’est pas le cas.
Le mot « transgenre » n’est qu’un tour de passe-passe linguistique visant à persuader tout le monde que le sexe n’existe pas. Malheureusement pour nous toutes, cet objectif a largement été atteint.
Raymond discute de l’apparition du mot « transgenre » dans son introduction à la réédition de 1994 de L’Empire Transsexuel. Elle propose un aperçu édifiant de la manière dont le mot s’est imposé. Son ouvrage est une lecture obligatoire pour quiconque s’interroge sur la manière dont ce vocable nuit aux femmes et aux filles. Dans un passage intitulé « La politique du transgenrisme », elle écrit : « La question du transsexualisme a été largement écartée par les débats sur le transgenrisme ou ce que l’on a appelé “le nouveau nec plus ultra de la sexualité”. Le terme transgenre rassemble les transsexuels préopératoires et postopératoires, les travestis, les drag-queens, les gays et les lesbiennes, les bisexuels et les hétérosexuels qui s’écartent, d’une manière ou d’une autre, via l’accoutrement ou le comportement, des stéréotypes sociosexuels traditionnels et transgressent ainsi les “rôles de genre”[6]. » De prime abord, semble correct, mais les choses ont bien changé depuis 1994 — comme nous l’avons vu plus haut. Aujourd’hui une personne peut « être transgenre » en déclarant simplement qu’elle « est transgenre ». Si le mot « transgenre » peut signifier tout et n’importe quoi, il ne signifie plus rien. (NdlT : c’est le principe de l’auto-identification « en tant que » ; « je m’identifie en tant que femme, poisson rouge, chat, dragon, noire, Napoléon, présidente de la République et ta mère… »)
Raymond poursuit en décrivant la manière dont « transgenre », « transsexuel » et d’autres vocables sont souvent utilisés afin d’indiquer une certaine forme de conformité aux rôles sociosexuels stéréotypés, qui ne remet donc absolument pas en question la réalité politique et les dynamiques de pouvoirs : les hommes possèdent le pouvoir politique, les femmes non. Elle aborde également les difficultés auxquelles les lesbiennes sont confrontées dans un monde où l’on attend généralement des femmes qu’elles se comportent de manière stéréotypiquement « féminine », ainsi que la nature de « l’entorse au genre » (« gender bending »), ou, comme certains l’appellent aujourd’hui, de la « non-conformité de genre ».
Elle conclut ainsi : « L’idéal transgenre est provocateur. Sur le plan personnel, il permet à l’individu de s’inscrire sur le spectre de l’expression de genre (NdlT : avec d’un côté le stéréotype misogyne de la féminité extrême et de l’autre, le stéréotype viriliste de la masculinité ultime). Sur le plan politique, il ne sort jamais du continuum des stéréotypes sexistes et échoue ainsi à le transcender. Sa rébellion prétendument iconoclaste contre l’enfermement dans l’enceinte du genre (NdlT : par genre il faut bien lire rôles sociosexuels) est davantage un effet de style qu’un engagement profond. À quoi peut bien servir un rebelle du genre qui continue de se soumettre à l’ordre du genre[7] ? ». Les prédictions de Raymond se sont toutes réalisées : le concept de « transgenre » relève bien plus de la mystification que du concret. Il ne fait rien pour renverser les dynamiques de pouvoir du monde réel, dans lequel les femmes demeurent une sous-classe politique.
Cependant, le mot « transgenre » s’est révélé encore plus nuisible que prévu. Non seulement il n’a fait que renforcer les stéréotypes sexuels traditionnels, mais il a réussi à persuader la société tout entière, ou presque, que le sexe n’existait pas (NdlT : le sexe est de plus en plus dit « assigné à la naissance » et non plus seulement, et justement, « observé » ou « constaté »). Ce petit mot a accompli bien plus que tout ce que les théoriciens queers n’auraient pu le faire en prêchant la bonne parole de la « queerification de la binarité » depuis leur tour d’ivoire (NdlT : binarité des sexes, en fait, des rôles sociosexuels que les postmodernes confondent avec la réalité matérielle du sexe méiotique, malheureusement pour eux binaire depuis plus d’un milliard et deux cents millions d’années).
