Avis de disparition

Avis de disparition

Par René Lamertume − Mars 2021

Au XIXème siècle, la démarche philosophique a atteint son apothéose avec ce cri : « Dieu est mort. ». Et nous tous de penser que c’était l’aube de la liberté. Se soumettre au contrôle quotidien de Dieu était devenu une situation insupportable aux intellectuels d’alors. L’homme se voyait enfin libre de faire ce qu’il voulait, de ne pas avoir de comptes à rendre, et surtout de ne pas vivre avec cette impression de surveillance continuelle.

Cent cinquante ans plus tard, on sait tout de nous, position géographique à un instant donné, conversations téléphoniques, correspondances, achats, préférences de vie, préférences politiques, santé, démarches effectuées, et cela ne perturbe pratiquement personne. La TV hertzienne disparaît, remplacée par la TV câblée, qui enregistre. Chacun marche dans la rue en suivant son ordinateur-téléphone portable. Chacun vit avec un fil téléphonique invisible à la patte. Toute question, toute angoisse se résout à l’instant en interrogeant l’oracle informatique. Chacun s’installe quotidiennement devant son écran pour prendre ses bouffées hallucinatoires derrière lesquelles la réalité disparaît. On amène les enfants tous petits à l’école se faire dresser par des ordinateurs.

Puisque la Publicité le veut, on souscrit avec empressement à l’exhibitionnisme moderne. Quelques grands-prêtres s’assurent dans l’ombre que nous pouvons continuer à consommer. Le reste ne nous concerne plus. Le diable informatique est en place. Janus nous distrait tandis qu’il étend ses tentacules sur la planète entière. Ceux qui sont jugés déviants, présentés comme des attardés dangereux, sont lynchés médiatiquement pour leurs velléités de résistance.

La liberté s’arrêtait autrefois là où commençait la liberté du voisin. Dorénavant, nous vivons dans un espace réduit dont le fil de fer barbelé est l’informatique. Et l’emprise de l’informatique omnipotente est planétaire. Par exemple, l’informatique détruit tous les métiers. Là où autrefois régnaient les mains des hommes, les prouesses techniques, accords exceptionnels de l’intelligence, de l’esthétique et de l’habileté manuelle, c’est le vide des machines programmables qui ont volé le savoir humain et permettent un travail inhumain parfait. Là où régnaient le métal et le bois, la pollution du plastique s’est imposée… Du fait de l’étendue de son usage et des possibilités intrusives de l’informatique, peut-être nous poserons-nous un jour la question d’un contrôle strict et démocratique de cette technique. Il est temps en effet de se demander si informatique et humanité sont compatibles.

Corrélativement, on mesure l’intelligence humaine et il semble bien qu’une nouvelle controverse soit ouverte. En effet, certains prétendent que l’intelligence augmente et d’autres que l’intelligence baisse. Mais que mesure-t-on vraiment : la capacité à résoudre des situations inconnues ou celle à donner la réponse attendue ? Il est très probable que la part créatrice de l’intelligence diminue. En effet, l’intelligence, comme toute fonction, ne peut se développer que lorsqu’elle est sollicitée. Or d’intelligence créatrice, dans notre société moderne, il n’en est surtout pas besoin. Pour vivre des vies tracées à l’avance, balisées, normées, surveillées, pour cocher les cases des formulaires, pas besoin d’intelligence.

Enfin, avec l’épidémie de coronavirus, l’incroyable se produit : les populations de pays entiers découvrent alors, qu’ils côtoient des virus sans en avoir conscience. Les citoyens assignés à résidence applaudissent car leurs vies cloîtrées les protègent peut-être d’une maladie parmi d’autres. Pour cette bonne cause supposée, ils acceptent de presque tout abandonner. Désormais, à chaque passage d’une épidémie, réelle ou imaginaire -les médias décideront- ce seront des pays arrêtés, les gens terrés chez eux, fuyant les malades potentiels, bientôt les dénonçant ; des lois d’exception comme barrière sanitaire. Un pas immense a été franchi. Désormais les gens acceptent de porter dans la rue, le signe de leur soumission. Ils acceptent n’importe quelle potion médicamenteuse pourvu qu’on leur promette de les laisser durer en paix.

Peu à peu les loups deviennent des chiens. La Loi est la suivante : les hommes libres disparaissent pour faire place à des individus satisfaits d’être menés, dirigés, commandés, étiquetés. Ce n’est pas Dieu qui est mort, c’est l’amour de la Liberté.

René Lamertume

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