L’UE et Uber veulent-ils, comme Marx, abolir le salariat ? — Dominique MUSELET

L’UE et Uber veulent-ils, comme Marx, abolir le salariat ? — Dominique MUSELET

Il ne se passe pas de semaine sans que l’UE et consorts ne s’attaquent au salariat soit par la grande porte (destruction des retraites, de l’assurance chômage, de la sécurité sociale) soit par la petite (réduction des salaires, allongement des horaires, ouverture du dimanche, réduction du chômage, des soins, etc.), et n’imposent des « réformes » qui favorisent les propriétaires des moyens de production (matériels et immatériels) aux dépens de la grande masse de la population réduite à sa « force de travail ».

Le diable est dans les détails

Les grandes contre-réformes ne sont annoncées au public que lorsqu’il ne reste quasiment plus rien à changer pour qu’elles prennent effet. Elles sont précédées d’un travail de sape, un travail de fourmi, dans lequel les technocrates qui vivent à nos crochets excellent. Le cœur de leur métier consiste à imaginer des moyens de nous dépouiller, sans que nous nous en rendions compte, au profit de ceux qui détiennent le pouvoir, la richesse et les leviers de l’Etat. La plupart du temps, quand nous prenons conscience du désastre, il est déjà trop tard.

La Nouvelle Vie Ouvrière nous signale leur dernier mauvais coup :

Grâce à l’assurance garantie des salaires (AGS), le règlement des salaires des employés est actuellement prioritaire sur toutes les créances, en cas de faillite d’une entreprise. Mais… « Vl’a-t’y pas que, sous prétexte de transposer dans notre droit une directive européenne, le gouvernement s’apprêterait à changer par ordonnance cet ordre de priorité au des administrateurs, des mandataires judiciaires et des banquiers (…) Les frais de justice liés à la liquidation seraient prioritaires sur l’AGS pour le plus grand profit des mandataires et administrateurs judiciaires, dont les honoraires opaques et pharaoniques ont été dénoncés par un rapport parlementaire de 2001. Et cerise sur le gâteau, les actifs immobiliers, aujourd’hui récupérables par l’AGS, tomberaient dans l’escarcelle des banques ».

Le travail salarié est un produit de l’époque moderne qui a vu le jour avec l’apparition de la société capitaliste, nous dit Marx. Aujourd’hui, presque 90% du travail est salarié. Nous ne sommes plus que des ressources humaines que le grand capital a à cœur de faire fructifier au mieux de ses intérêts, avec l’aide des politiciens à sa solde.

Sus aux indépendants et aux salariés qui bénéficient (encore) d’une certaine autonomie

Pour mettre en œuvre la Grande Réinitialisation (le Great Reset) qui doit transformer le monde en paradis technologique vert, l’armée des fantassins que nous sommes doit être optimisée. Plus une seule tête ne doit dépasser.

Nos maîtres s’attaquent donc, en même temps (s’il reste quelque chose du macronisme, ce sera ce en même temps !), aux derniers indépendants (petits commerces, restaurants, etc.), et aux salariés qui ont encore un peu de sécurité et d’indépendance dans leur travail : les fonctionnaires* et les salariés du privé en CDI qui bénéficient d’une Convention collective. Nos maîtres veulent généraliser le statut des travailleurs des plateformes, qu’ils qualifient d’indépendants par un de ces abus de langage dont ils ont le secret. La Cour de Cassation vient de les rappeler à l’ordre (mais pour combien de temps ?) en validant, en mars 2020, une décision de la Cour d’appel de Paris, qui qualifie de fictif le statut de travailleur indépendant du chauffeur.

Un peu d’histoire

Le salariat s’est développé avec la révolution industrielle qui, elle-même, doit son essor aux capitaux accumulés pendant le commerce triangulaire et à la main d’œuvre misérable qui, privée de ses moyens de subsistance à la campagne, à afflué dans les villes.

Il ne faut jamais oublier qu’avant le triomphe du capitalisme, et contrairement à ce qu’on nous raconte, les pauvres, dans nos pays, n’étaient pas privés de tout comme aujourd’hui. La plupart des gens possédaient au moins un petit lopin de terre et, de plus, il y avait beaucoup de communs, des landes ou des bois où ils pouvaient faire paître quelques bêtes, cueillir quelques plantes, attraper de petits animaux, des mares où il pouvaient pêcher, des fours, des lavoirs, des puits collectifs, etc. dont tout le monde pouvait profiter. C’est, contraints et forcés par des réformes agraires qui les ont privés de tous ces biens collectifs, qu’ils ont dû quitter leur village et aller se faire exploiter dans les usines des capitalistes.

