Avant toute chose, pour éviter de contrarier la gestapo verte intolérante à toute critique de Sainte Greta et de sa parole divine « neutre en carbone », j’insiste sur le fait que je ne rsuis nullement climatosceptique et que cet article n’a absolument pas l’objectif de nier l’existence du changement climatique, qui d’ailleurs n’est pas d’origine « anthropique », ni « humaine »ré, encore moins causé par les « activités humaines » en général. Il a pour origine la première révolution industrielle qui s’est révélée être une catastrophe pour les terriens humains et non-humains. Le discours englobant et culpabilisant, qui fait porter le fardeau à « l’humanité » tout entière, est une insulte à l’intelligence humaine. Il affiche également un violent mépris pour les peuples autochtones protégeant 80 % de la biodiversité restante[1] ainsi que pour l’ensemble des communautés rurales des pays du Sud qui n’y sont pour rien dans l’hécatombe écologique mondiale.
Ce n’est pas « l’humanité » qui est responsable, comme on peut le lire un peu partout, mais une seule et unique forme d’organisation sociale, une seule et unique culture humaine, un seul et unique mode de vie parmi les milliers d’autres qui ont existé – et existent encore – en ce monde. Cette culture méprisant la vie, qui octroie plus de valeur au téléphone ou à l’ordinateur qu’à la vie d’un enfant congolais ou ghanéen ; cette culture dont l’éthique place la bagnole et l’autoroute avant le cerf élaphe et sa forêt, c’est la civilisation industrielle née en Europe, produit du bien mal nommé siècle des Lumières. Cette civilisation européenne s’est répandue comme une lèpre à l’ensemble du globe, colonisant des paysages vivants – prairies, forêts, marécages, mangroves, montagnes, plaines alluviales, rivières – d’une beauté qui dépassait autrefois l’entendement, y exterminant par la même occasion leurs habitants humains et non-humains. Pour enlaidir et asservir le monde libre, la civilisation dissémine partout les verrues de son progrès – mines d’extraction, puits de pétrole et de gaz, oléoducs et gazoducs, mégalopoles et centres commerciaux, zones urbaines et périurbaines, écrans et panneaux publicitaires, zones industrielles et entrepôts, monocultures et élevages industriels, automobiles et autoroutes, routes et parkings, barrages et canaux, viaducs et tunnels, remontées mécaniques et téléphériques, centrales énergétiques et lignes à haute tension, transformateurs et câbles sous-marins, décharges à ciel ouvert et sites d’enfouissement de déchets toxiques/nucléaires, usines d’incinération et décharges sauvages, plantations industrielles et scieries, stations d’épuration et centres de stockage, etc.
Cette folie doit cesser.
Quelques-uns des thèmes abordés dans ce long texte :
- Décryptage du discours de Greta Thunberg et de la mise en scène dans la vidéo partagée sur son compte Twitter le 22 mai 2021, une vidéo sponsorisée par l’ONG Mercy For Animal ;
- Pourquoi végétarisme et/ou végétalisme ne changeront rien à la dévastation des forêts ;
- L’uniformisation des pratiques alimentaires à l’échelle globale est une aubaine pour l’industrie agroalimentaire ;
- Derrière la campagne pour la nature se cache un mouvement d’accaparement des terres gigantesque, principalement dans les pays du Sud ;
- Stopper l’élevage ne va pas automatiquement « libérer » de l’espace pour la vie sauvage, cette interprétation provient d’une méconnaissance de la mécanique capitaliste ;
- Domestiquer la nature sauvage au nom du bien-être animal ;
- Le pastoralisme est essentiel à la biodiversité et à la survie de centaines de millions de personnes sur Terre, principalement en Afrique ;
- Les petits producteurs nourrissent le monde avec moins d’un quart de l’ensemble des terres agricoles.
« Un business plan pour le monde »
« En réalité, [le changement climatique] est la plus extraordinaire opportunité de tous les temps pour stimuler la croissance économique et faire croître le nombre d’opportunités. C’est une occasion fantastique qui se présente juste devant nous. La réponse au changement climatique ne supprime pas seulement les sérieux dommages environnementaux provoqués durant les cent dernières années en raison de la façon dont nous utilisons l’énergie : cette réponse permet de démocratiser l’énergie. Parce que, ce que nous avons fait depuis un siècle, franchement, c’est d’en limiter l’accès. Regardez qui a et qui n’a pas accès à l’énergie. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser un milliard de personnes sans accès à l’énergie, car elles restent en dehors du marché ! En plus des conséquences morales à cela. Donc nous devons démocratiser l’énergie. Nous devons supprimer les impacts négatifs et assurer la continuité et la croissance du business, c’est le trio gagnant. Cela nous permettrait de réaliser ce que nous voulons vraiment en tant qu’être humain : réaligner harmonieusement notre boussole morale avec notre boussole pour le business et l’économie. Que pourrait-il y a voir de repoussant dans cette immense opportunité ?! Donc, mes amis, collectivement, nous rédigeons un business plan pour le monde. C’est ce que nous faisons ensemble. Hier, 310 000 personnes [marchaient pour le climat dans les rues], la société civile est au rendez-vous. Le secteur privé est ici [dans la salle], les gouvernements seront avec nous demain pour collectivement écrire un business plan pour le monde[2]. »
– Christiana Figueres, ancienne secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies (ONU) sur le changement climatique (en poste de 2010 à 2016) et membre de la B Team du milliardaire Richard Branson[3], extrait d’un discours prononcé à New York en septembre 2014 lors de la Climate Week NYC.
Dans une vidéo publiée sur Youtube par la chaîne de l’ONG Mercy For Animals avec le hashtag ForNature[4], l’influenceuse Greta Thunberg, confortablement installée sur son canapé IKEA aux côtés de son chien qu’elle caresse tendrement, souhaite parler de « quelque chose » à son public. Partagée par Greta Thunberg sur Twitter le 22 mai 2021, journée mondiale de la biodiversité, la vidéo a été vue plus de 835 000 fois et totalise 8 400 retweets[5]. Sur la page Facebook de la jeune Suédoise, la vidéo totalise 37 000 mentions « j’aime » et 18 000 partages. En grattant la surface, on a vite fait de s’apercevoir que cette campagne « pour la nature » ciblant la jeunesse n’émane pas du peuple mais des sphères du pouvoir. Objectif : déclencher un mouvement populaire du même type que le Mouvement Climat des dernières années et obtenir le support de la plèbe pour les décisions qui seront prises à huis clos et sans aucun débat démocratique lors de la prochaine COP 15 sur la biodiversité, une conférence qui se tiendra en Chine à Kumming en octobre 2021[6].
Quelques indices attestent de la puissance de frappe investie dans cette campagne : le compte Twitter de la Convention sur la biodiversité utilise le hashtag ForNature[7] ; les Nations Unies ont spécialement créé un site satellite (fornature.undp.org) pour inciter les jeunes à se mobiliser afin de supplier leurs maîtres d’agir pour la planète ; les Nations Unies invitent la jeunesse à signer un manifeste pour la nature[8] ; l’International Climate Initiative, émanation du ministère fédéral allemand de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire, a relayé également cette campagne avec le même hashtag[9] ; la Biodiversity Finance Initiative, émanation des Nations Unies visant à mieux « valoriser » financièrement la nature, a publié sur le sujet[10] ; la vidéo de Greta a été partagée par la page Facebook du programme des Nations Unies pour l’environnement (UN Environment Programme[11]) ; Nicolas Hulot, escrologiste en chef du Mouvement Climat en France, avec sa fondation financée par des entreprises d’État (RTE et SNCF[12]), le groupe Renault, l’industrie agroalimentaire (Léa Nature et la fondation de Daniel Carasso, fondateur de Danone), la fondation de l’aristocrate Prince Albert II de Monaco, sans oublier Domorrow (famille Rousset, le père Bruno « pèse » 750 millions d’euros d’après Challenges[13]), apparaît dans une vidéo postée par la chaîne Youtube de l’UN Environment Programme avec le hashtag ForNature[14] ; le média Green Matters (Plus d’un million de fans sur Facebook) a relayé la vidéo de Mercy For Animal et de Greta[15] ; sur l’application TikTok, les contenus postés avec le hashtag ForNature, notamment à l’occasion de la journée mondiale de l’environnement, comptabilisent plus de 24 millions de vues, principalement en Inde d’après les contenus les plus populaires présents en haut de page[16] (faut-il y voir une stratégie délibérée sachant que le pays compte 20 à 40 % de végétariens sur plus d’un milliard d’habitants[17] ?) ; sur Instagram, on compte plus de 82 000 publications dans le fil ForNature[18] ; d’après Facebook, au moins 46 000 personnes publient à ce sujet[19] ; le compte Twitter New Deal for Nature and People, suivi par 33 000 personnes, publie également en utilisant le hashtag ForNature (ce « New Deal » pour la nature, c’est la dénomination en termes marketing de l’accord qui sera signé à la COP 15 Biodiversité, un accord vivement attaqué par quasiment toutes les associations locales et ONG internationales de défense des peuples autochtones dont Survival International[20]).
Il est nécessaire de rappeler quelques autres faits pour mieux comprendre la puissance financière derrière cette campagne pour le business grossièrement maquillée en campagne pour la nature. Inger Andersen, ancienne directrice de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), aujourd’hui directrice exécutive du programme des Nations Unies pour l’environnement, a annoncé sur son compte Twitter qu’elle participerait le 8 juin 2021 à une discussion intitulée Investing in Nature – Building a global biodiversity framework and closing the finance gap (« Investir dans la nature – Construire un cadre mondial pour la biodiversité et combler le déficit de financement ») organisée par le Financial Times. Dans un tweet marqué avec le hashtag ForNature, elle présente la chose ainsi : « Heureuse de joindre cette discussion FTLive qui détaillera comment le verdissement des plans de relance suite au COVID19 vont bénéficier aux gens et à la planète. » Le compte du Financial Times Live a quant à lui insisté dans son tweet sur « comment investisseurs et financiers peuvent jouer un rôle clé en réalisant une transition vers une économie respectueuse de la nature[21]. » Le National Geographic, qui produit et héberge des contenus pour Bayer-Monsanto (par exemple ce mini-site Questions for a better life[22]), et la Wyss Campaign For Nature, sont tous les deux partenaires de l’événement.
La Wyss Campaign for Nature « est un investissement de 1 milliard de dollars pour aider les communautés, les peuples indigènes, et les nations à conserver 30 % de la planète dans son état naturel d’ici 2030[23]. » Ici, précisons que Hanswörg Wyss est un milliardaire philanthrope helvético-états-unien, fondateur de la Wyss Foundation, qui a récemment fait un don de 65 millions de dollars à l’ONG African Parks[24]. Fondée selon le Monde Diplomatique par un milliardaire néerlandais en 1999, héritier d’une « richissime famille d’industriels » qui « commerçait avec le régime d’apartheid » en Afrique du Sud, cette puissante ONG a obtenu la délégation de gestion d’une quinzaine de parcs nationaux en Afrique. Au programme : construction de clôtures électrifiées pour limiter la circulation des populations locales et des animaux sauvages, translocation de dizaines d’animaux d’Afrique du Sud vers les parcs en concession pour augmenter la valeur du « capital naturel », gestion sur un « modèle militaire », persécutions à répétition des communautés locales, et autres joyeusetés. En 2018, dans le parc de la Pendjari au Bénin, les rangers employés par African Parks ont abattu 350 têtes de bétail sans concertation avec les bergers Peuls, un peuple autochtone de pasteurs nomades de la région sahélienne[25]. Notons qu’African Parks compte parmi ses « partenaires stratégiques » la Commission Européenne, The National Geographic Society, la fondation de la richissime famille Walton (fondatrice du géant Walmart), le WWF, les banques de développement allemande (GIZ) et états-unienne (USAID), ainsi que la fondation de l’ultrariche Howard Buffett, fils de Warren, qui finance par ailleurs des projets plus que discutables en République Démocratique du Congo[26]. Pour terminer là-dessus, le Financial Times, dans sa rubrique How To Spend It, fait la réclame pour African Parks afin d’attirer les touristes fortunés en manque d’aventure sauvage (Tchad[27], Rwanda[28], etc.).
Sans surprise, le WWF marque aussi ses publications avec le hashtag ForNature, comme par exemple cette vidéo du Forum Économique Mondial partagée sur Facebook par le panda éco-capitaliste[29]. Elle explique le plus sérieusement du monde que la sylviculture industrielle est écologiquement soutenable :
« Cette forêt écossaise est à la fois un terrain de jeu, une usine et un foyer pour la faune sauvage. Elle produit du bois durable de façon à ce que les arbres, les animaux sauvages et les gens restent en bonne santé. Cela nous permet de laisser en place les forêts anciennes et naturelles qui absorbent du carbone de l’atmosphère. »
Une femme de la commission des forêts écossaises fait ensuite un discours de VRP sur un ton qui se veut rationnel et pragmatique :
« En réalité, nous avons besoin du bois si nous voulons réduire le plastique dans l’environnement. Si nous voulons construire des maisons, nous avons besoin d’utiliser du bois. C’est une ressource parfaitement durable. Le bois sent bon, c’est beau, il isole bien et stimule l’imagination des gens. »
Quand les forêts auront laissé place au désert, on ira la chercher où l’inspiration ? Une telle argumentation ne laisse place à aucune autre alternative, il faut exploiter industriellement les forêts pour régler le problème du plastique. Pas le choix. Du greenwashing pur et dur, d’autant que la production de plastique va augmenter de 40 % d’ici 2030[30].
Dans la suite de la vidéo, on apprend que :
« Les revenus de l’industrie du bois créent des emplois et financent les soins portés à la plantation et aux animaux sauvages. Le bois des forêts écossaises est utilisé pour fabriquer des maisons, des palissades, du papier et du biocarburant. Le bois est une alternative bas carbone en comparaison du béton et du métal. »
D’un cynisme sans limite, ces gens utilisent maintenant le chantage à l’emploi pour justifier la destruction de la forêt. Sur les images, on aperçoit d’énormes engins forestiers manipuler des arbres de plusieurs dizaines de mètres de hauteur comme de vulgaires mikado, leur arrachant toutes leurs branches avec une rapidité effrayante. Les mêmes machines sont utilisées pour « optimiser l’exploitation » des forêts, histoire de faire de belles coupes rases en un temps record. Économistes et ingénieurs ont appelé ça « l’efficacité ». L’objectif de la vidéo est clair : faire avaler au grand public que l’exploitation industrielle et à très grande échelle du bois peut être soutenable écologiquement. Rien n’est plus éloigné de la vérité.
