par Chems Eddine Chitour.
«Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.» (Antonio Gramsci )
Résumé
C’est un bref état des lieux du retour en barbarie de l’intelligence française confiée à des pyromanes, qui font perdre à la France toute crédibilité par la politique du deux poids deux mesures avec l’antéchrist représenté par l’Islam qu’ils combattent au nom d’une prétendue civilisation chrétienne blanche. Nous allons déconstruire ce discours. Nous montrons que Jésus n’était ni blond aux yeux bleus, ni né en Occident, ni parlant français. Au contraire, il avait les traits sémitiques ; bref, un Arabe parlant l’araméen, une paléo-langue arabe. Nous montrons aussi que le grand remplacement est un concept dangereux qui n’a pas d’existence. L’immigration représentant 10% du total. Il est important que l’apaisement soit consacré et il serait tragique qu’une guerre civile s’installe entre Français de différentes espérances.
Cette citation de Antonio Gramsci s’applique à la situation mondiale actuelle où la recomposition du monde se met en place dans la douleur. Le monde occidental, se voulant toujours maître des horloges, ne veut pas comprendre que le barycentre du monde a basculé du côté de l’Asie. L’Empire et ses vassaux européens sont en questionnement. Dans ce contexte, une atmosphère de fin de règne à l’approche des élections en France. D’habitude, les résultats étaient globalement connus. La caractéristique de la course cette année est qu’elle a permis l’apparition d’Ovni venus de nulle part par rapport au monde classique, aidés en cela par des médias complaisants qui en rajoutent. Encore une fois dans l’impunité la plus totale, on attise la haine entre Français. Chacun sait, en effet, que le microcosme intellectuel en France est squatté par les intellectuels notamment communautaristes qui pensent que leurs élucubrations sont parole d’Évangile. C’est un fait que, pratiquement sur toutes les chaînes, on ne voit qu’eux, à croire que la richesse culturelle se résume à ces «certitudes» martelées en boucle. Est-ce à dire que la pensée intellectuelle française est tellement stérile qu’elle n’a que ça à mettre en avant ou est-ce un maillage intelligent plus nocif que cent divisions puisqu’il formate l’imaginaire des Français et insidieusement leur dicte d’une façon inconsciente le rapport à l’Autre quand il s’agit de l’allogène, bien qu’il soit là depuis plusieurs générations, qu’il soit mélanoderme ou appartenant à cette religion de l’antéchrist : l’Islam ?
Nous aurons à montrer que ces slogans cachent une réalité objective, le déclin objectif des grandes nations malgré leurs beaux restes. Cette mentalité du «bon temps des colonies» perdure encore et permet tous les amalgames. Ainsi, les actes antimusulmans sont en hausse de 32%, 171 en 2021 contre 129 en 2019. selon les chiffres dévoilés par le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin, le dernier acte en date est la profanation, le 11 du mois en cours, du carré musulman du cimetière central de Mulhouse (Haut-Rhin). Entre 2019 et 2020, le nombre d’actes anti-musulmans a augmenté de 53% sur le territoire français. Selon le Conseil français du culte musulman, 235 actes ont été recensés sur l’année.
Le «wokisme» et la libération de la parole
Ainsi, tout est permis concernant l’Islam. De plus en plus « d’intellectuels communautaristes et autres bien-pensants d’aussi bien de la droite mais aussi de la gauche paternaliste appellent à libérer la parole, s’agissant de l’islam. Le wokisme ( Wake up) invite à réveiller les Français pour leur dire qu’il n’est plus interdit de s’en prendre puisque c’est l’air du temps aux émigrés aux arabes aux musulmans. Le barrage du vivre ensemble ayant rompu tout est permis étant entendu que le sanctuaire de tout ce qui est juif est inviolable grâce à des lois qui traînent les rares citoyens qui osent protester contre le deux poids deux mesures. Comment la France de 2021 accepte d’adouber un personnage condamné plusieurs fois pour propos racistes ?
