Quand l’État gère les corps

Quand l’État gère les corps

7 octobre 2021. Le philosophe Giorgio Agamben fait une intervention choc devant le Sénat italien : « Des scientifiques et des médecins ont déclaré que le green pass [passeport sanitaire européen] n’avait aucune signification médicale en soi, mais servait à forcer les gens à se faire vacciner. Mais je pense qu’il faut dire le contraire : que le vaccin est un moyen de forcer les gens à avoir le green pass. C’est-à-dire un dispositif de surveillance et de suivi des individus, une mesure sans précédent. »

Intellectuel engagé contre les totalitarismes et universitaire respecté, Agamben est né à Rome en 1942. Il s’inscrit dans la lignée des Hannah Arendt, Michel Foucault et Walter Benjamin. Pour lui, aucune élite ne cherche à contrôler à dessein la population mondiale. Il voit plutôt dans la crise actuelle une manifestation de la dérive « biopolitique » de nos sociétés.

La grandeur de nos sociétés démocratiques vient de la considération de chaque citoyen comme une personne à part entière, et non comme d’un simple organisme vivant, fondu dans une masse anonyme.

Concept développé dans les années 1970, justement par Michel Foucault, la biopolitique est l’ambition du pouvoir d’intervenir non pas seulement sur des territoires, mais sur des individus, et ce, jusque dans leur vie biologique. L’objectif avoué est d’optimiser la force vitale collective, mesurée entre autres par le taux de natalité et de mortalité.

La quarantaine obligatoire est l’exemple type de la biopolitique. Ce n’est plus la personne qui est coupable et excommuniée, mais son corps. L’État ne gère plus des sujets, mais des objets, plus faciles à mesurer et surveiller.

Cet article est d’abord paru dans notre magazine de janvier 2022. Cliquez sur cette bannière pour y accéder en format Web.

Certes, personne n’est contre la protection de la vie. Mais tout l’enjeu est de savoir de quelle vie nous parlons ici. Le biopouvoir n’examine que la vie corporelle, sans considération de la vie émotionnelle, intellectuelle, et encore moins spirituelle. Pourtant, « la vie en abondance » (Jn 10, 10) ne se mesure pas quantitativement, mais s’estime qualitativement. Vivre certes plus longtemps, plus nombreux, plus en santé et plus en sécurité… mais sans but ! À quoi bon ?

Pour une politique du visage

Pour le philosophe italien et grand lecteur de Simone Weil, il faut s’inquiéter que nous passions sans trop nous en rendre compte d’une société démocratique à une société de contrôle. À long terme, la biopolitique viderait « le Parlement de ses pouvoirs, le réduisant à simplement approuver – au nom de la biosécurité – des décrets qui émanent d’organisations et d’experts – et non d’élus – qui ont très peu à voir avec le Parlement ». D’autant plus, selon lui, que « la sécurité et l’urgence ne sont pas des phénomènes transitoires, mais constituent la nouvelle forme de gouvernabilité. »

Agamben ne se prononce pas sur le vaccin et le passeport vaccinal d’un point de vue médical. Même si ces mesures peuvent être efficaces, il avertit nos politiciens de faire très attention à ne pas créer un enfer sur terre en voulant ériger un paradis ici-bas. La grandeur de nos sociétés démocratiques vient de l’extrême respect des libertés individuelles et de la considération de chaque citoyen comme une personne à part entière, et non comme d’un simple organisme vivant, fondu dans une masse anonyme.

Plus que la biopolitique, soit une politique qui gère et contrôle des vivants, nous avons besoin d’une prosopolitique (du grec prosopon, « personne », « ce qui est face aux yeux d’autrui – son visage »), soit une politique où sont en relation des personnes en vue du bien commun.

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