L’évolution est inéluctable : tous les moyens du Système n’empêcheront pas les Français de lâcher progressivement les médias mainstream, lourds, chers et désinformants, pour les chevaux légers du Net, malgré la censure qui s’abat sur ce média ouvert à tous, c’est-à-dire pas encore possédé par le grand capital.
C’est pourquoi toute la presse est en train de migrer du papier vers le numérique, mais un chat reste un chat : la propagande, qu’elle soit en print ou en ligne, reste de la propagande. On ne donne pas cher, après la grande migration, des médias mainstream qui auront foutu à la porte les trois-quarts de leurs effectifs pour venir se faire payer en ligne. Le modèle gratuit (avec financement participatif) a pris trop de place, et on ne voit pas la jeune génération, élevée au biberon du tout gratuit ou presque, raquer en des temps incertains pour s’abonner à Libé en numérique. Ce que n’ont pas compris, ou trop bien compris les propriétaires de ces titres, c’est que le problème est un problème de contenu, pas de forme.
Nous n’allons pas rappeler l’érosion lente mais sûre des ventes de la presse, elle est générale, et la seule façon pour ces vieux rafiots de tenir encore dans l’eau est de balancer leurs marins par-dessus bord. Ce mardi 13 avril (2021), au tour d’Europe 1, en chute libre sous le régime défaillant de Lagardère Jr, de balancer une quarantaine de matelots à la flotte, sous prétexte qu’ils ne pourront plus être nourris. D’un coup, 10 % des effectifs de la station, qui se montent à 330 personnes (sans compter les pigistes et les intermittents, précise Le Point), iront voir si l’herbe est plus verte ailleurs. En cinq ans seulement, l’audience a chuté de 40 %. Merci la propagande socialo-sioniste outrancière !
Mais il faut dire – ce que Le Point ne dit pas – que le choix d’une radio oligarchique, pro-OTAN, pro-sioniste, pro-libérale, anti-Gilets jaunes, anti-Perronne ou Raoult, est tout sauf un choix populaire : c’est du suicide commercial. Même si on nous proposait des millions d’euros pour redresser la taule, sans toucher au positionnement politique, ce serait impossible : tout ce qui va contre les intérêts du peuple est à terme voué à l’échec, à la faillite, à la punition économique. Ce n’est pas un vœu pieux, un rêve de pauvre, une frustration de ratés, c’est la réalité depuis 25 ans, depuis que Jean-François Kahn a théorisé la pensée unique dans Marianne ancienne mouture.
Le paquebot Europe 1 n’en a plus pour longtemps, il y a trop de fuites dans les cales. Du côté de Canal+, le dégraissage est moins direct : la direction prend prétexte de l’iceberg MeToo pour virer du gros salaire (à l’ancienneté) en englobant ceux qui râlent après la censure. Les épisodes Sébastien Thoen et Julien Cazarre ont permis à la direction de sabrer dans les effectifs du foot, qui étaient pléthoriques :
Beaucoup de ceux qui ont signé la pétition de soutien à Thoen sont dans la mire, précise L’Équipe :
Fin novembre, l’humoriste, chroniqueur du Canal Sports Club et présentateur du Journal du Hard, avait été informé de l’arrêt de sa collaboration avec Canal+ après sa participation à un sketch, mis en ligne par le site de paris Winamax, détournant L’heure des pros de la chaîne info du groupe, CNews. La direction lui reprochait notamment de s’y afficher avec Julien Cazarre, ce dernier ayant ciblé la direction des sports de Canal+ un mois plus tôt.
Cette pétition, signée par 150 membres du service des sports, souhaitait avant tout défendre « la liberté d’expression et de ton » et avait déjà entraîné, par ricochet, le licenciement en décembre de Stéphane Guy et en février le départ de trois journalistes pigistes signataires.
Même le coréalisateur avec Marie Portolano du documentaire sur le sexisme dans le journalisme sportif – Je ne suis pas une salope, je suis journaliste – serait dans la charrette. Mais sur Canal, comme sur TF1, on ne fait généralement pas de vagues, tout se règle par de grosses indemnités. Pierre Ménès, qui a été dans l’œil du cyclone MeToo, n’a pas été viré, mais pose aujourd’hui un genou à terre. Le Parisien, sans surprise, fait son portrait formaté (il manque plein de choses croustillantes !) :
Après ce résumé de carrière, le mot d’excuse de Pierrot MeToo :
Au-delà de ces histoires mineures mais symboliques, les effectifs du secteur ne cessent de fondre. Depuis deux décennies, soit l’avènement du Net, le profil de la profession a changé. Il y a plus de femmes, moins de titulaires, plus de pigistes, c’est-à-dire de précaires. Les salaires ont baissé, les piges ont chuté, et aujourd’hui, il y en a qui se battent pour des articles à 40 euros brut en presse écrite.
Officiellement, le feuillet de 1500 signes est rémunéré 66 euros, mais en réalité, on peut là encore tout diviser en deux, voire en trois. La profession devient de moins en moins attractive du point de vue économique mais aussi éditorial : le formatage empire, et bientôt, l’IA remplacera les petites mains qui torchent ou améliorent les dépêches. Déjà, les choix éditoriaux se font sur algorithme.
