Pour une transition énergétique porteuse de justice sociale

Pour une transition énergétique porteuse de justice sociale

Professeure et chercheure au Centre recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté, UQAM, et membre Des Universitaires
 

DES UNIVERSITAIRES (4 de 15). Quels rôles peuvent jouer l’éducation et la formation dans le processus de transition énergétique juste? Vulgariser les connaissances scientifiques sur les changements climatiques et leurs conséquences? Informer des meilleurs gestes à poser pour réduire son empreinte carbone? C’est souvent l’idée que l’on se fait a priori. Les recherches en éducation relative à l’environnement tendent toutefois à démontrer que ces avenues davantage axées sur la communication en vue de changements de pratiques individuelles sont largement insuffisantes.
 

Impulser le changement

Nous avons besoin d’apprendre comment réaliser collectivement des transformations sociales profondes. Des choix de société cruciaux sont à faire sans tarder concernant nos manières de produire, de distribuer et d’utiliser l’énergie. À cet égard, la Feuille de route du Front commun pour la transition énergétique (FCTÉ) souligne à juste titre que « le succès de la transition exige que les citoyennes et citoyens soient non seulement informés et consultés, mais également appelés à partager leurs savoirs et à devenir parties prenantes de l’élaboration des actions à entreprendre ».
 

Ensemble dans l’action

Pour réaliser une transition énergétique porteuse de justice sociale dans notre monde complexe, nous avons effectivement besoin de mettre en commun les savoirs d’acteurs et d’actrices de divers secteurs de notre société: agriculture, transport, économie, travail social, pour n’en nommer que quelques-uns. Le FCTÉ œuvre justement depuis 2015 à créer cette synergie intersectorielle, en ouvrant de féconds espaces de dialogue social d’où ressortent des lectures fines des enjeux, des principes éthiques consensuellement convenus et des projets d’intervention. Ces dynamiques sont très formatrices. Elles ouvrent sur d’autres lectures des réalités, d’autres systèmes de valeurs, d’autres voies d’action. Apprendre ensemble dans l’action sociale, c’est aussi connecter les pouvoirs d’agir!
 

Engager les milieux de l’éducation

La Feuille de route du Front commun propose donc d’engager toute notre société éducative dans ce vaste chantier qu’est celui de la transition énergétique. Concrètement, cela signifie bien sûr d’engager les milieux scolaires, collégiaux et universitaires. Cela signifie également de mobiliser les milieux de l’éducation non formelle : les milieux communautaires, spécialistes en matière d’éducation populaire autonome; les milieux écologistes, qui ont une grande expérience en matière de formation relative à l’écocitoyenneté. D’autres importants créneaux d’éducation et de formation relatives à la transition et aux enjeux de justice énergétique sont les milieux de travail, les espaces politiques locaux et nationaux, les lieux de médiation culturelle, les musées et les parcs. La Feuille de route invite ainsi au développement et à la mise en œuvre, dans chacun de ces milieux, d’une « stratégie d’éducation et de mobilisation à l’intention des citoyens et citoyennes de tous âges, des leaders et influenceurs de tous les milieux, des fonctionnaires, des élus et élues de tous les paliers de gouvernement ».
 

Tenir un BAPE générique exceptionnel

Depuis une quinzaine d’années au Québec, les annonces de mégaprojets énergétiques et extractifs s’enchaînent, entraînant une essoufflante série de consultations publiques, où l’on doit intervenir à la pièce et dans l’urgence contre des projets incohérents avec les impératifs de transition énergétique juste. Les cadrages de ces consultations menées par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sont souvent trop étroits, en particulier en ce qui a trait aux échelles spatiales et temporelles considérées. De surcroît, on ne reconnaît pas, dans ces consultations, les savoirs expérientiels, pratiques, professionnels, autochtones, scientifiques et autres des citoyennes et citoyens qui y prennent part. Ces derniers sont plutôt considérés à titre de porteurs d’inquiétudes et d’opinions. Dans ce contexte, le Front commun demande dans sa Feuille de route la tenue d’un « BAPE générique d’une envergure exceptionnelle, sur l’urgence climatique et la transition, misant sur des stratégies de consultation véritablement inclusives et innovantes ». Ces consultations formelles axées sur l’accessibilité permettraient de construire collectivement un portrait de la situation et des aspirations prenant pleinement en compte les savoirs citoyens. Elles abaisseraient les barrières qui empêchent trop souvent la participation publique des personnes racialisées, en situation de handicap, de pauvreté, de conciliation travail-famille ou d’analphabétisme − ce dernier touchant, à un degré ou un autre, près de la moitié des Québécois⋅e⋅s. Dans une perspective de justice sociale, il est en effet primordial que les personnes les plus susceptibles d’être affectées par les dérèglements climatiques participent en amont au diagnostic des enjeux et à la recherche de solutions.
 

Enjeux et initiatives

Les enjeux d’éducation et de formation en matière de transition énergétique sont donc multiples. D’une part, il importe d’ouvrir nos espaces démocratiques, importants creusets de formation réciproque, pour les rendre plus inclusifs et ouverts au dialogue des divers types de savoirs. D’autre part, il s’agit de mettre l’emphase, dans nos espaces d’éducation formelle et non formelle, sur le développement des compétences inhérentes à l’engagement citoyen. Plusieurs enseignantes et enseignants développent déjà des initiatives remarquables à cet effet, desquelles s’inspirer. Ces personnes déploient entre autres des approches issues des pédagogies critiques, de la pédagogie de projet et de la pédagogie de l’espoir. Elles créent également, en partenariat avec leur équipe-école et des organismes de la communauté, des initiatives signifiantes d’apprentissage et d’engagement des jeunes dans leur propre milieu, au regard de questions socio-écologiques qui les préoccupent. Bien sûr, pour que ces pratiques éducatives se répandent et qu’un réel programme scolaire d’éducation à l’écocitoyenneté soit développé, il sera crucial d’investir davantage dans le milieu scolaire, de manière à donner de meilleures conditions d’enseignement-apprentissage aux personnels de l’éducation et aux élèves.
 

Joignez le mouvement!

Enfin, la Feuille de route du FCTÉ invite à déployer une éducation et un dialogue social où développer une compréhension fine des problèmes inhérents au modèle énergétique hégémonique et où identifier les verrous qui maintiennent ce système en place. L’éducation dont il est question est aussi résolument tournée vers l’agir : apprendre à tisser des liens de solidarité, notamment avec les Premiers Peuples; apprendre à impulser une transition énergétique juste. Ces perspectives sont exigeantes, mais cruciales! Et la bonne nouvelle est qu’elles sont portées par les 90 organisations membres du FCTÉ qui s’activent pour les concrétiser. Joignez le mouvement

Questions ou commentaires? (mailto:info@desuniversitaires.org)

Ce texte fait partie d’une série de 15 articles qui visent à faire connaître la Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité Québec ZéN 2.0 (https://www.pourlatransitionenergetique.org/feuille-de-route-quebec-zen/). Ce projet a été élaboré par des membres du Front commun pour la transition énergétique (https://www.pourlatransitionenergetique.org/) et leurs alliée⋅s. Créé en 2015, le Front commun regroupe 90 organisations environnementales, citoyennes, syndicales, communautaires et étudiantes représentant 1,8 million de personnes au Québec.
 

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Source: Lire l'article complet de L'aut'journal

À propos de l'auteur L'aut'journal

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