L’intrusion du mot « transgenre » dans notre vocabulaire n’est toutefois pas la seule responsable de la confusion dans laquelle nous nous trouvons. L’introduction du mot dans notre vocabulaire courant a été activement soutenue et financièrement alimentée par des intérêts capitalistes qui s’immiscent à notre insu dans notre vie quotidienne.
Jon Stryker est l’héritier de la Stryker Corporation, une entreprise de technologie et de matériel médical qui pèse près de 15 milliards de dollars en chiffre d’affaires annuel. En 2000, il a fondé la Fondation Arcus, qui verse des millions de dollars en subventions à des causes « LGBT » et à des réserves naturelles pour les grands singes. En 2015, il a annoncé son intention d’affecter 20 millions de dollars aux causes « transgenres » en particulier, et en 2021, Stryker a fait don de 15 millions de dollars à l’ACLU (NdlT : Union Américaine pour les Libertés Civiles) pour l’avancement des causes « LGBT » en matière de droit et de politique[8]. En pratique, étant donné que les droits juridiques des lesbiennes et des homosexuels sont désormais assez largement assurés, cela vise surtout à faire avancer le programme de l’ACLU en matière « d’identité de genre » dans les juridictions fédérales et les législatures d’États, comme décrit au chapitre 2.
Martine Rothblatt est un homme que le New York Magazine a présenté comme « la femme PDG la mieux payée d’Amérique » en 2014[9]. Rothblatt avait déjà dépensé des millions de dollars pour fabriquer une réplique robotisée de sa femme, Bina, projet sur lequel il s’est publiquement exprimé sur NBC News, dans un article intitulé « Women who inspire : LGBTQ execs leading in technology[10] » (« Les femmes inspirantes : Les dirigeants LGBTQ dans le domaine de la technologie »). Rothblatt, multimillionnaire, fait aussi avancer le programme idéologique de « l’identité de genre » en publiant des livres tels que :
Your Life or Mine : How Geoethics Can Resolve the Conflict Between Public and Private Interests in Xenotransplantation (« Votre vie ou la mienne : comment la géoéthique peut résoudre le conflit entre les intérêts publics et privés de la xénotransplantation »).
Unzipped Genes (America in Transition) (« Les gènes mis à nu : L’Amérique en transition »)
The Apartheid of Sex : A Manifesto on the Freedom of Gender (« L’Apartheid du sexe : Manifeste sur la liberté de genre »)
From Transgender to Transhuman : A Manifesto on the Freedom of Gender (« Du transgenrisme au transhumanisme : Manifeste sur la liberté du genre »)
Tous ces titres sont en vente sur Amazon. De nombreuses informations à leur sujet sont très largement disponibles sur internet. La totalité du langage qui y est employé se fonde à la fois sur la science et la politique de l’abolition du sexe. Le programme est explicite.
Une chose est sûre : les arcs-en-ciel font vendre. Pendant le mois des fiertés de (juin) 2021, toutes celles et ceux qui ne vivent pas dans une grotte ont été inondés d’arcs-en-ciel et de licornes, douche marketing dont le but consiste à vendre le plus de produits afin de gagner le plus d’argent. Cela fait déjà plusieurs années que cela dure, et la pratique s’est dernièrement intensifiée. On trouve désormais aussi bien des Doritos arc-en-ciel que de la Vodka arc-en-ciel ou des parapluies « inclusifs » à la vente[11].
Aucune de ces entreprises capitalistes n’a pour but l’avancement de la cause très importante des droits des gays, des lesbiennes et des bisexuels. Il s’agit plutôt de tirer profit du martèlement intempestif auquel la société nous soumet en vue de faire rentrer dans nos crânes l’idée qu’il existe une catégorie de personnes pour lesquelles le sexe ne compte pas. Cela s’avère particulièrement déplorable pour le mouvement des droits des homosexuels, dont le but était d’obtenir, pour les personnes attirées par des personnes de même sexe, les mêmes droits, le même respect et la même liberté d’association dont bénéficient les hétérosexuels. Si le sexe n’existe pas, comment la loi peut-elle protéger l’attirance pour le même sexe[12] ?