Coutumiers du greenwashing à grande échelle, WWF et Forum Économique Mondial omettent de citer l’un des débouchés majeurs du bois en Europe et en Amérique du Nord. En 2020, un article du média Mongabay révélait que près de 60 % de la production d’énergie dite « renouvelable » dans l’Union Européenne ne provient pas des éoliennes ni des panneaux solaires, mais de la combustion de biomasse dont la plus grosse partie est constituée de granulés de bois[31]. En raison de la directive des Nations Unies établie lors du protocole de Kyoto en 1997 considérant l’énergie issue de la biomasse forestière comme « neutre en carbone », les grands groupes énergétiques ont obtenu des subventions pour développer des centrales à biomasse et convertir les centrales à charbon en centrale biomasse. Pourtant, ce procédé prétendument « propre » émet plus de CO2 que l’usage du charbon. À cause de cette politique, l’exploitation forestière industrielle explose en Europe. Une étude publiée en juillet 2020 dans la revue Nature a révélé une augmentation de 49 % de la superficie forestière exploitée et une hausse de 69 % de la perte en biomasse pour la période 2016–2018 par rapport à 2011–2015, avec des pertes importantes dans la péninsule ibérique, dans les pays baltes et nordiques. Les coupables : « L’augmentation du taux de récolte forestière est le résultat de l’expansion récente des marchés du bois, comme le suggèrent les indicateurs économétriques sur la foresterie, la bioénergie à base de bois et le commerce international[32].
Pire encore, l’entreprise britannique Drax subventionnée annuellement à hauteur de plus d’un milliard de dollars est en pleine croissance. Premier consommateur au monde de granulés de bois pour la production d’énergie, Drax indiquait dans un communiqué en mars qu’elle allait entamer les démarches pour installer la première usine de capture du carbone basée sur la technologie BECCS (Bioenergy with Carbon Capture and Storage). Les travaux devraient commencer en 2024. Auparavant, en 2019, elle avait annoncé avoir réussi à capter son CO2 pour la première fois. Suite à cela, elle a établi un partenariat avec Mitsubishi Heavy Industries pour industrialiser le procédé. Enfin, Drax envisage d’acquérir le producteur canadien de granulés de bois Pinnacle Renewable Energy afin de sécuriser son approvisionnement en biomasse.[33]
Anéantir les forêts pour capturer et stocker du CO2, il fallait y penser.
Greta Thunberg défend le consumérisme végan
« “Votez avec votre argent” est devenu le slogan de l’environnementalisme dominant. À partir des années 1950, les êtres humains furent davantage qualifiés de consommateurs que de citoyens. En persuadant les gens que leur principal moyen d’action sociale et politique se fait à travers la consommation, alors leurs choix de résistance se réduisent à acheter ou ne pas acheter. En réalité, les humains disposent d’un éventail bien plus vaste de tactiques. »
– Julia Barnes, réalisatrice du documentaire Bright Green Lies, 2021.
Documentaire disponible sur Vimeo.
Maintenant que le décor est planté, revenons à Greta Thunberg et à ce « quelque chose » dont elle veut parler.
« Notre relation avec la nature est brisée. Mais les relations peuvent changer. Les crises climatiques, écologiques et sanitaires sont liées les unes aux autres. Mais nous ne voyons plus ces liens, notre vision est limitée. Alors, qu’allons-nous faire ? »
Après cette rapide introduction depuis son canapé, Greta se présente, puis on l’aperçoit en extérieur, dans ce qui semble être un enclos. En arrière-plan, trois chèvres gambadent joyeusement en direction de la jeune suédoise, comme pour saluer et remercier leur bienfaitrice. On devine aisément une personne appâtant les animaux derrière la caméra, même Greta se laisse déconcentrée un instant et détourne le regard de la caméra à la 27ème seconde. Tout ou presque dans cette vidéo a bien entendu été scrupuleusement scénarisé en amont.
Greta poursuit :
« Parce que, avouons-le, si nous ne changeons pas, nous sommes baisés. »
Tout au long de la vidéo, Greta emploiera le « nous » pour qualifier toute « l’humanité ».
La citation célèbre d’Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, est également mentionnée :
« Pendant trop longtemps, nous avons mené une guerre insensée et suicidaire contre la nature. »
Pourquoi « NOUS » ?!
VOUS – les Nations Unies, le Forum Économique Mondial, la Banque Mondiale, le FMI, l’Union Européenne, les États, les think tanks et autres groupes de lobbying pro-industrie, toute la mafia bureaucratique locale, nationale et globale, sans oublier les ultrariches, les grandes firmes, leurs PDG et actionnaires –, VOUS menez une guerre contre la nature au nom du « progrès » de l’humanité ! VOUS avez fait usage de la force par le passé, VOUS l’usez encore, et VOUS l’userez toujours pour imposer cette culture mortifère et son mode de vie débilitant presque partout sur Terre. VOUS êtes les uniques responsables du désastre socio-écologique planétaire. Ajoutons en prime qu’Amina J. Mohammed, vice-présidente générale de l’ONU, a été accusée en 2017 par l’ONG Environmental Investigation Agency d’avoir collaboré activement à l’une des plus grandes opérations de blanchiment de bois coupé illégalement de l’histoire lorsqu’elle était ministre de l’environnement du Nigéria[34]. La mafia chinoise du bois de rose aurait versé plus d’un million de dollars de pots-de-vin à des hauts responsables et officiels du gouvernement nigérian pour autoriser l’entrée en Chine de plus de 10 000 containers de bois dit « kosso » d’une valeur totale estimée à au moins 300 millions de dollars. L’affaire a semble-t-il rapidement été étouffée. Aujourd’hui, cette dame est toujours en poste et préside, tenez-vous bien, le « Groupe des Nations Unies pour le développement durable[35] ».
Cette technique discursive façonne l’inconscient collectif de la masse et suggère insidieusement que « nous » serions tous dans le même bateau, avec une responsabilité partagée équitablement entre tous les humains. Si les effets de telles pratiques paraissent indiscernables au premier abord, ils n’en sont pas moins dévastateurs. Les innombrables cultures rurales traditionnelles et les peuples autochtones de par le monde sont rendus invisibles par ce discours essentialiste. Les inégalités béantes inhérentes au capitalisme et, dans une plus grande mesure, à toute civilisation[36], disparaissent elles-aussi. Insultant la plupart des habitants du Sud global qui ne portent aucune responsabilité dans ce meurtre prémédité de la planète, ces propos sont symptomatiques de la violence quotidienne de la culture dominante. Voilà comment, grâce à la manipulation des mécanismes psychologiques du cerveau humain (ou marketing), à la puissance technologique offerte par Internet et les réseaux sociaux, l’on fabrique de toutes pièces une identité et une culture uniques pour l’humanité tout entière. L’emploi du nous a un effet rassembleur sur le bétail humain, chose essentielle pour guider le troupeau et « engager » les prospects dans la voie du progrès, pour réemployer un anglicisme à la mode chez les techno-ahuris de la startup nation. Nous serions tous responsables du désastre global mais, fort heureusement, nous pouvons faire des choix différents. Nous pouvons changer notre façon de consommer ! Diantre, mais pourquoi n’y avons-nous pas pensé plus tôt !? Outre le peu de considération pour la vie humaine réduite à l’achat – ou non – d’une marchandise ou d’une expérience sur un marché, ce discours laisse croire aux gens qu’ils ont le choix, donc qu’ils sont libres. Et dans le même temps, il limite drastiquement leurs moyens d’action en fixant le cadre, en limitant l’individu à son statut de consommateur. C’est une insulte à la dignité humaine. Êtes-vous un consommateur décérébré, un portefeuille sur pattes, un distributeur de billets ambulant ? Ou êtes-vous un être humain ?
Comme souvent dans les prestations théâtrales de Greta Thunberg, la peur est largement instrumentalisée. Dans cette vidéo, on discerne une insistance particulière sur les maladies infectieuses pour capitaliser sur la paranoïa générale. La stratégie du choc théorisée par l’économiste ultralibéral Milton Friedman est appliquée avec assiduité par le monde des affaires[37]. Rappelons ici que Klaus Schwab, fondateur et président du Forum Économique Mondial, a déclaré que la pandémie représentait une « fenêtre d’opportunité rare mais étroite pour repenser, réinventer et réinitialiser notre monde[38]. »
Covid-19, Zika, Ebola, fièvre du Nil occidental, SRAS, MERS, Sida, Greta Thunberg ratisse large dans l’éventail des agents pathogènes. S’il est vrai que la plupart des nouvelles maladies infectieuses proviennent d’animaux sauvages, les associer toutes à l’élevage dans une vidéo promouvant l’abandon de la viande s’avère fallacieux, pour ne pas dire malhonnête. Dans le cas du Covid-19, certains scientifiques prétendent que rien ne permet d’écarter définitivement la thèse d’une fuite de laboratoire, comme l’écrivait déjà fin 2020 le journal du CNRS[39]. En mars 2021, un reportage de l’émission Envoyé Spécial en rajoutait une couche[40]. Et d’après un article daté du 27 mai 2021 paru dans le journal britannique The Guardian, Facebook a récemment suspendu sa politique de modération qui consistait à bannir les utilisateurs soutenant que le virus était le produit du génie humain, introduisant cette décision de la manière suivante :
« À la lumière des enquêtes en cours sur l’origine du Covid-19 et en consultation avec des experts en santé publique, nous ne supprimerons plus de nos applications l’allégation selon laquelle le Covid-19 a été fabriqué par l’homme[41] ».
Facebook prétendait donc défendre la vérité sans connaître la vérité. Le techno-fascisme, nous y sommes déjà.
Greta cite également le VIH dans la vidéo. Sauf que le virus n’a strictement rien à voir avec l’élevage. Wikipédia détaille son origine :
« L’origine du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est simienne. Il existe une diversité de VIH qui ont été transmis à l’homme par différents types de singe. Depuis le début de la pandémie, 99% des infections au VIH sont une infection au VIH‑1 de type M. Le type M a été transmis à l’homme par un chimpanzé du sud du Cameroun (Pan troglodytes troglodytes), probablement entre 1915 et 1941. Cela a pu se produire à la suite d’une morsure par un chimpanzé infecté, ou par une écorchure à l’occasion du dépeçage. Le “patient zéro” du VIH‑1 type M à partir duquel la pandémie de VIH s’est déclenchée est un Camerounais ou un colon. Ce patient zéro a disséminé le virus dans un autre pays, le Congo belge, actuelle République démocratique du Congo. Dans les années 1940 à 1960, la capitale du Congo belge, Léopoldville (l’actuelle Kinshasa) a été l’épicentre de la pandémie de VIH.
Classiquement, l’origine de la pandémie de VIH est expliquée par le développement de l’urbanisation, la paupérisation, la prostitution, les déplacements de populations, les changements de comportement sexuel et l’apparition des drogues injectables. D’après Jacques Pépin, selon toute vraisemblance, le VIH s’est surtout propagé dans des dispensaires ou centres de santé. En Afrique, une seringue passe d’un malade à l’autre, tout en conservant parfois des petites quantités de sang contagieux, lesquelles quantités sont suffisantes pour transmettre le virus. Le VIH a pu être transmis à des patients de tout âge, à la suite d’injections intraveineuses luttant contre la syphilis, le pian, la maladie du sommeil, la lèpre, la tuberculose ou encore le paludisme[42]. »
L’émergence et la propagation du VIH ont pour origine les pulsions expansionnistes de la civilisation industrielle européenne. Il s’en est suivi la colonisation de l’Afrique par les Européens, la fameuse « mission civilisatrice » défendue avec verve par tous les puissants de l’époque, y compris des intellectuels de gauche dont Victor Hugo[43].
Le progrès tue.
Concernant Ébola, selon l’OMS, l’origine du virus reste inconnue et n’a vraisemblablement aucun lien avec l’élevage :
« Elle est apparue pour la première fois en 1976, lors de deux flambées simultanées, l’une à Yambuku, un village près de la rivière Ebola en République démocratique du Congo, et l’autre dans une zone isolée du Soudan.
On ignore l’origine du virus mais les données disponibles actuellement semblent désigner certaines chauves-souris frugivores (Ptéropodidés) comme des hôtes possibles.
L’être humain s’infecte par contact soit avec des animaux infectés [ou viande de brousse, Ndr] (en général en les dépeçant, en les cuisant ou en les mangeant), soit avec des liquides biologiques de personnes infectées. La plupart des cas surviennent à la suite de la transmission interhumaine qui se produit lorsque du sang, des liquides biologiques ou des sécrétions (selles, urine, salive, sperme) de sujets infectés pénètrent dans l’organisme d’une personne saine par l’intermédiaire d’une lésion cutanée ou des muqueuses[44]. »
D’après des travaux de recherche cités dans un article du média Mongabay, il y aurait un lien entre le développement durable de la monoculture industrielle d’huile de palme et l’émergence d’Ébola en Afrique de l’ouest[45]. La Socfin, société luxembourgeoise détenue à près de 39 % par le groupe Bolloré, est un acteur majeur de la culture industrielle de palmiers à huile et d’hévéas, accaparant des terres aux communautés locales en Afrique de l’Ouest et en Asie du Sud-Est[46]. La famille du Belge Hubert Fabbri est l’autre actionnaire majoritaire de la Socfin qui exploite, sous forme de concessions, près de 130 000 hectares au Liberia, 73 000 hectares au Cameroun, ou encore 48 000 hectares en Indonésie. Vous serez heureux d’apprendre que la Socfin a versé près de 30 millions d’euros à ses pourritures d’actionnaires en 2018[47].
Au sujet du virus Nipah, qui n’est pas cité par Greta dans la vidéo, l’article de Mongabay précise que « les chercheurs ont aussi remarqué qu’au Bangladesh, les chauves-souris frugivores transmettent le virus Nipah aux humains en urinant sur les fruits des palmiers à huile[48] ».
Encore une fois, rien à voir avec l’élevage.
Si Greta Thunberg se garde bien de tomber dans le piège qui serait d’associer explicitement l’élevage à Ébola ou au VIH, citer l’ensemble de ces pathogènes dans une vidéo ponctuée d’images d’immenses élevages industriels, d’abattoirs industriels, de déforestation massive, de monocultures industrielles et d’incendies de forêts, sème assurément la confusion dans l’esprit du public. Après avoir préparé le spectateur en le bombardant de menaces potentiellement létales, d’images montrant la souffrance et le chaos structurels à cette civilisation, il ne peut que se sentir impuissant face à la magnitude de la catastrophe, face à l’ampleur de la tâche. Son esprit est submergé par les émotions. Objectif atteint, il suffit alors de sortir la « solution » du chapeau – le régime végétalien –, et le tour est joué. Greta ne participe peut-être pas à la diffusion de fake news, mais elle contribue bel et bien à l’abrutissement des masses et, en définitive, à renforcer l’idiocratie déjà bien en place.
Plus loin, Greta Thunberg poursuit :
« À cause de la façon dont nous cultivons et dont nous traitons la nature, en déforestant et en détruisant les habitats, nous créons les conditions parfaites pour que les maladies se transmettent d’un animal à un autre et à nous. »
Il s’agit d’une mécanique commune à toute civilisation, apparue avec la civilisation il y a environ 10 000 ans, une seule culture humaine (parmi des milliers d’autres) caractérisée par la prolifération et la croissance de centres urbains, ainsi que par la monoculture intensive de céréales. Rien à voir donc avec une sorte de loi qui s’appliquerait à l’humanité entière, l’espèce humaine étant âgée elle d’au moins 300 000 ans.
