Comprendre l’Époque. Entretien exclusif de Breizh-Info avec Alain Soral

Comprendre l’Époque. Entretien exclusif de Breizh-Info avec Alain Soral

Plusieurs années après un Comprendre l’Empire particulièrement diffusé et remarqué, Alain Soral a publié il y a déjà plusieurs mois Comprendre l’Époque aux éditions Kontre Kulture.

Essayiste, polémiste, cinéaste et romancier, Alain Soral, infatigable militant dissident persécuté par un système redoutable à qui il donne des coups autant qu’il en prend, dans ce treizième livre, pose une fois de plus son regard acéré sur le monde actuel, sa genèse et les causes profondes de ses transformations.

Trois ans ont passé depuis la dernière interview qu’il nous a accordée. Et le monde a profondément changé, tout comme l’Histoire s’est accélérée, tandis que la dictature sanitaire s’est mise en place depuis deux ans.

Nous l’avons interrogé sur son ouvrage.

***

Breizh-info.com : Tout d’abord, quelques mois après sa sortie, comment se portent les ventes de Comprendre l’Époque, malgré la censure médiatique habituelle dont vous faites l’objet ? Il semblerait que le livre ne rencontre pas la même audience que Comprendre l’Empire, alors qu’il le prolonge pourtant ?

Pour répondre point par point à votre question :

Nous avons imprimé 10 000 exemplaires de Comprendre l’Époque au printemps, et à ce jour nous en avons vendu près de 9 000. Ce qui est un bon chiffre pour une maison d’édition qui n’existe que sur Internet – à savoir Kontre-Kulture – et qui ne bénéficie d’aucun relais librairies et médias. Si les ventes continuent à ce rythme, nous aurons épuisé le tirage à la fin de l’année et nous réimprimerons début 2022, ce qui est loin d’être décevant !

Quant à la comparaison avec Comprendre l’Empire, elle n’a pas vraiment de sens, puisqu’à l’époque – en 2011 – j’avais encore un éditeur institutionnel distribué en librairie – Les Éditions Blanche du groupe Hugo & Co – et j’avais bénéficié, pour son lancement, d’une invitation à Ce soir ou jamais, la fameuse émission de Frédéric Taddeï sur France 2. C’est d’ailleurs ce genre d’invitation qui a dû finir par lui coûter sa place sur le service public et qui lui vaut aujourd’hui, à lui aussi, d’être relégué dans les marges d’Internet et sur RT. Autre temps, autres mœurs !

Ceci dit, si Comprendre l’Empire s’est vendu à près de 120 000 exemplaires à ce jour, ces ventes se sont faites progressivement, année après année, par le bouche-à-oreille des lecteurs. On peut donc supposer qu’il en ira de même pour Comprendre l’Époque, comme il en a été d’ailleurs de la plupart de mes autres livres : Sociologie du dragueur, Vers la Féminisation ?, Abécédaires de la bêtise ambiante… qui se sont tous imposés avec le temps, réimpressions après réimpressions…

Avant l’égalité était la Tradition, balayée par « La modernité », le « progrès » sous l’impulsion de la bourgeoisie, bien avant la Révolution française d’ailleurs. Qu’était-ce en réalité que la société de la Tradition ?

La société de la Tradition, qui a précédé la société moderne, était basée, pour faire simple, sur l’écoute et l’imitation des Dieux. Son principe était fondamentalement hiérarchique, donc inégalitaire, et la pensée magique – soit la révélation au-dessus de la raison – y était la norme. Sociétés de la tradition primordiale – que j’appelle tradition intégrale dans le livre – analysées et décrites notamment par René Guénon, puis sociétés de la tradition tripartite – que j’appelle tradition dégradée – déjà prémodernes, étudiées et décrites par Georges Dumézil. Soit, fondamentalement ce que j’appelle aussi les sociétés de « donation de sens par l’origine », le plus lointain passé, en opposition aux sociétés de « donation de sens par le but », que sont nos sociétés de progrès.

Finalement, n’est-ce pas la rigidité d’un conservatisme avant l’heure, résolument tourné vers le passé sans jamais avoir anticipé l’avenir, qui a permis le triomphe de la modernité et de la bourgeoisie sur l’ordre ancien ?

Ce n’est pas comme ça qu’il faut comprendre ce changement. Car il ne s’agit pas d’une opposition collective consciente, mais bien d’un lent processus, consubstantiel à l’intelligence humaine même – soit sa géniale capacité d’abstraction – qui s’est progressivement diffusé dans le monde ancien. Ce qui donne le passage progressif, et à mon avis inéluctable, de la cosmogonie à la cosmologie, si on fait référence au très éloquent monde grec.

Il s’agit donc historiquement, plutôt que d’une opposition, d’une lente transformation par l’immixtion de plus en plus profonde et générale de la Raison dans la Tradition. Une accumulation qui finit par produire – comme nous l’explique la pensée de Hegel – un « saut qualitatif ». Soit, dans notre histoire de France absolument centrale et après des siècles de lente infiltration faite de découvertes scientifiques et de transformations économiques, ce changement radical que fut la Révolution française : triomphe de la Raison et démocratie des droits de l’homme en lieu et place de l’Ancien régime tripartite, abolit d’un coup par la nuit du 4 août…

Le point central de votre livre, est le constat dressé de trois siècles (au moins) de domination et de pouvoir par l’égalité. Une égalité qui, écrivez-vous « se traduit le plus souvent dans la pratique en absurdité, voire en son contraire »… Cette course à l’égalité productrice d’inégalités nombreuses est-elle la matrice indispensable à assimiler pour mieux comprendre notre époque ?