Le fait est que la tendance « trans » est un très gros business. La plupart d’entre nous croient encore que la lutte pour les prétendus « droits des transgenres » est un mouvement populaire ascendant visant à protéger une minorité sexuelle vulnérable. Ce n’est pas du tout le cas. Il s’agit d’une entreprise initiée depuis les hautes sphères, organisée par des entreprises, conçue pour vendre des produits, maximiser des profits, orchestrée par une petite poignée d’hommes extrêmement riches cherchant à nous faire oublier que le sexe biologique est réel (au contraire de l’« identité de genre »).
& tout ceci prend place dans le contexte d’une société qui exploite incessamment, vicieusement et brutalement le corps des femmes.
Un jour de mes vingt ans, j’attendais à une intersection que le feu passe au rouge. J’étais à l’université, je rentrais des cours. Je me tenais là quand un camion a traversé l’intersection puis ralenti en se rapprochant de moi. L’homme qui le conduisait s’est alors penché à la fenêtre pour me crier « Hé, j’me ferai bien ta p’tite chatte ! ». Le camion est reparti. Inutile de dire que l’homme en question n’a rien subi en conséquence de ses actes. C’est loin d’être le pire exemple de la façon dont les hommes m’ont harcelée, abusée et torturée tout au long de ma vie. Je sais bien que de nombreux hommes liront cela et penseront que je fais une histoire pour rien. Des hommes m’ont dit la même chose. Beaucoup de femmes penseront la même chose. Il y a une excellente raison à cela : l’exploitation et l’abus systématiques des femmes et des filles sont tellement normalisés qu’ils sont pratiquement invisibles, même lorsqu’ils nous regardent droit dans les yeux.
Mais qu’est-ce que « l’identité de genre » a à voir avec l’objectification sexuelle des femmes ? La réponse est compliquée, mais vaut la peine d’être explorée.
L’objectification sexuelle « se produit lorsque le corps ou les parties du corps d’une femme sont distinguées et séparées de sa personne et qu’elle est considérée principalement comme l’objet physique du désir sexuel masculin[13] ». Être interpellée par un homme inconnu nous criant « je me ferais bien ta p’tite chatte » avant de disparaître à tout jamais constitue un bon exemple d’objectification des parties du corps d’une femme, et de la manière dont elle est traitée comme un objet de désir sexuel masculin. Mais l’objectification sexuelle des femmes ne se produit pas seulement au niveau interpersonnel — elle se produit également aux niveaux institutionnels et de manière systémique.
Tarana Burke avait initialement commencé à utiliser l’expression me too (moi aussi) dans son travail de soutien aux jeunes filles noires ayant survécu à des violences sexuelles en 2006[14]. L’expression s’est répandue dans les médias en octobre 2017, après que les accusations d’agressions sexuelles contre Harvey Weinstein ont été rendues publiques. Que le mouvement « #MeToo » ait suscité autant d’attention m’a grandement surprise. Je supposais (naïvement) que les abus sexuels endémiques que les hommes commettent sur les femmes étaient un phénomène évident. J’ai été décontenancée par le fait que les gens semblaient à peine découvrir l’ampleur du problème.
Certains prétendent que l’objectification sexuelle des femmes n’existe pas — c’est objectivement faux. Le problème n’est pas qu’elle n’existe pas ; le problème est qu’elle est à ce point endémique qu’elle en devient invisible. Il m’est arrivé de raconter dans une interview l’histoire de l’homme qui m’a crié vouloir « se faire ma p’tite chatte ». L’homme qui m’interviewait m’a soutenu que « l’interprétation » des paroles de cet homme ne regardait que moi (NdlT : stratégie de culpabilisation de la victime). Je me demande de combien de façons l’on pourrait « interpréter » cette déclaration. L’idée de parvenir à convaincre les hommes de cesser de se comporter de la sorte envers les femmes est impensable pour la majorité d’entre noues.
Notre société baigne dans des images quasi pornographiques de femmes à moitié nues, en bikinis et tops à bretelles moulants. Un jour, je me suis plainte auprès d’un ami (homme) du fait d’être constamment soumise à de telles images. Sa réaction : « Eh bien, certaines personnes aiment le sexe. » Quel est le rapport ? Son commentaire occulte le problème. Bien sûr que certaines personnes aiment le sexe — la plupart des gens, d’ailleurs. Mais l’objectification sexuelle des femmes n’a rien à voir avec une saine sexualité. La plupart des femmes ne ressemblent pas du tout à celles que l’on voit sur ces images commerciales soigneusement retouchées, comme nous le savons toutes, et de nombreuses femmes adultes normales réussissent quand même à avoir une vie sexuelle saine, avec des hommes, des femmes ou les deux.