Dans un article du Time, Kyle Harper, professeur d’histoire à l’Université de l’Oklahoma, évoque l’origine de la rougeole :
« […] l’histoire cachée des maladies humaines est graduellement mise au jour par des preuves génétiques. L’arbre généalogique du virus de la rougeole, par exemple, est éloquent : il révèle que la rougeole actuelle est issue d’une maladie des rongeurs qui s’est propagée au bétail, puis à l’homme. Des méthodes mathématiques sophistiquées permettent d’estimer l’échelle de temps de ces relations évolutives. Dans le cas de la rougeole, une nouvelle étude (à laquelle j’ai contribué) suggère que la rougeole a divergé de la peste bovine, un virus bovin aujourd’hui disparu qui est son plus proche parent, à la fin du premier millénaire avant Jésus-Christ. Cette estimation correspond presque exactement au moment de l’histoire de l’humanité où les plus grandes villes ont dépassé “l’effectif critique de population” nécessaire à la prolifération du virus de la rougeole.
Ce que cette concordance suggère — de manière assez troublante — c’est que l’un des virus respiratoires les plus dangereux et les plus distinctement humains est apparu avec l’essor de la civilisation elle-même[49]. »
Dans son excellent ouvrage Homo Domesticus, l’anthropologue James C. Scott détaille les liens entre le progrès de la civilisation et l’émergence à répétition de nouveaux pathogènes :
« On ne surestimera jamais assez l’importance de la sédentarité et de la concentration démographique qu’elle a entraînée. Cela signifie que presque toutes les maladies infectieuses dues à des micro-organismes spécifiquement adaptés à Homo sapiens ne sont apparues qu’au cours des derniers dix millénaires et nombre d’entre elles depuis seulement cinq mille ans. Elles constituent donc un “effet civilisationnel”, au sens fort du terme. Ces maladies historiquement inédites – choléra, variole, oreillons, rougeole, grippe, varicelle et peut-être aussi paludisme – n’ont émergé qu’avec les débuts de l’urbanisation et, comme nous allons le voir, de l’agriculture. […] »
Il ajoute aussi que les populations humaines non-civilisées, non-urbaines, non-domestiquées par l’État, connaissaient probablement très bien les processus écologiques et les conséquences sanitaires pouvant résulter d’une grande concentration d’humains et d’animaux pataugeant en permanence dans leurs excréments :
« Avant que les humains ne commencent à voyager loin et en nombre, ce sont peut-être les oiseaux migrateurs nichant ensemble qui, parce qu’ils combinaient forte densité démographique et longues traversées, constituaient le principal vecteur de propagation à distance des maladies. L’association entre concentration démographique et propension aux infections était connue bien avant que l’on ne découvre les vecteurs effectifs de la transmission des maladies. Chasseurs et cueilleurs en savaient suffisamment pour se tenir à l’écart des grandes concentrations humaines et la dispersion fut longtemps perçue comme un moyen d’éviter de contracter une maladie épidémique. […] »
Chez certains peuples autochtones, par exemple aux Philippines dans la Cordillère, une région montagneuse située dans le nord du pays, des pratiques traditionnelles visant à isoler la communauté en cas de danger (catastrophe, épidémie, etc.), durant une période limitée, existent depuis des temps immémoriaux[50].
D’après le site Our World in Data, la population urbaine mondiale a seulement dépassé la population rurale en 2007 et, jusqu’au XIXe siècle, époque marquée par la première révolution industrielle, les urbains représentaient une part anecdotique de la population mondiale[51]. L’industrialisation dopée par les carburants fossiles n’a pas seulement accéléré comme jamais l’extraction de matériaux et de biomasse, ainsi que la croissance des villes, elle a rendu ces objectifs atteignables sur le plan sociotechnique. Selon toute logique, les grands ensembles urbains modernes sont nés de la dévastation écologique et climatique, et ne peuvent être maintenus qu’en perpétuant indéfiniment cette dévastation. On voit d’ailleurs assez mal comment maintenir en état de marche un environnement ayant atteint un tel niveau d’artificialisation sans recourir à davantage de technologies et de croissance économique, c’est un cercle vicieux sans fin.
Libérer la terre ou optimiser sa destruction ?
« La meilleure chose que vous puissiez faire pour l’Amazonie, c’est de bombarder toutes les routes. »
– Eneas Salati, scientifique brésilien.
Plus loin dans la vidéo, la jeune activiste suédoise poursuit son argumentation :
« Nous avons industrialisé la vie sur Terre. Si nous continuons à produire de la nourriture de cette manière. Nous allons aussi détruire l’habitat de la plupart des plantes et des animaux sauvages, conduisant d’innombrables espèces vers l’extinction. Ça craint vraiment pour nous aussi. Ces systèmes garantissent notre survie. Si nous les perdons, nous serons perdus aussi. »
Les apôtres du véganisme ont vite compris qu’instrumentaliser la biodiversité pour convaincre les masses portait ses fruits. Ils serinent à longueur de journées que l’abandon de la viande contribuerait grandement à stopper la déforestation, particulièrement en Amazonie. Or il n’y a rien de plus faux. Un consommateur européen n’a pratiquement aucun pouvoir sur un propriétaire terrien brésilien habitant à des milliers de kilomètres de là, de l’autre côté de l’océan Atlantique. Encore moins sur l’État brésilien et son secteur privé. Mais essayons tout de même d’imaginer ce monde féérique voulu par Greta Thunberg, Milo Runkle, le Forum Économique Mondial et les Nations Unies, un Meilleur des mondes où le technovéganisme régnerait en maître. Inutile d’avoir un doctorat en agronomie pour comprendre qu’à l’élevage extensif, déjà peu rentable à l’hectare, ou à la culture de soja, succèderait un autre type de culture ou, dans tous les cas, une autre forme d’exploitation industrielle de la terre. Le Brésil exploite par exemple des plantations industrielles de canne à sucre pour fabriquer de l’éthanol, d’eucalyptus pour fournir son industrie sidérurgique en charbon de bois, et accélère sa production d’huile de palme pour concurrencer l’Asie du Sud-Est. Précisons également que la déforestation en Europe, en Amérique du Nord, en Afrique et en Asie du Sud-Est n’a pas grand-chose à voir avec l’élevage. Nous ne reviendrons pas en détails là-dessus. Pour en savoir plus à ce sujet, lire l’article « Le végétarisme ne sauvera pas l’Amazonie de la déforestation[52] ». Et d’après un article paru dans le magazine Yale Environment 360 écrit par le scientifique australien William Laurance, spécialiste des forêts tropicales, c’est la construction de routes en forêt qui accroît de manière exponentielle l’extraction de ressources forestières et du sous-sol – viande, bois, minerais, gaz, pétrole, etc[53].
Greta Thunberg colporte ce mythe grotesque selon lequel vie sauvage et civilisation auraient une destinée commune. Un autre mensonge, bien évidemment. Selon l’écologue Carl Safina, titulaire d’une chaire à la Stony Brook University de New York et auteur de plusieurs ouvrages, les espèces sauvages sont, pour la civilisation et le maintien de la vie moderne, matériellement inutiles :
« Il n’y a pas une seule espèce dont la disparition ait causé beaucoup de désagréments à la civilisation, pas une seule espèce sauvage qui soit indispensable, moins encore dont l’éradication serait remarquée, sauf par une poignée de conservationnistes ou de scientifiques irréductibles. L’inutilité de la vie sauvage pour la société civile est la raison pour laquelle les espèces menacées n’apparaissent jamais dans les sondages parmi les grandes priorités du public. Je ne peux pas nommer une seule espèce sauvage dont la disparition totale serait matériellement ressentie par qui que ce soit (vous pouvez facilement fonctionner sans avoir accès aux éléphants, mais si vous perdez votre téléphone pendant une journée entière, c’est le chaos). Mais je peux sans effort énumérer diverses espèces, des tigres aux moustiques, dont l’anéantissement a été assidûment poursuivi. L’annihilation est facile pour Homo sapiens. Ce qui nous intéresse peu, c’est la coexistence.
[…]
Les services naturels dont les humains ont réellement besoin pour conserver la vie moderne proviennent des micro-organismes décomposeurs, de quelques insectes pollinisateurs, du plancton réalisant la photosynthèse dans les océans et de choses non vivantes comme l’eau et l’atmosphère. À terme, nous pourrions bien simplifier le monde pour le limiter à l’essentiel, et il pourra supporter des milliards de personnes supplémentaires. En effet, c’est la seule manière d’y parvenir[54]. »
D’autres scientifiques abondent en ce sens[55]. L’idée selon laquelle la civilisation industrielle reposerait sur des « services écosystémiques » est une fable, comme l’explique longuement le scientifique R. David Simpson qui a étudié les liens entre économie et écosystèmes durant plus de 25 ans[56]. Selon lui, cette fièvre soudaine pour les « services » de la nature pourrait au contraire accélérer la colonisation de la terre nourricière par le béton, le métal et le bitume. Et à la limite, qui a réellement besoin d’un doctorat en biologie pour réaliser qu’une ville, dépendante d’un approvisionnement en eau et en nourriture totalement artificialisé reposant sur de gigantesques infrastructures et des machines (traitement, pompage, transport, routes, etc.), ne repose en rien sur la bonne santé des écosystèmes alentours ? Ajoutons qu’en Europe, probablement l’une des régions les plus urbanisées et fragmentées par les infrastructures de transport dans le monde[57], les écosystèmes sont dans un état calamiteux. La civilisation, de son côté, se porte à merveille.
Si l’industrialisation de la vie sur Terre a causé tant de dégâts, la logique voudrait qu’on démantèle le système industriel. Pas seulement pour la production de nourriture, mais pour tout le reste, l’écrasante majorité des produits et objets disponibles sur les marchés n’étant aucunement indispensable pour mener une vie digne de ce nom. Mais, chose étonnante, la solution avancée est tout autre. Les puissants capitalisent sur les crises sanitaire, climatique et écologique pour uniformiser le régime alimentaire de leur cheptel humain, et passent par l’intermédiaire de l’innocente Greta pour diffuser leurs mensonges :
« Si nous nous tournons vers une alimentation végétale, nous pourrions économiser 8 milliards de tonnes de CO2 chaque année. Nous pourrions nous nourrir en utilisant beaucoup moins de terres [76 % d’après une étude citée, NdT], et la nature pourrait se régénérer. »
Il est intéressant de noter que Greta n’utilise à aucun moment les termes « régime végétarien » ou « régime végétalien ». Aucune référence non plus au véganisme ni à l’antispécisme. Elle leur préfère l’expression plant-based diet, plus neutre, moins clivante. Mais une alimentation uniquement à base de plantes, c’est un régime végétalien.
Plus loin, Greta Thunberg fait la liste des fléaux planétaires et se réapproprient le langage des écologistes radicaux pour indiquer à l’audience qu’un changement de système serait possible en suivant ses conseils :
« Pandémies, déclin de la biodiversité, perturbation climatique, acidification des océans, inégalités, perte de sol fertile. Ce sont juste des symptômes. Ils ne font que symboliser la manière dont nous traitons la nature et la valeur que nous lui attribuons. Notre système doit changer. Mais nous pouvons remédier à ce problème, parce que nous faisons partie de la nature. Quand nous protégeons la nature, nous sommes la nature veillant à sa propre protection. »
En vérité, il n’y aucun changement de système en vue. Il n’est ni question d’un démantèlement des firmes de la pétrochimie, ni de la grande distribution, ni des géants agro-industriels, encore moins de la société techno-industrielle capitaliste prospérant sur un extractivisme et des pollutions démentiels. Les esclaves-salariés-consommateurs sont simplement culpabilisés puis sommés de changer leur régime alimentaire. D’autre part, les slogans du type « On ne se bat pas pour la nature, nous sommes la nature qui se défend » étaient à l’origine utilisés par une frange plutôt antisystème de l’écologisme, notamment par les zadistes de NDDL[58].
Autre élément notable, le passage sur la « valeur » attribuée à la nature. Ce qu’il y a de drôle avec les interventions de Greta Thunberg, c’est que la plupart des prétendues « solutions » sortant de sa bouche existent déjà ou, du moins, leur cadre réglementaire est en cours de développement. Mais nous avons le choix, nous dit-on, parce que nous aurions l’immense privilège de vivre en démocratie ! Qui peut encore croire à cette fumisterie ?
La Commission Européenne publiait par exemple le 11 mars 2021 un article titrant « Biodiversité : un changement révolutionnaire dans les rapports économiques pour tenir compte de la contribution de la nature à l’économie ».
Frans Timmermans, vice-président exécutif de la commission :
« Pour faire face aux crises du climat et de la biodiversité, nous devons transformer notre modèle économique. Ce nouveau cadre statistique va au-delà du PIB et prend mieux en compte la biodiversité et les écosystèmes dans la planification économique nationale. Il s’agit d’une évolution majeure dans le changement de notre façon de concevoir la prospérité et le bien-être. »
Virginijus Sinkevičius, commissaire dédié à l’environnement, aux océans et à la pêche :
« Alors que la nature apporte une contribution substantielle à notre économie, elle est largement invisible dans nos statistiques économiques. Nous devons transformer notre façon de voir et de valoriser la nature et faire en sorte que sa contribution à notre vie fasse partie de l’équation économique. Pour cela, nous avons besoin de méthodes solides pour suivre les investissements, les impacts et les dépendances vis-à-vis de la nature. Le nouveau cadre constitue un pas important dans cette direction, car il pourrait réorienter fondamentalement la planification économique et politique vers le développement durable[59]. »
Autre indicateur de cette tendance à la financiarisation de la nature, l’organisation à but non lucratif CFA Institute publiait quant à elle sur son blog une nouvelle réjouissante :
« Le capital naturel est la prochaine disruption du marché dont vous n’avez pas encore entendu parler. Mais ça va venir[60]. »
Cet institut délivre les diplômes CFA et CIPM. Le premier est une accréditation « mesurant et certifiant les compétences et l’intégrité des analystes financiers » d’après le site Investopedia ; le second a pour rôle de « former les professionnels à calculer et à communiquer avec précision les chiffres relatifs à la performance des investissements[61]. »
Les tendances à suivre : marché des PES (Paiements pour les services écosystémiques) ; marché de la compensation écologique (une entreprise peut détruire un écosystème, par exemple une zone humide, à condition de « compenser » ailleurs, peut-être en construisant une piscine olympique, allez savoir) ; marché des green bonds ou obligations vertes ; intégration de la biosphère dans la comptabilité des entreprises ; partenariats publics-privés ; etc.