La plus emblématique de ces réformes agraires est « le mouvement des enclosures qui a transformé, en Angleterre une agriculture traditionnelle dans le cadre d’un système de coopération et de communauté d’administration des terres (généralement champs de superficie importante sans limitation physique) en système de propriété privée des terres (chaque champ étant séparé du champ voisin par une barrière). Les enclosures marquent la fin des droits d’usage, en particulier des communs, par suite de l’extinction des droits communs seigneuriaux ».

C’est pour ça que Proudhon considérait que la petite propriété, pour autant qu’elle restait d’usage, c’est-à-dire qu’on n’en tirait pas un profit en exploitant le travail d’autrui, était l’idéal, car elle offrait à celui qui en bénéficiait, à la fois la sécurité et l’indépendance. Il rêvait d’un monde de petits propriétaires. Celui-là même que les « gentils » capitalistes du début du XXe siècle, tenus en bride par la peur du communisme, nous ont fait miroiter…

Mais tout cela est bien fini. Macron vient de nous en donner encore une preuve. Qui s’est-il dépêché de mettre hors-circuit en dépit de toute logique sanitaire dès le début de la crise du Covid ?

–  Les commerces, établissements et travailleurs indépendants.

Et pourquoi ?

– Parce que les indépendants sont plus difficiles à contrôler et à rançonner que les salariés qui dépendent entièrement de leurs employeurs et dont les revenus sont connus. Sans compter que leur disparition, comme celle de la sécurité sociale, ouvre des marchés aux monopoles privés des amis de Macron…

Encore une fois, je parle des vrais indépendants, pas des victimes des plateformes qui viennent de réinventer pour nous le travail salarié du XIXe siècle, celui que Marx dénonçait comme un « véritable esclavage » et voulait abolir : 15 heures de travail par jour sans congés, ni sécurité, ni garantie d’aucune sorte, pour tous, même les enfants. Ce dont les plateformes, et tous les propriétaires des moyens de production derrière elles, veulent se débarrasser, ce n’est pas du salariat en lui-même, celui du XIXe siècle leur convient très bien, mais des conquêtes salariales accumulées pendant la période où les possédants ont lâché du lest par crainte du communisme.

On voit clairement quel statut ils veulent nous imposer à travers le combat juridique qui oppose, en Californie, les Uber, qui cherchent à se faire reconnaître comme salariés pour bénéficier des avantages encore liés à ce statut, aux plateformes qui essaient d’imposer un statut intermédiaire entre le salarié et l’indépendant bien entendu le plus précaire possible, : « un statut d’indépendants avec des compensations, comme un revenu minimum garanti ou une contribution à une assurance santé ».

Partout on essaie de brouiller les lignes pour en finir avec les acquis sociaux. La CGT vient de dénoncer Pôle emploi dont, selon elle, 62% des offres d’emplois sont hors la loi (illégales ou fausses). 62% ! Cela permet notamment de radier des chômeurs pour fausser les statistiques et de les priver du chômage avec la bénédiction de l’Etat soi-disant de droit.

Depuis un an, les maîtres du monde occidental tentent d’accélérer le mouvement, en profitant du Covid pour se débarrasser des derniers indépendants et des salariés encore protégés. Leur but est de créer un statut « universel » de travailleur le plus proche possible de celui du livreur Uber pour faire de nous des sortes d’esclaves (comme dit Marx), qui n’ont plus le temps ni les moyens de se révolter.

L’histoire se répète… sans se répéter

La ploutocratie voudrait certainement renouveler l’exploit qu’elle a accompli au XIXe siècle et nous réduire à nouveau en esclavage (comme dit Marx) en profitant d’une nouvelle étape dans l’évolution de la société : la mondialisation et la nécessité de modifier en profondeur un modèle de production qui détruit notre environnement et menace notre survie.