L’objectification sexuelle ne relève pas du sexe mais du fait de traiter les femmes comme de simples corps et morceaux de corps à utiliser pour la gratification des hommes. Ce type d’objectification se trouve également au cœur de « l’identité de genre », et ce que l’on parle d’hommes qui prétendent être des femmes, de femmes qui prétendent être des hommes ou de toute personne se prétendant « non-binaire ».
En effet, la plupart des hommes qui prétendent être des femmes sont atteints d’une condition appelée « autogynéphilie » — une excitation sexuelle à l’idée de s’imaginer, de se percevoir ou d’être perçu par les autres comme une femme. Un certain pourcentage des hommes qui prétendent être des femmes sont en réalité des hommes gays, attirés par les hommes, et qui se sentent plus à l’aise en adoptant une apparence stéréotypiquement « féminine » (NdlT : l’homophobie internalisée de certains homosexuels peut mener à une « dysphorie de sexe », mais l’homosexualité n’est pas incompatible avec l’autogynéphilie, au contraire. 3 % des hommes seraient autogynéphiles selon les recherches d’Anne Lawrence, médecin chercheur de profession, lui-même explicitement autogynéphile et s’identifiant en tant que « femme trans »). Le terme « autogynéphilie » a été inventé en 1989 par le sexologue Ray Blanchard, à partir des racines grecques auto (soi), gyné (femme), philie (amour), soit l’amour de soi en tant que femme. Il définit cette paraphilie comme la propension d’un homme à être érotiquement excité par la pensée ou l’image de lui-même en tant que femme[15]. Pour parvenir à ses conclusions, il s’est principalement appuyé sur des déclarations d’hommes — d’hommes qui, à l’époque, étaient généralement appelés « transsexuels », selon l’acception du terme en vigueur à l’époque où Janice Raymond écrivait son livre (NdlT : il a ensuite mené des études sur des hommes s’identifiant comme « transgenre » niant toute propension autogynéphile dans le but d’obtenir un traitement hormonal, des opérations chirurgicales et un certificat de changement de genre, qui ont néanmoins accepté de se prêter aux appareils de mesure de l’excitation sexuelle et aux tests psychologiques conçus par Blanchard. Résultat des courses : ils étaient bel et bien autogynéphiles). Les hommes de l’étude de Blanchard affirmaient ce genre de chose :
« Une des premières expériences les plus vives dont je me souviens est d’avoir été excité à l’idée de devenir une femme, j’avais environ 9 ou 10 ans. J’étais en surpoids et j’avais commencé à développer de la poitrine, uniquement à cause de ma graisse. Je me savonnais les seins sous la douche et j’imaginais que j’étais vraiment une femme avec de vrais seins de femme, ce qui m’excitait terriblement […].
Ce n’est qu’après être entré en thérapie que j’ai commencé à me montrer en public habillé en femme. Au début, je m’excitais à chaque fois que quelqu’un, un vendeur, un simple étranger, s’adressait à moi en m’appelant “Madame” ou faisait preuve d’une certaine galanterie, comme m’ouvrir et me tenir la porte. Cette excitation exacerbait la peur d’être découvert, c’est-à-dire que mon érection me trahisse.
Je m’imaginais dire à mes parents et à mon médecin que j’étais vraiment une fille. J’imaginais, en fait, m’allonger sur la table dans la salle d’opération pour ma chirurgie de réassignation de sexe. J’imaginais aussi avec horreur que j’allais être sexuellement excité. Comment pourrais-je leur expliquer une telle chose ? Comment pourrais-je même le comprendre moi-même ?
Porter des vêtements féminins et féminiser mon corps a toujours été sexuellement excitant pour moi, même après la CRS (chirurgie de réassignation sexuelle). […] il était et il est toujours sexuellement excitant pour moi d’avoir des “fonctions” corporelles féminines. Avant ma CRS, je faisais semblant d’avoir mes règles en urinant dans des serviettes hygiéniques. J’aimais particulièrement porter les vieilles serviettes à ceinture avec les longues ailettes.
