La guerre en Afghanistan est perdue, mais les États-Unis essaient de garder un pied dans la porte

La guerre en Afghanistan est perdue, mais les États-Unis essaient de garder un pied dans la porte

par Moon of Alabama.

Les forces gouvernementales afghanes que les États-Unis ont formées sont rapidement en train de perdre le combat contre les talibans. Les États-Unis ont promis de se retirer complètement d’Afghanistan. Mais ils ont un plan pour garder un pied dans la porte en gardant le contrôle de l’aéroport international de Kaboul. Ce plan a toutes les chances d’échouer.

Lorsque les troupes soviétiques ont quitté l’Afghanistan, les forces gouvernementales qu’elles avaient soutenues ont tenu bon pendant trois années supplémentaires. Puis les Soviétiques ont coupé toute aide tandis que les États-Unis continuaient à soutenir les différents seigneurs de guerre pachtounes et les moudjahidines. Sans le réapprovisionnement soviétique, les forces gouvernementales ont dû abandonner. Aujourd’hui, les forces d’occupation américaines quittent le pays. Mais le gouvernement et les forces qu’ils laissent derrière eux sont bien moins préparés à survivre que celles que les Soviétiques soutenaient. La vitesse à laquelle les Talibans avancent me laisse penser qu’il ne faudra que quelques mois pour que les forces gouvernementales afghanes s’effondrent complètement.

L’Afghanistan compte environ 400 districts. Les talibans contrôlaient déjà, depuis un certain temps, plus de 50% des zones rurales, mais s’étaient généralement abstenus de prendre les districts. La situation a changé. Entre le 1er mai et le 14 juin de cette année, les Talibans ont pris le contrôle de 34 districts. Au cours de la semaine dernière, ils en ont ajouté une douzaine, dont quatre rien que dans la journée de dimanche.

Il est remarquable de constater qu’un grand nombre de ces districts ne sont pas situés dans des régions essentiellement pachtounes, mais dans le nord du pays, où la population est souvent ouzbèke, tadjike ou issue d’autres minorités ethniques. Avant l’invasion américaine, ces populations étaient majoritairement anti-talibans.

Les tactiques utilisées par les talibans varient peu. Ils attaquent d’abord les points de contrôle et les zones stratégiques autour du centre du district pour ensuite assiéger les principales bases de l’armée et de la police gouvernementales. Les anciens des tribus sont alors envoyés pour communiquer les demandes de reddition des Talibans. Ces derniers promettent de ne pas faire de mal à ceux qui se rendent. Ils demandent seulement aux soldats de désarmer et d’enregistrer leur nom auprès d’eux. Ils leur fournissent suffisamment d’argent pour leur permettre de rentrer chez eux.

Le gouvernement n’est plus en mesure de réapprovisionner et de renforcer les positions assiégées. Sa maigre armée de l’air n’a pas les hélicoptères pour le faire. Seuls quelques vieux MI-19 de fabrication soviétique volent encore. Les Afghans peuvent les entretenir eux-mêmes. Il y a quelques années, l’Afghanistan voulait acheter davantage de ces appareils à la Russie. Mais le Congrès américain est intervenu. Le lobby de l’armement a exigé que l’armée de l’air afghane achète et utilise des appareils de fabrication américaine. L’hélicoptère UH 60 Blackhawk et d’autres appareils de fabrication américaine ont été livrés. Ils sont moins performants, plus compliqués et plus chers que les appareils russes. Les Afghans n’ont pas les moyens de les entretenir. Des contractants américains ont été engagés pour le faire. Mais maintenant ces entrepreneurs partent en même temps que les troupes américaines. Les Blackhawks sont cloués au sol un par un et bientôt aucun ne pourra voler.

N’ayant aucune chance d’être relevés, les résistants des districts ont maintenant tendance à abandonner au lieu de se battre jusqu’au bout. Chaque jour, des centaines de soldats se rendent et sont accueillis par les Talibans. Ils laissent derrière eux une énorme quantité d’armes, de camions et de munitions que les Talibans pourront utiliser lors de leurs prochaines opérations.

Les tentatives des forces gouvernementales pour reprendre le contrôle des districts tenus par les Talibans échouent. La semaine dernière, un commando d’une cinquantaine de soldats formés par les États-Unis a tenté de récupérer le centre du district de Dawlat Abad, dans la province de Faryab. Il était prévu qu’une cinquantaine de commandos se rendent sur place en premier et que quelque 170 soldats et policiers soient prêts à les suivre. Un soutien aérien était censé être disponible. Les commandos sont arrivés, ont été cernés et la moitié d’entre eux furent tués en une heure. Ceux qui étaient censés les suivre et les soutenir craignaient cette embuscade et n’ont jamais quitté leur base. Le soutien aérien promis n’est jamais arrivé.

L’armée afghane est démoralisée et ne dispose pas du soutien dont elle a besoin pour tenir ses positions. Elle va bientôt s’effondrer. La Chine l’a reconnu et exhorte ses citoyens à quitter le pays.

Il y a une semaine, le président turc Erdogan a lancé l’idée que des troupes turques pourraient être utilisées pour « sécuriser » l’aéroport international de Kaboul. L’idée semble provenir de Washington. Après l’annonce de Erdogan, les talibans l’ont immédiatement rejetée :

« La Turquie doit retirer ses troupes d’Afghanistan dans le cadre de l’accord de 2020 sur le retrait des forces américaines, a déclaré jeudi un porte-parole des Talibans, rejetant ainsi la proposition d’Ankara de garder et de gérer l’aéroport de Kaboul après le départ des forces de l’OTAN dirigées par les États-Unis.