La diffusion de cette vidéo de Greta Thunberg survient quelques mois après la publication d’un document recommandant une métamorphose du système alimentaire mondial. Publié en février 2021 par Chatham House, « l’un des think tanks les plus influents du monde » d’après le journal Les Echos[62], le rapport indique que « la convergence de la consommation alimentaire mondiale vers des régimes à base de plantes est l’élément le plus crucial » de cette réforme du système agro-industriel. Les Nations Unies « soutiennent » les conclusions du rapport d’après le quotidien britannique The Guardian[63].
Le Forum Économique Mondial reprend quant à lui dans un article les conclusions du rapport en ajoutant ceci :
« Par exemple, si le régime alimentaire de la population mondiale était remplacé par des aliments d’origine végétale, 75 % des terres cultivées dans le monde pourraient être utilisées à d’autres fins. »
Ce refrain revient régulièrement. L’abandon de l’élevage et la production industrielle de substituts végétaux ultra-transformés à destination des clapiers urbains va libérer de l’espace, mais les documents restent assez évasifs sur ces « autres fins ».
Plus loin :
« La demande d’aliments d’origine végétale pourrait connaître une croissance annuelle de près de 12 %, et le marché pourrait peser 74 milliards de dollars d’ici 2027 selon les prévisions de Meticulous Research. Si la demande d’aliments d’origine végétale augmente sur la plupart des marchés mondiaux, l’Asie-Pacifique devrait dépasser les autres marchés régionaux.
L’évolution des aspirations des consommateurs et l’appétit croissant des investisseurs pour les produits à base de plantes sont parmi les moteurs de la croissance du marché mondial des produits à base de plantes, selon l’étude. Il reste à voir jusqu’où, à quelle vitesse et dans quelle mesure la demande d’aliments d’origine végétale augmentera dans les années à venir, mais l’avenir d’une multitude d’espèces dépend de la rapidité de cette évolution[64]. »
En effet, il se produit déjà une « révolution végane » en Chine, toujours selon le journal britannique The Guardian[65]. Le gouvernement chinois a adopté un plan en 2016 prévoyant de réduire la consommation de viande de 50 %, officiellement pour réduire ses émissions de CO2, mais probablement davantage pour devenir, grâce à son immense marché intérieur, un acteur majeur de l’industrie des substituts à base de plantes sur la scène internationale.
D’après le Mouvement Mondial pour les Forêts Tropicales, une « initiative internationale qui vise à contribuer aux luttes, aux réflexions et aux actions politiques des peuples autochtones, des paysans et des communautés du Sud qui dépendent des forêts », les « solutions fondées sur la nature » servent à faire diversion :
« Les solutions fondées sur la nature prônées par les entreprises regroupent une grande partie de ce contre quoi les communautés [rurales] luttent depuis des décennies : plantations industrielles d’arbres, aires protégées, projets REDD, crédits carbone et compensations de la biodiversité, plantations destinées aux biocarburants, etc. Ces “solutions” ont également en commun le fait de permettre la poursuite d’un autre ensemble d’activités qui se sont aussi heurtées à des résistances dans les territoires : mines, extraction de pétrole et de gaz, infrastructures à grande échelle, agro-industries, etc.
L’idée que la “nature” est une “solution” pousse encore plus loin ces destructions et spoliations. Presque tous les mois, un nouveau grand pollueur annonce son intention de rendre ses activités “neutres en carbone”, principalement en investissant dans les solutions dites “fondées sur la nature[66]”. »
Du greenwashing sous stéroïdes, voilà ce que sont en réalité la neutralité carbone, les solutions fondées sur la nature et le changement du système alimentaire.
Le think tank Chatham House parle d’un besoin impérieux « de protéger davantage de terres et les mettre en réserve pour la nature », et préconise que « l’investissement responsable, le changement de régime alimentaire et les solutions d’atténuation du changement climatique fondées sur la nature seront nécessaires pour guider les plans d’action au niveau national qui peuvent collectivement apporter un changement transformateur au système alimentaire mondial[67]. »
Le réseau mondial d’aires protégées (AP) couvre déjà environ 15 % de la surface des terres émergées et la création d’AP n’a cessé d’accélérer durant les dernières décennies, ce qui n’a en rien ralenti le déclin de la nature[68]. Peut-être parce que les AP servent bien souvent à légitimer l’expulsion des populations pour laisser place aux industries extractives. C’est la démonstration implacable faite par Mark Dowie dans son livre Conservation Refugees (« Les réfugiés de la conservation ») publié en 2011 chez MIT Press. On ne compte plus les exemples de réserves naturelles où sont autorisées l’extraction de pétrole, de gaz, de minerais, de charbon, d’uranium ou même la construction de méga-barrages comme dans l’immense réserve du Selous en Tanzanie[69]. D’après le journal La Croix, Total vient de signer pour « le plus grand projet pétrolier au monde » en Ouganda et en Tanzanie, un chantier à 10 milliards de dollars[70]. Au programme, forages dans les environs du Lac Albert et dans le parc national des Murchison Falls, avec en prime la construction du plus long oléoduc chauffé au monde fragmentant réserves naturelles et terres paysannes sur 1 500 km. Ce projet viole les droits de plus de 100 000 personnes et va très probablement ruiner leurs moyens de subsistance[71]. Mais gardons espoir, car le groupe pétrolier assure que « les émissions de gaz à effet de serre des deux projets seront réduites à environ 13 kilogrammes de CO2 par baril, en dessous de la moyenne du groupe ». La major pétrolière compte en outre « mettre en œuvre des plans d’action pour produire un impact positif net sur la biodiversité ». Ouf, voilà qui est réconfortant. Un autre gisement pétrolier et gazier potentiellement énorme est en cours d’exploration dans le nord-est de la Namibie, dans la plus importante zone de conservation transfrontalière pour la biodiversité en Afrique, non loin d’un joyeux naturel – le delta de l’Okavango[72]. La zone d’exploration couvre un territoire habité par 200 000 personnes et inclut des routes migratoires importantes pour la faune sauvage encore très abondante dans la région. Insistons encore, de nombreuses ONG de défense des peuples premiers critiquent vivement le projet des Nations Unies voulant porter les AP à 30 % de la surface terrestre d’ici 2030. Selon Survival International, plus de 300 millions de personnes pourraient être touchées, leur culture et leur mode de vie anéantis[73]. C’est un génocide. Une aberration de plus sachant que ces cultures comptent parmi les plus soutenables écologiquement, leurs terres concentrant 80 % de la biodiversité mondiale restante[74].
Comme déjà évoqué plus haut, un argument massue de cette campagne – et des antispécistes en général – consiste à suggérer que l’abandon de l’élevage libérerait beaucoup d’espace. Comme ça, en un claquement de doigt. En apparence, cela a du sens, mais en apparence seulement. Greta rappelle par exemple que 83 % des terres agricoles sont accaparées pour produire la nourriture destinée aux animaux de ferme. Mais rien sur les pertes et le gaspillage alimentaires. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime pourtant qu’un tiers de la nourriture produite annuellement dans le monde est perdue ou jetée :
« Le volume mondial de gaspillages et pertes alimentaires est estimé à 1,6 milliard de tonnes d’équivalents produits de base. Les gaspillages totaux pour la partie comestible s’élèvent à 1,3 milliard de tonnes.
L’empreinte carbone des gaspillages alimentaires est estimée à 3,3 milliards de tonnes de CO2 équivalent de gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère chaque année.
Le volume total d’eau utilisé chaque année pour produire de la nourriture perdue ou gaspillée (250 km³) équivaut au débit annuel du fleuve Volga (Russie), ou trois fois le volume du Lac Léman.
De même, 1,4 milliard d’hectares de terres – soit 28 pour cent des superficies agricoles du monde –servent annuellement à produire de la nourriture perdue ou gaspillée[75]. »
Et la FAO précise qu’il ne s’agit que de la nourriture pour la consommation humaine[76]. Quid des pertes et du gaspillage de la nourriture destinée aux animaux d’élevages industriels ? Difficile de mettre la main sur des chiffres. Dans tous les cas, cette gabegie est le résultat de l’industrialisation du système alimentaire et n’a rien à voir avec l’élevage en général, qui varie grandement dans sa nature en fonction des régions du monde, des biotopes et du climat. Par ailleurs, l’économiste décroissant Niko Paech critique dans son excellent livre Se libérer du superflu – vers une économie de post-croissance cette légende urbaine de l’efficience énergétique et matérielle vendue par le monde corporatiste. Selon lui, la société industrielle prise dans son ensemble, en raison de sa structure et de sa complexité, ne peut être économe en énergie, matériaux et gaspillages.
Reprenant une étude parue dans la revue Science, Mercy For Animal et Greta Thunberg prétendent donc que l’adoption à l’échelle mondiale du régime végétalien pourrait réduire de 76 % la surface terrestre dédiée à l’alimentation du cheptel humain, et Greta d’ajouter « la nature pourrait se régénérer ». Compte tenu des dynamiques à l’œuvre au sein de la civilisation techno-industrielle, la possibilité qu’un tel conte de fée devienne réalité relève davantage du miracle que de la science derrière laquelle Greta se retranche constamment. Comme par enchantement, les grands céréaliers multimillionnaires, en Amérique du Nord, en Europe et en Amérique du Sud, abandonneraient leurs terres à la vie sauvage après avoir été ruinés par l’effondrement du marché mondial pour l’alimentation des animaux de ferme. Difficile à croire. En fait, il existe un autre scénario bien plus probable : la conversion d’une grande partie de ces terres en cultures industrielles de biomasse, pour produire électricité et biocarburants dont le système technologique a désespérément besoin pour assurer sa survie.
L’Agence internationale de l’énergie dit ceci au sujet des biocarburants :
« La production mondiale de biocarburants a augmenté de 10 milliards de litres en 2018 pour atteindre le chiffre record de 154 milliards de litres. Doublant la croissance réalisée en 2017, cette augmentation de 7 % en glissement annuel est la plus élevée depuis cinq ans. La production devrait augmenter de 25 % jusqu’en 2024, une révision à la hausse par rapport à 2018 en raison de meilleures perspectives de marché au Brésil, aux États-Unis et surtout en Chine[77]. »
Plus de 90 000 navires marchands[78] sillonnent les océans (28 000 navires de fret dépassent les 100 mètres[79]) et des dizaines de milliers d’avions commerciaux et privés volent simultanément chaque jour dans le monde (200 000 vols en une journée enregistrés le samedi 29 juin 2018, et près de 38 millions de vols sur l’année[80]). En 2017, près de 4 milliards de passagers ont sillonné les aires, un chiffre qui devrait presque doubler à 7,8 milliards en 2036. Un boeing 777 de 350 tonnes[81] ou un immense porte-containers de 400 mètres à l’image du Bougainville de la CMA-CGM (52 000 tonnes à vide, 240 000 tonnes à charge maximale, consommation s’élevant à 330 tonnes de fioul lourd/jour[82]) pourront difficilement être convertis à la puissance électrique en raison des problèmes techniques posés par les besoins en stockage pour déplacer de telles masses. À moins peut-être que des ingénieurs soient assez timbrés pour s’atteler à la conception de navires marchands et d’avions commerciaux équipés de réacteurs nucléaires miniaturisés. Il faut rester sur ses gardes avec l’élite technicienne, ces bougres d’ingénieurs promettent toujours le meilleur mais préparent souvent le pire. Dans tous les cas, électrifier des dizaines de milliers d’avions et de navires marchands, ce n’est pas pour tout de suite. Et pour maintenir ces mastodontes en mouvement dans un monde où le pétrole se raréfie et la demande augmente, il faut bien mettre quelque chose dans le réservoir. Sans oublier qu’il reste encore le transport routier, les voitures individuelles, les trains régionaux roulant souvent au gasoil, les autocars, etc.
Pour ce qui est de la production d’électricité à partir de biomasse, comme indiqué plus haut, celle-ci a provoqué une très forte augmentation des prélèvements de bois en Europe ces dernières années d’après une étude publiée dans la revue Nature en 2020[83]. Aux États-Unis également, c’est un désastre pour les forêts – de plantation et anciennes – où les coupes rases se multiplient, comme on peut le constater dans les excellents documentaires Planet of the Humans (Jeff Gibs, Michael Moore et Ozzie Zehner) et Bright Green Lies (Julia Barnes).
Industrialiser le monde, toujours et encore
« L’humanité s’installe dans la monoculture ; elle s’apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. Son ordinaire ne comportera plus que ce plat. »
– Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, 1955.
Fondée en 1999 par Milo Runkle, l’ONG Mercy For Animal (MFA), qui a posté cette vidéo de Greta sur Youtube, fait un lobbying agressif pour l’adoption du véganisme à travers les réseaux sociaux (plus de 2,5 millions de fans sur Facebook), des vidéos, un magazine et des ressources en ligne. Elle a travaillé avec des géants de l’agro-industrie dont Perdue, Walmart et Nestlé[84]. D’après le profil Linkedin de Milo Runkle, MFA est « l’organisation de défense des animaux de ferme et de promotion du véganisme la plus importante au monde[85] ». En 2016, il a créé Circle V, le premier festival de musique végan. Qui n’a pas déjà entendu parler de cette mode ridicule des festivals écologiques ? Citons We Love Green en France, un exemple parmi d’autres. Un festival de musique rassemblant des milliers de festivaliers imbibés d’éthanol braillant un dialecte incompréhensible pour le commun des mortels, qui piétineront une prairie durant plusieurs jours d’affilés, laissant derrière eux leurs tentes Quechua jetables et des tonnes de déchets, le tout accompagné de lumières surpuissantes et d’un volume sonore proche de celui d’un avion au décollage, sera toujours un désastre écologique ainsi qu’une torture visuelle et auditive pour les animaux sauvages des environs.
Autre exemple de la gigantesque mascarade incarnée par le mouvement animaliste devenu aujourd’hui global, en particulier grâce aux capitaux qui ruissellent dans les poches des ONG et des associations antispécistes, le collectif Animal Rebellion, pendant animaliste d’Extinction Rebellion, a bloqué quatre McDonald’s en mai au Royaume-Uni. D’après un article de la BBC, James Ozden, porte-parole d’Animal Rebellion, a déclaré que l’industrie de l’élevage (viande et lait) « détruisait notre planète ». Selon lui, elle provoque « une déforestation massive de la forêt tropicale, émet de grandes quantités de gaz à effet de serre et tue des milliards d’animaux chaque année. »
Quelle est sa solution ?