Durant mes premiers feuilletages de Playboy, j’ai été presque instantanément excité à l’idée d’être le modèle des photos. Vers 18 ans, des amis m’ont emmené à un spectacle de strip-tease à l’ancienne, et j’ai été excité, eh oui ! — dès que je suis rentré chez moi, j’ai mis de la crème Noxzema sur mes tétons pour simuler des pastilles (NdlT : les caches tétons des strip-teaseuses) ! Même l’idée de posséder un vélo de fille m’a excité[16]. »
Autrement dit, pour ces hommes, « être une femme » correspond peu ou prou à être un objet sexuel.
Ce témoignage est encore plus explicite dans les écrits de certains auteurs contemporains, comme Andrea Long Chu, un homme qui prétend être une femme. En 2020, Chu a publié Females, un petit livre présenté par son éditeur comme « une exploration du genre et du désir par l’un de nos plus passionnants nouveaux intellectuels », dans lequel il déclare : « La pornographie est ce que l’on ressent quand on pense posséder un objet, mais qu’en réalité l’objet vous possède. La pornographie est donc l’expression par excellence de la féminité. Se faire baiser fait de vous une femme, car être baisée est ce qu’est une femme[17]. » Chu considère également que l’essence de la féminité est d’être un réceptacle pour le désir sexuel d’autrui[18].
La relation entre le « transgenrisme » et la pornographie est trop complexe pour être explorée en détail ici, mais je m’en voudrais de ne pas au moins mentionner l’industrie pornographique actuelle, toujours en plein essor, et son utilisation terriblement violente du corps des femmes. La principale experte contemporaine sur la manière dont le porno nuit aux femmes et aux filles est Gail Dines. Elle a écrit deux ouvrages majeurs sur le sujet : Pornland – Comment le porno a envahi nos vies (Éditions Libre, 2018) et Pornography : The Production and Consumption of Inequality (non traduit, la Pornographie : le consumérisme des inégalités). J’encourage quiconque un tant soit peu intéressé par les liens directs entre pornographie et exploitation des femmes[19] à lire ses ouvrages et à consulter l’organisation qu’elle a créée afin de lutter contre le porno : Culture Reframed : Building Resilience & Resistance to Hypersexualized Media & Porn[20] (« Recadrer la culture : pour la construction d’une résilience et d’une résistance à l’hypersexualisation des médias et au porno »).
Genevieve Gluck est l’une des autrices qui ont poussé le plus loin l’étude des relations entre la pornographie et le « transgenrisme ». Elle discute notamment de ces liens dans un article intitulé « Pourquoi personne ne parle de l’influence du porno dans le transactivisme[21] ? ». Elle en parle plus en détail dans un autre intitulé « Sissy Porn at Princeton University : Part 1 of a series on pornography and gender identity ideology[22] » (« Le Sissy Porn à l’Université de Princeton : Première partie d’une série sur la pornographie et l’idéologie de l’identité de genre ») Avertissement : âme sensible, s’abstenir.
Gluck relate une présentation faite en 2020 à l’université de Princeton et intitulée « Forced Womanhood ! » (« Féminisation forcée ! ») par un homme nommé Rio Sofia. Il y présentait le contenu d’une exposition qu’il avait faite au Cooper Union College en 2017, et dans laquelle il exhibait des photos et des vidéos de lui-même en train de s’adonner à de la pornographie dite « sissy » (ou « femme forcée » [NDLR : femme est en français et on parie que cet homme était tout excité à l’idée de montrer à des étudiants des vidéos de lui en train d’être sissifié. Il s’est offert une inception de pornification de lui-même]). Le porno « sissy », ou sissification, est une situation dans laquelle des hommes sont soit « forcés » soit hypnotisés en vue d’adopter des positions de soumission sexuelle. On leur fait porter du maquillage, des robes et de la lingerie. Le but de tout ce rituel est que les participants ressentent de l’excitation à l’idée d’être humiliés et dégradés « comme s’ils étaient des femmes[23] ».
