COVID-19 – La face cachée des dommages collatéraux

COVID-19 – La face cachée des dommages collatéraux

Dans les médias traditionnels et les tribunes officielles, journalistes et commentateurs parlent des dommages de la COVID : cas, hospitalisations et décès, bien sûr, mais tout autant des conséquences comme les problèmes de santé mentale, les faillites économiques, le chamboulement du milieu de l’éducation, que l’on englobe sous la même formule. Maudit virus! Il y a là un biais de langage qui crée un glissement de sens et une distorsion du jugement de la population. De la même façon, la référence constante à la notion de ‘cas’ pour désigner tout individu testé positif, même asymptomatique, induit les gens à croire faussement en une évolution de la maladie pire qu’elle ne l’est en réalité. Rappelons que dans un contexte médical normal, la désignation clinique de ‘cas’ ne s’applique qu’aux sujets présentant les symptômes d’une maladie.

Coûts primaires, coûts secondaires

En sciences sociales, on distingue les dommages ou conséquences négatives liés à un problème de départ, des dommages ou conséquences négatives liés au mesures mises en place pour contrôler ce problème. On parle ainsi de coûts primaires (dommages directs) et de coûts secondaires (dommages indirects ou collatéraux). La distinction est centrale dans une évaluation des coûts/bénéfices de politiques publiques afin d’établir une balance en faveur du bien commun. C’est par ce type de distinction et d’analyse qu’on peut éventuellement faire le constat que « le remède est pire que le mal », soit que les mesures pour combattre une source d’effets indésirables en génèrent parfois davantage, et de plus graves.

Cette distinction a été historiquement utile pour évaluer la pertinence des politiques publiques en matière de drogues. Au fil des années, une majorité d’analystes en sont venus à l’évidence que les mesures de contrôle pénales (prohibition) sur les drogues créaient plus de dommages aux usagers et à la société que ne le ferait l’usage des drogues en elles-mêmes dans un contexte de légalité assorti de mesures d’encadrement plus démocratiques, moins autoritaires. Ce constat critique est au cœur du processus qui a ouvert la porte à la libéralisation de l’usage du cannabis, ici et ailleurs, et qui tend aujourd’hui vers la décriminalisation de l’usage de toutes les drogues.  Le tableau 1 donne un aperçu des coûts primaires et secondaires liés à la problématique drogue.

À noter que pendant longtemps, les politiciens et commentateurs médias ont sciemment entretenu la confusion entre ces deux niveaux en mettant tous les dommages sur le dos des drogues. Maudite drogue ! On parlait d’ailleurs, dans les années 1980, du fléau de la drogue, comparant le problème à celui d’une épidémie contre laquelle il ne fallait rien de moins qu’entrer en guerre ! Aujourd’hui, c’est la guerre à la COVID qui est sur toute les lèvres, un virus dont le « taux de survie » est de 99,8% ayant acquis le statut apocalyptique d’une véritable drogue mortelle. Et, de la même manière, on lui attribue tous les malheurs qui nous tombent dessus alors que, majoritairement, ils sont le produit des mesures de contrôle, comme l’illustre le tableau 2

Une bonne évaluation coûts/bénéfices doit bien sûr mettre en balance les avantages des mesures de contrôle, ce que des études sérieuses ont tenté d’établir en comparant les taux de décès attribuables à la COVID dans des contextes où, pour un même virus en circulation, les mesures de contrôle anti COVID étaient différentes sur le plan de la sévérité et de la durée. Une revue des principales études sur le sujet, faite par le professeur Jean-François Toussaint, conclut au peu d’effets positifs des mesures de confinement au regard des effets à long terme désastreux de maintenir une telle mesure. On y trouve citée l’étude récente à laquelle a collaboré l’épidémiologiste de réputation internationale John P.A. Ioannidis, publiée en début d’année, qui arrive à la conclusion que des mesures restrictives sévères n’ont pas un meilleur impact sur le bilan sanitaire final, après comparaison entre pays.

