Guerre du Sahara Occidental : Casus belli marocain et options algériennes

Guerre du Sahara Occidental : Casus belli marocain et options algériennes

Une vidéo diffusée le 26 octobre 2021 montre une frappe effectuée par un drone d’attaque Bayraktar TB-2 ukrainien de fabrication turque contre une pièce d’artillerie D-30 (2A18) de 122 mm des forces du Donbass en Ukraine orientale. Le drone TB-2 a utilisé un missile Air-Sol MAM-C pour neutraliser la pièce d’artillerie au sol.

C’est le 56ème D-30 à être détruit par un drone d’attaque Bayraktar TB-2 depuis que ce drone est utilisé dans le conflit du Nagorno-KaraBagh, de Syrie et d’Ukraine.

Un drone d’attaque similaire a tiré, le premier novembre 2021, deux missiles Air-Sol MAM-L sur deux camions commerciaux civils algériens arrêtés sur le bord d’une piste connue dans la partie libérée du Sahara Occidental, tuant trois routiers et provoquant un véritable casus belli avec l’Algérie dans cette zone “oubliée” par les médias internationaux.

Contrairement aux frappes des Bayraktar TB-2 au Nagorno-KaraBagh, en Libye en Syrie et en Ukraine où les cibles n’étaient que militaires, le drone utilisé par les forces d’occupation marocaines au Sahara Occidental a ciblé des civils empruntant un couloir commercial connu évitant la grande mer de sable du Grand Erg occidental, territoire inconnu et inexploré à ce jour, et de l’autre côté le mur de défense connu le sous le nom de Berm et long de 2700 km. Les deux camions algériens revenaient de la Mauritanie où ils avaient livré du ciment blanc et se sont arrêtés après que l’un d’eux ait connu une avarie (crevaison de pneus), ils était en position statique en plein jour lorsque deux missiles Air-Sol s’abattirent sur eux.

Alger a affirmé que cet acte ne restera pas impuni dans une allusion explicite à des représailles militaires qui seront limitées au Sahara Occidental, territoire en proie à une guerre passée sous silence depuis une année grâce à un blackout médiatique maintenu par les alliés du Maroc.

Le Maroc s’inspire énormément du conflit du Nagorno-KaraBagh et de l’exemple de l’Azerbaïdjan, lequel a remporté une victoire militaire sur l’Arménie grâce à l’acquisition de systèmes d’armes israéliens et turcs. Sur le papier, la supériorité militaire de l’Algérie est écrasante notamment dans le domaine aérien et balistique mais la similitude d’armemement entre l’Algérie et l’Arménie avec une prépondérance des blindés et de l’artillerie a amené les conseillers militaires israéliens au Maroc à conclure que l’usage de drones d’attaques et de drones kamikazes (loitering) pourrait neutraliser l’avantage militaire algérien et permettre la réédition d’un scénario proche de celui du Nagorno-KaraBagh au Sahara Occidental. L’importance croissante de l’équipement militaire allemand au sein de l’armée algérienne pourrait toutefois annuler cette approche.

L’usage des drones turcs Bayraktar TB-2 et Anka S en Syrie a démontré les limites des moyens de guerre électronique russes, pourtant parmi les plus avancés au monde. Elle a démontré sur d’autres théâtres la vulnérabilité de l’artillerie et des blindés mais aussi de système de défense aériennes de courte portée comme le Pantsir S-1 ou de portée moyenne comme le 9K37 Buk-M1 à ce type de menace.

Les options possibles

La riposte de l’Algérie semble facilitée par deux facteurs: primo, le conflit du Sahara occidental qui a repris en novembre 2020 entre le Front Polisario et le Maroc est une guerre invisible et sous embargo médiatique international. De ce fait, une riposte algérienne de type militaire dans les limites du Sahara occidental est tout à fait possible sans provoquer d’escalade ni même beaucoup de bruit. Dans ce cadre là, Alger pourrait faire survoler l’ensemble du territoire du Sahara Occidental par ses drones d’attaque vu l’extrême difficultés à les intercepter et la faiblesse de la défense aérienne marocaine dans cette zone. Secundo, la zone du Sahara Occidental est déjà une zone de guerre et une escalade limitée à cet espace géographique n’affecrera pas de manière significative la sécurité en Méditerranée occidentale ou en Europe. Des opérations plus asymétriques menées par le Polisario au sol et soutenues par des drones d’attaque et un soutien balistique tactique algériens pourraient mettre en difficulté l’ensemble du dispositif défensif marocain au Sahara Occidental.

Un autre exemple est celui de l’Iran. En riposte à l’assassinat d’un de ses généraux, Téhéran avait en effet pilonné une base militaire US à coups de missiles balistiques. Le 08 janvier 2020, un barrage de missiles balistiques tactiques iraniens de type Qiam-1 se sont abattus sur la base aérienne US d’Al-Asad dans la province d’Al-Anbar en Irak. Les Iraniens avaient alerté au préalable les Américains en guise de message en vue de contenir une éventuelle escalade.

Depuis plusieurs mois, des technicals du Polisario lancent des roquettes non guidées au delà du “Berm” sans que ces actions ne suscitent le moindre intérêt des médias internationaux. Cela pourrait néanmoins changer en cas de l’usage par l’Algérie de missiles balistiques tactiques de type Iskander-E contre une ou plusieurs bases militaires marocaines stratégiques au Sahara occidental. Deux charges conventionnelles de près d’une tonne pourraient en effet rayer le quartier générale d’une base nodale saharienne située profondément derrière le mur de défense.

Une guerre de drones en mode air-air est exclue vue que les deux pays ne disposent pas de la technologie nécessaire à ce type de combat du futur. Il est également très peu probable que le Maroc se risque d’utiliser son aviation militaire, très inférieure à celle de l’Algérie, au Sahara Occidental.

Par contre le Maroc pourrait accroître la portée de sa guerre cybernétique contre l’Algérie. Celle-ci est systematique et dure depuis des années. Le Maroc a mobilisé depuis longtemps une armée de trolls inondant de manière très offensive toutes les plateformes numériques, mediatiques, virtuelles ou électroniques où l’Algérie est citée ou évoquée.

l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc en date du 24 août 2021. Moins d’un mois plus tard, le 22 septembre 2021, Alger décide de fermer son espace aérien à tout appareil civil ou militaire marocain et réitère qu’il ne renouvellera pas le contrat du gazoduc Maghreb-Europe passant par le Maroc. Cette infrastructure énergétique est importante pour le Maroc (17 % de la production d’électricité et des taxes de transit). Le 30 octobre, Alger annonce le non renouvellement effectif de ce contrat et assure l’Espagne que tous les approvisionnements de l’Espagne en gaz naturel seraient désormais assurés par le gazoduc alternatif Medgaz reliant directement la côte algérienne à la ville espagnole d’Almeria et passant sous la mer Méditerranée. Le 01 Novembre 2021, jour de fête nationale en Algérie, un drone marocain cible deux camions civils algériens assurant la liaison Ouargla-Nouakchott. Des pays du Golfe comme l’Arabie Saoudite et le Qatar ainsi qu’Israël soutiennent le Maroc. l’Algérie affirme qu’une punition est inéluctable. Le conflit du Sahara Occidental est désormais un point très chaud qui risque de ressembler à la guerre au Yémen à la porte de l’Europe.

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