Une armée mexicaine mal équipée
En 2009, 37 000 journalistes (avec carte de presse) étaient recensés en France. Dix ans plus tard, ils ne sont plus que 34 000, dont près de 8000 pigistes, et encore, la plupart ne font pas 20 papiers dans l’année. Leur revenu annuel moyen oscille autour de 8000 euros.
À côté de ces journalistes « classiques », une armée de 15 000 autoentrepreneurs travaille aujourd’hui dans le domaine plus large de l’information et de la communication. Ce sont eux qui remplissent les sites internet avec plus ou moins d’info, de manière plus ou moins régulière, et plus ou moins régulée (voir les fermes d’abattage comme Melty et sa youth culture, c’est-à-dire culture de merde).
On peut y ajouter les 25 000 correspondants locaux, utilisés souvent gratuitement ou payés en « déjeuners de presse » (avec un ponte local ou une entreprise annonceur) par les journaux de la presse quotidienne régionale (PQR). Ça va de la retraitée qui s’ennuie à l’ambitieux qui n’y connaît rien, et ça remplit les colonnes des chiens écrasés d’une presse à l’ancienne qui disparaît naturellement avec son lectorat.
Bref, les piges se font plus rares, leur montant diminue, les journaux licencient ou font bosser des esclaves, aussi les carrières se raccourcissent : on ne reste pas longtemps dans la presse écrite, la durée moyenne d’une carrière tourne autour de 15 ans, comme dans l’armée. Très vite, les plus malins vont se placer dans les agences de presse (la com’, mais pas seulement) ou les journaux internes des grandes entreprises. C’est moins précaire, mieux payé, mais beaucoup moins intéressant, voire humiliant pour ceux qui ont la vocation. Beaucoup changent carrément de branche : ce journalisme-là est trop décevant : pas de prestige, pas d’argent, pas d’ascenseur social. Que de la vache enragée, pour les pauvres. Pour les riches, c’est-à-dire les journalistes mainstream, les agents de la propagande les plus connus, il y a une sorte de justice : le shistorm sur les réseaux sociaux, avec des qualificatifs blessants comme journalopes.
Heureusement, une nouvelle génération de passionnés d’information, qui ne sont pas passés par les écoles (privées, aussi foireuses que ruineuses) ou l’université (gangrenée par des profs gauchistes en retard de deux ou trois guerres de l’information), et qui ne sont donc pas formatés, font un travail en tout point remarquable, et nous les relayons autant que possible sur E&R. Il y a 50 ans, Europe 1 était la première radio de France (grâce au coup de pouce des directs pendant les événements de Mai 68, entre autres), elle a fait des petits, surtout en télé (les animateurs de la maison de la rue François 1er ont été happés plus tard par la jeune chaîne Canal+), c’était une véritable école de journalisme.
Aujourd’hui, on peut dire, toutes proportions gardées, qu’E&R est une sorte d’université du savoir, une école qui enseigne une information nouvelle, attractive, énergique, et qui ringardise beaucoup de monde. Et si c’était le modèle E&R qui était à l’origine de la mortalité des grands médias ? Sans aller jusque-là, puisque nous ne sommes pas seuls sur le créneau, souvent les grands sites ne sont qu’une copie ou un rajeunissement des journaux existants : par exemple, on peut dire que Mediapart aspire les lecteurs du Canard enchaîné, l’hebdomadaire historique qui ronronne depuis deux décennies, qui ne sort plus grand-chose d’intéressant (même l’affaire Fillon qui a relancé un temps ses ventes était une sorte de bidonnage, à l’image du « coup » des diamants de Giscard), qui a raté le virage de l’information anti-Système, et qui perd chaque année des milliers de lecteurs. Il est vrai que la défaillance du distributeur Presstalis n’a pas aidé, ni les confinements du gouvernement, mais la baisse était déjà chronique.
Même si le Canard dégage toujours du bénéfice, ce qui est rarissime en presse (iil vient d’augmenter son prix de 25 % !), et qu’il est assis sur un trésor de 130 millions, il ne vend plus « que » 320 000 numéros par semaine. Il a perdu 150 000 lecteurs en dix ans (475 000 exemplaires en 2012, 320 000 en 2020). Et comme on ne voit pas le Canard redevenir anar, comme à ses débuts, il est probable qu’il va finir par étouffer dans sa graisse bourgeoise. Mais il aura bien vécu !
On le répète : si E&R n’était pas soumis aux attaques incessantes du Système, ce serait aujourd’hui à la fois un modèle unique et une réussite (encore plus) spectaculaire, générant des bénéfices tout en gardant une droiture, respectant à la lettre le code de déontologie. En fin de compte, il est là, le vrai journalisme. Il suffisait de dépoussiérer ou de faire maigrir la vieille presse bourgeoise, de nettoyer l’info…
Relire Chute !, le roman d’Alain Soral :
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation