Réflexions sur les événements en Afghanistan (partie 14) par M.K. Bhadrakumar

Réflexions sur les événements en Afghanistan (partie 14) par M.K. Bhadrakumar
  1. Campagne de dons Octobre 2021

    Chers amis lecteurs. Nous lançons  une nouvelle campagne de dons pour ce mois d’Octobre et nous comptons sur vous pour nous aider à continuer notre travail de réinformation. Comme vous le savez, les sites alternatifs comme Réseau International se voient de plus en plus interdire l’accès aux plateformes publicitaires. Aussi, votre aide est cruciale pour nous permettre de résister aux pressions de toutes sortes que Big Tech exerce sur nous. Faites un don.

    Total dons 2 466,00 €

par M.K. Bhadrakumar

23. Avec les Taliban en ligne de mire, les États-Unis vont rétablir les liens avec l’Ouzbékistan

Lorsque la secrétaire d’État adjointe Wendy Sherman atterrira à Tachkent dimanche, elle devra pratiquement sculpter sur un minuscule morceau d’ivoire. Il ne s’agit pas de blâmer Sherman, qui reste un atout stratégique pour l’administration Biden, car elle apporte à l’équipe de politique étrangère de Washington un haut niveau de compétence diplomatique qui fait d’elle une « trouble-fête » indispensable, discrète mais très efficace.

Sherman a une tâche difficile à accomplir : tenter de négocier des accords de base en Ouzbékistan qui serviront de point d’ancrage à une nouvelle phase de l’intervention militaire des États-Unis en Afghanistan, visant ostensiblement à traquer les éléments terroristes, mais en réalité à faire avancer l’agenda géopolitique de la « concurrence stratégique » avec la Russie et la Chine sur un autre théâtre eurasien prometteur, à cheval sur leur ventre mou, le Caucase du Nord et le Xinjiang, respectivement.

Après le fiasco de « l’évacuation » de l’aéroport de Kaboul en août et le jeu des reproches entre le Département d’État américain et le Pentagone qui s’en est suivi, les opérations militaires « au-delà de l’horizon » en Afghanistan sont devenues une question très sensible.

En outre, les Taliban ont lancé une mise en garde contre toute opération militaire américaine de ce type sur le territoire afghan à l’avenir. La Russie et la Chine ont coordonné leurs efforts pour maintenir la région d’Asie centrale en dehors de toute confrontation entre les États-Unis et les Taliban et pour empêcher les forces spéciales américaines d’opérer dans cette région.

Ces derniers temps, Washington a considéré l’Ouzbékistan comme le maillon faible de la chaîne régionale de l’Asie centrale. Selon les États-Unis, malgré le battage médiatique des rapports russes selon lequel les relations entre l’Ouzbékistan et la Russie se sont considérablement renforcées ces dernières années et bien que la situation actuelle en Afghanistan ait offert au Kremlin une occasion unique de renforcer son influence militaire sur Tachkent, cette dernière n’a pas l’intention de rejoindre l’Organisation du Traité de Sécurité collective ou d’accepter la Russie comme son principal partenaire sécuritaire et militaire à un moment où la menace de la situation sécuritaire régionale pourrait dégénérer dans des directions imprévues au cours des prochains mois ou années.

D’un autre côté, Tachkent est très douée pour la sélection sélective. Ainsi, au lendemain du retrait occidental d’Afghanistan, l’Ouzbékistan a refusé les supplications de Washington d’accueillir une installation militaire américaine sur son territoire, ce qui, selon Tachkent, est exclu par sa doctrine de politique étrangère.

Mais cela n’a pas empêché Tachkent de négocier un accord avec Washington pour transférer un groupe de pilotes militaires afghans et leurs familles vers une base militaire américaine dans les semaines suivantes. Les pilotes militaires qui auraient fait partie des ressortissants afghans étaient passés en Ouzbékistan et les Taliban exigeaient que Tachkent leur remette les pilotes, ainsi que leur équipement, à Kaboul. Selon les informations disponibles, 46 avions auraient été transportés par les pilotes en Ouzbékistan, dont des Black Hawks fournis par les États-Unis, des avions de surveillance PC-12 et des MI-17 de l’ère soviétique.

Selon le Wall Street Journal, le week-end du 11-12 septembre, 585 ressortissants afghans au total auraient été transportés par avion vers la base militaire américaine de Doha, au Qatar, d’où ils seraient envoyés vivre de manière permanente dans d’autres pays.

