Le texte qui suit est une traduction de l’introduction du livre Gender Hurts : A Feminist Analysis of the Politics of Transgenderism (que l’on pourrait traduire par « Le genre et ses ravages : une analyse féministe de la politique du transgenrisme ») de Sheila Jeffreys, paru en 2014.
Ce livre explore les dommages causés par l’idéologie et la pratique du transgenrisme, qui s’est développé entre le milieu et la fin du XXe siècle. Le transgenrisme n’est un trouble reconnu, pour lequel le traitement privilégié est l’administration d’hormones, voire l’amputation ou quelque autre intervention chirurgicale, que depuis relativement peu de temps. Jusqu’aux années 1970, nombre de médecins américains s’opposaient à de tels traitements. Certains s’y opposent encore (Meyerowitz, 2002). Dans les années 1990, pour partie en raison du potentiel de mise en réseau de l’internet, un mouvement politique transgenre a été créé afin de promouvoir les « droits des transgenres ». Un nombre croissant de gouvernements, d’organisations et d’autres acteurs politiques approuvent la légitimité de ces droits. S’ensuivent de considérables changements sociaux, politiques et juridiques. Ces changements ont des effets sur l’existence et la communauté des gays et des lesbiennes, la santé et les opportunités de vie des transgenres eux-mêmes, l’émancipation des femmes, les organisations, les lieux de travail, les services et la loi. Il existe aujourd’hui une abondante littérature sur le transgenrisme, son histoire, son traitement, sa théorie et sa pratique. Mais cette littérature est généralement positive à l’égard du phénomène, considérant les transgenres comme une catégorie importante de personnes à laquelle des droits étaient refusés, et ayant besoin d’être reconnue. Certains de ces ouvrages affirment même que le transgenrisme serait transgressif, qu’en déstabilisant la « binarité du genre », il s’inscrirait dans un processus révolutionnaire de changement social.
Cet ouvrage adopte une approche tout à fait différente. Il affirme, dans une perspective féministe, que le transgenrisme n’est qu’une des manières dont le « genre » nuit aux personnes et aux sociétés. L’existence même du transgenrisme repose sur l’idée selon laquelle il existerait une « essence » du genre, une psychologie et un modèle de comportement allant de pair avec certains types de corps et certaines identités. Il s’agit du contraire de la vision féministe, selon laquelle l’idée de genre est le fondement du système politique de domination masculine. Le « genre », dans l’analyse classique du patriarcat, attribue les jupes, les talons hauts et l’amour du travail domestique non rémunéré à celles qui possèdent une biologie féminine, et les vêtements confortables, l’esprit d’entreprise et l’initiative à ceux qui possèdent une biologie masculine. Dans la pratique du transgenrisme, cette analyse du genre se voit désarticulée : le genre se retrouve dans l’esprit et les corps supposément inadaptés de personnes qui doivent alors les altérer. Sans « genre », le transgenrisme ne pourrait pas exister. D’un point de vue critique et féministe, lorsque les droits des transgenres sont inscrits dans la loi et adoptés par des institutions, ils fixent des idées nuisibles pour l’égalité homme-femme en conférant une valeur d’autorité à des notions dépassées de différences essentielles entre les sexes. Le transgenrisme constitue bel et bien une transgression, mais des droits des femmes plutôt que d’un système social oppressif.
Si ce livre est aujourd’hui nécessaire, c’est parce que le transgenrisme des adultes et des enfants est normalisé dans les sociétés occidentales, et qu’il n’en existe presque aucune critique. On observe, cela dit, une protestation croissante à son égard, tant au sein d’une nouvelle vague de féminisme en ligne qu’au sein de la profession médicale, mais les activistes transgenres tentent vertement de la réduire au silence. Les personnes critiques du transgenrisme sont qualifiées de « transphobes » et soumises à des campagnes de diffamation sur internet. Dans certains cas, les activistes transgenres essaient de faire licencier ces personnes insoumises, ou menacent leur réputation. Néanmoins, la compréhension du transgenrisme se situe à un point de basculement. Un faisceau de preuves suggère une volonté de repenser les approches de cette pratique. Une conférence devant être organisée par le groupe d’intérêt spécial des gays et des lesbiennes (Gay and Lesbian Special Interest Group) du Royal College of Psychiatrists[1] le 20 mai 2011 à Londres, intitulée « Transgender : Time to Change », aurait pu offrir une plate-forme aux voix critiques. Malheureusement, elle a été annulée sous la pression des activistes transgenres (Green, 2011).
Ces activistes tentent de censurer toute expression de dissidence à l’égard de l’idéologie transgenre, de priver de plateforme celles et ceux qu’ils considèrent comme des hérétiques. Leur campagne contre la liberté d’expression se déploie tout particulièrement face à l’éclosion d’un mouvement féministe radical en ligne qui critique le transgenrisme de manière incisive. Ce mouvement comprend des féministes s’exprimant en leur nom propre et bien davantage qui utilisent des pseudonymes, parfaitement conscientes du terrible harcèlement qu’elles pourraient subir si leur identité était révélée. Parmi elles, citons Gallus Mag de GenderTrender (GenderTrender), et Dirt du blog The Dirt from Dirt, Change your World, Not your Body (Dirt from Dirt).