Il est clair que le pouvoir se durcit. Ce que dit Spinoza de la corruption des régimes démocratiques s’applique très bien à notre époque. Selon lui, en voulant s’affermir, les régimes politiques peuvent se transformer en leur contraire : la démocratie en aristocratie, et celle-ci à son tour en monarchie, au fur et à mesure que l’État passe peu à peu des mains de tous à celles de quelques-uns, et finalement d’un seul. Pour Spinoza, c’est un processus autodestructeur. Le tyran creuse sa tombe. Une tombe sur laquelle nous irons peut-être un jour danser…

Mais même si le peuple, fatigué de la tyrannie, l’étendard à la main, se soulevait aux accents de la Marseillaise,

même si les Afghans, les Irakiens, les Libyens, les Syriens, les Palestiniens, les Yéménites, les Soudanais, les Haïtiens, les Maliens venaient nous délivrer de nos tyrans comme nous les avons si généreusement délivrés (ou pas) des leurs,

même si nous étions libres de construire une nouvelle société,

nous ne pourrions pas revenir en arrière. Ce qui est détruit est détruit.

Il n’y a plus d’indépendants, ni d’artisans, ni bientôt de garanties sociales. Nous sommes tous des salariés précaires, à quelques exceptions près.

Le salaire inconditionnel, l’abolition du salariat que Marx dénonçait et la porte de sortie du capitalisme

On ne peut plus abolir le salariat au sens où l’entendait Marx et Proudhon (qui se détestaient d’ailleurs) pour revenir à une société mutualiste de petits propriétaires. Par contre il serait possible d’utiliser le salariat comme un antidote au salariat, d’aller jusqu’au bout du salariat pour, en quelque sorte, triompher du salariat, en versant à tous les salariés un salaire digne de ce nom. Garantir à chacun à partir de la majorité légale et pour toute la durée de sa vie, un salaire décent lui permettant de vivre modestement, certes, mais librement, abolirait ce qui rend le salariat injuste et inique, à savoir le lien de subordination à l’employeur et la concurrence malsaine entre les travailleurs.

Ce salaire inconditionnel serait, en valeur monétaire, l’équivalent des communs dont les villageois bénéficiaient autrefois. Il pourrait d’ailleurs être mis en commun pour créer des entreprises autogérées et des activités coopératives ou collectives. Il cimenterait les communautés dont il favoriserait l’émancipation. Peu à peu, nous nous libérerions du capitalisme qui nous opprime et nous exploite à travers ses employeurs, ses prêteurs et ses actionnaires, et nous reprendrions notre destin en main. Petit à petit, nous pourrions redécouvrir d’autres valeurs que l’argent, le profit, la concurrence, l’individualisme, le matérialisme, et nous libérer de la peur panique des aléas de la vie qui nous paralyse et nous met à la merci des puissants. S’ils peuvent nous manipuler comme ils veulent, c’est parce que nous avons perdu tout contact avec la réalité de la vie et de la mort.

Il y a des solutions, mais il faut d’abord cesser de croire et de servir « les riches et leurs mafias »

Une de mes voisines, à qui je faisais remarquer que toutes les décisions des psychopathes qui nous gouvernent se contredisaient, m’a rétorqué, l’œil mauvais : « Il faut bien faire quelque chose ! » Je l’ai regardée, estomaquée. Comment peut-on croire que faire n’importe quoi peut servir à quelque chose ? Les Suédois ont la chance d’avoir un gouvernement intelligent, de sang-froid et soucieux de l’intérêt général qui n’a pas imposé de mesures coercitives. La vie des Suédois n’a pas été gâchée, leur économie n’a pas été détruite et au final, ils ont moins de morts que nous. Les médias, pourtant experts en intoxication, sont à court de mensonges pour nier l’évidence suédoise.

Mais cela n’a pas d’importance. Les Français ne voient plus la réalité. Dans leur panique largement fabriquée et entretenue par les politiciens, les médias et Big Pharma, ils continuent de croire tout ce qu’on leur raconte. Le professeur Raoult s’arrache les cheveux en invoquant Chomsky et sa Fabrique du consentement. Et Antoine Volodine avoue y perdre son latin : « Nous n’arrivions pas à comprendre comment les riches et leurs mafias réussissaient à gagner la confiance des populations laborieuses. Et avant la rage c’est d’abord l’ahurissement qui nous saisissait lorsque nous constations que les maîtres du malheur triomphaient partout sur le globe et étaient sur le point de liquider les derniers d’entre nous. Nous n’avions aucune explication quand nous nous interrogions sur les mauvais choix de l’humanité » (Terminus radieux).

