Nous devons changer le cours des choses

Nous devons changer le cours des choses

Nous voici arrivés aux frontières du réel. Après s’être déresponsabilisé d’une panoplie de services publics, l’État a instrumentalisé les organismes communautaires afin que ces derniers s’acquittent du rôle ingrat de prendre soin des pauvres à bon marché : pour les pauvres, par les pauvres! Or, les travailleuses et les travailleurs du secteur communautaire se sont professionnalisés au fil du temps. Bon nombre d’entre eux détiennent des diplômes universitaires. Et, bien que les employeurs ne puissent, plus souvent qu’autrement, donner qu’un salaire qui avoisine le seuil de faible revenu, ils exigent cette même diplomation.

Or, si ce n’était que les salaires exécrables! En plus de devoir effectuer le travail pour le quart du prix, les salariés du milieu communautaire doivent endurer depuis quelques années la lourdeur administrative propre à l’appareil gouvernemental. La bureaucratisation qui rend malade. Celle de la grosse machine, mais sans les salaires, les assurances et le régime de retraite. Après la financiarisation de l’économie, voici la « managérialisation » du communautaire. On aura tout vu. Le capitalisme peut mourir en paix.

Ça ne s’invente pas! Un camarade me racontait que, dans le cadre de son évaluation annuelle, son employeur lui mentionnait s’attendre à « un rendement plus optimal de sa part » et aussi à « une utilisation plus efficiente des ressources à sa disposition ». Le gars gère une banque alimentaire. En lui demandant ce qu’il avait répondu à son boss, il me rétorqua : « Plus optimal? J’ai distribué 100 % des denrées que nous avons reçues. Je ne t’apprends rien si je te dis qu’il y a encore du monde qui ont faim. »

Et comme si ce n’était pas assez. La catharsis! Ça se passe du côté de Sorel. Il faut maintenant dire Sorel-Tracy, mais il faut surtout dire ce qui s’est passé là-bas. Un ancien directeur de la Chambre de commerce est devenu directeur du Centre de prévention du suicide. Imaginez quelques instants. L’apogée du ridicule. On l’imagine se faire payer des formations aux HEC, à même les minces subventions indexées uniquement lors des années bissextiles, pour « gérer optimalement » la salariée qui est sur la ligne d’urgence depuis 1997, et ce, au même taux horaire. Imaginez quelques instants comment un directeur de chambre de commerce peut voir grand pour le « développement » de ce centre de crise.

Il est quatre heures du matin. Votre vie ne fait plus de sens. Vous appelez la ligne d’urgence du Centre de prévention du suicide. « Votre appel est très important. Une personne vous écoutera sous peu. Votre vie ne fait plus de sens? Parfois, il ne faut pas trop creuser. Ce temps d’attente est une gracieuseté d’une compagnie minière. »

Les racines du capital ont fait craquer les fondations d’un des derniers bastions de la militance : le communautaire. Le temps est à l’indignation. Presque pas ou très peu d’ailleurs d’organismes communautaires sont syndiqués. C’est paradoxal, mais surtout malheureux. Il est temps, plus que jamais, d’organiser le milieu afin de préserver l’essence du communautaire et de permettre aux salariés de vivre dignement. Nous devons changer le cours des choses.

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À propos de l'auteur L'aut'journal

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