Souvenons-nous de Dieudonné qui fut cloué au pilori pour avoir eu le courage de dire certaines vérités. Cette libération de la parole s’apparente à un tsunami, et Zemmour n’est que le détonateur de ce qui était dans l’air un peu à la manière de Hitler qui s’est senti libre de dire que les Juifs sont le problème de l’Allemagne. Les slogans étaient connus : les Juifs gouvernent l’argent du monde. En fait, comme l’écrit Sophie Bessis, le nazisme n’est pas tombé du ciel, les textes de Renan, de Gobineau, de Jules Ferry, avec le mythe des races supérieures, ont préparé le lit du nazisme. Mutatis mutandis, les intellectuels communautaristes avec à leur tête Alain Finkielkraut, Bernard Henry Levy et ceux de la gauche, à l’instar de Michel Onfray, surfent sur un gisement inépuisable, qui est celui de dire que la France est sur le déclin. Cette industrie de la mise à mort d’une certaine idée de la France, qui se dit tolérante, ouverte peut mener, à Dieu ne plaise, vers la crucifixion des Français musulmans au nom de la pureté de la race.
C’est dans ce cadre que la boîte de Pandore est ouverte. Eric Zemmour est un récidiviste avec des propos nauséabonds. Il faut reconnaître cependant qu’il a trouvé le bon filon. Dans la malvie actuelle française, il joue la corde sensible de l’étranger, pensant à tort qu’il est de l’autre bord après avoir donné en pâture aux Français les Arabes et les Noirs, et que cela lui a permis d’avoir une visibilité médiatique qui, au passage, lui permet une impunité des polémiques programmées qui font vendre ses torchons. Il s’attaque maintenant à l’Islam : il y aura le grand remplacement. Pourfendeur heureux des Arabes et lui-même immigré de la deuxième génération, Eric Zemmour se veut carrément «plus royaliste que le roi». Il parle de l’histoire de France, se veut français de souche. Il en rajoute, au grand bonheur de tous ceux qui règlent leurs comptes avec l’Arabe, voire avec le musulman par juif interposé. Ses propos relatifs aux «trafiquants, pour la plupart noirs et arabes» ont déchaîné les passions sur le Web. Son ouvrage Mélancolie française est consacré à l’histoire de France. Il évoque la tristesse qui se serait emparée de la nation, affligée, les «nouveaux barbares» — les immigrés. Il passe à l’offensive et se veut Président, surfant sur l’existence des races, la banalisation de l’islamophobie, la domination occidentale, la lepenisation des esprits, l’apologie de la haine sous le couvert de la liberté d’expression.
Les Français musulmans comparables aux Juifs des années 1930
Une phrase lancée par la candidate socialiste Anne Hidalgo : les musulmans de France vivent la même situation que les Juifs dans les années 1930. «Ce langage des années 1930, qui honnissait l’étranger, qui exaltait la haine des Juifs, ils l’appliquent aujourd’hui à qui ? Aux musulmans dans une vision séparatiste, essentialiste, communautariste et en diabolisant l’Islam». «Non, cette France qui recule n’est pas la nôtre. Non, cette France au passé falsifié n’est pas la nôtre. Je ne laisserai pas désigner nos compatriotes musulmans comme les boucs émissaires de la crise française.»
Rapidement au même titre que la droite et l’extrême droite, Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives en France (CRIF), et Philippe Meyer, président de B’nai B’rith France, ont dénoncé ces phrases. On comprend de ce fait la curée due à la libération de la parole. Il sera de même avec Éric Ciotti dont les ancêtres sont originaires de la ville italienne de Trévise. Très tôt, Eric Ciotti a choisi ses cibles, les musulmans. Il rejoint les positions de Marine Le Pen en matière de sécurité, d’identité, d’immigration et d’islamisme, avec «une vision ethnique et identitaire de la nation». Il propose ainsi de changer le code de la nationalité afin de supprimer le droit du sol au profit du seul droit du sang, d’inscrire dans la Constitution «nos origines chrétiennes»; il prône la création d’un «Guantanamo à la française» et l’adoption «de lois spécialement adaptées, comme le Patriot Act aux États-Unis», il revendique une «immense admiration» pour l’État d’Israël. Il rejoint aussi Zemmour sur le mouvement Reconquête, rappelant la Reconquista espagnole, période analogue où Ferdinand d’Aragon et Isabelle avaient décidé de l’expulsion des musulmans et des juifs d’Espagne au nom de la chrétienté et de la limpeza de sangre ( pureté du sang) à la date du 31 juillet 1492. Nous sommes bien dans une configuration de type Reconquista ou Nuits de Cristal pour les Français citoyens musulmans, et Anne Hidalgo ne s’est pas trompée en faisant aussi le parallèle avec les Juifs des années 30 du siècle dernier.