Moi j’en ai une, les gens sont tellement coupés d’eux-mêmes, du monde et des autres, qu’ils ne sont plus capables de distinguer le vrai du faux. Ils manquent tellement de confiance en eux-mêmes et dans leur propre jugement qu’ils se laissent impressionner par l’assurance et la morgue de l’expert, du sachant, du puissant. Et si l’un d’eux affirme doctement que 2+2=5, ils vont partout répétant que 2+2=5. Je le sais. Je l’ai fait. J’étais moi aussi une coquille vide, prête à véhiculer toutes les sottises pourvu qu’elles soient à la mode, avant que je n’entame un sérieux travail sur moi.

Rares sont ceux qui dans les circonstances actuelles conservent encore assez d’indépendance d’esprit, de clairvoyance et de force d’âme pour s’opposer à la vague covidiste. À ceux d’entre vous, qui n’ont pas encore tout à fait perdu le contact avec la réalité ou qui aspirent à le retrouver ou qui ont simplement envie de rire (jaune) de la grotesque farce covidienne aux conséquences hélas dramatiques, je recommande la Conférence Covid de Christophe Alévêque.

Au cas où vous n’auriez pas le temps de la voir avant que youtube ne la supprime, en voilà un extrait : « Selon le président de la Banque mondiale, cent millions de personnes supplémentaires vont entrer dans l’extrême pauvreté au niveau mondial en 2021 suite aux mesures prises pour faire face à cette crise sanitaire. Cent millions ! En particulier des jeunes pauvres sans espoir. Nous n’avons pas encore de courbe de projection fiable concernant le nombre de victimes que cette extrême pauvreté va engendrer dans les mois et les années à venir. 1, 2, 5, 10 millions, on ne peut pas s’avancer. Mais soyez sûrs que nous manquerons de vous communiquer ces chiffres. Oui, oui, il a fallu trancher entre le jeune pauvre et le vieux riche, et croyez-moi la décision n’a pas été simple à prendre.

En temps dit normal, 6 millions d’enfants meurent encore de malnutrition et de manque de soins chaque année dans le monde. Un enfant meurt dans le monde toutes les 5 secondes quelle que soit la période de l’année. A titre de comparaison, un patient Covid entre en réanimation toutes les 12 minutes en Ile de France, depuis 2 jours. Pour se rendre compte de la gravité de la situation, pendant qu’un adulte entre pour se faire soigner à l’hôpital, 144 enfants meurent. Nous faisons, croyez-le, tout notre possible pour lutter contre ce fléau de la malnutrition, qui malheureusement n’est pas un virus et donc contre lequel nous ne pouvons pas agir efficacement.

Au niveau national maintenant, notre pays a été durement touché depuis le début de cette pandémie. Le nombre de victimes s’élève à ce jour à 90 445 personnes dont la moyenne d’âge est de 81 ans… » Je vous laisse découvrir le reste de ce salutaire rappel à la réalité, si tant est qu’il en reste encore parmi nous pour préférer le vaccin de la réalité au vaccin de l’immortalité que promet Big Pharma à un Occident qui vieillit mal et même très mal.

Pour retrouver notre bon sens, notre joie de vivre et notre liberté, il n’y a pas d’autre moyen que de restaurer le lien perdu avec les autres, nous-mêmes, la nature et la réalité. Il nous faut renouer avec nos racines naturelles, spirituelles, politiques, philosophiques, historiques, culturelles.

Mais nous ne pourrons pas nous livrer à ce travail de réappropriation de nous-mêmes et de notre environnement,

tant que nous accepterons de perdre nos vies à enrichir toujours plus les quelque 2 000 milliardaires capitalistes du monde et leurs suppôts,

tant que nous accepterons que les cormorans abandonnent leurs petits, qu’ils ne peuvent plus nourrir à cause de la surpèche…

Note :

*Le statut de fonctionnaire est un des plus grandes conquêtes salariales, en dehors de la sécurité sociale. Le salaire du fonctionnaire est lié à sa qualification et non à son poste de travail, si bien qu’il bénéficie d’une forme de salaire à vie, que pratiquement rien ni personne ne peut lui enlever, et donc de l’indépendance qu’assure la sécurité dans son travail et jusqu’à sa mort. C’est pour cela que c’est ce statut qui subit les attaques les plus violentes et les plus frontales de la clique néolibérale au service du Grand Capital depuis les années 1970.

Pour les sources et les liens, se référer au site d’origine : https://www.salaireavie.fr/

»» https://www.salaireavie.fr/single-post/l-ue-et-uber-veulent-ils-comme-…

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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