Sylvie Le Minez, Valérie Roux (Insee)
En raison de l’épidémie de Covid-19, la mortalité a été exceptionnelle en 2020 avec près de 669 000 décès toutes causes confondues, soit 56 000 décès de plus qu’en 2019 (+ 9 %).
Une telle hausse de la mortalité n’a pas été enregistrée en France depuis 70 ans. Cette hausse est notamment très supérieure à celle observée lors des épisodes grippaux et caniculaires sévères des années précédentes. La France est dans une position médiane au sein des pays européens.
La hausse des décès a été un peu plus forte pour les hommes. Elle a surtout concerné les personnes âgées de plus de 70 ans (+ 11 %), de manière assez homogène au-delà de cet âge. Cette hausse a été très inégale selon les territoires : elle a été plus forte dans la moitié Est de la France métropolitaine, en incluant l’Île-de-France. Mayotte, l’Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes sont au final les trois régions où les excédents de décès sont les plus forts sur l’année.
- 668 800 décès en 2020, soit 55 500 de plus qu’en 2019
- Deux vagues de décès en 2020, au printemps et à l’automne
- Un surcroît de décès en 2020 nettement supérieur à ceux occasionnés par les grippes saisonnières, même les plus fortes
- Une augmentation des décès concentrée chez les plus de 70 ans
- Une France coupée en deux
- Une première vague plus meurtrière en Île-de-France et dans le Grand Est
- À l’automne, Auvergne-Rhône-Alpes a le plus fort excédent de décès
- Une situation extrêmement différenciée dans les DOM
- La France : en position médiane parmi les pays européens
- Encadré – Un excès de décès toutes causes confondues cohérent avec les décomptes des décès dus à la Covid-19
668 800 décès en 2020, soit 55 500 de plus qu’en 2019
En 2020, 668 800 décès sont survenus toutes causes confondues, soit 55 500 de plus qu’en 2019 (+ 9,1 %). En raison de l’arrivée des générations nombreuses du baby-boom à des âges où la mortalité est plus élevée, le nombre de décès augmente chaque année depuis 2010. La hausse observée en 2020 est cependant sans commune mesure avec celle des années passées. À espérance de vie constante depuis 2019, l’augmentation de la population et son vieillissement en 2020 auraient entraîné un accroissement des décès d’environ 14 000. Si les gains d’espérance de vie s’étaient prolongés au même rythme que ceux observés lors de la dernière décennie, l’augmentation aurait été moindre, de l’ordre de 6 000. Une partie de l’écart entre 2019 et 2020 (de l’ordre de 1 800) s’explique par ailleurs par le fait que l’année 2020 est bissextile. L’essentiel de la hausse des décès en 2020 est donc porté par l’augmentation des taux de mortalité aux âges élevés du fait de l’épidémie de Covid-19. Cette dernière entraîne une diminution marquée de l’espérance de vie à la naissance, d’un peu plus de 6 mois par rapport à 2019 [Papon, Beaumel, 2021].
Deux vagues de décès en 2020, au printemps et à l’automne
En mars-avril 2020, 27 300 décès supplémentaires sont survenus par rapport à la même période de 2019 (+ 27 %). L’excédent de décès entre septembre et décembre est, quant à lui, moins intense mais a duré plus longtemps : il s’avère au final plus important que celui de la première vague (+ 34 300, soit + 17 %).
Au cours de la première quinzaine de mars 2020, juste avant le premier confinement, le nombre de décès toutes causes confondues était en moyenne de 1 800 par jour, soit du même ordre qu’à la même période en 2019 (figure 1). Il a ensuite augmenté très rapidement pour atteindre un pic le 1ᵉʳ avril, avec 2 810 décès. Puis il a rapidement diminué, passant de 2 600 décès en moyenne chaque jour durant la première quinzaine d’avril à 1 900 la deuxième quinzaine. Entre mai et août 2020, le nombre de décès se situe à nouveau dans la moyenne des années précédentes.