La manière dont on m’a moi-même empêché de parler de ce sujet, et de n’importe quel autre, témoigne de cette campagne menée contre les critiques féministes par les activistes transgenres. J’ai en effet été désinvitée d’une importante conférence féministe intitulée « Feminism in London » (« Féminisme à Londres »), qui devait avoir lieu en novembre 2011 et qui, finalement, a été annulée par crainte d’offenser les transgenres. On m’a aussi interdit de prendre la parole lors d’une conférence féministe en juillet 2012 à Londres, qui a dû se dérouler dans un lieu secret, en raison d’une campagne de diffamation orchestrée par des militants transgenres (Jeffreys, 2012). Mais cette suppression du débat ne saurait se poursuivre indéfiniment. Il existe une volonté grandissante d’exposer la controverse plus largement. En effet, au début de l’année 2013, la question a explosé au grand jour à la suite d’un article publié dans le journal britannique The Observer par la chroniqueuse Julie Burchill, dénonçant le harcèlement de sa collègue Suzanne Moore par des militants transgenres (Young, 2013). L’article de Burchill a été censuré et retiré du site, mais ensuite reproduit sur de nombreux autres sites favorables à sa critique. Pour une fois, le transgenrisme était exposé à la vue du grand public. Il apparaissait clairement que ce phénomène pouvait être contesté. Ce livre arrive donc à point nommé.
L’idée et les pratiques du genre possèdent un fort potentiel de nuisance. Dans le cas du transgenrisme, ces nuisances peuvent prendre plusieurs formes. Les personnes qui estiment que leur « genre » ne correspond pas à leur corps peuvent connaître des souffrances psychologiques, puis être physiquement endommagées par la profession médicale qui les diagnostique et les traite. Elles peuvent connaître davantage de souffrances après ce traitement, en se retrouvant marginalisées et exclues. Certaines considèrent parfois qu’elles ont commis une erreur difficile à rectifier. Ce livre va plus loin que les autres ouvrages sur le sujet du transgenrisme, en explorant son contexte social et politique étendu, et ses nombreuses implications. Il s’intéresse à d’autres personnes que ce phénomène fait souffrir, comme ces épouses qui découvrent que leurs maris se considèrent désormais comme des femmes, ces lesbiennes dont le lesbianisme est remis en question lorsque leurs partenaires deviennent des « hommes », et ces mères qui pleurent la perte de leurs filles ou de leurs fils. Toutes ces catégories de personnes meurtries par le transgenrisme sont des femmes, et ce, que les aspirants transgenres soient des hommes ou des femmes. Le transgenrisme cause du tort aux communautés lesbiennes, fracturées par l’entrée en scène des hommes qui transgenrent[2] et la disparition de leurs membres au profit de cette hétérosexualité chimiquement et chirurgicalement construite que l’on propose à un nombre croissant de lesbiennes. Le mouvement féministe est également mis à mal par les activistes et théoriciens du transgenrisme qui le critiquent sauvagement, et qui cherchent à détruire les espaces et services réservés aux femmes en recourant à une tactique d’entrisme. Le succès des campagnes de désorientation organisées à l’encontre du féminisme et des espaces et services réservés aux femmes repose sur la confusion qui règne désormais autour de la notion de « genre ».
Le genre et l’égalité pour les femmes
Le transgenrisme ne pourrait exister sans une notion essentialiste du « genre ». Les critiques féministes soutiennent que le concept d’ « identité de genre » se fonde sur des stéréotypes de genre ; or, en droit international, il est affirmé que ces stéréotypes de genre s’opposent aux intérêts des femmes (Hausman, 1995 ; Jeffreys, 2005 ; Raymond, 1994). La Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) (1979) a été rédigée avant que les idées de genre et d’ « identité de genre » ne dominent le discours du droit international et ne se substituent aux femmes en tant que catégorie de sexe. Elle mentionne des « rôles stéréotypés » et reconnait que ces stéréotypes constituent le fondement de la discrimination à l’égard des femmes. L’article 5 stipule que les États parties doivent prendre « toutes les mesures appropriées pour » :
Modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l’homme et de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou sur les rôles stéréotypés des hommes et des femmes.
(CEDAW, 1979 : Article 5)
L’idée d’ « identité de genre », qui repose sur ces « rôles stéréotypés », rentre donc en contradiction directe avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui considère ces stéréotypes comme profondément préjudiciables aux femmes.