« Le seul moyen durable et réaliste pour nourrir 10 milliards de personnes est un système alimentaire à base de plantes. Les élevages biologiques en plein air et ‘’durables’’ d’animaux ne sont tout simplement pas suffisants. »
Il a raison sur un point, l’élevage industriel, de même que l’élevage extensif pratiqué à grande échelle, sont des calamités sociales et environnementales. Mais au lieu d’exiger le renversement de McDonald’s et de son monde, au lieu d’exiger des systèmes alimentaires locaux, familiaux, à petite échelle, il somme l’humanité d’adopter un unique régime alimentaire à base de plantes. C’est une aubaine pour les géants de l’industrie agroalimentaire qui prospèrent sur l’uniformisation culturelle et l’effacement de la diversité humaine. De plus, en bon Occidental abruti par des décennies de fièvre consumériste, James Ozden ignore probablement tout – ou se moque éperdument – des centaines de millions de personnes réellement libres et autonomes qui ne sont pas encore condamnées à la stratégie de subsistance Carrefour, Leclerc ou Auchan, et qui dépendent directement des ressources de leur habitat naturel pour survivre. Grain est une « petite organisation internationale » soutenant « la lutte des paysans et des mouvements sociaux pour renforcer le contrôle des communautés sur des systèmes alimentaires fondés sur la biodiversité ». Elle œuvre principalement aux côtés des paysans du Sud global ciblés par les firmes de l’agroalimentaire et affirme que les « les petits producteurs nourrissent le monde avec moins d’un quart de l’ensemble des terres agricoles[86] ». En consultant l’excellent travail d’investigation réalisé par Grain, on constate que le cartel agro-industriel livre une guerre impitoyable à la paysannerie dans les pays du Sud :
« […] l’accès à la terre des populations rurales est attaqué de toutes parts. Du Honduras au Kenya, de la Palestine aux Philippines, les gens sont évincés de leurs fermes et de leurs villages. Ceux qui résistent sont emprisonnés ou tués. Grèves agraires généralisées en Colombie, manifestations des chefs communautaires à Madagascar, marches dans tout le pays par des sans-terres en Inde, occupations en Andalousie, la liste des actions et des luttes est longue. Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est que la possession des terres est de plus en plus concentrée aux mains des riches et des puissants, et non pas que les petits producteurs prospèrent. »
En 2020, le think tank Oakland Institute publiait un rapport au titre éloquent (Driving Dispossession – The global push to “unlock the economic potential of land” ou « Accaparement en cours – le mouvement mondial pour déverrouiller le potentiel économique de la terre ») décrivant en détails ce mouvement des enclosures à échelle mondiale et d’une ampleur inégalée :
« […] les gouvernements, les entreprises et les institutions internationales “redoublent d’effort” pour exploiter plus de terres par le biais d’un discours basé sur des euphémismes. Il s’agit de convertir ces terres à un “usage productif”, le tout au nom du progrès économique et du “développement”. Pour attirer les investissements privés, les gouvernements commercialisent ainsi des centaines de millions d’hectares de terres en les présentant comme étant “disponibles” sans se soucier de ceux dont les moyens de subsistance en dépendent[87]. »
Pour en savoir plus à ce sujet, lire « Au nom du développement, un assaut mondial contre les communs[88]. »
En 2019, on dénombrait dans le monde en tout entre 200 et 500 millions de personnes pratiquant le pastoralisme, et des communautés pastorales existent dans 75 % des pays du monde[89]. Le rapport Pastoralism in Africa’s drylands (« Le pastoralisme dans les zones arides d’Afrique ») publié en 2018 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) déclare la chose suivante :
« S’étendant sur les terres arides de l’Afrique, de l’Ouest sahélien jusqu’aux pâturages de l’Afrique de l’Est et de la Corne de l’Afrique ainsi qu’aux populations nomades de l’Afrique australe, le pastoralisme est le principal mode de subsistance pour environ 268 millions de personnes. C’est l’une des options de subsistance les plus viables, et parfois la seule convenable dans les zones arides. Il contribue énormément au bien-être social, environnemental et économique dans les zones arides et au-delà. Le pastoralisme possède une capacité unique à créer de la valeur et convertir des ressources naturelles disponibles en quantités limitées, en viande, lait, revenus et moyens de subsistance[90]. »
D’un côté, un discours idéologique, s’apparentant à du fanatisme religieux, qui condamne l’élevage sous toutes ses formes pour sa consommation d’eau, ses émissions de CO2 ou la déforestation qu’il entraînerait systématiquement. De l’autre, la réalité : le pastoralisme est une stratégie de subsistance séculaire adaptée aux zones arides africaines. Les pasteurs nomades africains qui, comme le révèle le journaliste Fred Pearce dans un excellent article publié dans la revue Yale Environment 360, font paître leur bétail depuis des millénaires dans des pâturages partagés avec la faune sauvage[91]. En effet, avant la colonisation occidentale et l’implantation de l’industrie du safari touristique au Kenya et en Tanzanie, un parasitage qui bénéficie uniquement aux classes dominantes – descendants de colons blancs, agences de voyage, hôtels, compagnies aériennes, touristes occidentaux, sans oublier l’élite noire kenyane –, les bergers Maasaï suivaient les mêmes couloirs de migration que la faune sauvage. Désormais, les Maasaï n’ont plus accès à leurs terres ancestrales en raison de la prolifération des aires dites « protégées », ainsi ils deviennent peu à peu des citoyens de seconde zone sur leurs propres territoires. À la différence des sociétés civilisées organisées autour de centres urbains et administrées par un État, les sociétés pastorales ont largement démontré leur capacité à pouvoir coexister avec les autres espèces vivantes. Souhaiter les voir disparaître au nom de la cause animale, de la neutralité carbone et de l’écologie est d’une stupidité sans limite. L’antispécisme affiche un violent mépris pour la diversité humaine, et c’est probablement pour cette raison qu’il s’accorde si bien avec le progressisme suprémaciste et raciste de la civilisation industrielle. Une dernière chose au sujet du pastoralisme. Dans son livre Zomia ou l’art de ne pas être gouvernée, l’anthropologue James C. Scott s’intéresse aux derniers peuples autonomes – c’est-à-dire non assimilés et acculturés par l’État – des régions montagneuses d’Asie du Sud-Est. Il y décrit le « colonialisme interne » propre à la mécanique de l’État :
« La notion de colonialisme interne, au sens large du terme, décrit parfaitement ce processus [d’affaiblissement et de normalisation des communautés relativement autonomes et indépendantes] : elle renvoie à l’absorption, au déplacement et/ou à l’extermination des habitants d’une région donnée. Le colonialisme interne impliqua une « colonisation botanique » qui permit de transformer le paysage – déforestation, drainage, irrigation, construction de digues – afin d’adapter les cultures, les formes d’implantation et les systèmes d’administration à l’État et aux colonisateurs. Une manière d’évaluer l’effet de cette colonisation consiste à l’envisager comme un affaiblissement massif de tous les éléments de type vernaculaire : langues vernaculaires, peuples minoritaires, techniques agricoles vernaculaires, régimes fonciers vernaculaires, techniques de chasse, de récolte et d’exploitation forestière vernaculaires, religion vernaculaire, et ainsi de suite. La tentative pour normaliser la périphérie est considérée par les représentants de l’État « parrain » comme une manière d’apporter civilisation et progrès – le progrès étant par conséquent envisagé comme la diffusion importune des pratiques linguistiques, agricoles et religieuses du groupe ethnique dominant : les Hans, les Kinh, les Birmans ou les Thaïs. »
L’État exècre la diversité humaine, elle constitue une menace pour sa survie et un frein à son développement. Pour monter en puissance, depuis toujours l’État a dû homogénéiser les sujets habitant sa périphérie car celle-ci abritait des « populations fugitives et mobiles dont les modes de subsistance – cueillette, chasse, agriculture itinérante, pêche et pastoralisme – étaient fondamentalement inappropriables par l’État. » Toujours d’après James C. Scott, pour un « État agraire adapté à une agriculture sédentaire, ces régions ingouvernées et leurs populations étaient stériles sur le plan fiscal. » Ce même processus colonial contribue tout autant à l’expansion du marché mondial dans les zones vierge non encore infectée par la pandémie marchande.
Afin d’étendre constamment leur emprise sur leurs ressources humaines, les classes dominantes disposent de puissants alliés – les célébrités. Les grandes firmes utilisent constamment le capital sympathie et la notoriété des influenceurs, des vedettes du cinéma, de la télévision, des mannequins et des athlètes dans leur guerre idéologique contre la population. Pour vendre des produits, des programmes politiques ou un certain type d’écologie bien particulier – le capitalisme vert. Le nombre de célébrités communiquant – ou interviewées – sur leur régime végétalien ou végétarien atteste de la puissance financière à l’œuvre en arrière-plan. L’un des premiers à avoir compris l’immense pouvoir de persuasion des célébrités sur les masses fut le consultant en relations publiques états-uniens Edward Bernays, neveu de Sigmund Freud. D’après Wikipédia, « il est considéré comme le père de la propagande politique et d’entreprise, ainsi que de l’industrie des relations publiques, qui ont fortement contribué à développer le consumérisme américain. »
Depuis quelques années, on voit fleurir dans les médias des déclarations de célébrités en faveur de la cause animale et d’un changement des habitudes alimentaires :
« Si je devais choisir entre la musique et la cause animale, j’opterais pour la deuxième. […] Il y a tant de raisons de devenir végan, la santé humaine en fait partie[92]. »
– Moby, Huffington Post, 2018.
« Je suis végan depuis l’âge de 3 ans[93] »
– Joaquin Phoenix, France TV Info, 2019.
« J’essaye de devenir végane maintenant quand je suis à la maison. Je peux être plus ou moins entièrement végane. »
– Jane Goodall, végétarienne depuis des décennies, dans LIVEKINDLY (média végan).
« Vous pouvez décider de devenir végan pour des raisons de santé, pour des raisons environnementales, ou vous pouvez décider comme ma fille et moi que vous ne voulez plus manger de viande[94]. »
– Forest Whitaker, cité dans un tweet de PETA, 2019.
« Au cas où vous l’auriez manqué, Beyoncé et Jay‑Z ont offert des billets de concert gratuits à vie (enfin, pendant au moins 30 ans) aux fans qui s’engagent à devenir végétaliens (ou, du moins, à adopter un régime plus végétal)[95]. »
– Magazine Women’s Health, 2020.
« Natalie Portman se sent tellement investie par son véganisme qu’elle a produit et narré un documentaire sorti en 2018 intitulé Eating Animals[96]. »
– Magazine Women’s Health, 2020.
« Je suis devenue végétarienne[97] »
– Mélanie Laurent, Le journal du dimanche, 2015.
« Les Golden Globes 2020 seront 100 % végans (et DiCaprio est ravi)[98] »
– Huffington Post, 2020.
Il existe même des listes de célébrités véganes ou végétariennes mises en avant par la presse people : Lewis Hamilton, Venus et Serena Williams, Novak Djokovic, James Cameron, Mike Tyson, Ellen Page, Sandra Oh, Jared Leto, Reese Witherspoon, Chris Martin, Jessica Chastain, Pamela Anderson, Toby Maguire, Lambert Wilson, Mylène Farmer, etc[99].
La liste est sans fin.
Ajoutons au sujet de James Cameron qu’il a coproduit le court métrage documentaire Akashinga : la guerre de l’ivoire racontant le quotidien d’une unité anti-braconnage exclusivement féminine dans la brousse du Zimbabwe[100]. Damien Mander, australien blanc, vétéran de la guerre en Irak et végan, impose un régime végétalien à ses recrues, ou comment contaminer sournoisement le continent africain avec l’idéologie antispéciste[101] ; hymne grandiose à l’impérialisme occidental en Afrique, ce film a été diffusé en partenariat avec National Geographic. Dans sa conférence TEDx au storytelling bien léché, usant d’un ton larmoyant à faire pleurer dans les chaumières occidentales, Mander évoque longuement sa Révélation animaliste[102]. En revanche, rien sur la souffrance des 40 millions d’esclaves humains et des 152 millions d’enfants travaillant dans le monde, dont beaucoup en Afrique[103]. Rien non plus sur l’insécurité alimentaire chronique du Zimbabwe ni sur la corruption atteignant des niveaux stratosphériques dans ce pays[104]. En éclipsant peu à peu les dysfonctionnements majeurs de la société humaine et la souffrance bien réelle qui en résulte pour les humains, l’antispécisme s’avère très commode pour les classes dominantes.
Pour une analyse approfondie de l’influence nuisible de cette « culture de la célébrité », lire le texte « Les célébrités, leurs fondations et ONG, sont le masque souriant de la machine corporatiste[105] ». Dans ce contexte, il est navrant de voir tant de gens à gauche, même parmi les forces anticapitalistes, souscrire à cet idéal absurde et totalitaire d’une société antispéciste et végane.
« Je suis toujours gêné quand on parle de l’animal avec un A majuscule, parce qu’il y a tellement d’espèces d’animaux et que les défenseurs de la cause animale n’englobent implicitement sous ce terme que les animaux de compagnie et d’élevage les plus communs ou certains animaux emblématiques, du chimpanzé à la baleine en passant par le panda. On n’entend jamais parler d’une identification au ténia ou au hareng ! Il est vrai qu’avec les animaux de compagnie ou d’élevage, une coévolution de milliers d’années a permis la construction avec les humains d’un environnement partagé qui favorise l’empathie par la familiarité. Quant aux animaux emblématiques, ils ont des qualités particulières qui favorisent l’identification, notamment l’usage de systèmes de communication complexes, l’inventivité technique ou des comportements sociaux qui ressemblent à ceux des humains. Au fond, la gamme des animaux auxquels un urbain moderne s’identifie est relativement restreinte. Ce doit être une vingtaine ou une trentaine d’espèces peut-être, au grand maximum. L’idée finit par s’imposer que l’on peut communiquer avec ces espèces par-delà la barrière du langage articulé ; mais cela reste à démontrer car on ne sait au fond jamais véritablement s’il n’y a pas malentendu. C’est le cas de presque toute situation intersubjective de toute façon, mais augmenté du fait qu’aucune vérification n’est ici possible. C’est cette situation particulière qui a donné naissance à l’idée que certaines espèces étaient proches des humains, dans tous les sens du terme – parce qu’ils vivaient dans leur milieu, dans leur dépendance, et qu’ils avaient certaines dispositions analogues – et qu’il était donc légitime qu’on leur donne des droits. Je pense que nous sommes dans une situation où il faudrait prendre en compte le plus grand nombre possible de non-humains qui jouent un rôle dans notre vie sociale, du climat aux virus. Je pense que donner des droits à quelques-uns parce qu’ils nous ressemblent ne fait que reconduire la conception moderne, fondée sur la distinction entre nature et culture, en étendant un petit peu à des représentants choisis de la nature les privilèges dont jouissent les êtres de culture. Or, reconduire la situation moderne, fondée sur l’idée d’un sujet humain détenteur de droits, l’individualisme possessif tel que l’a défini Crawford Brough Macpherson par exemple, et étendre cela à certains types de non-humains, me semble intellectuellement paresseux et pas du tout à la hauteur des circonstances[106]. »
– Philippe Descola, anthropologue.
Au fond, l’antispécisme, c’est un truc d’urbain progressiste, individualiste et narcissique au possible, le pur produit d’une existence hors-sol complètement déconnectée de la nature sauvage. Plutôt que d’élever l’humanité vers l’animalité, l’antispécisme détruit l’animalité. Autrefois cette culture arrogante se lançait dans une mission civilisatrice des sauvages humains au nom de leur bien-être, bientôt elle civilisera les animaux sauvages au nom du bien-être animal. Il s’en suivra une domestication totale du monde sauvage, ou du moins ce qu’il en restera. Ce chemin, cette civilisation l’a déjà bien emprunté.