Ce développement soulève de sérieuses questions pour les États-Unis, d’autres pays et des organisations internationales ayant des missions à Kaboul sur la manière d’évacuer en toute sécurité leur personnel d’Afghanistan si des combats menaçaient la capitale. …

Interrogé par SMS sur le fait de savoir si les Talibans rejetaient la proposition de la Turquie de maintenir des forces à Kaboul pour garder et gérer l’aéroport international après le départ des autres troupes étrangères, le porte-parole des Talibans à Doha a répondu qu’elles doivent partir elles aussi ».

La semaine dernière, le président Biden s’est rendu à l’OTAN et a rencontré Erdogan. Il a donné son feu vert au plan :

« Le président américain Joe Biden a accepté les demandes du président turc Recep Tayyip Erdogan de soutenir les forces d’Ankara lorsqu’elles garderont le contrôle de l’aéroport international de Kaboul après le retrait des troupes américaines et de l’OTAN d’Afghanistan cet été, a déclaré jeudi un haut responsable américain.

« Le président Biden s’est engagé à apporter ce soutien » lors de leur rencontre à Bruxelles lundi, a déclaré le conseiller à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, lors d’un point de presse téléphonique.

« Le président Erdogan a exprimé sa satisfaction à ce sujet, et les deux hommes ont chargé leurs équipes de régler les derniers détails », a déclaré M. Sullivan.

Les responsables américains « mettent en place un plan de sécurité détaillé et efficace » pour aider le plan de sécurisation turc, que les responsables occidentaux considèrent comme vital pour protéger les missions diplomatiques auprès du gouvernement afghan alors que les Talibans progressent dans diverses parties du pays ».

On ne protège pas les missions diplomatiques en tenant l’aéroport principal d’un pays étranger. Il doit y avoir d’autres raisons pour lesquelles cela a été mis sur la table.

La CIA a tenté d’obtenir des bases de drones dans les pays voisins de l’Afghanistan afin de poursuivre , sa lutte contre Al-Qaïda en Afghanistan. Des négociations ont eu lieu avec le Pakistan, mais le premier ministre pakistanais Imran Khan a publiquement rejeté le plan :

« Dans une interview accordée à Axios HBO, Imran Khan a déclaré catégoriquement qu’il ne permettrait pas aux États-Unis d’utiliser le Pakistan comme base pour leurs opérations en Afghanistan. …

Khan a déclaré à l’intervieweur, Jonathan Swan, qu’il ne permettrait « absolument pas » aux États-Unis d’avoir la CIA au Pakistan pour mener des missions transfrontalières de contre-terrorisme contre Al-Qaïda, le groupe État islamique et les Talibans.

La coopération du Pakistan est considérée comme essentielle au projet du président américain Joe Biden de retirer complètement les troupes américaines d’Afghanistan d’ici septembre.

Khan s’est toujours opposé à ce que les États-Unis utilisent le Pakistan comme base de lancement d’opérations, et ses commentaires font suite à des remarques similaires faites par des responsables du gouvernement pakistanais.

Cette prise de position a suscité beaucoup d’éloges au Pakistan, où l’expression « #AbsolutelyNot » est devenue tendance ».

Le Pakistan était sous pression pour accepter une base de la CIA car il a besoin d’un prêt du FMI que les États-Unis contrôlent. La Chine, quant à elle, ne souhaite pas que la CIA s’immisce davantage en Afghanistan ou dans les environs. L’année dernière, les États-Unis ont retiré le Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM) de leur liste de terroristes. La Chine craint que la CIA ne cherche à semer le trouble au Xinjiang en formant et en équipant les forces radicales ouïghoures de l’ETIM en Afghanistan ou dans les environs. Elle semble désormais avoir fourni au Pakistan un soutien suffisant pour éviter toute pression supplémentaire de la part des États-Unis.

Aucun autre pays autour de l’Afghanistan n’étant disposé à soutenir la CIA, celle-ci devait trouver un moyen de rester en Afghanistan. Le contrôle turc de l’aéroport de Kaboul lui permettrait de maintenir des drones dans le pays et de rester en contact avec ses réseaux sur le terrain.

Un pays dont le principal aéroport international est contrôlé par des forces étrangères n’est pas souverain. Une telle position ne peut donc être que temporaire. Lorsque les Talibans prendront Kaboul, et peu de choses me laissent penser qu’ils auront du mal à le faire, l’aéroport sera la cible de tirs. Les Talibans ont désormais capturé suffisamment d’artillerie à longue portée pour l’assiéger et le bombarder sérieusement. Le soutien aérien américain aux forces turques devra venir du Moyen-Orient élargi et devra traverser l’espace aérien pakistanais. Une défense à long terme de l’aéroport n’est donc pas possible.

Quel est donc le véritable plan derrière la tentative de maintenir un pied américain ou de l’OTAN dans la porte afghane ? Les États-Unis ou l’OTAN considéreraient-ils une attaque contre les forces turques et éventuellement hongroises à l’aéroport de Kaboul comme un élément déclencheur d’une éventuelle ré-invasion du pays ? Cela a-t-il un sens ?


source : https://www.moonofalabama.org

traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

via https://lesakerfrancophone.fr

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