En outre, le terme « genre » est lui-même problématique. Il fut employé pour la première fois dans un sens autre que grammatical par des sexologues — des scientifiques du sexe, comme John Money, dans les années 1950 et 1960 — impliqués dans la normalisation des enfants intersexués. Ils utilisaient ce terme afin de désigner les caractéristiques comportementales qu’ils considéraient comme les plus appropriées pour les personnes de l’un ou l’autre sexe biologique. Ce concept de genre leur servait à décider de la catégorie sexuelle dans laquelle il fallait placer les enfants qui ne présentaient pas d’indicateurs physiques clairs d’appartenance à l’un des deux sexes biologiques (Hausman, 1995). Leur objectif n’était pas progressiste. Il s’agissait d’hommes conservateurs qui pensaient qu’il devait y avoir des différences claires entre les sexes et qui cherchaient à créer des catégories sexuelles distinctes au travers de projets d’ingénierie sociale. Malheureusement, le terme fut adopté par certaines théoriciennes féministes dans les années 1970 et, à la fin des années 1970, était couramment utilisé dans le féminisme universitaire afin d’indiquer la différence entre le sexe biologique et les caractéristiques dérivées de la politique et non de la biologie, appelées « genre » (Haig, 2004).
Avant l’adoption du terme « genre », l’expression la plus couramment employée pour décrire ces caractéristiques socialement construites était « rôles sexuels ». Le terme « rôle » évoque une construction sociale et n’était donc pas susceptible de subir le même dévoiement que celui de « genre », si efficacement détourné par les militants transgenres. Par « genre », les féministes désignaient non seulement le comportement socialement construit associé au sexe biologique, mais aussi le système de pouvoir masculin et de subordination des femmes lui-même, connu sous le nom de « hiérarchie des sexes » ou « ordre des sexes » (Connell, 2005 ; Mackinnon, 1989). Progressivement, les expressions auparavant employées pour désigner ce système, comme domination masculine, classe de sexe ou caste de sexe, furent abandonnées, ce qui eut pour effet d’escamoter l’identification directe des agents responsables de la subordination des femmes – les hommes. Le terme « genre », en tant qu’euphémisme, fit disparaître les hommes en tant qu’agents de la violence masculine exercée contre les femmes, désormais communément appelée « violence de genre ». Or le mot « genre » est de plus en plus utilisé, dans les formulaires officiels et la législation, par exemple, pour remplacer le terme « sexe », comme si le « genre » était lui-même biologique. Cet usage s’éloigne largement de la compréhension féministe du genre.
Caste sexuelle
Dans ce livre, je parle de « caste sexuelle » pour décrire le système politique dans lequel les femmes sont subordonnées aux hommes sur la base de leur biologie. Les féministes ne s’accordent pas sur l’emploi de « caste » ou de « classe » pour décrire la condition de subordination des femmes. Celles qui utilisent le concept de « classe sexuelle » pour désigner les femmes, comme Kate Millett, se réfèrent à leur expérience de la politique de gauche et considèrent que l’idée de « classe » ouvre la possibilité d’une révolution (Millett, 1972). Cependant, Millett utilise également le terme de caste, en parlant de « système de caste sexuelle » des femmes (Millett, 1972 : 275). Si les femmes constituent une classe subordonnée à celle des hommes, à l’instar de la classe ouvrière par rapport à la bourgeoisie, alors la révolution des femmes peut être conceptualisée comme le renversement du pouvoir des hommes, de sorte que la classe sexuelle disparaisse en tant que catégorie signifiante (Wittig, 1992). Cela implique également, comme dans la théorie de gauche, que la révolution des femmes nécessite la reconnaissance par les femmes de leur statut de classe de « sexe » comme fondement de l’action politique. Néanmoins, le terme de classe de sexe peut être problématique dans la mesure où il suggère que les femmes pourraient sortir de leur « classe », de la même manière que les membres de la classe ouvrière pourraient changer de classe en s’embourgeoisant. Le terme « caste », en revanche, est plus approprié pour cet ouvrage parce qu’il évoque la manière dont on impose aux femmes un statut de caste subordonnée pour toute leur vie (voir Burris, 1973). Les femmes peuvent changer de classe économique, mais elles demeurent des femmes à moins qu’elles ne choisissent de se dire transgenres et de revendiquer leur appartenance à la caste du sexe dominant. Les deux termes peuvent être utiles pour articuler la condition des femmes, mais celui de « caste » est plus pertinent pour l’étude du transgenrisme. L’existence même du transgenrisme chez les femmes démontre la rigidité de la subordination de caste. Les marques de la caste restent attachées aux femmes, à moins qu’elles ne prétendent être des « hommes ». Seul un bouleversement social majeur permettrait un changement à cet égard.
