Un Etat né dans les laboratoires de la diplomatie — Mohamed EL BACHIR

Un Etat né dans les laboratoires de la diplomatie — Mohamed EL BACHIR

« La montagne s’ébranla devant moi. Je sentais les larmes se frayant un chemin jusqu’aux yeux d’Om Saad. Il m’était arrivé de voir des gens pleurer…Mais les larmes d’Om Saad étaient différentes. Elles me donnaient l’impression de jaillir d’une source desséchée. Je restai, debout, immobile, devant cet œil brillant qui résistait. » ( Ghassan Kanafani. Contes de Palestine)

En juin 2020, j’ai conclu l’article intitulé « Pour une Palestine une et indivisible » ainsi :

Vers une troisième intifada

« … Le programme à venir des forces palestiniennes est de mettre fin aux divisions politiques entre les différentes tendances palestiniennes et de les rassembler autour d’une même Résistance pacifique et militaire. C’est possible à condition d’admettre qu’il y a un invariant historique, l’indivisibilité territoriale de la Palestine et que l’Occident n’est pas le Moyen-Orient. » (1)

Mille et une résolutions du Conseil de sécurité

Le 10 mai 2021, l’expulsion des habitants palestiniens du quartier de Cheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est, au profit de colons israéliens a catalysé la colère des Palestiniens et les tensions, qui ont déjà fait plusieurs centaines de blessés dans la Ville sainte. Mais cette expropriation n’est qu’une énième expropriation de terre et de maisons palestiniennes. Car pour l’occupant israélien, la Cisjordanie est la Judée-Samarie biblique. Quant à Gaza, c’est une prison à ciel ouvert où le geôlier est israélien.

Comme l’a affirmé, le Premier ministre Benyamin Netanyahou en des termes sans équivoque : « …ces territoires sont là où le peuple juif est né et s’est développé. Il est temps d’appliquer la loi israélienne et d’écrire un nouveau chapitre glorieux dans l’histoire du sionisme. » (2)

Pour appuyer les convictions du premier ministre, le 15 mai 2021, le ministre israélien de la défense Benny Gantz ajouta : « Je veux transmettre un message aux Palestiniens de Judée et de Samarie – l’État d’Israël n’a aucun intérêt à une escalade en Judée et en Samarie mais est prêt à affronter n’importe quel scénario. » (3)

Aucun dirigeant occidental n’a dénoncé les déclarations citées ci-dessus pourtant elles sont en contradiction avec les résolutions de l’ONU et le droit international (4). Et en déclarant qu’il y a une « fausse équivalence entre un groupe terroriste – le Hamas – qui lance sans discernement des roquettes sur des civils et Israël, qui répond à ces attaques… » (5), le président Joe Biden confirme qu’au Moyen-Orient, il suit le chemin tracé par ses prédécesseurs.

Certes, le président Biden a raison sur un point, il n’y a pas équivalence entre l’Etat d’Israël et les organisations palestiniennes. Le premier occupe la terre d’un peuple, l’autre résiste pour la libérer.

Terroriste ? Un terroriste qui résiste contre une force occupante et l’injustice est un résistant.

Mais pour les diplomates et, en particulier, les dirigeants occidentaux, une énième résolution du Conseil de sécurité de l’ONU permettra d’oublier tout en faisant semblant d’avoir trouvé la solution à la question palestinienne. Mais les Palestiniens, eux, se souviennent de ce 28 septembre 2000 où le leader de la droite israélienne, Ariel Sharon, devenu premier ministre, foula aux pieds l’esplanade des Mosquées. Ils se souviennent de l’assassinat de l’enfant palestinien de 12 ans, Mohammad al-Doura, mort dans les bras de son père, devenant ainsi le symbole de la seconde intifada…

En revisitant l’histoire palestinienne, on découvre qu’elle est ponctuée de massacres, d’exactions et d’expropriations.