À l’automne, chaque année, les décès augmentent jusqu’à la fin de l’année. La hausse constatée en 2020 est cependant exceptionnellement forte. Entre septembre et mi-octobre, le nombre de décès est chaque jour en moyenne supérieur d’une centaine à celui de 2019. À partir de mi-octobre, l’écart se creuse encore. Un second confinement est instauré à partir du 30 octobre et un pic à 2 340 décès est atteint le 7 novembre. La baisse s’avère ensuite nettement plus lente que lors de la 1re vague : le nombre de décès quotidiens moyen passe de 2 260 lors de la 1re quinzaine de novembre à 2 030 durant la seconde moitié de décembre. Plutôt qu’une fin de deuxième vague, un plateau semble être atteint fin 2020, d’autant qu’en janvier 2021, les décès augmentent à nouveau légèrement.
Un surcroît de décès en 2020 nettement supérieur à ceux occasionnés par les grippes saisonnières, même les plus fortes
Le bilan des décès de l’année 2020 intègre, au-delà des deux vagues de mortalité du printemps et de l’automne, la mortalité survenue au début de l’année ainsi qu’entre les deux vagues.
Selon Santé Publique France, la grippe saisonnière en 2020 a occasionné peu de décès (environ 4 000 en 2020, après 8 100 en 2019 et 13 000 en 2018). Les décès, toutes causes confondues, survenus en janvier-février 2020 sont inférieurs de 7 500 à ceux de la même période en 2019 (et même de 9 200 si l’on tient compte du fait que 2020 est une année bissextile).
À l’inverse, les trois vagues de chaleur de l’été 2020 ont occasionné un peu plus de décès que les deux épisodes de canicule de 2019 (1 900 contre 1 500) [Desrivierre, Fabre, 2020]. En remontant davantage dans le temps, la deuxième vague de la grippe dite de Hong-Kong, qui avait frappé la France en décembre 1969 et janvier 1970, s’était accompagnée de 31 900 décès de plus que ceux survenus au cours des deux mêmes mois un an plus tôt (+ 32 %), excédent supérieur à celui survenu en mars-avril 2020 mais inférieur au bilan des deux vagues de décès de 2020. L’excédent de décès en 2020 par rapport à 2019 est dû en grande partie à l’épidémie de Covid-19 (encadré).
Une augmentation des décès concentrée chez les plus de 70 ans
L’excédent de décès en 2020 par rapport à 2019 a été un peu plus prononcé pour les hommes (+ 10 %) que pour les femmes (+ 8 %) (figure 2). Il a aussi été d’autant plus élevé que les personnes étaient âgées.
Parmi les plus âgés, la hausse des décès demeure limitée entre 60 et 69 ans (+ 4 %), mais elle est très nette à partir de 70 ans. Elle bondit à 14 % entre 70 et 79 ans, et se situe à des niveaux élevés entre 80 et 89 ans (+ 9 %) et au-delà (+ 12 %). Lors des deux vagues, la hausse est très forte, avec assez peu de différences entre septuagénaires, octogénaires et plus âgés : + 31 % en mars-avril et + 20 % en septembre-décembre pour les 70 ans ou plus. La surmortalité des hommes âgés s’avère également plus importante que celle des femmes âgées (+ 4 points lors des deux vagues).
Au total sur l’année, les décès de personnes de plus de 70 ans ont augmenté de 52 100. Malgré cette hausse, la structure des décès est peu modifiée. 79 % des personnes décédées en 2020 ont plus de 70 ans, contre 78 % en 2019 ; près de la moitié ont 85 ans ou plus en 2020 comme en 2019.
Les décès des jeunes de moins de 25 ans ont, quant à eux, été moins nombreux en 2020 qu’en 2019 (− 6 %) et ceux des 25-49 ans quasi stables. Avant 25 ans, la baisse des décès est nettement plus accentuée pour les hommes (− 7 %) que pour les femmes (− 4 %). Elle est particulièrement notable lors des deux épisodes de confinement, notamment le premier. Les décès étant toutefois peu nombreux à ces âges, cela correspond à une baisse d’environ 400 décès en un an.