Les théoriciens postmodernes et queers s’accordent avec les théoriciens transgenres sur l’idée selon laquelle le « genre » serait une caractéristique changeante que l’on pourrait adopter et abandonner à volonté, échanger contre une autre et ainsi de suite. Le genre, utilisé dans ce sens, fait disparaître la fixité du sexe, la base biologique induisant la relégation des femmes dans une caste sexuelle subordonnée. Les enfants de sexe féminin sont identifiés par la biologie à la naissance et placés dans une caste sexuelle féminine, qui leur attribue un statut inférieur tout au long de leur vie. La préférence pour les enfants biologiquement masculins et les féminicides des enfants de sexe féminin, par exemple, qui sont à l’origine d’un important déséquilibre du ratio hommes/femmes en Inde et dans d’autres pays, reposent sur le sexe et non sur le « genre ». Les fœtus de sexe féminin sont avortés et les enfants de sexe féminin tuées en raison d’une discrimination fondée sur le sexe et non sur le « genre » (Pande, 2006). Les fœtus ne possèdent pas de « genre » ou d’ « identité de genre ». La haine culturelle des femmes n’affecte pas la façon dont ils se comprennent eux-mêmes. Le statut de caste sexuelle inférieure des femmes leur est attribué en raison de leur biologie, et c’est au travers de leur biologie que leur subordination est encore renforcée par le viol, la fécondation et la procréation forcée. Les femmes ne peuvent pas se défaire de leur apparence de femmes, comme le peuvent les travestis ; si elles peuvent rejeter les vêtements féminins, jugés infériorisant, cela ne les empêchera pas de subir, parce qu’elles sont des femmes, violence et discrimination. Par ailleurs, les femmes qui réussissent dans des rôles habituellement réservés aux hommes sont susceptibles d’être traitées comme des intruses et d’être victimes de harcèlement sexuel, comme la Première ministre australienne Julia Gillard (Summers, 2013). Son statut de caste inférieure lui a continuellement été jeté au visage par des commentateurs, des politiciens et des caricaturistes masculins hostiles. Les femmes ne décident pas, à un moment de leur vie d’adulte, qu’elles aimeraient que les autres les perçoivent comme des femmes, parce qu’être une femme n’est pas une « identité ». L’expérience des femmes ne ressemble en rien à celle des hommes qui adoptent l’ « identité de genre » dite femme. L’idée d’ « identité de genre » évacue la biologie et toutes les expériences que connaissent les personnes dotées d’une biologie féminine élevées dans un système de castes basé sur le sexe. Un seul et unique livre critique du transgenrisme fut publié au cours de la deuxième vague féministe : L’Empire transsexuel de Janice Raymond (1994 ; première publication en 1979, et en 1981 en français), un excellent ouvrage. Elle résume ainsi la différence entre la conception féministe de la femme et celle qu’en ont les hommes qui transgenrent :
Nous savons que nous sommes des femmes nées avec des chromosomes femelles et une anatomie de femme et que, socialisées ou non pour être des femmes prétendument normales, nous sommes et serons traitées par le patriarcat en femmes. L’histoire des transsexuels n’est pas la même. Historiquement, aucun homme ne peut naître femme et occuper la place de femme dans notre culture. Son histoire peut être celle d’un individu qui désire être femme et qui agit en femme, mais il s’agit dès lors de l’expérience sociosexuelle d’un transsexuel et non d’une femme. La chirurgie peut conférer des organes féminins internes et externes artificiels, mais il lui est impossible de conférer l’histoire qui accompagne le fait de naître femme dans notre société.
(Raymond, 1981)
Les femmes ne sont-elles que le fruit de l’imagination des hommes ?
Depuis des millénaires, les hommes décident de ce que sont les femmes et comment elles doivent se comporter, par le biais des institutions de contrôle social que sont la religion, la profession médicale, la psychanalyse et l’industrie du sexe (Millett, 1972). Les féministes se sont battues pour soustraire la définition de la femme à ces institutions masculines et développer leurs propres conceptions. La revendication du « droit » d’autodéclaration du « genre » retourne à nouveau la définition de ce qu’est une femme au vouloir des hommes. La principale tâche de la théorie féministe est d’affranchir les femmes du poids des définitions et des théories des hommes. Les féministes ont développé ce qu’on a appelé le « féminisme du positionnement » (ou « féminisme du point de vue ») afin de décrire une nouvelle forme de connaissance des femmes, formée à partir de l’expérience des femmes en tant que groupe opprimé et affinée par la lutte et le processus collectif (Harding (ed.), 2004). Cette déclaration d’indépendance, ce rejet de la « connaissance » des femmes produite par les hommes et l’édifice de la nôtre propre constituent le fondement même du féminisme. Les hommes ont formé leurs idées de ce que sont les femmes depuis leur position de caste dominante. Ils ont ainsi attribué aux femmes les caractéristiques les plus à même de les servir eux, et de justifier la subordination des femmes. Ces caractéristiques ne représentent pas la « vérité », mais ont été promues comme telle, avec le soutien de la science et de la vision patriarcale de la biologie. Il est donc remarquable que la vision masculine de ce que sont les femmes, sous la forme de l’idéologie transgenre, ait obtenu le moindre crédit auprès de quelque branche que ce soit de la théorie féministe. Cependant, comme je l’expliquerai dans le chapitre 2 consacré au transgenrisme et au féminisme, elle y est parvenue, au point que des hommes ayant transgenré sont désormais invités à discourir, en tant qu’intervenants principaux, lors de conférences portant sur l’expérience des femmes.