Voici la description que donne Sofia de son exposition :
« La première rencontre de Rio Sofia avec la pornographie de féminisation forcée eut lieu en 2015 tandis qu’[il] feuilletait des magazines fétichistes dans une boutique de Manhattan. Dans le porno de sissification, où les hommes sont forcés à devenir des femmes en guise de punition ou d’humiliation, [il] a trouvé un riche univers de langage visuel qui est venu complexifier sa compréhension du transgenrisme. Dans le cadre du BDSM, ces représentations de transformation du genre impliquaient l’usage de la coercition qu’accompagnait une perte de pouvoir (masculin), soit, des représentations qui contredisaient les récits développés dans le courant dominant et qui célébraient la transition de genre comme une forme d’autodétermination empouvoirante. »
Ce qu’il affirme ici, c’est que « la féminisation forcée » est érotique. Pour ces hommes, être une femme est en soi une forme de punition ou d’humiliation. Le pouvoir masculin est ici un simple donné, un dû. Par défaut, l’homme possède le pouvoir. Aussi, pour lui, être une femme est un état de dégradation et d’humiliation. Chercher à érotiser cet état de dégradation et d’humiliation associé à la femme témoigne d’un niveau de misogynie stratosphérique.
Les féministes sont souvent accusées d’exagérer l’ampleur de l’objectification, de l’exploitation et de l’insulte dont nous sommes l’objet dans la société. On nous reproche alors de détester les hommes. La majorité d’entre nous ne déteste pas du tout les hommes. À vrai dire, les féministes ont tendance à avoir beaucoup plus foi en l’humanité des hommes que les autres femmes. Andrea Dworkin le soulignait d’ailleurs en écrivant : « Je ne crois pas que le viol soit inévitable ou naturel. Si c’était le cas, je n’aurais aucune raison d’être ici. Si c’était le cas, ma pratique politique serait différente de ce qu’elle est. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi nous [les femmes] ne sommes pas simplement en train de vous combattre armes à la main ? Ce n’est pas à cause d’une pénurie de couteaux de cuisine. C’est parce que, contre toute évidence, nous croyons en votre humanité[24]. »
En vérité, les épouvantables traitements que les hommes infligent aux femmes sont étalés au grand jour. Ils sont flagrants dans la manière dont les hommes nous interpellent, dans la manière dont nous sommes représentées, dans la manière dont nous sommes harcelées et abusées sexuellement, dans la manière dont nous sommes morcelées et traitées comme des objets et dans la pornographie. « L’identité de genre » n’efface rien de tout cela. D’ailleurs, « l’identité de genre » aggrave beaucoup l’objectification des femmes[25], étant donné que cette objectification constitue l’essence même de « l’identité de genre ».
Rien de tout cela n’est le fruit au hasard (NdlT : n’en déplaise aux idéologues constructivistes queers). Il s’agit essentiellement d’une mise à jour logicielle visant à renforcer le système dans lequel les hommes contrôlent tous les leviers du pouvoir (NdlT : le patriarcat). La féministe britannique Jo Brew l’explique très bien :
« Si le transgenrisme s’est déployé aussi rapidement — au sein des professions et des organisations du monde entier — c’est qu’il s’agit d’une mise à jour du système d’exploitation qui facilite leur travail : l’implémentation continuelle du patriarcat. Le transgenrisme paraît juste, il semble résoudre les problèmes, corriger les bugs. Dans l’ancienne version du système d’exploitation, l’acceptation croissante de l’égalité entre les hommes et les femmes avait abouti à des mesures prises pour que les femmes occupent la moitié des postes à responsabilité, soient payées autant que les hommes et contrôlent la moitié du pouvoir de décision. Ce retournement de situation en faveur des femmes a été contenu pendant quelques décennies par l’argument du “il faut beaucoup de temps pour tout changer”, mais au fur et à mesure que les femmes grossissaient les rangs des professions, elles se retournaient enfin contre le patriarcat lui-même. Les piliers du patriarcat commençaient à être érodés.
