L’auteur est journaliste indépendant et membre du Regroupement Des Universitaires
Montres, claviers et souris d’ordinateur, télécommandes, radios, lampes de poche, jouets et une vaste gamme d’outils légers font partie de la multitude d’appareils et accessoires électroniques alimentés par piles. Une fois rendues au terme de leur durée de vie, ces piles se retrouvent trop souvent dans les sites d’enfouissement et les incinérateurs, contribuant à la pollution de l’air et de la nappe phréatique, alors qu’elles pourraient être facilement récupérées et recyclées.
Nous parlerons ici surtout des piles domestiques en vente partout, à utilisation unique ou rechargeable, ces dernières étant aussi désignées sous le vocable d’« accumulateurs » par nos amis Français. Le terme « batterie » doit être réservé aux unités emmagasinage d’électricité rechargeables incorporées dans des appareils, tels les téléphones intelligents et les ordinateurs portables. Il désigne aussi des unités génératrices d’énergie plus importantes qui équipent, par exemple, les véhicules automobiles à propulsion thermique autant qu’électrique.
Une croissance hors de contrôle?
Le nombre de piles mises en marché chaque année est tellement élevé que même Environnement Canada semble avoir renoncé à le comptabiliser. Les plus récentes données du ministère à cet effet accessibles sur le Net via Recyc-Québec remontent à 2006. Les ventes de piles au détail auraient atteint 120 millions pour le Québec seulement, ce qui représente une masse de plus de 4 000 tonnes. Le CAA avançait pour sa part un chiffre de 162 millions l’année suivante, 2007.
Dans son mémoire de maîtrise en environnement à l’Université de Sherbrooke consacré à la problématique, Sébastien Lachapelle Charrette, aujourd’hui conseiller chez Hydro-Québec, mentionne une étude de projection menée par la firme Kelleher Environmental qui estime le nombre de piles vendues au Québec en 2015 à 170 millions.
La progression est constante chez nous comme ailleurs. Selon le ministère français de la Transition écologique, 1 200 millions de piles et d’accumulateurs sont maintenant commercialisés chaque année dans ce seul pays d’Europe. On imagine le sommet vertigineux que cette surconsommation a atteint en 2021. Elle s’élève à coup sûr à plusieurs dizaines de milliards d’unités à l’échelle planétaire.
Un taux récupération heureusement en hausse
Pour se donner du courage face à l’ampleur du problème, les autorités compétentes préfèrent aujourd’hui parler du poids de piles récupérées annuellement plutôt que du nombre total fabriqué. C’est ainsi que l’organisation Appel à Recycler se félicite que les Canadiens aient rapporté et contribué à recycler un nombre de 4,1 millions de kilos (4 100 tonnes) de piles usagées en 2020, comparativement à 2,7 millions en 2018, laquelle marquait déjà une hausse de 3% par rapport à l’année précédente.
Les messages répétés de sensibilisation auprès de la population ont grandement contribué à cette progression, de même que la multiplication des bornes de collecte à l’entrée des magasins, des pharmacies et de plusieurs édifices municipaux.
Sous leur enrobage de plastique et de papier, les piles contiennent notamment du fer, du manganèse et du zinc, ainsi que des métaux lourds comme le nickel, de sorte qu’une fois jetées à la poubelle, elles deviennent toxiques sous l’effet de la corrosion ou de la combustion. En revanche, les piles récupérées sont triées et retraitées. La majeure partie de leur contenu peut être réutilisée pour des usages industriels. Le reste est envoyé dans des centres de déchets spécialisés de façon à éviter toute contamination de l’environnement.
Il n’en demeure pas moins que la majeure partie des piles mises en marché chaque année se retrouve encore dans les ordures.
Privilégier la recharge
Le slogan du programme Appel à recycler, « Sonne la charge pour le recyclage », s’avérerait encore plus pertinent pour une promouvoir l’achat des piles rechargeables. En effet, les consommateurs optent encore trop souvent pour les non rechargeables au lithium, moins chères et plus faciles à trouver dans les commerces. Les piles rechargeables n’occupent qu’une petite place dans les présentoirs, généralement sur la tablette du bas, quand elles ne sont pas carrément absentes.
Cela tient au fait que les utilisateurs des piles réutilisables, moins nombreux, ont aussi moins souvent besoin de se réapprovisionner. Les experts sont unanimes et tous les adeptes le confirmeront : une pile rechargeable au nickel de capacité standard (2300 mAh) d’une marque reconnue peut servir une bonne cinquantaine de fois. Il suffit de se procurer le chargeur offert moyennant quelques dollars de plus dans un emballage de quatre piles.
Le rapport qualité-prix des rechargeables est tellement supérieur que la chaîne IKEA a décidé de cesser la vente de piles alcalines à usage unique dans ses magasins, et ce dans le monde entier. Un appui de taille.
Limiter l’utilisation à l’essentiel
La meilleure conduite demeure la réduction de l’utilisation à la source. La simplicité volontaire sera toujours préférable aux restrictions qui pourraient nous être imposées si la situation devient intenable. Rappelons que tous les appareils alimentés par piles ou batteries ont une la durée de vie souvent éphémère et, malheureusement, ils ne prennent pas toujours le chemin des écocentres pour être revalorisés.
Si tout le monde optait demain matin pour un aspirateur sans fil ou même la simple brosse à dents électrique, les conséquences à moyen et long terme se feraient lourdement sentir sur nos écosystèmes.
Un inventaire de nos besoins réels devrait nous amener à délaisser bien des gadgets au profit de la bonne vieille énergie musculaire. Par exemple, le râteau, le balai et la pelle peuvent avantageusement remplacer le souffleur à feuilles ou même la souffleuse à neige, à condition de s’y remettre progressivement pour ménager le système cardiovasculaire.
Privilégier le branchement secteur
Il ne s’agit pas de renoncer complètement aux progrès technologiques qui visent à nous faciliter la vie. Seuls les plus militants auront le courage de renoncer à leur souris d’ordinateur autonome et à leur clavier Bluethoot ou à revenir à la montre mécanique.
Il reste que chaque membre de la famille peut faire sa part pour réduire le gaspillage.
Ce ne serait pas vraiment une bonne idée d’offrir à fiston une voiturette électrique de modèle sport ou de type VUS, Buggy, Quad, Monster Truck… Ce joujou de luxe le dispenserait d’un exercice essentiel.
Sa petite sœur n’a peut-être pas besoin non plus de cette poupée électrique rampante dernier cri, qui « babille, rigole et bavarde ».
Ces dérives consuméristes à l’intention des enfants trouvent leur équivalent chez les plus âgés avec les drones récréatifs, dont la popularité monte en flèche. Or la batterie au lithium de ces engins est similaire à celle qui équipe les vélos électriques, tout aussi en demande, mais tellement plus utiles.
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