Par-dessus tout, le transgenrisme des hommes peut être considéré comme une impitoyable appropriation de l’expérience et de l’existence des femmes. Les hommes qui revendiquent l’identité de femme ne possèdent pas la moindre expérience du fait d’être femme et ne devraient donc pas avoir le droit de parler en tant que « femmes ». En effet, ces hommes sont souvent très conservateurs et hypermasculins. Le pilote d’hélicoptère transgenre américain, Bob Tur, explique bien ce point :
En réalité, les vrais transgenres font des choses hypermasculines. Kristin Beck, le Navy Seal, l’illustre bien. Il y a beaucoup de pilotes de ligne, beaucoup de pilotes militaires. J’ai connu toutes sortes de pilotes, j’ai connu des espions, j’ai fait des vols quasi militaires à l’étranger. Donc, hum, ce n’est pas, ce n’est pas atypique. C’est une chose assez classique. Le transgenre typique a tendance à avoir un QI supérieur de 30 points à la moyenne, il est plutôt gaucher, plutôt conservateur, a été marié, a des enfants. Et, dans certains cas, ils ont des traits hypermasculins.
(Tur, 2013)
Ces éloquentes confessions de Tur suggèrent qu’il n’y a rien de progressiste dans les fantasmes de ces hommes qui se prennent pour des femmes, bien au contraire.
Définitions des termes
La signification du terme transgenre change constamment. Avant les années 1990, le terme utilisé pour désigner une personne qui souhaitait changer de « sexe » était transsexuel. Dans les années 1990, le terme transgenre a été largement adopté afin de désigner les personnes qui ne souhaitaient pas aller jusqu’à subir une intervention chirurgicale pour altérer leurs caractéristiques sexuelles secondaires, mais qui voulaient changer de « genre », généralement compris comme des marqueurs d’apparence tels que les vêtements. À la fin des années 1990, le terme « transsexualisme » est tombé en désuétude tandis que le terme « transgenre » a été adopté dans les milieux universitaires et dans les services de proximité pour désigner aussi bien les personnes auparavant considérées comme transsexuelles que cette nouvelle catégorie de personnes qui souhaitaient changer de « genre » sans subir d’opération chirurgicale, et que les homosexuels efféminés et les travestis. Depuis, la signification du terme « transgenre » a encore évolué. Il constitue désormais un terme très général, désignant également les travestis occasionnels et même les personnes qui se considèrent sans « genre ». L’évolution et le changement incessant de signification du terme ont été si importants que certains transactivistes se sont permis d’affirmer que les homosexuels constituaient simplement une sous-catégorie des transgenres (Whittle et al., 2007 : 14). Au cours de la dernière décennie, le terme « transgenre » a été adopté dans les documents politiques et dans la loi.
« Transgenre » constitue désormais un terme générique pour désigner une grande variété de personnes mal à l’aise avec les rôles traditionnels de genre. Dépourvues de l’analyse féministe exposant le genre lui-même comme le principal problème, ces personnes cherchent à exprimer leur malaise en adoptant des éléments du stéréotype de genre opposé. Le flou croissant de la catégorie n’empêche aucunement l’adoption rapide du terme et de l’idée de « droits » des transgenres d’exercer leur « expression de genre » dans les législatures des États et des instances supranationales comme l’Union européenne. Toutes les mentions du terme reposent sur l’idée d’un genre essentiel avec lequel nous pourrions jouer, ou « transer », mais dont on ne pourrait se passer. Toutes les formes de transgenrisme sont donc également problématiques du point de vue du féminisme. Toutes redonnent du souffle à un concept – le genre – qui constitue le fondement et la justification de la subordination des femmes. Ce livre tente de faire le point sur toutes ces transmutations du transgenrisme, tout en soulignant les nuisances qui en découlent.
Les transformations physiques que permettent les hormones et la chirurgie n’altèrent en rien le sexe biologique des personnes qui y recourent. C’est pourquoi, dans cet ouvrage, les personnes de sexe masculin qui transgenrent sont appelées hommes transgenres, ou transgenres masculins, et celles de sexe féminin, femmes transgenres, ou transgenres féminins, toujours en référence à leur sexe biologique. Les expressions « male-to-female » (MTF) et « female-to-male » (FTM) suggèrent de manière inexacte que l’on pourrait changer de sexe. Tel n’est pas le cas.
