La trahison des intellectuels 3 : les mensonges du mercantilisme

La trahison des intellectuels 3 : les mensonges du mercantilisme

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La trahison des intellectuels 2 : tergiversations des deux Droites

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La trahison des intellectuels 3 : quand les lumières du mercantilisme continuent de justifier la mentalité colonisatrice

par Tasio Retortillo Merino.

Nous allons ici chercher à analyser la technique du libéralisme mercantile qui consiste à favoriser l’accomplissement d’objectifs économico-industriels en présentant les moyens employés pour ce faire sous l’aspect de préoccupations humanistes ; et nous allons mener cette analyse à l’aide de l’exemple concret d’un essai universitaire états-unien qui se penche sur la question de la situation économique des réserves indigènes du pays.

La première page de l’article plante donc le décor autour d’un style humaniste : « Cet article vise à inciter les nations indiennes et les natifs Américains à faire revivre leurs coutumes historiques et traditionnelles, leurs lois, leurs valeurs, comportements et structures qui leur permettent de s’engager dans des activités économiques ». Toute la première partie est bel et bien dédiée à la valorisation du fait que la culture traditionnelle des Indiens avait déjà mis en place des droits de propriété privée concernant les marchandises ou l’exploitation des ressources d’un terrain (mais non le terrain lui-même qui restait une propriété communale, point qui sera important pour la suite de l’argumentation de l’auteur).

L’auteur argumente ensuite contre le contrôle partiel de l’État dans la législation et la gestion des terres des réserves indiennes, mais se prononce néanmoins en faveur d’une gestion communale de ces dernières. Nous allons décrire comment ces deux lignes argumentatives sont présentés sous l’aspect de visées humanistes – voire humanitaires puisqu’il s’agit de sortir une population de la précarité matérielle – alors qu’elles ont en fait pour but de servir les intérêts politiques de la grande industrie et du grand capital.

Après avoir rappelé durant des pages entières que la culture traditionnelle indienne possédait une notion claire de la propriété privée, il se met, durant tout le second chapitre, à appuyer sur la plaie d’une ancienne opération de l’État qui à l’occasion de la privatisation des terres indiennes en parcelles individuelles, s’appropria celles qui excédaient le nombre d’habitants des réserves. Il s’agit là de remonter jusqu’au XVIIIe siècle dans le but de raviver la vieille blessure d’un État fédéral tâchant d’acquérir une partie des terres allouées auparavant aux indiens. Clairement, la propriété individuelle de la terre est ici décriée comme synonyme de vulnérabilité pour les individus isolés, et n’est pas présentée comme un but à poursuivre dans les réserves indiennes. Or, si l’auteur prend par ailleurs bien le soin d’avancer sous le masque de la préoccupation pour le développement des petits commerces individuels, ce sont vraisemblablement les grandes entreprises qui bénéficieraient d’une collectivisation de la terre : pour elles, il est bien plus facile de négocier avec un commité de direction constitué de quelques personnes plutôt qu’avec chaque petit propriétaire pris séparément. Il est en effet bien plus aisé d’acheter un petit groupe de représentants déjà sensibilisés à l’attrait des privilèges matériels, que d’obtenir le renoncement individuel de chaque habitant, aux quelques attaches solides (son terrain et sa maison) qui lui permettent d’affronter les aléas quotidiens impliqués par la pauvreté financière.

En revanche, l’auteur ne semble d’un coup plus trop vouloir dénoncer l’ingérence de l’État dans la gestion des terres indiennes lorsqu’il rappelle qu’à la fin du XIXe siècle, « le Congrès commença à autoriser le développement de l’extraction de minéraux et de bois ». Ce précédent représenterait d’après lui une avancée juridique dans la voie de la libération administrative des gouvernements tribaux des réserves, avec lesquels les grandes entreprises pourraient traiter seul à seul en excluant des négociations l’État fédéral tout comme les particuliers. Afin de justifier encore la solution qu’il préconise à la pauvreté chez les habitants des réserves indiennes, l’auteur cite les travaux d’une certaine Kristin Carpenter, pour qui la culture traditionnelle collectiviste des Indiens en ce qui concerne la propriété du sol, justifie l’approche consistant à traiter exclusivement avec les représentants politiques de chaque réserve indienne, et non avec les habitants pris séparément un par un. Durant les dernières lignes de ce chapitre, il est dit qu’en agissant de la sorte, l’on donne aux communautés tribales indiennes la possibilité d’user de leur auto-détermination en « se libérant elles-mêmes du joug du contrôle bureaucratique ». J’essaie ici de mettre en relief quels intérêts seraient susceptibles de profiter de cette « libération ». Cette citation de l’auteur, perdue au milieu de cet essai, peut servir à lever le voile sur cette question :

« Je ne suis pas de ceux qui craignent que la culture ne soit lésée par les activités économiques et par la poursuite d’initiatives privées et de profit ».

