L’affaire Ryanair en Biélorussie

L’affaire Ryanair en Biélorussie

L’histoire que les médias « occidentaux » publient ne correspond pas aux faits


Par Moon of Alabama – Le 31 mai 2021

Il reste encore quelques points à éclaircir  à propos du vol Ryanair 4978 reliant la Grèce à la Lituanie qui, le 23 mai, s’est dérouté vers Minsk après qu’une alerte à la bombe a été reçue par plusieurs aéroports régionaux.

L’Occident mène une guerre médiatique en utilisant cette affaire, affirmant que le Bélarus a inventé cette alerte à la bombe pour capturer un dissident bélarusse qui se trouvait à bord. Or, il est clair qu’une alerte à la bombe a bien eu lieu et que le Bélarus y a répondu en se conformant aux règles internationales. La rapide mise en place d’un récit occidental mensonger me laisse penser que l’alerte à la bombe a pu être émise par ceux qui s’opposent au Bélarus. Elle a probablement été gérée par l’un de ces spécialistes en coup montés britanniques, comme ceux qui ont imaginé les histoires dramatiques à la Skripal ou à la Navalny, autour du Novichok.

Mais peu de faits réels soutiennent ce récit médiatique. Sa « vérité » doit donc être construite en déformant les faits pour les adapter à l’histoire voulue.

Un exemple est ce rapport de Reuters publié vendredi :

DUBLIN (Reuters) - Le contrôle aérien biélorusse a refusé la demande d'un pilote de Ryanair de contacter la compagnie aérienne après qu’il a été informé d'une prétendue alerte à la bombe, ne lui laissant d'autre choix que d'atterrir à Minsk, a déclaré la compagnie irlandaise dans une lettre consultée par Reuters.

Le Bélarus a envoyé un avion de chasse dimanche et a profité de l'alerte à la bombe, qui s'est avérée fictive, pour détourner le vol, qui était en route de la Grèce vers la Lituanie. Lorsqu'il a atterri à Minsk, un journaliste dissident et sa petite amie ont été arrêtés.

Dans une lettre adressée au ministère biélorusse des transports en date du 26 mai, le directeur général de Ryanair a qualifié de "fausses et inexactes" les déclarations antérieures des responsables biélorusses et a déclaré que l'avion avait été "détourné illégalement sous de faux prétextes".

"Le pilote commandant de bord n'a pas eu d'autre choix que de se dérouter vers Minsk, lorsqu'il a été informé par l'ATC (La Tour de Contrôle) de Minsk qu'il y avait une menace crédible de bombe dans l'avion, mais l'ATC de Minsk a refusé de contacter Ryanair, prétendant mensongèrement que Ryanair Ops ne répondrait pas au téléphone", indique la lettre.

Les affirmations en gras sont carrément trompeuses ou fausses, elles ne sont pas étayées par des faits mais correspondent au récit souhaité.

Un jour plus tôt, Reuters avait publié ce qu’il appelait des extraits de la transcription du trafic radio entre le contrôleur aérien et l’avion. Il n’y est pas fait mention d’un refus au pilote de Ryanair de contacter la compagnie aérienne.

Même dans la transcription complète du trafic radio, publiée par l’autorité aérienne de Biélorussie, il n’y a aucune demande du pilote de contacter la compagnie aérienne.

Au lieu de cela, le pilote demande à la tour de contrôle de lui indiquer la fréquence radio du trafic de la compagnie Ryanair. Celle-ci a mis un peu de temps à la trouver mais après quelques minutes, la fréquence a été trouvée et transmise au pilote :

Pilote : 09:34:49 : Radar, RYR 1TZ.

ATC : RYR 1TZ.

Pilote : Pourriez-vous nous donner la fréquence de la compagnie (inaudible) afin que nous puissions (inaudible).

ATC : RYR 1TZ, répétez la fréquence dont vous avez besoin.

Pilote : Nous avons juste besoin de nous entretenir avec le centre des opérations de la compagnie, s'il existe une fréquence pour cela (inaudible).

ATC. Avez-vous besoin de la fréquence des opérations de RYR [Ryanair, NdT] ?

Pilote : C'est exact 1TZ.

ATC : Standby s'il vous plaît. ...