Une France coupée en deux
L’épidémie de Covid-19 n’a pas affecté les territoires de manière uniforme. Sur l’ensemble de l’année 2020, les départements où les décès dépassent d’au moins 10 % ceux de 2019, sont situés dans la moitié Est de la France métropolitaine, en incluant la région Île-de-France. Les seules exceptions sont l’Eure (+ 12 %) et le Loir-et-Cher (+ 11 %) (figure 3a). En France métropolitaine, trois groupes de régions se distinguent. Tout d’abord, les excédents de décès sur l’année sont les plus forts en Île-de-France (+ 19 %) et en Auvergne-Rhône-Alpes (+ 15 %) (figure 4). Viennent ensuite des régions géographiquement proches des deux premières, avec une surmortalité en 2020 également très élevée mais un peu moindre (entre + 8 % et + 13 %) : le Grand Est, la Bourgogne-Franche-Comté, les Hauts-de-France, et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Enfin, dans sept régions, plutôt situées dans l’Ouest de la France (à l’exception de la Corse), la surmortalité est relativement faible, comprise entre + 1 % et + 6 %.
Une première vague plus meurtrière en Île-de-France et dans le Grand Est
La chronologie de l’épidémie a aussi été très différente selon les régions. Elle a démarré dans les Hauts-de-France avec une hausse des décès dès début mars. L’excès de décès atteint 28 % en mars-avril 2020 par rapport à la même période de 2019 avec un pic de + 61 % dans l’Oise, où l’un des tous premiers foyers de contamination à la Covid-19 a été identifié (figure 3b). La seconde vague de surmortalité à l’automne dans cette région est un peu moins intense (+ 19 % par rapport à septembre-décembre 2019) (figure 3c), mais du fait de sa durée plus longue, elle a engendré au final un surcroît de décès du même ordre que celui de la première vague.
Le Grand Est enregistre également très tôt un accroissement des décès, dès le 11 mars.
Le nombre moyen de décès quotidiens a augmenté très fortement entre la première et la deuxième quinzaine du mois de mars 2020 (+ 86 %, après + 8 % par rapport aux mêmes quinzaines de l’année précédente). À l’exception des Ardennes, durant cette seconde moitié du mois de mars, les décès ont été plus nombreux dans tous les départements de la région, en particulier dans le Haut-Rhin (+ 145 %) qui a probablement été le point de départ de la diffusion de l’épidémie dans cette région. Comme au niveau national, le pic a été atteint le 1er avril et la baisse des décès a ensuite été très rapide. Entre le 1er mars et le 30 avril, les décès enregistrés dans la région ont été supérieurs de 55 % à ceux de 2019, et jusqu’à + 85 % dans les Vosges et + 117 % dans le Haut-Rhin. À partir du 1er mai, la région a retrouvé des niveaux de décès semblables à ceux de 2019 et ce, jusqu’à fin septembre. La seconde vague de surmortalité a démarré vers le 20 octobre et elle a été relativement moins intense dans le Grand Est (+ 15 % entre le 1er septembre et le 31 décembre). Au final, les deux tiers de l’excès de décès sur l’année dans cette région sont attribuables à la période mars-avril.
En Bourgogne Franche-Comté, le nombre de décès a augmenté à partir du 12 mars, soit juste après le Grand Est. Au printemps, l’augmentation (+ 27 % en mars-avril 2020 par rapport à mars-avril 2019) a été deux fois moindre que dans le Grand Est et équivalente à celle des Hauts-de-France. Dans cette région, l’épisode de surmortalité de l’automne a été aussi intense que celui du printemps mais plus long. Au final, les deux tiers de l’excédent de 2020 y sont dus à la seconde vague épidémique du fait de sa durée.
À partir du 16 mars, l’Île-de-France a enregistré une hausse de la mortalité beaucoup plus vive que partout ailleurs. Durant la seconde quinzaine de mars, les territoires situés au nord de la région, à proximité de l’Oise et de l’aéroport de Roissy sont les plus touchés [Allard et al., 2020]. Entre le 1er mars et le 30 avril, la surmortalité s’élève à 91 % dans la région. La Seine-Saint-Denis (+ 125 %) et les Hauts-de-Seine (+ 113 %) sont particulièrement touchés. Même à Paris et dans les Yvelines, un peu moins touchés, le surcroît de décès atteint 70 %. L’Île-de-France a en revanche été beaucoup moins touchée par le second épisode de surmortalité en 2020, avec un excédent de 14 % entre septembre et décembre. Au final, 80 % de la hausse des décès y a ainsi eu lieu au printemps.