Le fond rocheux du corps social français
Avant de parler de la conspiration qui concerne les Français d’espérance musulmane, il est bon de faire le point sur les moteurs de la haine que sont les civilisation chrétienne occidentale et les mantrats, peuple de race blanche. «Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne», disait le général de Gaulle. Qui est en fait français et depuis quand ? Pour le général de Gaulle : «Pour moi, l’histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs, qui donnèrent leur nom à la France.» Ce destin de races supérieures théorisé par Renan, Gobineau et Chamberlain au XIXe siècle, et qui avait fait au XXe siècle le lit du nazisme, se drape de nouveaux habits humanitaires dans ce XXIe siècle, le résultat étant le même : continuer à coloniser à distance ces races inférieures qui, de plus, sont musulmanes, en leur extorquant leurs richesses pour maintenir le niveau de vie de l’homme blanc.
Pour la droite, la chose est claire : est de souche celui qui est «blanc» et qui porte un nom, un prénom à consonance européenne, pour ne pas dire chrétienne. Le XIXe siècle européen érige les Blancs en dieux. Quelle différence y a-t-il entre un Espagnol, au regard de l’intégration, avec un Algérien ? La différence est d’abord la langue et la culture françaises. En fait, il n’est pas important qu’un Hongrois connaisse le socle rocheux de la littérature et la culture française, qu’il cite la «Ballade des pendus» de François Villon. Par contre, son avantage décisif est l’identité religieuse qui berce d’une façon invisible la société française. Ils sont «compatibles» avec le corps social français pétri de cultures chrétiennes. Pourtant, comme l’écrit avec lucidité Jean-Luc Mélenchon, le leader de la «France insoumise» : «Contrairement à Éric Zemmour, je ne crois pas que le peuple français se constitue dans le ventre des femmes françaises, mais à partir de l’école, de la politique et de la République.»
Le Christ était-il blond aux yeux bleus ? Parlait-il français ?
Comment était Jésus-Christ, fondateur du christianisme au Moyen-Orient ? Une mise au net s’impose. Le christianisme n’est pas né en Europe, mais dans une région sémite. On se souvient que l’archevêque de Paris avait critiqué Madame Morano, eurodéputée qui avait évoqué la France comme «un pays de race blanche» : «Il y a plus d’Africains et d’Arabes chrétiens, écrit-il, qui se font trouer la peau par fidélité au Christ, que de gens de race blanche. Jésus n’était pas de race blanche.»
Comme nous le lisons sur cette contribution : «Jésus Christ est probablement l’un des êtres humains les plus représentés autour du monde, grâce à une campagne de marketing bien rodée, cette image de marketing d’un Jésus blond aux yeux bleus. Pourtant, selon des scientifiques britanniques et des archéologues israéliens, ce Jésus «européen» serait en fait très loin de la réalité. Le Messie aurait été plutôt foncé de peau, assez petit et trapu. Étant fils de charpentier, il aurait été plus costaud que la moyenne de l’époque, qui était de 1 mètre 55 pour un poids de 49 kilos.» Concernant la coiffure, les chercheurs ont rapidement écarté l’hypothèse d’une longue chevelure, attribut, selon Saint Paul, de la gent féminine
Jésus-Christ parlait-il français ? Il parlait araméen, langue dont dérive l’arabe. Sa fameuse phrase sur la croix : Ya Illahi, Ya Illahi Lima sabactani que les Chrétiens ânonnent, un locuteur arabe n’a aucune difficulté à comprendre : O mon Dieu O mon Dieu pourquoi tu as pris de l’avance sur moi ? (tu m’as abandonné). Jésus-Christ était de ce fait un sémite, loin de l’image fabriquée par l’Occident ; bref, plus proche de l’Arabe que du Polonais Finkiekraut ou du Hongrois Sarkozy, de l’Arménien Patrick Devedjian, de l’Italien Eric Ciotti ni de l’Italienne ou Espagnole Nadine Morano qui n’arrêtent pas de courir après Le Pen maintenant que la parole est libérée et qu’il n’y a aucun risque à s’attaquer aux Français d’espérance musulmane ou simplement coupables de ne pas avoir un nom «bien français».