Domestiquer la nature sauvage au nom du bien-être animal
« Les sanctuaires pour animaux ne sont guère plus qu’une distraction. »
– Pride Lion Conservation Alliance, Mongabay, 2021.
La domestication de la vie sauvage s’accélère. C’est le constat malheureux fait en Afrique par une équipe de six femmes – Amy Dickman, Colleen Begg, Shivani Bhalla, Alayne Cotterill, Stephanie Dolrenry, and Leela Hazzah –, toutes conservationnistes de terrain, qui ont rassemblé leurs forces au sein de la Pride Lion Conservation Alliance. Selon elles, « les sanctuaires pour animaux ne sont guère plus qu’une distraction » menaçant le maintien des équilibres écosystémiques et la diversité biologique, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des aires protégées. La pression croissante exercée par la société du spectacle (télévision, réseaux sociaux, célébrités, ONG), capitalisant sur des images émouvantes pour abêtir l’audience, neutraliser toute réflexion critique et surtout faire ouvrir le porte-monnaie, conduit à « aseptiser la nature », à veiller au bien-être individuel des animaux au détriment de la conservation des processus écologiques globaux :
« Si des animaux sauvages sont blessés ou souffrent de causes naturelles – même dans des zones supposées sauvages comme les parcs nationaux – on a de plus en plus tendance à se précipiter pour les soigner, sans doute pour éviter de contrarier les touristes ou de risquer une condamnation sur les médias sociaux.
Des animaux jeunes ou blessés peuvent être « sauvés » par des personnes, des actes de bonté pouvant les condamner à une vie (souvent misérable) en captivité. Cela n’a pas seulement un impact sur ces animaux, mais aussi sur l’écosystème et la sélection naturelle.
Il est alarmant de constater que les centres de « sauvetage » sont de plus en plus perçus par le public comme jouant un rôle important dans la conservation : cette idée est amplifiée par les médias, où de belles images montrant des humains aux petits soins avec des animaux sauvages suggèrent que cela contribue à la sauvegarde des espèces. Cependant, ces lieux nécessitent des fonds importants de la part des donateurs et peuvent amplifier les conflits, car les populations locales voient le bien-être des animaux sauvages passer avant leurs besoins.
Il existe également un risque de voir les « orphelinats » et autres établissements de ce type devenir des entreprises viables. Des animaux sauvages pourraient alors être accueillis sans raison valable, ce qui porterait atteinte à la vie sauvage. Et si les « sanctuaires » peuvent jouer un rôle dans le bien-être des animaux, il est rare (et souvent peu judicieux) que des espèces comme les lions soient relâchées dans la nature après avoir été en captivité, particulièrement en raison du risque de conflit homme-animal avec des animaux habitués à un contact rapproché avec les humains. En fin de compte, ces lieux ne sont guère plus qu’une distraction : si nous voulons sauver les espèces sauvages de grands félins, nous devons nous concentrer sur la conservation des animaux sauvages et des lieux sauvages avec les personnes qui partagent leurs paysages[107]. »
Les interventions intempestives en faveur du bien-être animal se multiplient partout dans le monde en raison de la tyrannie des médias sociaux. En 2019, le centre africain de journalisme d’investigation environnementale Oxpeckers racontait comment le gouvernement namibien, sous la pression médiatique, avait procédé à l’abattage et au déplacement de plusieurs hyènes s’attaquant à des chevaux semi-sauvages introduits par l’humain il y a un siècle[108]. Dans une tribune parue en 2020 dans la revue scientifique The Conversation, plusieurs chercheurs dénonçaient la « conservation compassionnelle » qu’ils définissent de cette manière :
« Ce mouvement vise à accroître les niveaux de compassion et d’empathie dans le processus de gestion, en trouvant des solutions de conservation qui minimisent le mal fait aux animaux sauvages [pris individuellement]. Parmi leurs idées, les défenseurs de la conservation compassionnelle affirment qu’aucun animal ne devrait être tué au nom de la conservation[109]. »
Bien entendu, la compassion n’est pas mauvaise en soi, mais force est de constater que certaines personnes opportunistes instrumentalisent l’empathie du public pour en tirer divers avantages – notoriété, dons, publicité, etc. Les inquiétudes de la Pride Lion Conservation Alliance sont parfaitement fondées, il suffit de lire les propos du célèbre conservationniste Richard Leakey dans un entretien paru début 2020 dans le magazine American Scientist :
« Les humains ont pratiqué l’élevage de volailles, de moutons, de chèvres et de bovins depuis des temps anciens, et il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas considérer la faune sauvage comme quelque chose qui doit être géré de manière intensive. Nous devons contrôler la diversité génétique et la santé des animaux. Nous devons gérer la possible interruption de la relation prédateur-proie. Il y a beaucoup de choses que nous devons faire. Et nous sommes forcés de le faire.
Éthiquement cela ébranle l’histoire de la conservation, mais je crains que si nous voulons garder certains de ces parcs, il va falloir s’occuper des animaux convenablement, et cela veut dire investir de l’argent dans la gestion et réduire les problèmes qu’ils causent. La présence de la faune sauvage en dehors des parcs va devenir très discutable. »
Se dessine alors une synergie potentielle entre l’élite traditionnelle de la conservation et le mouvement animaliste faisant passer le bien-être individuel avant celui de la communauté animale. On reconnaît là les processus à l’œuvre au sein du capitalisme libéral agissant comme une sorte de machine à extraire les individus de leur milieu naturel pour les priver de leur autonomie et les isoler les uns des autres en cloisonnant. Ces cloisons sont à la fois physiques (murs, clôtures) et immatérielles (individualisme, narcissisme). Détruire le tissu social et l’autonomie d’une communauté est une condition nécessaire au maintien de la croissance économique, car l’économie croit en phagocytant de nouvelles ressources vivantes. Elle se comporte tel un parasite, vampirisant la vie de ses hôtes, suçant leur fluide vital jusqu’à la dernière goutte. Vidés de leur essence primordiale, privés de leur animalité, les individus ainsi domestiqués et recrachés à la chaîne par le système marchand sont inaptes à faire société. Le résultat mène irrémédiablement à la destruction de la communauté vivante, qu’elle soit humaine ou non-humaine.
Revenons un instant sur Richard Leakey, car son profil est intéressant à plus d’un titre. Né au Kenya, descendant d’un colon missionnaire, Richard Leakey a construit sa renommée internationale grâce à ses découvertes archéologiques et en tant que grand défenseur de la faune africaine. Il fut président du Kenya Wildlife Service, l’organisme en charge de la gestion des parcs nationaux kenyans. En 1989, il a fait la une des médias de masse dans le monde entier pour avoir pris la décision de brûler les stocks d’ivoire de l’Etat kenyan. Ce fut aussi l’un des principaux avocats de l’interdiction du commerce international d’ivoire, un bannissement qui n’a en rien endigué l’hécatombe chez les pachydermes africains massacrés à un rythme de 10 000 à 15 000 individus par an d’après le journal The Guardian[110]. Selon les sources, ce chiffre peut monter annuellement à plus de 30 000 éléphants (l’African Wildlife Foundation parle de 35 000[111]), preuve qu’en vérité, personne ne connaît le nombre exact.
Richard Leakey enseigne aujourd’hui l’anthropologie à la Stony Brooke University de New York. En 2004, il a fondé l’ONG Wildlife Direct[112] pour « éduquer » la jeunesse kényane qui méprise aujourd’hui la faune grâce au fabuleux travail des organisations philanthropiques et des grandes ONG occidentales œuvrant à la conservation de la nature depuis plus d’un siècle, un travail comprenant l’expulsion systématique des populations locales de leurs terres ancestrales, l’interdiction de pratiquer la chasse traditionnelle, le pastoralisme, la cueillette, et la privatisation d’immenses espaces réservés à l’industrie touristique occidentale. Mordecai Ogada, conservationniste kenyan et consultant pour Survival International, s’attaque régulièrement à cette ONG, en particulier à sa patronne Paula Kahumbu pour sa stigmatisation des populations rurales qui refusent le modèle conservationniste dominant imposé à l’époque coloniale par les blancs. Voilà à quoi servent la construction d’écoles et, de manière générale, l’éducation en Afrique – à domestiquer les populations pour leur faire accepter docilement spoliations et persécutions durables héritées de la colonisation. Les élites noires du pays n’ont en effet nullement l’intention d’abandonner la manne touristique qui s’élève à plus d’1,5 milliard de dollars chaque année, soit « l’une des principales sources de devises extérieures » du pays selon Reuters[113]. Pour terminer sur ce bon vieux Richard Leakey, sachez qu’il compte parmi les « Parrains de la Nature » de la mafia nommée Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) dont nous avons déjà parlé plus haut. Il trône aux côtés de la vermine aristocratique (Prince Albert II de Monaco, Sa majesté la reine Noor Al Hussein, le prince Carl Philip de Suède) et d’ultrariches tels Andrew Forrest, fondateur et président du géant minier Forescue Metals Group dont les activités consistent entre autres à détruire la vie des aborigènes australiens, ou encore Frank Mars, héritier de la richissime famille propriétaire du groupe éponyme, géant mondial de l’industrie agroalimentaire[114].
Peut-on encore vraiment parler d’animaux « sauvages » dans le cas des parcs décrits par Richard Leakey ? Pas vraiment. Des animaux privés de liberté de mouvement et dépendants des humains pour assurer leur survie, cela ressemble fortement à des animaux domestiques, voire à des animaux de ferme exploités pour en extraire une valeur ajoutée. Cette domestication du monde sauvage, c’est ce que prône par exemple le mouvement RWAS pour Reducing Wild Animal Suffering (« Réduction de la souffrance des animaux sauvages »). C’est également une idée défendue par l’antispéciste notoire Thomas Lepeltier dans une conférence intitulée « Faut-il sauver la gazelle du lion[115] ? ». Croyez-le ou non, cet hurluberlu veut faire manger des steaks végans aux lions de la savane africaine. Les industriels se frottent déjà les mains.
Thomas Lepeltier défend une interprétation radicale de l’antispécisme et, bien qu’il ne fasse pas l’unanimité au sein de la sphère animaliste, ses idées s’accordent à merveille avec le technocapitalisme de la Silicon Valley. Il prétend par exemple que « pour un antispéciste, se dire écologiste reviendrait un peu à se tirer une balle dans le pied[116] », car une espèce, une forêt, une rivière, une montagne, ou même la planète, ne sont pas des êtres doués de sensibilité. Leur destruction ne pose par conséquent aucun problème selon lui. Il défend également dans un article intitulé « Se soucier des animaux sauvages » un interventionnisme forcené dans les habitats naturels pour stopper la souffrance chez les animaux sentients[117]. Toujours dans la revue antispéciste L’Amorce, il a publié en 2018 un article titrant « Pour en finir avec la vie ! » où il détaille pourquoi « défendre les animaux au nom du respect de la vie, du vivant et de la planète est problématique[118]. » On ne remerciera peut-être jamais assez Thomas Lepeltier de révéler le vrai visage de l’antispécisme, une idéologie dérivée du néolibéralisme qui s’apparente furieusement à une négation du vivant. Le système technologique ayant pour ennemi principal la vie sur Terre, on devine aisément la suite.
Pour finir là-dessus, examinons ce qu’un Lepeltier publie sur Facebook :
« Patrick Brown, le pdg de “Impossible Foods”, a un objectif : mettre fin aux industries de la viande et du poisson d’ici 2035, en remplaçant leurs produits par de la viande et du poisson à base de plantes génétiquement modifiées. Finis donc l’élevage et la pêche. 😀 Voilà le genre de beaux projets que l’on peut développer en misant sur des innovations technologiques, du capitalisme financier et des marchés en croissance. 🍾 À côté de cela, il y a les Aurélien Barrau, Pablo Servigne et autres collapsologues qui invitent la population à rejoindre les Zad, à jouer de la guitare autour d’un feu de camp et à réciter de la poésie pour être en communion avec la nature. ☹️ Je ne sais pas pourquoi, mais le projet de Patrick Brown me paraît plus prometteur pour “protéger la planète”. 😂[119] »
D’après un article de Reuters publié au mois d’avril 2021, Impossible Foods se prépare à entrer en bourse. Sa valorisation anticipée par les analystes ? 10 milliards de dollars[120]. Parmi les investisseurs déjà aux manettes, on trouve le fonds Khosla Ventures spécialisé dans les biotechnologies, l’Internet et la robotique, le fonds Horizons Ventures se concentrant sur des startups de rupture axées sur la technologie, ainsi que Serena Williams et Jay‑Z, la star du tennis et le rappeur déjà évoqués plus haut pour leur propagande en faveur des alternatives végétales. Mais là n’est peut-être pas le plus fou dans cette histoire. Les antispécistes, ces progressistes portant fièrement l’étendard de la libération animale, travaillent en réalité à l’asservissement total du monde animal par le système technologique, pour une exploitation durable. Un comble.
Cause animale, le catalyseur de la transition agro-industrielle
Cette propagande bien huilée en faveur de la cause animale ne suffira pas à elle seule pour modifier des habitudes culturelles bien ancrées comme la consommation de viande, d’œufs et de poisson. Les entrepreneurs végans ont longuement étudié la chose, à l’image d’Ethan Brown, fondateur de Beyond Meat, une firme industrielle végane cotée au NASDAQ dont la capitalisation boursière s’élève à 9 milliards de dollars :
« Nous avons commencé par reconnaître que la viande fait partie de notre culture, et puis nous nous sommes demandés : est-ce que la viande a vraiment besoin de provenir des animaux ? La réponse à cette question est non, vous pouvez l’obtenir à partir des plantes et cela vous donne une opportunité fantastique pour innover. C’est vraiment excitant. Prenez par exemple votre Iphone qui tient dans la poche, c’est toujours un téléphone. Sauf qu’il est très différent du téléphone fixe, il est fabriqué et utilisé différemment, mais cela reste un téléphone. Et il a remplacé le téléphone fixe. Pouvons-nous avoir ce type d’impact avec la viande végétale ? […] Si les gens ont grandi en se régalant de saucisses, nous voulons être certains de les aborder avec amour et respect, en leur proposant un produit au goût délicieux. Il y a littéralement plus de 1 000 molécules donnant à la viande sa saveur caractéristique, alors le jeu consiste à trouver des molécules similaires ou les mêmes molécules chez les plantes, puis de les combiner d’une certaine manière pour copier le goût de la viande. Chaque année, nous nous rapprochons de l’objectif[121]. »
On en salive déjà.