Le massacre de Deir Yassin perpétré le 9 avril 1948 par la milice sioniste, l’Irgoun, sous l’œil complice de la puissance mandataire, l’Angleterre… Al Tantura (21 mai 1948)…Qibya (14 au 15 octobre 1953)…Mais ses expropriations suivies de massacres ne sont qu’une conséquence de décisions prises par les puissances coloniales française et britannique qui dépecèrent le Moyen-Orient sur les décombres de l’empire ottoman. A ce sujet, se référer aux Accords Sykes-Picot (16 mai 1916) suivis de la Déclaration Balfour (2 novembre 1917), du nom du secrétaire d’Etat britannique de l’époque Arthur Balfour. Cette déclaration stipule que « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement d’un foyer national pour les Juifs et fera tous les efforts possibles en vue de faciliter la réalisation de cet objectif, étant bien entendu que rien ne sera entrepris qui puisse causer un préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives existant en Palestine ou aux droits et au statut politiques dont jouissent les juifs dans n’importe quel autre pays. » (6)

Une déclaration qui contient en elle une contradiction pour ne pas dire une aberration puisque la population autochtone concernée et à qui on ne veut pas causer de préjudice, n’a pas été consultée.

Force est de constater que le passé du peuple palestinien est toujours présent. Pour Arthur Koestler, sioniste de la première heure et compagnon de l’extrémiste sioniste Vladimir Jabotinsky, la déclaration Balfour est « un document par lequel une première nation promettait solennellement à une deuxième nation le pays d’une troisième nation. » (7)

Les conséquences sont évidentes. Les puissances coloniales aidèrent le mouvement sioniste à organiser l’immigration des juifs d’Europe et à leur implantation en Palestine. Ce qui entraîna, évidemment, des révoltes de la population palestinienne à majorité paysanne avec son point culminant : le soulèvement de 1936-1939 sous le commandement de Hajj Amin et Azzedine Kassem. Elle fut réprimée dans le sang par l’armée britannique avec l’aide des forces militaires sionistes dont la milice Haganah.

Hajj Amin fut exilé par la puissance mandataire. A. Kassem fut assassiné durant le soulèvement palestinien.

Citons encore A. Koestler : « …Israël est un phénomène historique aberrant. C’est une espèce de monstre à la Frankestein, conçu sur bleus d’architectes et couvé dans les laboratoires de la diplomatie…Il existe en fin de compte grâce à un fait accompli dont la population indigène est la victime. » (7)

Bleus d’architectes qui se manifeste aujourd’hui sous les vocables de Droits humains, responsabilité de protéger. Tout un arsenal juridique pour faire fi des souverainetés nationales et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est sur ces bleus d’architecte que la créature est devenue, au cours du temps, le noyau autour duquel gravitent les puissances occidentales en donnant naissance à l’impérialisme israélo-occidental. Avec la complicité des monarchies du Golfe, il faut le souligner. Et pour tromper les peuples arabes, les vassaux arabes ont ajouté du vert aux bleus d’architectes.

Conclusion

Le peuple palestinien n’a rien à attendre des dirigeants arabes qui ont ouvert la porte à la créature !

Pas plus de l’ONU où des diplomates avec le plus grand sérieux assistent ou participent à la comédie humaine tout en sachant que le devenir de l’humanité se jouent ailleurs.

De l’Etat français ?

Vu que son président met sur le même plan spolié et spoliateur, il n’y a rien à espérer. L’auteur de « je dors avec des doutes et je me réveille avec des convictions » devrait faire le contraire pour prendre de la hauteur.

Au Moyen-Orient, la question de la souveraineté nationale et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de leurs richesses est toujours d’actualité. Et comme cette question est imbriquée dans des enjeux géostratégiques d’une grande ampleur, de l’Irak au Yémen en passant par le Liban, la réponse, est dans une résistance arabe à l’échelle régionale.

(1) https://www.legrandsoir.info/pour-une-palestine-une-et-indivisible.html

(2) https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/17/israel-il-est-…

(3) https://fr.timesofisrael.com/gantz-israel-refuse-une-intensification-d…

(4) https://www.mondialisation.ca/moyen-orient-le-president-joe-biden-sur-…

(5) https://fr.timesofisrael.com/blinken-met-en-garde-contre-une-fausse-eq…

(6) Yohann Manor : Naissance du sionisme politique. Collection Archives 1981, page 206.

(7) Arthur Koestler : Analyse d’un miracle. Circé poche. Pages 31, 51-52

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

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