La théorie complotiste du «grand remplacement», un appel au lynchage
Avec la théorie du «grand remplacement» popularisée par l’écrivain Renaud Camus, condamné en 2014 pour «provocation à la haine et à la violence contre un groupe de personnes en raison de leur religion, le polémiste d’extrême droite défend une vision ethniciste de la nation. Marginale, il y a encore dix ans, cette théorie xénophobe bénéficie aujourd’hui d’un écho inégalé, de l’extrême droite à la droite la plus conservatrice. Une référence au métissage de la population, contre lequel les identitaires s’élèvent en invoquant ce qui se verrait à l’œil nu. «Le grand remplacement crève les yeux, il faut être aveugle pour ne pas le voir. Cela veut dire : sortez et regardez les visages. On incite les gens à repérer des têtes qui ne sont pas de chez nous, qui ne ressemblent pas à un “Français de souche”.» Il s’agit d’un «nationalisme ethnique» et d’un «ressenti racial» dirigé contre les «non-Blancs». Et, selon le sociologue François Héran, professeur au Collège de France, c’est une «peur qui échappe à toute argumentation rationnelle», malgré une proportion d’immigrés en France (10,2%) inférieure à la moyenne de l’OCDE (13,6%)».
La théorie du «grand remplacement», qui visait les Juifs depuis le nationalisme du XIXe siècle avec Maurice Barrès, se réoriente contre l’Islam après le 11 septembre 2001. Eric Zemmour s’est saisi d’une thèse sulfureuse pour installer son discours sur l’immigration et l’islam. En tordant les chiffres et en faussant les additions. Qu’en est-il du poids de l’immigration ? «Il y a en France un peuple qui en remplace un autre. Largement condamnée par les démographes et les statistiques. En 2018, le nombre d’immigrés en France s’établissait à 6,5 millions de personnes, selon l’Insee, soit à peine 10 % de la population française. Loin du « remplacement » tant redouté, ce chiffre place l’Hexagone dans la moyenne européenne, et même en deçà de l’Allemagne, de l’Espagne, du Royaume-Uni, selon l’agence statistique européenne Eurostat. Et parmi ces 6,5 millions d’immigrés, seule une petite moitié (46,1 %, dont 29,3 % du Maghreb) était d’origine africaine en 2018, soit 3 millions d’individus, contre 33,5 % venus d’Europe, 14,5 % d’Asie et 6 % d’Amérique et d’Océanie.»
Les immigrés utiles ou variables d’ajustements
Beaucoup de candidats à la Présidence en panne concernant l’offre économique se rabattent sur l’Islam, les immigrés, les Arabes et les Africains, créant un effet d’écran qui interdit aux Françaises et Français de se poser la vraie question : quels sont les problèmes de la France en termes de projet de société ? Il fut une époque où l’Algérien était une richesse pour la France avant de devenir une variable d’ajustement du marché du travail, comme le montre le sociologue Abdelmalek Sayeh. Il serait bon de leur rafraîchir la mémoire en leur mettant sous le nez le discours de Jean-Marie Le Pen en 1958 qui ne s’arrêtait pas de rendre hommage aux Algériens. Nous lisons : «(…) Ce qu’il faut dire aux Algériens, ce n’est pas qu’ils ont besoin de la France, mais que la France a besoin d’eux. C’est qu’ils ne sont pas un fardeau ou que, s’ils le sont pour l’instant, ils seront au contraire la partie dynamique et le sang jeune d’une nation française dans laquelle nous les aurons intégrés. […] J’affirme que dans la religion musulmane rien ne s’oppose au point de vue moral à faire du croyant ou du pratiquant (…) Je ne crois pas qu’il existe plus de race algérienne qu’il n’existe de race française (…)»
De plus, les pyromanes ne parlent pas d’immigration choisie. La France reçoit chaque année des milliers de diplômés dans les disciplines technologiques qui s’installent en France pour le plus grand bien de l’économie et la science françaises sans qu’ils aient coûté un kopeck.
