De l’art de la duplicité arabe

De l’art de la duplicité arabe

Le monde Arabe est en crise profonde, sinon en état de mort clinique. La faillite du concept d’État-Nation dans son acception post-moderne est un fait assumé qu’aucune propagande ou opération de gestion d’image ne peut occulter. Les restes d’un empire n’ont jamais pu s’organiser autrement.

Quant il s’agit d’analyser la situation dans le monde dit Arabe, toute approche rationnelle se heurte à des impondérables impossible à cerner avec précision et hautement imprévisibles. L’intervention militaire américaine en Irak a tourné au désastre absolu à cause de cette perception erronée d’une situation changeante dans laquelle les acteurs ne sont pas motivés par des facteurs rationnels pesants mais un sens subtil et une intuition du pouvoir échappant au cadre étriqué de la raison.

La rencontre de Bachar Al-Assad, président de la République Arabe de Syrie avec le Chef de la diplomatie des Emirats Arabes Unis, Cheikh Abdallah Ben Zayed Al-Nahyane, le 09 novembre 2021 à Damas , en Syrie illustre le très haut niveau atteint par l’art de la duplicité arabe dans le domaine politique.

Cette rencontre entre deux frères ennemis jurés ambivalents s’est déroulé naturellement dans le faste et non sans effusion. L’image d’un potentat à la tête d’une république laïque enlaçant dans un interminable salamalek un autre dignitaire d’un autre potentat d’une richissime fédération d’Émirats, qui était jusqu’à très récemment son pire ennemi. Un ennemi qui n’a eu de cesse de dépenser des dizaines de milliards de dollars US pour avoir sa peau et détruire de fond en comble un pays de vieille civilisation. Cette scène est un signe déroutant pour un esprit non averti des subtilités extrêmes de la diplomatie arabe.

Il ne manquait que le couteau planté dans le dos mais vu les dégâts subis par la Syrie, transformé par plus de dix ans de conflit de haute intensité en un État en faillite où les forces US et turques y disposent de bases sans même y être invités et où l’espace aérien est devenu le champ de tir de toutes sortes de missiles israéliens, ce couteau est déjà planté.

On a beau présenter cette scène digne d’une ancienne tragédie de la Grèce antique comme une reconnaissance de facto de la victoire de la Syrie sur ses ennemis. Damas se félicite de son retour dans la Ligue Arabe, une organisation panarabe creuse et vide servant à peine de caisse de résonnance pour les politiques de l’Empire via les richissimes pays du Conseil de Coopération du Golfe et de leurs vassaux.

C’est la première fois visite d’un dignitaire émirati en Syrie depuis le début de la guerre dans ce pays le 15 mars 2011. Pour certains observateurs, il marque la fin de l’isolation du pouvoir syrien, ciblé par une guerre de fin du monde ayant impliqué la totalité des pays de l’Otan et du CCG, lesquels lui ont envoyé plus de 95 000 mercenaires “islamistes” et des milliers de contras fantômes. En parallèle, la Syrie subissait les opérations clandestine de sabotage et de subversion des unités spéciales de plus d’une vingtaine de pays et de centaines de raids aériens et balistiques menés aussi bien par Israël que les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et bien d’autres pays.

Les Émirats Arabes Unis ont réouvert leur ambassade à Damas en 2018 et parlent désormais de plans futurs visant à relancer et renforcer la coopération économique et explorer de nouveaux secteurs d’investissements. Ça sent la reconstruction mais aussi une extension de l’influence des pays du Golfe dans un pays allié au grand rival iranien sur fond d’un effondrement du Levant avec la faillite du Liban et une crise sans précédent en Israël.

Damas, de son côté, cherche à s’assurer une aide internationale, notamment des très riches pays du Golfe qui ont soutenu à coups de centaines de milliards de dollars une rébellion armée particulièrement féroce pour un résultat anéanti par l’accès de la Russie au littoral oriental de la Méditerranée via les ports syriens.

Résultats des course: des trillions de dollars de pertes de tous les côtés. La moitié d’une population exilée ou réfugiée. Une partie du territoire hors contrôle et on reparle business et même gros business. Dans ce contexte, les adversaires géopolitiques de l’Iran vont certainement commencer à distiller des informations faisant état d’une modification des rapports entretenus jusqu’ici entre Damas et Téhéran ou Damas et Moscou. C’est l’ABC de la manipulation dans une guerre d’influence mais il est très peu probable que les relations entre la Syrie et ses deux alliés traditionnels, lesquels ont payé et paient un prix fort pour leur engagement en Syrie face à l’Otan et Israël puissent connaître le moindre changement à court terme.

On se tue et on s’embrasse. C’est le comble du raffinement. Les mafias occidentale s’y connaissent en matière de code de l’honneur.

Le Grand Jeu continue.

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