Pilote : 09:39:30 : RYR 1TZ Des infos ?

ATC : RYR 1TZ Standby, en attente de l'information. ...

ATC : 09.42.49 : RYR 1TZ nous avons la fréquence du personnel au sol pour Vilnius 131.750

Pilote. 131.75 et nous avons le contact...(inaudible).

Les passages ci-dessus ne figurent pas dans les extraits de transcription que Reuters a publiés.

La police lituanienne a interrogé le pilote après que l’avion eut atteint Vilnius, sa destination habituelle :

Parmi les personnes interrogées figure le commandant de bord de l'avion qui "a pris la décision [de changer de cap vers Minsk] après avoir consulté la direction de Ryanair", selon [Rolandas Kiškis, chef du bureau de la police criminelle].

La tour de contrôle n’a refusé aucune demande du pilote. Reuters a tout faux sur ce point. Elle a aidé le pilote lorsqu’il avait besoin de la fréquence. Le pilote a ensuite parlé avec la direction de sa compagnie aérienne et, quatre minutes plus tard, il a décidé de se dérouter vers Minsk.

La « prétendue alerte à la bombe » était bien sûr réelle, même s’il s’est avéré par la suite qu’il n’y avait pas de bombe dans l’avion. L’alerte à la bombe n’a pas été inventée mais reçue par plusieurs parties, y compris en Lituanie. Toutes les alertes à la bombe contre des avions sont prises au sérieux, comme il se doit. Plus de 100 vies étaient en danger.

Mais le fait qu’une réelle menace ait existé à ce moment-là ne convenait pas au récit de Reuters.

Passons maintenant à la phrase « a fait décoller un avion de chasse … pour détourner le vol », qui est également un mensonge. Il n’y avait pas d’avion de chasse lorsque le pilote a pris la décision de détourner l’avion.

Le vol Ryanair est entré dans l’espace aérien du Belarus à 9h30 UTC, a été immédiatement contacté par la tour de contrôle et informé de l’alerte à la bombe. La Biélorussie n’a envoyé un avion de chasse qu’après que le pilote, à 9h47 UTC, a déclaré Mayday et annoncé son intention de se dérouter vers Minsk :

Les pilotes du vol Ryanair qui a fait un atterrissage d'urgence en Biélorussie après une alerte à la bombe auraient pu atterrir à Vilnius mais ont choisi de se rendre à Minsk, a déclaré le ministre biélorusse des Affaires étrangères Vladimir Makey dans une interview accordée au quotidien Kommersant dimanche.

"Si l'équipage avait choisi d'atterrir à Vilnius, il aurait pu facilement traverser la frontière et atterrir à Vilnius. Mais ils ont pris une autre décision et un avion de chasse a été envoyé après cela pour escorter l'avion", a-t-il déclaré. ...

"Une alerte à la bombe a d'abord été reçue, puis les contrôleurs aériens ont averti l'équipage. Comme cela a déjà été dit, il a fallu 14 minutes à l'équipage pour prendre une décision. Ils étaient en pourparlers avec les dirigeants de Ryanair et avec l'aéroport de Vilnius. Nos militaires affirment qu'aucun avion de chasse ne se trouvait dans les airs à ce moment-là."

Le président Lukashenko avait déjà affirmé que le MIG n’avait été lancé qu’après que le pilote de Ryanair eut pris sa décision :

Le Bélarus est accusé d'avoir envoyé un avion de chasse afin de forcer l'avion de ligne à atterrir. Alexandre Loukachenko a rejeté ces insinuations en les qualifiant de mensonges absolus. Le MIG-29 a été envoyé conformément à la procédure établie par les forces de défense aérienne et afin d'assurer la sécurité du vol. "Il devait s'assurer que l'avion avec de possibles explosifs à bord (c'est ainsi que nous l'avons perçu jusqu'à ce que nous l'examinions) reste sur sa trajectoire. Si quelque chose avait mal tourné, le MIG-29 aurait donné les coordonnées à nos sauveteurs (des hélicoptères avant tout), qui seraient arrivés instantanément sur le lieu du crash. Plus important encore, ce jet aurait assuré la communication entre l'avion et les contrôleurs aériens si nécessaire. En cas de problème à l'atterrissage, le jet avait pour instruction de conduire l'avion vers la piste de l'aéroport de Minsk", a déclaré le chef de l'État.