La nouvelle version du SE (système d’exploitation) que nous pourrions appeler TG7.2 [NdlT TG pour transgenre, le 7.2 nous échappe] comme s’il s’agissait d’une énième mise à jour logicielle d’un smartphone, est une solution pratique et élégante qui fonctionne parfaitement. Fondamentalement, le nouveau système d’exploitation opère de sorte qu’à chaque fois que quelque chose est octroyée à une “femme” vous pouvez tout simplement, si bon vous semble, insérer à la place un homme qui dit être une femme. Qui plus est, dans TG7.2, il n’y a pas de définition fixe de la femme. Ainsi, “femme” devient une variable pouvant signifier tout ce que l’homme pourrait être amené à souhaiter. Cette définition changeante de la “femme” sera validée par le nouveau SE au moyen de techniques comme la double pensée, laquelle nous enseigne que sexe=genre et sexe≠genre. Les professionnels et dirigeants d’organisations devront faire leur possible pour soutenir ce système, mais pourront, si nécessaire, permettre aussi aux anciens systèmes d’exploitation de fonctionner en parallèle[26]. »
Les intervenantes du WoLF (Women’s Liberation Front, soit « Front de Libération des Femmes ») ont précisément avancé cet argument durant un événement organisé en février 2020. Nous l’avions intitulé « Fighting the New Misogyny : A Feminist Critique of Gender Identity » (« Combattre la nouvelle misogynie : Une critique féministe de l’identité de genre »). À cette occasion, j’ai déclaré :
« Pour être franche, je ne crois pas qu’une seule d’entre nous souhaite parler de l’identité de genre. En plus de son travail féministe, Lierre a passé toute sa vie adulte et sa carrière à se battre pour la planète et ses habitants. J’imagine que Meghan préférerait s’élever contre la violence de la pornographie et de la prostitution et que Saba préférerait utiliser son temps pour lutter contre la violence du racisme. J’aimerais beaucoup me battre pour la souveraineté reproductive des femmes, y compris l’avortement sur demande et sans justification. Nous avons toutes passé nos vies à nous battre pour la justice, d’une manière ou d’une autre. Et pourtant, nous nous retrouvons toutes aujourd’hui à parler de la violence, de la misogynie et de l’homophobie intrinsèques à l’identité de genre. Parce que nous n’avons pas le choix. Cela étant, des hommes contraignant des femmes à faire des choses qu’elles ne veulent pas faire, cela n’a rien d’une nouveauté. »
Dans ce passage, je faisais référence à Lierre Keith, Meghan Murphy et Saba Malik, qui s’étaient toutes exprimées avant moi. Ce propos vaut toujours aujourd’hui.
L’objectification sexuelle des femmes n’a rien de nouveau ; les féministes la combattent depuis des siècles. Ce qui est relativement nouveau, c’est ce passage d’une conception dans laquelle les femmes n’existent qu’à des fins sexuelles et reproductives à une autre dans laquelle la notion de « femme » ne désigne même plus une catégorie significative d’être humain, mais seulement un concept — un produit de l’imagination d’un homme. Si n’importe qui peut être une femme, alors personne n’est une femme, et si un homme peut prétendre exister en tant que femme en déclarant simplement qu’il en est une, c’est une mascarade totale de la femmité (NdlT : le français ne nous permet pas de distinguer la féminité — le stéréotype social que l’anglais traduit par femininity, et le fait d’être une femme pour lequel l’anglais a un mot : womanhood. Nous pourrions donc parler de femmité). Le concept même de « femme trans » est l’expression ultime de la négation de l’humanité des femmes.
En 1979, Raymond concluait son ouvrage prophétique, L’Empire transsexuel, comme suit :
« Nous sommes arrivées à un moment crucial pour l’existence des femmes qui sont des femmes. Le transsexualisme médicalisé ne représente qu’un nouvel avatar de l’hégémonie patriarcale. La meilleure réponse que les femmes peuvent y apporter consiste à appréhender clairement les enjeux du transsexualisme et ses conséquences pour nous, et à affirmer notre pouvoir à dire qui nous sommes et nommer ce que nous sommes[27]. »
Cette déclaration est toujours valable aujourd’hui, même si les féministes parleraient probablement de « transgenrisme » plutôt que de « transsexualisme ». Le programme trans (« transgenre » ou « transsexuel ») s’est déployé à un rythme soutenu. La plus plate vérité est que les femmes sont des femmes et les hommes sont des hommes. L’industrie de « l’identité de genre » s’acharne à obscurcir cette réalité afin de poursuivre son objectif d’abolition du sexe.