Une autre étude du chercheur canadien Ari R. Joffe, en arrive à des conclusions similaires en insistant sur le fait que les coûts secondaires associés au confinement se traduiront tôt ou tard, eux aussi, en pressions sur le système de santé et en décès. Il utilise même la métaphore de la « drogue » en soulignant que cette mesure risque de provoquer des effets secondaires graves si utilisée de façon prolongée. Il conclut son analyse ainsi:

« Les confinements (lockdown) peuvent prévenir certains décès dus au COVID-19 en aplatissant la courbe des cas et en évitant de congestionner les hôpitaux. En même temps, les confinements ont des effets négatifs graves sur des millions de personnes, et de manière disproportionnée sur les personnes les plus défavorisées d’entre nous. Les dommages collatéraux comprennent de graves pertes de bien-être actuel et futur dues au chômage, à la pauvreté, à l’insécurité alimentaire, à l’interruption des soins de santé préventifs, diagnostiques et thérapeutiques, à l’interruption de l’éducation, à la solitude et à la détérioration de la santé mentale, ainsi qu’à la violence conjugale. (…) On peut s’attendre à ce que la récession économique, par le biais de l’austérité dans les dépenses gouvernementales sur les déterminants sociaux de la santé, cause beaucoup plus de pertes de vie et de bien-être à long terme que le COVID-19. »

La comparaison Québec – Suède

Contrairement à ce que l’on entend parfois, il est très pertinent de comparer le Québec et la Suède puisqu’il s’agit de territoires qui présentent des profils apparentés sur plusieurs points : climat nordique, bassin de population, tranches d’âge et âge moyen (tableau 3). Si l’on observe la courbe des décès des deux pays pour l’année 2020, on constate qu’elle est, à quelques variations près, similaire (graphique 1). La Suède a connu plus de décès en nombre absolu que le Québec mais, sa population étant légèrement supérieure, le taux par 100 000 habitants y a été finalement plus faible.

Au 10 avril 2021, le taux de décès covid par 100 000 habitants avait atteint 125 pour le Québec contre 134 pour la Suède (INSPQ), ce qui signifie que le pays scandinave nous dépasse maintenant suite aux trois premiers mois de l’année. Rien de très significatif, cependant : au niveau mondial, Suède et Québec sont dans le même groupe, respectivement au 27e et 34e rang des pays présentant les plus hauts taux de mortalité sur les quelques 220 recensés quotidiennement sur le site Worldometers.

Tableau 3 : Comparaison d’indicateurs,  Québec et Suède, 2020. (Tableau de Normand Guillemette)

Graphique 1 : Nombre de décès COVID par semaine, Québec et Suède, 2020. (Graphique de Normand Guillemette)

Quoiqu’il en soit, il faudra attendre la fin de l’année pour avoir une vision d’ensemble et tirer des conclusions. Peut-être la Suède aura-t-elle davantage de coûts primaires (% de décès) au final que le Québec mais, là où elle sortira gagnante et grandie sur le plan individuel et social, c’est lorsque l’on mettra en balance les coûts des dommages collatéraux encourus pour l’un et l’autre territoire.

En effet, comme chacun sait, en dehors de certaines mesures restrictives ponctuelles, la Suède a opté pour une stratégie d’autocontrôle et de responsabilisation des citoyens plutôt que de répression quant à l’application des directives sanitaires à adopter pour se protéger et protéger la santé d’autrui. Pas d’obligation de port du masque, pas de fermeture d’entreprises, pas de limitations de déplacement, pas de couvre-feux et encouragement plutôt qu’imposition du télé-travail. Certains prétendent que les Suédois seraient une population plus responsable et que de telles mesures ‘libérales’ n’auraient pu fonctionner ailleurs? Nous croyons plutôt que si les Suédois ont su faire preuve de sens civique (pas nécessairement au début, d’ailleurs), c’est qu’on les a encouragés en ce sens, qu’on leur en a donné les moyens en privilégiant une stratégie éducative plutôt que répressive.

Conclusion

Faites dorénavant le simple exercice suivant lorsque vous entendrez un politicien, un journaliste ou une autorité médicale lancer, comme si de rien n’était :

« La covid-19 aura causé une hausse des problèmes de santé mentale chez les jeunes Montréalais… »

« En raison de la pandémie, 1 milliard et demi d’élèves ont été privés d’éducation dans le monde en 2020… »

« Le virus entraîne à nouveau la fermeture des établissements de restauration pour une durée indéterminée… »Remplacez la référence au virus ou à la pandémie par « mesures de contrôle antivirus » ou « mesures de guerre contre l’infection » et vous constaterez immédiatement la faculté de discernement ainsi que l’exercice au sens critique que cela favorise.

Pierre Brisson

Pierre BrissonM.Sc. communications. Ancien consultant et formateur pour l’INSPQ.

Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca

Source: Lire l'article complet de Mondialisation.ca

À propos de l'auteur Mondialisation.ca

Mondialisation.ca est devenu une importante source d'information sur les grands thèmes d'actualité tels que les enjeux de « la guerre au terrorisme » lancée par les États-Unis ainsi que les guerres au Moyen-Orient. Depuis 2005, Mondialisation.ca a publié de nombreux articles d'analyse et des nouvelles qui sont peu couvertes par les grands médias.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You