Les immigrés musulmans qui ont sauvé les Juifs du nazisme
Pour l’honnêteté intellectuelle, il est utile de plaider la cause de ces Français musulmans qui, hier encore, étaient du deuxième collège et qui ont été les premiers avec les rares Français à porter secours aux Juifs au nom de valeurs humaines. Un tract rédigé en kabyle a été le cri de ralliement des Algériens pour sauver les Juifs chassés par les Allemands avec l’aide des collabos. Nous lisons : «Hier à l’aube, les Juifs de Paris ont été arrêtés. Les vieux, les femmes et les enfants. En exil comme nous, travailleurs comme nous. Ils sont nos frères. Leurs enfants sont comme nos propres enfants — ammarach nagh. Celui qui rencontre un de ces enfants doit lui donner un abri et la protection des enfants aussi longtemps que le malheur — ou le chagrin — durera. Tract rédigé en tamazight circulant parmi les immigrés algériens kabyles lors de la rafle des Juifs le 16 juillet 1942 à Paris. Il en est de même du travail remarquable de la Mosquée de Paris avec le recteur Benghabrit, qui, avec les musulmans, sauva plus de 1600 personnes. De même les Algériens du FTP (Francs-tireurs partisans) avaient pour mission de secourir et de protéger les parachutistes britanniques et de leur trouver un abri. Les FTP ont, par la suite, porté assistance à des familles juives.,
Comment un déclin global de l’Occident est imputable aux immigrés et aux musulmans ?
Quelles sont les «valeurs» de l’Occident d’essence chrétienne ? Tout est parti, dit-on, des grandes découvertes. Nous sommes à la fin du XVe siècle, là, le choc islam-chrétienté se solidifie de deux façons : Constantinople qui tombe aux mains de l’Empire ottoman en 1453 et la Reconquista s’achève par la chute de Grenade en 1492. Les grandes découvertes vers le nouveau monde avec son avatar : le pouvoir colonial : l’histoire du pays colonisé est niée et rasée au profit d’une nouvelle histoire, une nouvelle identité, voire une nouvelle religion. Pendant que la civilisation musulmane entamait son déclin commencé trois siècles plus tôt, l’Occident entamait son envol. Prenant la relève d’un Orient et d’une civilisation islamique sur le déclin, et au nom de la règle des trois C (christianisation-commerce-colonisation), l’Occident, qui se limitait à la Vieille Europe, profita de son avance technologique pour aller à la conquête des peuples faibles et les mettre en esclavage. En fait, pendant cinq siècles, au nom de ses «droits de l’Homme», l’Occident dicte la norme, série, punit, récompense, met au ban des territoires qui ne rentrent pas dans la norme. Ainsi, par le fer et par le feu, les richesses du Sud épuisé furent spoliées par les pays du Nord.
L’Occident s’est américanisé : les larmoiements des Debray, Zemmour, Finkielkraut
La malvie française serait structurelle et naturelle. Mais les sanglots de Finkielkraut, Onfray et autres Zemmour sur la perte de la grandeur de la France sont imputables à ces pelés, ces galeux d’où viennent, diraient-ils, tous les maux de la France. Bien plus tard et après l’implosion de l’empire soviétique, ce fut la fin de l’histoire, selon le mot de Fukuyama avec une pax americana qui paraissait durer mille ans, problématisant de plus en plus les identités vassales au profit d’une macdonalisation du monde. Dans ce XXIe siècle, le multilatéralisme tarde à se mettre du fait que l’Empire et ses vassaux continuent à vivre dans le passé du bon temps des colonies de « Y’a bon Banania et du bougnoule ». C’est un fait ! Ce rappel lancinant de la race au-delà des manœuvres politiciennes a tout de même un fond rocheux. Souvenons-nous de Renan, de Gobineau avec son ouvrage De l’Inégalité des races, de Ferry et son Devoir des races supérieures. Souvenons-nous du White Man Burden (le fardeau de l’homme blanc) de Kipling. La sociologue française Simone Weil s’interrogeait déjà en 1943 sur la réalité de l’aide américaine du Plan Marshall à l’Europe. Elle redoutait, à l’inverse, une «américanisation» des sociétés occidentales. Et, en effet, «nous sommes passés du diktat aryen au diktat occidentalo-US, l’avatar vert kaki au vert de gris». De fait, l’hégémonie anglo-saxonne — car le Royaume-Uni a joué le rôle du cheval de Troie de l’infiltration irrésistible de l’Oncle Sam.