Ne les laissons pas s’en tirer aussi facilement.
Kara Dansky
Traduction : Audrey A.
Relecture : Sabine Fayaud
Édition : Nicolas Casaux
- Janice Raymond, The Transsexual Empire : The Making of the She-Male, (Beacon Press 1979), réimprimé en 1994 avec une nouvelle introduction sur le transgendérisme par Teacher’s College Press (Transsexual Empire). L’Empire Transsexuel a paru en français chez Seuil et est en cours de réédition. ↑
- Chapitre 5 de L’Empire transsexuel. ↑
- The 11th Hour Blog est la meilleure source d’information sur le sujet : www.11thhourblog.com ↑
- Resistance Radio Transcripts, Susan Cox 1.28.17 (28 janvier 2017). ↑
- James Aimers, Queering the Sex and Gender Binary, Chapter 4 : « Queer New World : Challenging Heteronormativity in Archaeology », in LGBTQ+ Studies : An Open Textbook, ed. Deborah Amory and Sean Massey (SUNY 2020). ↑
- L’Empire Transsexuel, 1994, Introduction, xxv ↑
- L’Empire transsexuel, 1994, Introduction, xxxv. ↑
- Dominic Holden, « Unprecedented $20 Million Announced for Transgender Causes », Buzzfeed News (December 8, 2015). ACLU, ACLU Announces Jon L. Stryker and Slobodan Randjelovic LGBTQ & HIV Project (March 4, 2021). ↑
- Lisa Miller, “The Trans-Everything CEO,” New York Magazine (September 7, 2021). ↑
- Caroline Kim, “Women who inspire : LGBTQ execs leading in technology,” NBC News (June 15, 2021). ↑
- Peoplestaff225, “Alert, Alert, You Can Now Buy Rainbow-Colored Doritos,” People Magazine (December 3, 2020). Absolute, “Absolute Rainbow,” https://www.absolut.com/us/products/absolut-rainbow/. Target, “Pride Gender Inclusive Adult Rainbow Stick Umbrella,” https://www.target.com/p/pride-gender-inclusive-adult-rainbow-stick-umbrella/-/A‑81624193. ↑
- Lesbian and Gay News, “Obituary : The Rainbow Flag, previously a symbol of hope of the lesbian and gay civil rights movement, died in 2020 at the age of 42, writes Professional Judy,” Lesbian and Gay News (April 29, 2021). ↑
- Dawn M. Szymanski, Lauren B. Moffitt, and Erika R. Carr, “Sexual Objectification of Women : Advances to Theory and Research,” American Psychological Association, 39 The Counseling Psychologist 1, 8 (2011). ↑
- Tarana Burke, “me too,” https://metoomvmt.org/. ↑
- Ray Blanchard, « Early History of the of the Concept of Autogynephilia », 34 Archives of Sexual Behavior 4, 439–446, 439 (September 2005). ↑
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- Andrea Long Chu, Females (Verso 2019). ↑
- Callie Hitchcock, « We are all female now », The New Republic (November 7, 2019). ↑
- NdlT : Comme le grand public peut maintenant en prendre conscience avec l’affaire French Bukkake publiée en plusieurs fois dans Le Monde au début de l’année 2022 ↑
- Culture Reframed, https://www.culturereframed.org/. ↑
- Genevieve Gluck, « Why isn’t anyone talking about the influence of porn on the trans trend ? » Feminist Current (November 29, 2020). ↑
- Genevieve Gluck, « Sissy Porn at Princeton University : Part 1 of a series on pornography and gender identity ideology », Women’s Voices (Substack) (May 30, 2021). ↑
- En France, nous sommes fiers de vous présenter l’école de sissy de Maîtresse Fabienne : http://frenchsissyfabienne.centerblog.net/ ↑
- Andrea Dworkin, I want a 24-Hour Truce During Which There is No Rape (1983), in Letters From a War Zone), 169–170. ↑
- NdlT : « Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela ce n’est pas possible, on ne peut pas les supporter. » Marguerite Duras, La Vie matérielle. Apprécions-en l’ironie. ↑
- Jo Brew, « Transgenderism : A New Operating System for Patriarchy », 4W (January 14, 2021). ↑
- L’Empire Transsexuel. ↑
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