Dans un article titrant « Pourquoi le prix et non la gentillesse vont mettre fin à l’élevage » paru sur le site Plant Based News, Alex Lockwood éclaire notre lanterne. La production des substituts végétaux à très grande échelle, ainsi que les développements biotechnologiques réguliers, vont permettre aux industriels de proposer une viande végétale au-dessous du prix de la viande animale. La tyrannie du marché s’apprête à porter le coup de grâce à l’élevage sous toutes ses formes, industriel et paysan. Ceux qui souffriront le plus des conséquences de cette guerre alimentaire seront comme toujours les petits producteurs locaux. Il subsistera probablement une production de viande artisanale, mais les prix risquent très certainement d’exploser, si bien que seuls les riches y auront accès. Ce sujet a déjà été abordé en détails dans l’article « L’avenir sera végan, que ça vous plaise ou non[122] ». Nous ne reviendrons donc pas ici en détails sur la « seconde domestication » des plantes et des animaux rendue possible par le développement des biotechnologies.
Le site Plant Based News indique par ailleurs que les lobbys de l’agroalimentaire européen – notamment l’industrie laitière – résistent à l’invasion des rayons des supermarchés par les substituts végétaux :
« C’est également la raison pour laquelle le lobby laitier européen tente d’empêcher la vente de produits d’origine végétale dans des emballages “laitiers”. Si les fournisseurs de produits d’origine végétale doivent utiliser des emballages différents, cela pourrait rendre les alternatives végétales plus difficiles à produire et, surtout, plus chères à acheter[123]. »
Et devinez sur qui se sont appuyés les industriels végans pour contre-attaquer ? Sur leur communauté de fanatiques ! La marque Oatly a ainsi fait tourner une pétition, relayée en suivant par d’autres marques véganes. En janvier, la pétition avait recueilli 16 000 signatures. Le 8 juin, ce chiffre s’élevait à plus de 450 000[124]. Comme le rappelle à juste titre Derrick Jensen, cofondateur de Deep Green Resistance, dans le documentaire Bright Green Lies, le monde des affaires a réalisé un véritable tour de force marketing en capturant les aspirations des gens, chose grandement facilitée par le parasitage technologique de la vie humaine – écrans, Internet et réseaux sociaux :
« Des centaines de milliers de personnes défilent dans les rues de Washington, New York ou Paris. Et si vous leur demandez : pourquoi manifestez-vous ? Elles vous diront : nous voulons sauver la planète. Si vous leur demandez leurs revendications, elles vous diront : nous voulons des subventions pour les industries éolienne et solaire. C’est extraordinaire. Je ne connais aucun autre exemple historique de mouvement de masse aussi intégralement détourné et changé en lobby pro-industrie. »
À cause du matraquage crétinisant des ONG, des influenceurs et des médias, le même sketch pathétique se déroule à nouveau sous nos yeux entre d’un côté des industries montrées du doigt (charbon, pétrole, gaz), et de l’autre, les industries éolienne et solaire érigées en bienfaitrices du monde et de l’humanité. Dans l’arène alimentaire, l’élevage a pris la place des carburants fossiles en tant que bouc émissaire. Mais cette opposition est factice, elle n’existe que dans l’imaginaire des consommateurs, les dominants l’ont construite de toutes pièces. Tout le secteur agro-industriel – dont les géants de la viande industrielle – investissent massivement dans les biotechnologies afin de produire à terme des substituts végétaux à la viande et de la viande artificielle. La même chose se produit chez les majors du pétrole. Total investit par exemple massivement dans la capture du carbone pour « décarboner l’industrie » et stocker 2,4 milliards de tonnes de CO2 d’ici 2040[125]. Et d’après le magazine Capital, « Total continue d’accélérer dans l’énergie photovoltaïque ! Le géant du pétrole et des énergies renouvelables a acheté au groupe indien Adani 20% dans Adani Green Energy Limited (AGEL), premier développeur solaire au monde[126]. » Même scénario pour l’industrie agroalimentaire. L’Empire Unilever a par exemple investi 85 millions d’euros pour construire un centre de recherche sur les alternatives à base de plantes dans la « Silicon Valley of Food », à Wageningen aux Pays-Bas[127]. Des mastodontes états-uniens de la viande industrielle comme Tyson Foods et Cargill ont investi dans Memphis Meat, une startup fabriquant de la viande à partir de cellules cultivées en machine. Tyson a également investi dans Beyond Meat (déjà évoquée plus haut) et Future Meat Technologies Ltd. Même chose pour Perdue Farms qui cherche à diversifier ses activités. L’ensemble du secteur agro-industriel a déjà bien entamé sa mutation[128]. Klaus Schwab, patron du Forum Économique Mondial, parle de « quatrième révolution industrielle[129] ».
Dans sa conclusion, un article du média Vox enfonce le clou sur la collaboration fructueuse entre géants de la viande industrielle et startups véganes :
« Dans l’ensemble, […] les entreprises spécialisées dans les produits alternatifs à la viande ont bien accueilli leurs nouveaux alliés improbables. Il s’agit d’un signe supplémentaire signifiant que le mouvement animaliste est en train de comprendre comment se démocratiser : en construisant une coalition autour de tous les problèmes de l’élevage industriel et en s’engageant de manière flexible dans tous les partenariats qui ont un sens pour un avenir sans viande[130]. »
Au risque de décevoir les lecteurs qui espéraient naïvement voir les industriels végans suivre une quelconque éthique, rappelons la chose suivante : le monde des affaires est amoral. L’éthique sert seulement d’appât dans une stratégie marketing bien ficelée pour faire cracher le pognon au chaland. Si collaborer avec les crapules de la pire espèce – tueurs de masse, violeurs, dictateurs, esclavagistes – peut aider une firme à accroître son pouvoir, elle le fera sans aucune hésitation. Les exemples ne manquent pas.
Selon le sociologue états-unien Charles Derber, la société industrielle, ses règles et ses valeurs, sont sociopathiques :
« Une société sociopathe est une société qui développe des règles de comportement anti-sociétal. L’ensemble de notre structure est conçue pour nous concentrer sur la biologie et les personnalités, et non sur les institutions. Nous voyons des individus, nous ne voyons pas de systèmes.
[…]
Dans mon livre, Sociopathic Society, je soutiens que la diffusion intense et effrayante du comportement sociopathique provient des grandes entreprises, qui sont fondamentalement des sociopathes dans leur ADN, leurs statuts, sur le marché au sens plus large et dans l’économie politique dans laquelle elles opèrent.
[…]
Le comportement sociopathique ne provient pas d’une chimie cérébrale qui aurait mal tourné, mais du triomphe d’un système sociopathique d’institutions et d’élites qui ont réécrit les normes sociales, réécrit la loi, reconfiguré l’arène du pouvoir institutionnel de manière si extrême qu’elles ont créé une société dans laquelle les normes de comportement dominantes exigent une conduite de sociopathe pour survivre[131]. »
Retour aux alternatives végétales à la viande pensées et fabriquées par d’authentiques sociopathes. Ces dernières sont actuellement 200 % plus onéreuses par rapport à la viande, et cela constitue un frein important au développement de l’industrie végane. Bill Gates, qui a lui aussi investi dans Beyond Meat, a encouragé récemment les gens à se tourner vers des produits à base de plantes :
« Réduire vos propres émissions de carbone n’est pas la chose avec le plus d’impact vous puissiez faire. Vous pouvez également envoyer un signal au marché indiquant que les gens veulent des alternatives sans carbone et sont prêts à payer pour cela.
[…]
Lorsque vous payez plus cher pour une voiture électrique, une pompe à chaleur ou un hamburger à base de plantes, c’est comme de dire “il y a un marché pour ces produits. Nous allons les acheter.” »
Plus loin, le milliardaire poursuit :
« Si un nombre suffisant de personnes envoie le même signal, les entreprises réagiront – assez rapidement, d’après mon expérience. Elles consacreront plus d’argent et de temps à la fabrication de produits à faibles émissions, ce qui fera baisser les prix de ces produits, ce qui les aidera à être adoptés en grand nombre. »
Et les investisseurs – dont Bill Gates – seront tout naturellement heureux d’accumuler davantage d’argent et de pouvoir grâce à votre implication pour la supercherie du siècle qu’est la neutralité carbone :
« Les investisseurs seront plus confiants dans le financement des nouvelles entreprises qui réalisent les percées qui nous aideront à atteindre la neutralité carbone[132]. »
Neutralité carbone ou comment achever la biosphère
En consommant végan ou « neutre en carbone », la seule chose dont vous pouvez être certain, c’est d’engraisser Bill Gates et ses copains ultrariches – Jeff Bezos, Xavier Niel, Richard Branson, Peter Thiel, Elon Musk, Reid Hoffman et bien d’autres – qui ont tous investi dans des startups véganes[133]. Pour ce qui est de sauver la planète, rien n’est moins sûr. Servant admirablement l’accélération du développement technocapitaliste, la neutralité carbone a déclenché une course à l’extraction de métaux sans précédent dans l’histoire. Selon la Banque Mondiale, pour répondre à la demande internationale, il faudra extraire 550 millions de tonnes de cuivre dans les 25 prochaines années, soit une quantité équivalente à la production des 5 000 ans passés[134]. Et il ne s’agit que du cuivre. La production de lithium devra croître de 965 % d’ici 2050 pour satisfaire la demande ; celle de cobalt de 585 % ; celle de graphite de 383 % ; celle d’indium de 241 % ; quant à la production de nickel, cette croissance est estimée à 108 %, principalement en raison du stockage de l’énergie (74 % de la demande en 2050), mais le nickel est aussi indispensable à la production de nombreux alliages, à commencer par certains aciers.
Pour remplir leurs objectifs et sécuriser l’approvisionnement des métaux indispensables à la croissance du système technologique, les fêlés au pouvoir sont déterminés à miner les fonds marins de l’Océan Pacifique (deep-sea mining). Selon l’UICN, ce carnage est justifié, puisqu’il s’agit de développer des technologies dites « vertes » :
« Les gisements minéraux des grands fonds suscitent un intérêt croissant. Cela est dû en grande partie à l’épuisement des gisements terrestres de métaux tels que le cuivre, le nickel, l’aluminium, le manganèse, le zinc, le lithium et le cobalt, ainsi qu’à la demande croissante de ces métaux pour produire des applications de haute technologie telles que les smartphones et les technologies vertes comme les éoliennes, les panneaux solaires et les batteries de stockage électrique. »
Les connaissances scientifiques sur les plaines abyssales situées entre 3 500 et 6 000 mètres de profondeur sont anecdotiques, ce qui rend difficile d’évaluer l’impact potentiel de ces extractions :
« Comme les grands fonds marins restent peu étudiés et mal connus, notre compréhension de leur biodiversité et de leurs écosystèmes présente de nombreuses lacunes. Il est donc difficile d’évaluer de manière approfondie les impacts potentiels de l’exploitation minière en eaux profondes et de mettre en place des mesures de sauvegarde adéquates pour protéger le milieu marin. »
Les engins raclant le plancher pourraient détruire des habitats, éradiquer des espèces dont ne connaît pas l’existence, ou encore conduire à une fragmentation ou à une perte de structure et de fonctionnalité de l’écosystème. Certaines techniques d’extraction vont créer d’immenses panaches de particules en suspension qui pourraient se disperser bien au-delà de la zone d’extraction. Personne ne sait combien de temps ils mettront à se redéposer, ni s’ils pourraient étouffer les espèces vivantes qui dépendent d’une eau claire et propre pour se nourrir (krill, requins-baleines). Et l’UICN d’ajouter :
« Les espèces telles que les baleines, les thons et les requins pourraient être affectées par le bruit, les vibrations et la pollution lumineuse causés par les équipements miniers et les navires de surface, ainsi que par les fuites et déversements potentiels de carburant et de produits toxiques. »
Mais les conséquences du deep-sea mining ne vont pas se limiter au niveau local. Interviewé dans le documentaire La ruée vers les fonds marins du Pacifique, Matthias Haeckel, chercheur au centre GEOMAR Helmholtz pour la recherche océanique, déclare :
« Le plancher océanique, surtout celui des abysses qui représente une immense surface, est le moteur principal du cycle mondial du carbone. C’est lui qui équilibre notre climat à une échelle temporelle d’environ 100 000 ans. À cela s’ajoute un 2ème cycle que l’exploitation des nodules [polymétalliques] risque également de perturber, qui est celui de l’oxygène. Les sédiments marins régulent le taux d’oxygène, et là, il s’agit d’un cycle sur plus de deux millions d’années. »
Rien de suffisamment alarmant là-dedans pour tout stopper selon l’UICN :
« Des évaluations des incidences sur l’environnement, une réglementation efficace et des stratégies d’atténuation sont nécessaires pour limiter les effets de l’exploitation minière profondes[135]. »
L’Union internationale pour la conservation de la pègre précise en outre qu’il faut encourager un meilleur design des produits, recycler, réparer et réutiliser les appareils. L’économie circulaire, c’est important pour laver durablement le cerveau des consommateurs. Les responsables de l’UICN sont pleinement conscients des désastres à venir, mais il faut quand même y aller. Le progrès de la civilisation, ça ne se discute pas ! D’après Reuters, l’exploitation minière du plateau continental norvégien est imminente[136]. Selon le site Mining Technology, l’entreprise Debmarine Namibia, possédée à parts égales par le gouvernement et le conglomérat diamantaire sud-africain De Beers, extrait déjà des diamants au large des côtes namibiennes depuis 2002[137]. Charles Derber avait vu juste, les institutions et leurs dirigeants sont des psychopathes. Ajoutons que l’attention concentrée sur la transition carbone et la production énergétique éclipse aussi les besoins annuels en sable et gravier de la civilisation industrielle. D’après l’ONU, la demande se situerait entre 40 et 50 milliards de tonnes par an, un chiffre en augmentation annuelle de 5,5 % en raison de l’urbanisation galopante et du développement des infrastructures[138].
Le rapport Perspectives des ressources mondiales de l’ONU publié en 2019 ajoute au sujet des minéraux non métalliques (sable, gravier et argile) :
« Entre 1970 et 2017, l’utilisation s’est accrue, passant de 9 à 44 milliards de tonnes, et représente un déplacement important de l’extraction mondiale de la biomasse vers les minéraux. »
Sur l’eau :
« Les prélèvements d’eau au niveau mondial pour l’agriculture, l’industrie et les communes ont augmenté à un rythme plus rapide que celui de la population humaine dans la seconde moitié du XXe siècle. Entre 1970 et 2010, le taux de croissance des prélèvements a ralenti, mais augmente toujours de 2 500 à 3 900 km³ par an. Entre 2000 et 2012, 70 pour cent des prélèvements d’eau au niveau mondial ont servi à l’agriculture, principalement à l’irrigation, tandis que les industries ont prélevé 19 pour cent et les communes 11 pour cent. »
Près de 90 % de l’eau pillée dans le monde l’est donc pour l’agriculture industrielle et les industries.