D’une guerre à l’autre, d’un putsch à l’autre, par l’offre d’une démocratie le plus souvent aéroportée où le hard power côtoie le soft power, les Etats-Unis ont envahi, au prétexte de leur démocratie, quasiment la terre entière. Dans leur sillage, les pays européens vassaux, Royaume-Uni, France, Italie… deviennent de plus en plus améracanisés. Au moment où le monde est en passe de changer de projet civilisationnel, Regis Debray, dans son ouvrage sur l’américanisation de l’Europe, se lamente, sur le tard — alors que le ver est dans le fruit depuis bien longtemps ; du bonheur perdu et du bon temps «d’avant». Faisant l’apologie de l’ouvrage pourtant tardif sur le naufrage pluridimensionnel de l’Europe, pour lui, «la civilisation européenne, qui a dominé le monde pendant deux ou trois siècles, s’efface sous nos yeux, confite dans un amer sentiment de déclin».
Devant cette «déliquescence» des «valeurs» françaises chantées depuis une dizaine d’années par Zemmour et sa nostalgie, le philosophe Michel Onfray va plus loin : il en appelle à la religion pour défendre les valeurs de la Fance. Ainsi, le 17 juillet 2020, Michel Onfray était l’invité de l’émission web «Thinkerview». Au début de son intervention, Onfray commence par rappeler une première évidence : «Il faut mettre l’Europe en relation avec le judéo-christianisme, ce qui rend possible l’Occident. Le christianisme ne fonctionne plus chez les chrétiens : ils ne croient plus au purgatoire, à l’enfer, à la parousie, à Satan, à l’eucharistie, à la virginité de Marie (…)» Il poursuit : «Tout ce qui était dogmatique, tout ce qui supposait une foi a disparu.» Mais la déchristianisation n’est pas la seule raison du déclin de l’Occident. L’appétence contemporaine pour la déconstruction serait à l’origine du phénomène. «On a un pape qui est un boy-scout, qui nous dit qu’il “faut aimer ceci ou aimer cela“, “sauver la planète”… (…) C’est Greta Thunberg sans la transcendance.» «Ce qui fait le fond de notre civilisation est épuisé.» Copieux flash-back subdivisé en deux parties, les temps de la vigueur et les temps de l’épuisement, ces derniers eux-mêmes découpés en une agonie à trois temps : «Dégénérescence», «Sénescence», «Déliquescence», Onfray convoque un placide stratège allemand, contemporain de Hegel, Carl von Clausewitz. Convaincu de la disparition imminente des «empires territorialisés», il pointe un tout autre péril — «la reprogrammation de l’existence humaine par le transhumanisme».
Aux larmoiements intéressés de Zemmour qui se découvre des dispositions de sauveur de civilisation, je prèfère, et de loin, la lucidité inoxydable de Pierre Bourdieu, sociologue et ancien professeur au Collège de France, qui avait, avec Loïc Wacquant, professeur à l’Université de Californie à Berkeley, pressentit bien après Simone Weil et bien en avance des intellectuels formatés à l’américaine comme les Young Leader, les dangers d’une américanisation et les dangers d’une dissolution de la langue française première étape d’une dissolution identitaire : «(…) En imposant, écrivent-ils, au reste du monde des catégories de perception homologues de ses structures sociales, les Etats-Unis refaçonnent le monde à leur image : la colonisation mentale qui s’opère à travers la diffusion de ces vrais-faux concepts ne peut conduire qu’à une sorte de “Washington Consensus” généralisé et même spontané, comme on peut l’observer aujourd’hui en matière d’économie, de philanthropie ou d’enseignement de la gestion.»
Pourquoi Éric Zemmour est dangereux ?