Au cours des discussions qui se tiendront à Tachkent, Sherman espère profiter de la bonne volonté qui s’est dégagée de l’accord d’évacuation, qui a sauvé le gouvernement ouzbek d’une bagarre potentiellement désagréable avec Kaboul. De toute évidence, Tachkent ne voulait pas de relations tendues avec les Taliban, d’autant que ces derniers méprisent les pilotes militaires afghans pour le carnage qu’ils ont fait depuis les airs pendant la guerre.

Sherman effectue un voyage précipité pour donner suite à la visite de reconnaissance effectuée en Ouzbékistan par le ministre britannique des Forces armées, James Heappey, le 23 septembre. En effet, il est extrêmement important que l’élan et le sentiment de bien-être qui caractérisent actuellement les relations entre Washington et Tachkent se dissipent rapidement, car le président ouzbek, Shavkat Mirziyoyev, devrait se rendre à Moscou prochainement, peu après l’élection présidentielle du 24 octobre.

De hauts responsables russes ont déclaré que lors de la visite prévue de Mirziyoyev à Moscou, les deux pays signeront un ensemble substantiel d’accords bilatéraux, qui comprendront également une coopération en matière de défense et des achats d’armes.

Toutefois, en l’état actuel des choses, il est peu probable que Tachkent s’associe à une future intervention militaire américaine en Afghanistan, quelle qu’en soit la forme. D’une part, Tachkent est bien consciente que, outre la Russie, la Chine nourrit également de profonds doutes quant aux intentions des États-Unis pour la période à venir.

Un commentaire publié dans le Global Times par un important groupe de réflexion chinois préconise que « sur la question de l’Afghanistan, la Chine et le Pakistan devraient se coordonner avec la Russie, l’Iran et les pays d’Asie centrale. Ensemble, ces pays devraient avertir l’Europe d’une éventuelle crise des réfugiés et faire pression sur les États-Unis, l’Inde et certains pays européens pour qu’ils prennent des mesures responsables ». De toute évidence, les lignes de faille géopolitiques se multiplient.

Les Taliban sont déjà en colère contre le président du Tadjikistan voisin, Emomali Rahmon, pour avoir hébergé des chefs de guerre afghans et fait des remarques provocantes sur les affaires intérieures afghanes.

Aujourd’hui, l’agence de presse Tass a cité le vice-gouverneur taliban de la province de Badakhshan, dans le nord-est de l’Afghanistan, à la frontière avec le Tadjikistan, le mollah Nisar Ahmad Akhmadi, selon lequel un bataillon spécial de kamikazes est en train d’être déployé dans le nord du pays pour protéger les frontières avec la Chine et le Tadjikistan.

Akhmadi a déclaré : « Un bataillon spécial de kamikazes nommé Lashkar-e Mansur sera déployé aux frontières de l’Afghanistan. La défaite des États-Unis aurait été impossible sans ce bataillon. Ces courageux guerriers portent des ceintures explosives spéciales, et ils les ont utilisées pour faire sauter les bases américaines en Afghanistan ».

Sans aucun doute, il s’agit d’un avertissement brutal à l’intention de Rahmon, mais il résonnera aussi dans les steppes d’Asie centrale en général. À la veille des entretiens de Sherman à Tachkent, le rapport de Tass a peut-être involontairement rappelé aux États de la région les risques inhérents à l’identification avec les Américains dans leurs actions hostiles contre le régime des Taliban dans la situation actuelle.

Sherman ferait bien d’essayer de générer un peu plus d’équité dans la relation États-Unis-Ouzbékistan à ce stade. Les États-Unis ont lancé l’idée imaginative d’ « utiliser le potentiel de l’Asie centrale et de ses produits nationaux pour des efforts conjoints coordonnés en vue de fournir une aide humanitaire et d’assurer la sécurité alimentaire » à l’Afghanistan.

Par le passé, Tachkent s’est montrée très intéressée par les retombées économiques et commerciales de la situation afghane que Washington pourrait générer. À l’inverse, aujourd’hui, Tachkent fera le maximum pour maintenir des liens cordiaux avec les autorités talibanes de Kaboul.

M.K. Bhadrakumar


illustration : Pont de l’amitié entre l’Ouzbékistan et l’Afghanistan

source : https://www.indianpunchline.com

traduit par Réseau International

1ère partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
2ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
3ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
4ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
5ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
6ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
7ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
8ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
9ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
10ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
11ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
12ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
13ème partie – Réflexions sur les événements en Afghanistan
Adblock test (Why?)

Réflexions sur les événements en Afghanistan (partie 14) par M.K. Bhadrakumar

Source : Lire l'article complet par Réseau International

Source: Lire l'article complet de Réseau International

À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You