Sur les métaux :
« Une croissance annuelle de 2,7 pour cent de l’utilisation des minerais métalliques depuis 1970 reflète l’importance des métaux dans la construction, les infrastructures, la fabrication et les biens de consommation. »
Sur les combustibles fossiles :
« L’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz naturel est passée de 6 milliards de tonnes en 1970 à 15 milliards de tonnes en 2017, mais la part de l’extraction totale au niveau mondial a diminué de 23 à 16 pour cent. »
Les États-Unis, la Norvège, la Finlande, la Chine, la Russie, tous les États industrialisés n’attendent qu’une chose : la fonte de l’Arctique pour aller y chercher les gigantesques ressources pétrolières et gazières estimées respectivement à 13 % (90 milliards de barils) et 25 % des réserves mondiales[139].
Sur la biomasse :
« La demande totale de biomasse a augmenté, passant de 9 milliards de tonnes en 1970 à 24 milliards de tonnes en 2017, surtout dans les catégories récolte et pâturage. »
Au total, l’extraction de matériaux a été multipliée par trois en quelques décennies seulement :
« Entre 1970 et 2017, l’extraction annuelle de matières au niveau mondial a triplé, passant de 27 à 92 milliards de tonnes, et continue d’augmenter. Depuis l’an 2000, la croissance des taux d’extraction s’est accélérée, atteignant 3,2 pour cent par an, imputable en grande partie à d’importants investissements dans les infrastructures et à l’amélioration du niveau de vie matériel dans les pays en développement et en transition, notamment en Asie[140]. »
Ils font bien de préciser niveau de vie « matériel », car la corrélation positive établie par les technocrates entre niveau de bien-être et accumulation matérielle est un mensonge ; elle ne se matérialise pas dans la vie réelle. Si les gens étaient heureux dans l’Occident civilisé, l’industrie du développement personnel ne pèserait pas 38 milliards de dollars aux États-Unis[141], et la consommation d’antidépresseurs n’exploserait pas dans tous les pays progressistes[142]. La plupart des sociétés non civilisées combattent à raison l’accumulation matérielle, par exemple les Hadzabe de Tanzanie[143].
Devenus hégémoniques avec une capitalisation boursière cumulée qui a dépassé les 5 000 milliards de dollars en 2020 (« la capitalisation seule d’Apple [2 256 milliards de dollars] dépasse la valeur cumulée des entreprises de la place boursière française » annonce le magazine LSA[144]), les GAFA se parent de toutes les vertus quand il s’agit de décarboner la société techno-industrielle. Et pourtant, « le numérique carbure au charbon » d’après Le Monde Diplomatique. L’industrie numérique représente déjà 4 % de la consommation d’énergie primaire mondiale, et cette consommation croît à un rythme de 9 % par an. Les datacenters d’Amazon situés en Virginie, où transite environ 70 % du trafic Internet mondial, carburent principalement au charbon des montagnes Appalaches extrait en écrêtant les sommets à l’explosif. À cette expansion de la gangrène technologique va s’ajouter une forte hausse des émissions de GES, car « un projet standard d’apprentissage automatique émet aujourd’hui, pendant l’ensemble de son cycle de développement, environ 284 tonnes de CO2, soit cinq fois les émissions d’une voiture de sa fabrication jusqu’à la casse. »
D’après le chercheur Carlos Gomez-Rodrigues :
« La majorité des recherches récentes en intelligence artificielle négligent l’efficacité énergétique, parce qu’on s’est aperçu que de très grands réseaux de neurones [plus énergivores] sont utiles pour accomplir une diversité de tâches, et que les entreprises et les institutions qui ont accès à d’abondantes ressources informatiques en tirent un avantage concurrentiel[145]. »
Les GAFAM n’ont par conséquent aucun intérêt à mettre au point des technologies sobres. Pour conclure sur ce point, précisons que Microsoft, Amazon et Google ont pour clientes la plupart des majors pétrolières (Total, Chevron, BP, Exxon, etc.).
La société industrielle consume littéralement notre planète vivante pour exécrer en fin de chaîne de la matière inerte, morte. D’après une étude publiée le 9 décembre 2020 dans la revue Nature, la masse « anthropogénique », ou plutôt industrielle puisque découlant exclusivement de l’appareil productif industriel – constructions et infrastructures principalement –, est aujourd’hui équivalente à la biomasse terrestre vivante estimée à 1,1 tératonne, soit 1 100 milliards de tonnes. Dans les deux cas, il s’agit de la masse « sèche », c’est-à-dire excluant l’eau. Selon les auteurs, la masse anthropogénique « est définie comme la masse incorporée dans les objets solides inanimés fabriqués par l’homme (qui n’ont pas été démolis ou mis hors service, que nous définissons comme “déchets de masse anthropique”) ». On y trouve l’ensemble des matériaux utilisés par le secteur du BTP et l’industrie : béton, agrégats, briques, métaux, bois utilisé pour l’industrie papetière, ou encore verre et plastique. Les auteurs de l’étude estiment également que la seule masse du plastique sur Terre (déchets compris) excède celle de tous les animaux terrestres et marins.
Cette démence nommée progrès ne s’arrêtera pas d’elle-même. Il faudra intervenir, puisqu’un autre objectif dissimulé derrière cette volonté de convertir au végétalisme l’humanité entière est de libérer du pouvoir d’achat grâce à l’innovation technologique, pour stimuler la croissance, donc extraire plus de matériaux et accélérer la dévastation du monde. Selon le think tank RethinkX, auteur du rapport Repenser l’alimentation et l’agriculture 2020–2030 – La seconde domestication des plantes et des animaux, la disruption de la vache, et l’effondrement de l’élevage industriel :
« La famille américaine moyenne économisera plus de 1 200 dollars par an en frais d’alimentation. Cela permettra aux Américains de conserver 100 milliards de dollars supplémentaires par an dans leurs poches d’ici 2030[146]. »
Le surplus ainsi dégagé pour les ménages peut être dépensé pour consommer plus.
Consommer ou combattre
« Ils veulent nous faire croire que nos choix de consommation sont le seul moyen que nous avons de changer les choses. Si nous acceptons cela, ils gagnent. Nous voilà réduits au statut de consommateurs. On ne devrait pas se laisser faire. Parce que, oui, on consomme. Dans cette société, dans cette culture, je suis obligé d’acheter des choses pour survivre. Mais cela ne me définit en rien, pas plus que mon pouvoir d’action dans ce monde. Fondamentalement, je suis un animal doté de mains et de pieds. Je peux aller me balader dans des endroits, je peux faire des choses. J’ai une voix, la capacité de parler avec d’autres, de construire une relation avec eux, de m’organiser, et de me battre si nécessaire. Tout cela importe bien plus que ma capacité à acheter ou ne pas acheter quelque chose. »
– Max Wilbert, auteur et membre du mouvement Deep Green Resistance, interviewé dans le documentaire Bright Green Lies.
À l’instar d’Extinction Rebellion, le mouvement Animal Rebellion inscrit sur son site à plusieurs endroits, en gras et surligné de rouge que leur « philosophie est la désobéissance civile non violente ». Ils prétendent que seule la mobilisation de masse non violente peut changer le système politique et éveiller les consciences et, de manière assez pathétique, s’excusent par avance pour les désagréments causés par leurs actions de blocage[147]. Bref, des rebelles en carton, voire des collabos si l’on se réfère aux propos de George Orwell sur le pacifisme. Il est déjà loin le temps où José Bové démontait le McDonald’s de Millau en compagnie d’autres agriculteurs. Pensez-vous qu’Hitler aurait pu être vaincu par la non-violence ? Aveuglé par son idéologie pacifiste, Gandhi semblait le croire puisqu’il a envoyé deux lettres à Hitler pour lui demander gentiment de cesser ses bêtises[148]. Pensez-vous que les Vietnamiens auraient pu battre les colons français puis repousser l’invasion américaine en leur demandant gentiment d’arrêter ? Bien sûr que non. Ajoutons en sus que l’influence de Gandhi sur le départ des britanniques a été « minimale », dixit le premier ministre britannique de l’époque Sir Clement Attlee, l’homme qui a octroyé à l’Inde son indépendance[149].
« Le pacifisme est ouvertement pro-fasciste. Cela relève du bon sens le plus élémentaire. Quand on entrave l’effort de guerre d’un camp, on aide automatiquement le camp adverse. Par ailleurs, il n’est pas vraiment possible de faire preuve de neutralité dans une guerre comme celle-ci. […] D’autres s’imaginent que l’on pourrait « venir à bout » de l’armée allemande en se couchant sur le dos ; qu’ils continuent à la croire, mais qu’ils se demandent aussi de temps en temps s’il ne s’agit pas là d’une illusion née d’un souci de sécurité, d’un excès d’argent et d’une simple méconnaissance de la manière dont les choses se produisent réellement. […] Les gouvernements despotiques peuvent endurer la ‘’force morale’’ indéfiniment ; ce qu’ils craignent, c’est la force physique. »
– George Orwell
« Il est impossible d’introduire dans la philosophie de la guerre un principe de modération sans commettre une absurdité. »
– Carl von Clausewitz, De la guerre, 1832.
Confortablement installées dans leurs bunkers, les classes dominantes n’ont nullement l’intention d’introduire un principe de modération dans leur guerre mondiale contre la nature. Derrick Jensen résume bien la chose dans la préface du livre Le pacifisme comme pathologie de Ward Churchill, un Indien métis Creek/Cherokee :
« Ceux au pouvoir sont insatiables. Ils feront tout — mentir, tricher, voler, tuer — pour accroître leur pouvoir.
Le système récompense cette accumulation de pouvoir. Il la requiert. Le système lui-même est insatiable. Il requiert la croissance. Il requiert l’exploitation sans cesse croissante des ressources, y compris des ressources humaines.
Il ne s’arrêtera pas parce que nous le demandons gentiment ; autrement, il se serait arrêté il y a déjà longtemps, lorsque les Indiens et d’autres peuples autochtones demandèrent gentiment aux membres de cette culture de bien vouloir arrêter de leur voler leurs terres. Il ne s’arrêtera pas parce que c’est la chose juste à faire, sinon il n’aurait jamais commencé.
Il ne s’arrêtera pas tant qu’il restera quelque chose à exploiter. Il ne peut pas[150]. »
L’ensemble des mesures les plus populaires aujourd’hui pour solutionner la crise écologique et climatique globale – énergie décarbonée, régime végétarien/végétalien, compensation carbone, etc. – le sont parce qu’elles ne remettent aucunement en cause le mode de vie des humains urbano-industriels. Il s’agit tout au plus de quelques ajustements cosmétiques ayant pour principal objectif de relancer le capitalisme en perte de vitesse, d’optimiser la « résilience » de la société industrielle pour réemployer le vocable à la mode. Aucun démantèlement de la société industrielle n’est envisagé, ni même discuté. Les politiciens, les oligarques et les technocrates veulent maintenir le plus longtemps possible la mégamachine en état de marche dans un environnement à l’instabilité croissante – perturbations climatiques, montée des eaux, instabilité géopolitique, effondrements écosystémiques, accélération des flux migratoires, etc.
Plusieurs siècles de recul permettent désormais de juger de la capacité de la civilisation industrielle à cohabiter avec le vivant. Comme toutes les autres qui ont précédé, cette civilisation asservit, manipule, domestique, exploite, détruit et tue. À la différence des civilisations précédentes, la civilisation industrielle, propulsée par les carburants fossiles et l’électricité nucléaire, menace dans un futur proche d’anéantir les conditions propices au maintien sur Terre de formes de vie complexes – mammifères, oiseaux, reptiles, et bien d’autres.
« […] si le développement du système-monde technologique se poursuit sans entrave jusqu’à sa conclusion logique, selon toute probabilité, de la Terre il ne restera qu’un caillou désolé — une planète sans vie, à l’exception, peut-être, d’organismes parmi les plus simples — certaines bactéries, algues, etc. — capables de survivre dans ces conditions extrêmes. »
– Theodore Kaczynski, célèbre mathématicien, extrait du livre Anti-Tech Revolution (2016).
« Ceci est mon message pour l’Occident – votre civilisation est en train de tuer la vie sur Terre[151]. »
– Nemonte Nenquimo, activiste Waorani de la province de Pastaza (Équateur), cofondatrice de la Ceibo Alliance, titre d’une tribune publiée par le journal britannique The Guardian en octobre 2020.
Il faut stopper la civilisation techno-industrielle et la démanteler par tous les moyens possibles et imaginables – mais surtout efficaces. À ce stade, la question que vous devriez vous poser est la suivante : dans quel camp vous situez-vous ?
Êtes-vous du côté de la civilisation, pour ses prisons urbaines, pour une existence servile calquée sur le rythme infernal des machines et des usines, pour la soumission à la dictature technoscientiste et au despotisme consumériste ? Avez-vous envie de tolérer encore longtemps l’humiliation quotidienne que vous font subir la vermine politicienne et l’aristocratie médiatique, toutes deux aux bottes d’une petite caste d’ultrariches fous à lier ?
Ou êtes-vous pour la vie, c’est-à-dire du côté des milliards d’humains – peuples premiers et communautés rurales du Sud global – déjà en résistance contre cette civilisation depuis plusieurs siècles, pour préserver leurs terres, leur identité, leur culture, leur mode de vie et leur dignité ? Êtes-vous prêt à combattre ? Êtes-vous prêt à sacrifier votre existence pour le cerf élaphe, le loup gris, le renard roux, l’ours brun, la mésange charbonnière, la coronelle lisse, le hamster géant, la bergeronnette des ruisseaux et l’hirondelle ?
« On ne peut pas marcher dans la rue et voir un enfant se faire maltraiter sans intervenir, ni rester à regarder les baleines mourir sans intervenir. Les océans sont en train de mourir, nous avons déjà anéanti 90 % des poissons et nous continuons à exploiter la ressource. Je ne crois pas aux manifestations. Manifester, c’est se soumettre : « S’il vous plaît, ne faites pas ça ». Ils le font quand même ! C’est humiliant. Ce n’est pas manifester qu’il faut, c’est intervenir. »
– Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd, propos recueillis dans le documentaire Les Insurgés de la Terre.
Philippe Oberlé
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- https://youtu.be/igEVbV586Ww ↑
- https://bteam.org/who-we-are/leaders. Voici quelques-uns des autres membres de la B Team, pour la plupart anciens PDG, PDG en exercice, ou milliardaires : Paul Polman (ancien président de Procter & Gamble), Ajay Banga (président exécutif Mastercard), Marc Benioff (fondateur et PDG Salesforce), Jesper Brodin (PDG IKEA), Emmanuel Faber (ancien PDG Danone), André Hoffmann (milliardaire héritier du fondateur du laboratoire Roche, géant mondial des biotechnologies), Yolanda Kakabadse (ancienne présidente WWF), Isabelle Kocher (ancienne PDG Engie), Indra Nooyi (ancienne PDG PepsiCo), Andrew Liveris (ancien PDG Dow Chemicals), François-Henri Pinault (propriétaire et PDG du groupe de luxe Kering). ↑
- https://youtu.be/7WvehTbuvIo ↑
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