À l’automne, Auvergne-Rhône-Alpes a le plus fort excédent de décès
La deuxième vague de Covid-19 à l’automne a concerné plus fortement des régions qui avaient été moins touchées par l’épisode du printemps, en particulier Auvergne-Rhône-Alpes. Entre le 1er septembre et le 31 décembre, cette région a connu l‘excédent de décès le plus important (+ 38 %). Cet excédent est moins marqué que celui de l’Île-de-France au printemps, mais il a duré deux fois plus longtemps. Les départements de cette région sont, au niveau national, ceux qui ont connu les plus fortes hausses durant cette période, notamment la Haute-Loire, la Savoie, la Loire et la Haute-Savoie. Sur l’année, la hausse des décès en 2020 comparativement à 2019 s’explique ainsi dans cette région à 90 % par la période automnale.
Après Auvergne-Rhône-Alpes et la Bourgogne-Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d’Azur est la troisième région où la surmortalité durant l’automne est la plus élevée, avec un surplus de décès de 22 % durant cette période contre 12 % au printemps. Les Hautes-Alpes ont été les plus touchées (+ 42 %), suivies des Alpes-de-Haute-Provence, du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône (autour de + 25 %).
Une situation extrêmement différenciée dans les DOM
La mortalité a évolué très différemment dans les départements ultramarins. À Mayotte, frappé par une épidémie de dengue début 2020, elle a augmenté très fortement dès le début de l’année. Quelle que soit la période de l’année retenue, les décès sont excédentaires d’au moins 20 % par rapport à 2019. Sur l’ensemble de l’année, Mayotte est le département français qui présente le plus fort excédent, avec un quart de décès de plus que l’année précédente.
En Guadeloupe, le surcroît de décès est de 8 % par rapport à 2019, avec une très forte hausse en fin d’année (+ 24 %). Dans les autres départements ultramarins, le nombre de décès en 2020 est équivalent (Martinique, La Réunion) ou inférieur (Guyane) à 2019.
La France : en position médiane parmi les pays européens
Dans la quasi-totalité des pays européens, les décès ont augmenté en 2020. Avec + 9 %, la France se situe dans une position médiane [Ourliac, 2021]. D’après les données disponibles mi-mars, la hausse des décès est plus forte qu’en France dans tous les pays limitrophes, à l’exception notable de l’Allemagne, relativement préservée (+ 5 %), et du Luxembourg (+ 8 %). La hausse est supérieure ou égale à 14 % dans sept pays européens : l’Espagne, la Pologne, la Belgique, la Slovénie, la Bulgarie, la République tchèque et l’Italie.
Si, au printemps, lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19, la mortalité n’avait augmenté que dans sept pays en Europe, avec la seconde vague, à l’automne, la crise sanitaire semble s’être diffusée plus largement. Dans les pays où la mortalité avait déjà augmenté fortement au printemps, comme en France, le surcroît de mortalité à l’automne a été globalement du même ordre de grandeur, à l’exception du Royaume-Uni où il a été plus faible.
Encadré – Un excès de décès toutes causes confondues cohérent avec les décomptes des décès dus à la Covid-19
Entre le 1er mars et le 31 décembre 2020, Santé publique France recense 64 600 décès liés à la Covid-19 dans les hôpitaux et les établissements pour personnes âgées, contre un excédent de 62 800 décès toutes causes et tous lieux de décès confondus sur la même période en 2020 par rapport à 2019. Les deux chiffres sont donc proches, même s’ils ne peuvent être directement comparés [Bayet et al., 2020]. L’excès de décès observé par l’Insee en 2020 résulte en effet à la fois d’une surmortalité provoquée directement ou non par la Covid-19 et d’une sous-mortalité engendrée par un effet protecteur des confinements et des gestes barrières sur d’autres causes de décès, comme les accidents de la route ou du travail, ou encore d’autres maladies virales. Certains des décès liés à la Covid-19 recensés par Santé publique France, seraient advenus en 2020 même sans l’épidémie qui n’a fait que les anticiper [ https://www.insee.fr/fr/statistiques/5347349
Source: Lire l'article complet de Profession Gendarme