Pour comprendre cette ambivalence et cette ambiguïté constitutives de notre époque moderne, il faut comprendre que ce principe égalitaire vient d’abord de la progression des mathématiques appliquées dans tous les secteurs, techniques puis sociaux, en remplacement de la pensée magique ; soit la raison remplaçant progressivement la révélation.

Les mathématiques appliquées, ses lois constantes et universelles, étant fondamentalement égalitaires de par le signe égal – = – symbole central et moteur de toute opération mathématique. Pour le dire plus clairement, car c’est l’idée centrale du livre : l’égalitarisme politique provient d’abord et fondamentalement d’un glissement des mathématiques vers l’idéologie. D’où il résulte que l’égalitarisme est plus une conséquence de la mathématisation du monde que le fruit d’une volonté collective morale et politique. Ce qui explique que cet égalitarisme formel – issu de l’abstraction – se traduise rarement dans les faits sociaux et la réalité pratique.

Tout le mensonge de notre société bourgeoise de la Raison est là : l’égalitarisme formel et théorique des « droits de l’homme » accouchant dans la pratique d’un inégalitarisme social accru. Soit, derrière cette démocratie de façade, une violence de l’exploitation de classe par le Capital souvent bien plus violente que ce qu’était concrètement, au-delà des hiérarchies traditionnelles, les conditions de vie des petites gens sous l’Ancien régime !

Pour bien comprendre ce paradoxe, pensons aussi aux conditions de vie de « l’homme libre », prolétaire dans les usines du Nord unioniste des USA à la fin du XIXème siècle, comparées à celles de l’esclave, théoriquement plus aliéné, mais souvent pratiquement mieux traité dans les plantations du Sud confédéré ! Un paradoxe et une réalité finement décrite par l’écrivain noir américain Iceberg Slim dans son roman Mama Black Widow

Quelles distinctions faites-vous entre égalité et égalitarisme à travers les siècles qui nous ont précédés, et à notre époque actuelle ?

Historiquement et politiquement, on voit bien que l’égalité parle d’égalité des chances, afin que la hiérarchie sociale soit, le plus possible, le fruit d’une juste compétition, tandis que l’égalitarisme vise, lui, la négation de toutes les différences, qu’elle qu’en soit l’origine, ce qui s’est le plus souvent traduit dans les faits par la société policière et le nivellement par le bas !

Compris comme ça, le principe de l’égalité est une belle chose, sans doute socialement utile à la production des élites, tandis que l’égalitarisme doit être considéré comme le cancer de l’égalité, surtout quand on voit ce qu’il donne avec le féminisme actuel, l’animalisme, le LGBTisme, la woke et la cancel culture !

Votre travail d’écriture a toujours consisté à chercher à analyser notre société certes, mais aussi à appréhender les principaux défis de demain. Peut-on affirmer que l’un des défis qui attend notre monde occidental, pour demain, consistera d’une certaine façon à mettre fin au règne de la Bourgeoisie (de l’oligarchie aujourd’hui), mais surtout à la dépasser et à réinventer de nouveaux ordres ?

Oui, par ce livre, je m’efforce de rappeler que si la société bourgeoise a vaincu jusque-là toutes ses concurrentes de droite et de gauche – néo-traditionnelles (religieuses, fascistes) ou socialistes – elle n’a jamais été considérée comme aboutie ni satisfaisante. Tant sur le plan moral : son individualisme matérialiste menant, comme le décrivent à la fois les religions et Karl Marx, à la guerre de tous contre tous, soit à une société du chaos. Mais aussi sur le plan pratique : le capitalisme, malgré sa prétention à la « science économique », étant incapable de prévoir et de juguler ses crises autrement que par des purges de plus en plus mondiales et violentes.

Le Grand Reset qui se déroule actuellement sous nos yeux n’est-il pas finalement le « chant du cygne » de cette Bourgeoisie, vouée, quelles que soient les tournures que prennent nos sociétés demain, à disparaître ?

Espérons-le.

C’est en tout cas comme ça qu’on peut expliquer la situation actuelle, qui n’est qu’une tentative, déguisée en menace terroriste, climatique et virale, d’imposer une dictature faites de privations en tous genres, et qui est bien la preuve de l’échec de cette fameuse « main invisible » sensée nous apporter la « paix perpétuelle » par le « doux commerce » ; soit la vision tristement comptable du monde…

Dernière question ; en complément de votre ouvrage, y a-t-il des livres parus ces dernières années, pas forcément dans votre sphère, et qui vous ont particulièrement plu, ou marqué, et que vous conseilleriez à nos lecteurs ? Comment par ailleurs redonner l’envie de lire aux générations actuelles et à celles à venir ?

Le mieux que je puisse faire pour vous répondre de la façon la plus complète, c’est d’inciter vos lecteurs à consulter notre catalogue des publications Kontre Kulture, ils y trouveront tous les livres, nouveautés et rééditions, permettant de s’armer pour survivre et lutter dans le monde inquiétant qui vient !

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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation

À propos de l'auteur Égalité et Réconciliation

« Association trans-courants gauche du travail et droite des valeurs, contre la gauche bobo-libertaire et la droite libérale. »Égalité et Réconciliation (E&R) est une association politique « trans-courants » créée en juin 2007 par Alain Soral. Son objectif est de rassembler les citoyens qui font de la Nation le cadre déterminant de l’action politique et de la politique sociale un fondement de la Fraternité, composante essentielle de l’unité nationale.Nous nous réclamons de « la gauche du travail et de la droite des valeurs » contre le système composé de la gauche bobo-libertaire et de la droite libérale.

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