Alexandre Loukachenko a ajouté que l'avion de chasse biélorusse a été envoyé après que l'avion de ligne a décidé d'atterrir à Minsk et a changé son cap vers la capitale biélorusse. "Ils auraient dû nous remercier pour cela. Nous devions faire ce que nous avons fait pour assurer la sécurité dans les airs et, surtout, au sol. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour sauver les gens", a-t-il souligné.

J’ai vu beaucoup d’affirmations dans les médias occidentaux selon lesquelles le Bélarus a fait décoller l’avion de chasse pour détourner l’avion, mais aucune chronologie ni aucun détail ne viennent étayer cette affirmation. Le Bélarus affirme que l’avion de chasse a été lancé parce que l’avion a décidé de se dérouter. La version bélarusse est beaucoup plus logique que celle des médias. Il n’est pas question d’un avion militaire dans la transcription radio et aucun des passagers interrogés n’a déclaré en avoir vu un.

Loukachenko a également déclaré :

Dans le cas du vol Athènes-Vilnius, une alerte à la bombe est venue de l'étranger - de Suisse, a déclaré le président. Le message a été envoyé simultanément aux aéroports d'Athènes, de Vilnius et de Minsk. Le Bélarus a rapidement communiqué l'information à l'équipage de l'avion, conformément aux règles internationales.

Selon certaines informations, aucun courriel de menace n’a été reçu à Athènes, mais Loukachenko ne prétend pas qu’il ait été reçu. Il affirme que le courriel avait été envoyé à trois adresses simultanément et que le Bélarus a agi après l’avoir reçu. L’organisation russophobe Dossier Center nous apprend que la Lituanie a reçu le premier courriel de menace à 12 h 25 heure locale (9 h 25 UTC). Nous savons qu’un deuxième courriel, plus tard, contenant la même menace de bombe, a été envoyé à Minsk.

L’interview de Lukashenko a été publiée le 26 mai. Il affirme que Minsk a reçu l’e-mail de 12h25 et a agi en conséquence. Le 27 mai, le fournisseur de messagerie suisse ProtonMail, par l’intermédiaire duquel les courriels de menace ont été envoyés, a affirmé que Minsk n’avait pas reçu le premier courriel de menace. Il continue à faire cette affirmation, qui n’a aucun sens, mais ne veut pas expliquer sur quoi il se base.

L’affirmation de ProtonMail alimente le récit anti-Bélarusse prévu. C’est probablement son seul objectif.

Passons maintenant à la citation tirée de la lettre de Ryanair : « La tour de contrôle de Minsk a refusé de contacter Ryanair et a prétendu mensongèrement que le service des opérations de Ryanair ne répondrait pas au téléphone ».

Cette affirmation fait référence au rapport sur l’incident publié par le département de l’aviation du Bélarus, qui semble effectivement erroné. Le rapport dit :

Avant cela, le superviseur de l'ACC de Minsk a essayé à plusieurs reprises d'appeler le bureau de représentation de Ryanair en Lituanie en utilisant le numéro de téléphone fourni par l'équipage de l'avion, mais il n'a pas réussi à contacter l'un des représentants de la compagnie aérienne.

Il n’y a aucune partie dans la transcription de la communication radio, celle publiée par le département de l’aviation comme montré ci-dessus, où le pilote fournit un numéro de téléphone pour un bureau de Ryanair. Un bureau de contrôle aérien devrait avoir dans ses dossiers les numéros de contact des opérations aériennes de toutes les compagnies aériennes qui traversent régulièrement son espace aérien.

L’administration de l’aviation du Bélarus devrait clarifier ce point.

Il y a donc cinq affirmations majeures faites dans cet article de Reuters qui sont manifestement fausses. Elles soutiennent toutes un faux récit. Elles présentent toutes le Bélarus sous un mauvais jour.

Pendant ce temps, la seule véritable information contenue dans l’article, concernant la lettre de Ryanair, s’avère être une erreur mineure. Quelqu’un s’est trompé de numéro de téléphone ? Quelqu’un n’était pas à son bureau lorsque le téléphone a sonné ? Il devrait être facile d’éclaircir ce point.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone

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