Le transgenrisme diffère de l’intersexualité. Les personnes intersexuées sont nées avec « une anatomie reproductive ou sexuelle dont l’apparence ne correspond pas aux définitions typiques de la femme ou de l’homme » (ISNA). Les activistes intersexes ne font pas campagne en faveur de la chirurgie de réassignation sexuelle. Au contraire, ils la critiquent souvent de manière incisive, au motif qu’elle était traditionnellement employée afin de mutiler les enfants intersexués en vue de les intégrer à une des deux castes sexuelles, avec parfois des conséquences négatives sur leur santé (Dreger, 1998). Sur internet, certaines personnalités transgenres se prétendent intersexuées pour faire croire qu’elles ne sont pas biologiquement masculines, mais l’intersexualité et le transgenrisme sont des phénomènes différents (ISNA). L’intersexualité relève de la biologie. L’« identité de genre » est une condition mentale.
Pronoms
L’usage de pronoms spécifiques constitue une préoccupation majeure des individus qui transgenrent. Ils souhaitent que d’autres personnes, y compris leurs épouses, partenaires et enfants, les désignent au moyen des pronoms qu’ils ont nouvellement adoptés. Les désaccords qui existent concernant les pronoms sont d’ordre politique. Le pronom masculin, par exemple, ne devrait plus être utilisé comme s’il était générique, inclusif des femmes. Je choisis ici d’utiliser des pronoms indiquant le sexe biologique des personnes que je mentionne pour un certain nombre de raisons. D’abord parce que le sexe biologique des personnes transgenres demeure inchangé. Or, il importe, politiquement, pour les féministes, de connaitre le sexe biologique de ceux qui prétendent être des femmes et promeuvent des versions préjudiciables de ce qui constitue la féminité. Par ailleurs, l’utilisation, par les hommes, de pronoms féminins, masque le privilège masculin qui leur est accordé de facto en tant qu’hommes, membres de la caste sexuelle masculine. En désignant des hommes au moyen du pronom « elle », ce privilège, qui affecte leur position de parole et peut s’avérer crucial dans leur décision de devenir « femmes » en premier lieu, est occulté.
Le respect des pronoms indicatifs de la biologie m’importe également parce qu’en tant que féministe, je considère le pronom féminin comme honorifique, appelant certains égards, égards découlant de l’appartenance à une caste sexuelle subordonnée, mais résistante, qui mérite que l’on s’adresse à elle avec déférence. Les hommes qui transgenrent ne peuvent prétendre à une telle position. Cet argument est mentionné par les femmes partenaires d’hommes qui transgenrent au chapitre 4. Il leur est souvent impossible d’accepter que leurs maris soient devenus des femmes. Elles ne parviennent pas à utiliser, les concernant, des pronoms qu’elles considèrent comme spécifiques à leur propre expérience de femme. Ainsi que le soutient ce livre, ces perspectives d’épouses et de partenaires sont importantes et méritent d’être prises en compte. En outre, s’en tenir aux pronoms d’origine permet d’éviter la difficulté d’avoir à décider quels hommes devraient être qualifiés de femmes : ceux qui se travestissent simplement de temps en temps, ceux qui prennent des hormones ou ceux qui subissent une chirurgie de réassignation sexuelle. Le seul fait de devoir y réfléchir constitue une tâche odieuse, et puisqu’ils conservent tous une biologie masculine, il est plus simple de conserver des pronoms indiquant leur sexe. De surcroit, les personnes qui regrettent d’avoir transgenré peuvent décider de revenir à leurs pronoms d’origine ou, dans certains cas, faire plusieurs allers-retours impliquant à chaque fois des changements complexes de pronoms. L’utilisation des pronoms d’origine m’exonère de devoir procéder à de nombreuses modifications au fil du temps.
Structure du livre
Les deux premiers chapitres de l’ouvrage exposent comment l’idée du transgenrisme s’est développée et imposée à partir du milieu du XXe siècle. Le chapitre 1 examine la construction du transgenrisme par des spécialités médicales telles que l’endocrinologie, la chirurgie et la psychologie. Le chapitre 2 analyse les facteurs ayant amené des pans entiers des mouvements féministes, lesbiens et gays à soutenir les droits des transgenres, comme le développement de la théorie queer et postmoderne, qui soutient que la « femme » n’existe pas vraiment et que jouer avec le « genre » et en changer constitue une pratique transgressive. Le troisième chapitre, intitulé « Transitionner ou se faire littéralement du mal », examine l’impact le plus directement nuisible de la construction du transgenrisme. Il examine la littérature portant sur les effets psychologiques et physiques de la chirurgie transgenre et de l’utilisation à long terme d’hormones sur les transgenres eux-mêmes. Il décrit les pratiques nuisibles liées à la pratique du transgenrisme, du bandage de la poitrine à la chirurgie génitale, en passant par les chirurgies faciales à répétition, et indique qui en tire profit.