On pourrait penser que l’aventure de Zemmour est une singularité. En fait il n’en n’est rien ! Des personnages aussi sulfureux ont par le passé épousé la même posture notamment en France dans les mêmes conditions de prétention à la magistrature suprême en France. L’écrivaine SLB Nazim rapporte un texte de Marcel Proust écrit il y a près d’un siècle: Elle écrit : » Proust disait à propos de la candidature de Bloch qui voulait être président. Je le cite: » Bloch était mal élevé, névropathe, snob et appartenant à une famille peu estimée, supportait comme au fond des mers les incalculables pressions que faisaient peser sur lui non seulement les chrétiens de la surface mais les couches superposées des castes juives supérieures à la sienne, (…) Percer jusqu’à l’air libre en s’élevant de famille en famille juive eut demandé à Bloch des milliers d’années il valait mieux pour lui chercher à se frayer une issue d’un autre côté »
En fait cette façon de faire explique en creux, un atavisme jusqu’au boutiste quitte à disparaitre comme cela sera avec le sacrifice inutile jusqu’au dernier des juifs encerclés par les Romains. Ce sacrifice est connu par le complexe de Massada. L’écrivain Flavius Josèphe décrit les Sicaires comme des fanatiques violents et ne fait pas un portrait flatteur de ces hommes. Il reconstruit le discours de leur chef, expliquant les motivations de ce suicide collectif. Le comportement de Zemmour a une analogie avec les stratèges de la fuite en avant. La stratégie ou la théorie du fou ( madman theory), est un concept développé sous Nixon pour faire peur aux pays communistes en les persuadant qu’ils ont en face d’eux un dirigeant au comportement imprévisible, disposant d’une énorme capacité de nuisance; Menahem Begin parle dans ses mémoires de ces «méthodes» mises en oeuvre par l´armée israélienne. Il s´agit de montrer que tout est possible, que le respect humain n´a plus cours, que le détenu a perdu le droit élémentaire à la dignité. .
De ce fait nous sommes en droit de nous demander si Zemmour ne pousse pas au pourrissement pour provoquer un chaos durable; Car même si c’est un feu de paille. Ses attaques ne sont pas neutres. Au delà de cette opération qui lui est favorable sur le plan financier, il vend et vendra beaucoup d’ouvrages louant une mythique France aseptisée des allogènes, exception faite de Zemmour plus « gaulois que les gaulois ». Ces attaques restées impunies risquent de creuser un fossé dans le corps social français.
Interviewé par Oumma.com, Ahmed Boubeker, professeur de sociologie, donne son avis sur les élections en France. À propos de Eric Zemmour, il déclare : «Ce triste personnage m’évoque la célèbre formule de Brecht : ‘’Il est toujours fécond le ventre qui enfanta la bête immonde.’’ Car ce pseudo-intello-médiatique (historien autoproclamé) n’a jamais rien fait d’autre qu’agiter les formules toutes faites, qui enferment l’immigration postcoloniale dans le carcan des préjugés et le piège des mots. On ne peut que s’alarmer de l’impact du discours de Zemmour sur l’opinion publique, notamment de cette ineptie du ‘‘grand remplacement’’, mais j’insiste sur le fait que c’est l’État et non pas la société française qui porte la responsabilité de cette dérive. Elle se nourrit de nos dénis, de nos replis et de nos petites peurs. Elle invente de nouveaux monstres comme des cauchemars qui s’évertuent à devenir vrais et à s’incarner ! (…) Vous avez raison de parler de la ‘‘construction d’un problème musulman (…) Mais cette montée de l’islamophobie apparaît aussi comme un psychodrame qui fait tomber les masques. Car c’est non seulement le déni du fait musulman en France qui est en cause, mais c’est aussi la présence de plus en plus visible des héritiers de l’immigration postcoloniale qui n’acceptent plus de raser les murs de la société française. La construction publique du ‘‘problème musulman’’ prend ainsi un nouveau tournant avec l’idée folle de sa fabrique par le droit !’’ Il s’agirait ainsi de sanctionner, par la loi, une situation de fait : la citoyenneté de seconde zone de nationaux qui ne sont pas des Français comme les autres».
Conclusion
La zemmourisation du corps social est dangereuse car elle ouvre une boîte de Pandore dont les conséquences seraient, à Dieu ne plaise, une guerre civile Les instigateurs n’étant pas empêchés à temps – ce n’est pas de la liberté d’expression — de semer la haine diffuse qui voit dans le bouc émissaire le responsable de sa malvie. Les Français musulmans pratiquants ou pas dans leur immense majorité veulent vivre avec dignité leur culte. Ils connaissent les fils rouges à ne pas dépasser, ils savent qu’ils sont dans un vieux pays de pétris de tradition chrétienne malgré la laïcité. Pourtant, leur identité religieuse n’est nullement un frein à leur patriotisme.
Les descendants de ceux qui sont morts pour la France ont choisi de vivre en Europe, Ils souhaitent le faire dans la dignité. Ils veulent vivre d’une façon apaisée et sans ostentation leur spiritualité à l’ombre des lois de la République. Ces attaques lancinantes à des Français musulmans risquent de remettre aux calendes grecques l’utopie toujours recommencée de la Nation.
Chems Eddine Chitour
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