Après avoir décrit durant tout le premier chapitre la composante individualiste de la culture indienne traditionnelle, on serait en droit de comprendre que ce que l’auteur ne craint pas de voir lésé par les objectifs commerciaux, ce sont les droits individuels des Indiens. Nous allons voir d’autres pistes indiquant que la libération évoquée ci-dessus n’est en effet pas celle du petit propriétaire ou commerçant individuel, mais bien celle des grandes entreprises.

Ce qui résulte presque dément dans ce long exposé, c’est qu’après avoir passé des dizaines de pages à critiquer vivement le paternalisme du système des « trusts » (système dans lequel l’État et les gouvernements tribaux coopèrent afin de gérer ensemble les terres indiennes) qui nuirait au développement de la propriété privée et du commerce, nous pouvons dans la suite lire des choses telles que : « Beaucoup de propriétaires privés […] ont opté pour des actions s’étant révélées mauvaises par rapport à leurs intérêts réels ». Or, si ni l’État, ni le propriétaire individuel, ne sont les plus aptes à discerner la meilleure façon de gérer une parcelle de terre et les ressources qu’elle contient, il ne semble pas rester d’autre composante de la société pour remplir ce rôle que les commités d’administration des grandes entreprises privées. Mais bien-sur, on nous laisse arriver à cette conclusion par nous-mêmes.

Si nous résumons l’argumentation de cet essai, nous nous retrouvons donc avec une recette socio-économique qui devrait sortir les habitants des réserves indiennes de la pauvreté financière. Ladite recette se décomposerait en plusieurs étapes :

– faire redécouvrir aux indiens des réserves la présence, dans leur culture traditionnelle, d’une forte notion juridique et morale de la propriété privée et d’un gout prononcé pour le commerce globalisé à l’échelle du pays entier.

– leur faire également redécouvrir que dans leur culture traditionnelle la notion de propriété privée ne s’appliquait jamais au sol en lui-même, lequel était géré de façon collective et représentait une propriété communale.

Il n’est ici pas précisé – et l’on comprend pourquoi si l’on se place du point de vue du grand capital qui, encore une fois, a tout intérêt à réduire les partenaires de négociation au maximum afin de concentrer les moyens de pression – si cette gestion communautaire impliquait la participation de tous les membres de la tribu ou seulement celle d’un commité de direction ou gouvernement tribal.

Les points suivants de la recette nous renseignent davantage sur celui qui est censé manger le gâteau :

– « Les nations indiennes doivent transformer les terres des réserves en un endroit aussi sécuritaire et profitable possible pour les investisseurs ».

Pour ce faire :

– « Les gouvernements tribaux devraient nommer des administrateurs de conseils d’administration et des chefs d’entreprise indépendants de toute idéologie politique ».

– « Les nations indiennes doivent également développer des bureaucraties efficientes et des régulations raisonnables pour diriger leurs opérations financières ».

Ce que préconise ici concrètement l’auteur, c’est la mise en place de lois qui interdiraient à une autorité politique ou juridique quelconque d’annuler un contrat commercial dont l’accomplissement entrainerait des conséquences négatives pour le bien-être des personnes. En d’autres termes : le nivellement éthique et juridique des territoires alloués aux indiens sur les critères du reste du monde capitaliste. N’est-elle pas belle, la redécouverte de la culture traditionnelle ?

Dans la dernière partie de l’exposé nous pouvons finalement lire que : « Beaucoup de gouvernements tribaux ont déjà commencé à appliquer l’idée d’une association contractuelle clairement définie avec l’industrie privée afin de développer les ressources économiques majeures ». L’exemple fournit par l’auteur concerne une « centrale » (sans plus de précisions) qui aurait octroyé deux-cent cinquante emplois à une tribu indienne en 1981, ce qui résulte encore une fois plutôt maigre comme donnée. Par contre, l’expression « ressources économiques majeures » résulte quant à elle bien plus concrète, une fois insérée dans le contexte actuel de course à la production d’énergie non dérivée des hydrocarbures. En effet, si l’on superpose la carte des réserves indiennes états-uniennes et celle des gisements minéraux servant de combustible pour les centrales nucléaires ou bien de composants pour les batteries utilisées dans les énergies renouvelables, on peut apprécier une synchronicité spatiale assez marquée.
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La trahison des intellectuels 3 : les mensonges du mercantilisme

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À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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