Les chapitres suivants examinent les effets sociaux, politiques et juridiques de la construction du phénomène. Deux chapitres sont consacrés aux préjudices subis par les épouses, les petites amies et les partenaires lesbiennes d’individus transgenres, dont la vie est considérablement affectée par la transition de leur partenaire. Les femmes dont les maris se sont déclarés transgenres s’expriment de plus en plus et s’engagent dans un mouvement de résistance. La majorité des hommes qui transgenrent (Lawrence, 2004) présentent des antécédents de travestissement par excitation sexuelle, sont mariés et ont des enfants. Les épouses souffrent de voir leur identité remise en question par des maris qui se disent lesbiennes et exigent parfois de leurs partenaires féminines qu’elles s’identifient également comme lesbiennes. De leur côté, les partenaires lesbiennes des femmes qui transgenrent doivent se redéfinir en tant que femmes hétérosexuelles si elles souhaitent rester en relation avec des femmes qui se considèrent désormais comme des hommes hétérosexuels. Dans les deux cas, les partenaires non transgenres se retrouvent à assumer une quantité considérable de travail non rémunéré afin de soutenir leurs partenaires transgenres, comprenant par exemple la tâche d’être plus féminine pour aider une partenaire lesbienne à se sentir plus masculine. Elles sont amenées à fournir des services de soin non rémunérés, à faire des injections, prendre des rendez-vous, emmener leur partenaire faire des courses, économiser et payer les opérations chirurgicales. Elles doivent gérer l’exposition, ou la nécessité, comme elles le formulent, de dissimuler la pratique de leur partenaire. Et elles ne reçoivent que bien peu de soutien ou de reconnaissance pour le préjudice psychologique qu’elles endurent, que certains psychologues assimilent désormais à un stress post-traumatique. Un autre chapitre détaille un effet très inquiétant du militantisme transgenre et du lobbying de la profession médicale : le transgenrisme des enfants.
Les deux derniers chapitres examinent les effets pratiques de la campagne pour les droits des transgenres sur toutes les femmes, qui comprennent l’accès d’hommes qui transgenrent aux toilettes et aux prisons pour femmes, et aux espaces réservés aux femmes comme les refuges pour victimes de violence domestique. Le chapitre 7, intitulé « Un conflit de droits », examine la manière dont la demande de reconnaissance juridique du « droit » au genre et à l’ « expression de genre » entre en conflit avec les droits des femmes. Ce chapitre explore la manière dont la loi est modifiée, dans les pays occidentaux, pour tenir compte des « droits liés au genre », et les implications de ces changements. L’un des principaux objectifs des groupes d’activistes transgenres est de permettre aux hommes qui transgenrent d’accéder aux « espaces genrés » comme les festivals pour femmes, les refuges pour femmes, les services de lutte contre la violence sexuelle, les logements réservés aux femmes, les toilettes et les prisons. Ces espaces furent créés afin de servir les intérêts des femmes en tant que groupe subordonné, afin de leur permettre de s’organiser socialement et politiquement hors du contrôle masculin, d’assurer leur intimité et leur sécurité face à la violence des hommes. La détermination des hommes qui se considèrent transgenres à pénétrer dans ces espaces a engendré un stress considérable au sein des communautés de femmes. Dans certains cas, cela a conduit à la suspension de festivals de femmes ou à l’abandon de projets de création de centres réservés aux femmes, au grand dam des communautés de femmes qu’ils étaient censés servir.
Lecture à contre-courant
La littérature critique du transgenrisme dont je me suis servie pour rédiger ce livre est très limitée. Depuis l’ouvrage séminal de Janice Raymond, L’Empire transsexuel, paru en 1979, il n’y a presque eu aucun travail féministe critique à ce sujet. En revanche, il y a eu une avalanche de recherches et d’écrits adoptant une approche positive, voire élogieuse, du sujet. Pour cette raison, j’ai été amenée à lire cette littérature apologétique « à contre-courant », c’est-à-dire à en extraire les preuves abondantes des dommages causés par le transgenrisme, qui transparaissent également de manière flagrante dans les documents se voulant favorables à cette pratique. En plus de cette lecture à contre-courant, j’utilise des analogies dans deux chapitres, et trois entretiens clés menés par Lorene Gottschalk, afin de révéler ce que tait la littérature académique et populaire.
Dans deux chapitres, j’utilise des analogies pour illustrer les similitudes entre le transgenrisme et l’homosexualité ou l’eugénisme en vue d’exposer les nuisances qu’il cause. Pour le premier chapitre, qui porte sur la construction historique et sexologique du transgenrisme, j’ai trouvé très utile de faire une analogie avec la construction de l’homosexualité en tant que catégorie sociale. En l’absence d’approches critiques de la construction du transgenrisme dans la littérature académique ou populaire, cela offrait une porte d’entrée intéressante, d’autant plus que les deux pratiques sont liées de manière évidente. Pareillement, dans le chapitre sur le transgenrisme des enfants, je le compare à la pratique des chirurgies sexuelles employées par ceux qui s’inspiraient des idées de l’eugénisme afin de souligner les dommages qu’il induit.
Étant donné qu’il n’existe pas de publication critique sur ce sujet, c’est à partir de rien qu’il m’a fallu développer ma critique de la théorie transgenre. Cependant, les commentaires critiques des féministes radicales, sur internet, de plus en plus nombreux, m’ont été très utiles. Je leur suis reconnaissante à la fois pour les informations factuelles qu’elles fournissent sur des sites et des blogs, et pour leurs contributions théoriques. Il est grand temps que le féminisme universitaire se hisse au niveau des blogueuses de la nouvelle vague du féminisme radical et produise davantage d’écrits et de recherches critiques.
Pour le chapitre 3, qui traite des nuisances du transgenrisme pour les transgenres eux-mêmes, j’ai réalisé deux entretiens. Il n’existe que très peu d’écrits critiques du processus de transgenrisme du point de vue de ceux qui l’ont vécu. La détransition, lors de laquelle des hommes et des femmes choisissent de retourner à leur sexe d’origine en raison d’une profonde insatisfaction, n’est apparue que récemment dans le domaine public. Pour ce livre, j’ai donc réalisé deux entretiens avec des personnes ayant effectué une détransition – un homme, Walt Heyer, et une femme, Heath Russell.
J’ai également réalisé une interview afin de fournir des preuves de première main des méfaits de la pratique du transgenrisme des hommes sur leurs épouses. S’ils n’ont pas pour but de critiquer la pratique, les récits des expériences des épouses et des mères de transgenres, ainsi que les biographies individuelles des femmes dont les maris et les partenaires masculins sont transgenres, contiennent néanmoins beaucoup d’éléments exposant les manières dont elle leur nuit gravement. J’utilise ce matériel ici. Une biographie ouvertement critique écrite par l’épouse d’un homme transgenre m’a été très utile (Benvenuto, 2012). Un entretien avec une femme partenaire d’un homme transgenre m’a permis d’obtenir une image de son expérience de la part d’une personne possédant un regard critique et une analyse développée du phénomène. Les trois personnes interrogées dans ce livre ont été trouvées via des groupes critiques du transgenrisme qui commencent à se former sur internet. En l’absence de littérature critique, elles constituent une ressource essentielle.
Des universitaires féministes commencent à mener des recherches intéressantes sur les femmes qui transgenrent et leurs partenaires, auxquelles je me réfère dans le chapitre 5 de cet ouvrage (Brown, 2007, 2009, 2010 ; Pfeffer, 2008, 2010). Ces travaux ne prétendent pas adopter une approche critique et, en effet, n’expriment aucun point de vue négatif sur la pratique du transgenrisme. Ils offrent cependant des informations très pertinentes pour comprendre l’impact néfaste du transgenrisme des lesbiennes sur leurs partenaires féminines. Il se peut que cette question préoccupe davantage les universitaires féministes et lesbiennes parce qu’elle se produit dans leurs communautés, les touchant de près.
En ce qui concerne les lois sur les droits des transgenres, je n’ai trouvé aucune littérature critique ou évoquant un conflit potentiel avec les droits des femmes. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire. Il n’existe pas non plus d’écrits sur l’impact de l’intégration des transgenres dans les services et les espaces réservés aux femmes, hormis ceux de Lorene Gottschalk, utilisés au chapitre 8. Il est nécessaire d’approfondir les recherches dans ces domaines. Afin de pallier le manque de littérature critique sur plusieurs des thèmes abordés dans ce livre, j’ai eu recours aux sites web et aux blogs des activistes transgenres eux-mêmes, qui m’ont permis d’exposer la rapidité du développement du mouvement des droits des transgenres et certains de ses aspects les plus bizarres.
L’importance de la construction sociale
Pour replacer toutes ces questions dans leur contexte, il me faut d’abord examiner comment le phénomène du transgenrisme s’est construit, historiquement et politiquement. Je m’y attelle dans le premier chapitre. Je suis tout à fait consciente que les nouvelles générations de militantes et de penseuses féministes et lesbiennes, et de militants et penseurs gays, pourraient trouver l’idée de construction sociale difficile à accepter. L’idée selon laquelle l’homosexualité et le transgenrisme seraient innés domine largement aujourd’hui. À l’époque du féminisme de la deuxième vague, en revanche, le genre et la sexualité étaient largement considérés comme des constructions sociales. Ce livre part du principe que le transgenrisme est une construction sociale, c’est pourquoi je me pencherai longuement sur cette question de la construction sociale.
Traduction : Nicolas Casaux
- La principale organisation professionnelle de psychiatres du Royaume-Uni (NdT). ↑
Sheila Jeffreys emploie, en anglais, le terme transgender en tant que verbe. Il s’agit d’un néologisme de son invention. Le français pouvant s’y prêter correctement, j’emploie moi aussi un néologisme : le verbe « transgenrer » (NdT). ↑
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