La réalisatrice et écrivaine indienne Vaishnavi Sundar vient de produire et de mettre en ligne un documentaire en quatre parties intitulé « Dysphorique : Fuir la féminité comme une maison en feu », dont voici le synopsis :
Dans ce monde dystopique où la misogynie est omniprésente et la féminité marchandisée, être femme a un prix. Les entreprises capitalisent sur le corps des femmes, brouillant les frontières du sexe biologique, en s’appuyant sur la pseudoscience de la théorie queer. L’oppression qui en résulte se propage au travers de la complicité des médias, du monde universitaire, juridique et politique. Il n’est ainsi pas surprenant que tant de jeunes filles fuient la féminité comme une maison en feu.
La dernière décennie a vu une forte augmentation du nombre de jeunes filles cherchant à transitionner au moyen de procédures irréversibles mettant leur vie en danger. « Dysphorique » est une série documentaire en quatre parties sur l’essor de l’idéologie de l’identité de genre, ses effets sur les femmes et les filles, en particulier dans les pays en développement.
« Dysphorique » explore la transition de « genre », les effets secondaires irréversibles des traitements hormonaux et des opérations chirurgicales, la propagande « woke » glorifiant des milliers de présentations de genre stéréotypées, qui deviennent une mode, la montée en puissance de la police des pronoms, le détournement du langage qui qualifie les femmes de « menstruatrices » et les nombreux obstacles auxquels les femmes sont confrontées lorsqu’elles tentent de remettre en question cette misogynie moderne. Le film met en lumière les voix des détransitionneurs, des cliniciens, des psychiatres, des sociologues, des féministes, des universitaires et des citoyens concernés.
« Dysphorique » a été réalisé au cours d’une année, pendant le confinement lié au COVID, et à l’époque de la cancel culture. Votre soutien est apprécié : http://www.paypal.me/vaishax
Pour plus d’informations : www.limesodafilms.com limesodafilms@gmail.com
Nous nous sommes entretenus avec elle au sujet de ce film documentaire :
Le documentaire en question. Première partie :
(Des sous-titres français sont disponibles, à activer s’ils ne s’activent pas automatiquement)
Vaishnavi avait auparavant réalisé un documentaire intitulé But What Was She Wearing ?, soit « Mais comment était-elle habillée ? », sorti en novembre 2018, sur le harcèlement sexuel au travail en Inde. Documentaire qu’elle aurait dû projeter à New-York, si sa projection n’avait été annulée en raison de ses prises de position sur le sujet de l’idéologie de l’identité de genre, du transgenrisme, ainsi qu’elle l’explique dans un article publié le 4 mars 2020 sur le site web du magazine britannique Spiked, dont voici une traduction :
J’ai été censurée en raison de tweets portant sur le transgenrisme
La féministe indienne Vaishnavi Sundar a vu des projections de son dernier film annulées.
Ces dernières années, sur les réseaux sociaux, j’ai vu passer nombre de témoignages de personnes ayant été censurées et ostracisées [cancelled]. Il s’agissait d’un phénomène que je ne comprenais pas pleinement et dont les ramifications me semblaient exagérées. Jusqu’à ce qu’il me touche.
J’ai commencé à m’intéresser au féminisme en suivant le courant féministe largement dominant du « choix individuel » [en anglais, choice feminism]. Mais j’ai rapidement réalisé qu’il va à l’encontre des droits des femmes pour lesquels les suffragettes se battaient. Il maquille l’oppression, la rendant lucrative et séduisante. Lorsque j’ai commencé à exprimer mon opinion sur les problèmes de ce féminisme libéral, la culture de la censure [cancel culture] m’est apparue comme une réalité. J’ai réalisé que des femmes étaient censurées pour avoir dénoncé le patriarcat.
Cinéaste et écrivaine, je milite pour les droits des femmes. Je passe mon temps à défendre l’égalité sexuelle, le droit à la contraception, l’éducation et l’autonomisation des femmes et des filles. Les femmes sont au cœur de mon travail. Lorsque j’ai commencé à projeter, à travers l’Inde, mon film sur le harcèlement sexuel au travail, j’espérais sensibiliser le public. But What Was She Wearing ? (Mais comment était-elle habillée ?) est le premier long métrage documentaire indien sur ce sujet.
Cependant, les partisanes du féminisme libéral se sont vertement opposées au film. Des femmes qui m’avaient envoyé des messages privés pour me demander de l’aide et des contacts, qui m’avaient félicité pour la réalisation du film, refusaient d’en parler sur leurs réseaux ou de retweeter quoi que ce soit à son sujet. J’ai commencé par blâmer mon éternelle malchance ou quelque défaut dans ma personnalité.
Puis, j’ai commencé à recevoir une série de refus de la part de médias libéraux et de gauche qui jusque-là avaient accepté chaque papier que je leur avais envoyé. Une rédactrice m’a répondu qu’elle ne pouvait pas accepter mes articles parce que son journal manquait de personnel. Pourtant, à peu près au même moment, elle publiait trois articles d’un auteur masculin.
Le mois dernier, j’ai découvert la raison pour laquelle j’étais désormais malaimée dans l’enceinte du féminisme libéral. Je me trouvais aux États-Unis, dans le cadre d’un programme d’échange, et je voulais profiter de cette occasion pour projeter mon film dans différents endroits, au cours de ma tournée dans le pays. Une projection était prévue à New York, organisée par le Projet Polis. Tout avait été soigneusement arrangé, des affiches avaient été conçues et j’avais même été présentée à une modératrice indienne. Mais une semaine avant la projection, l’organisatrice (également une femme d’origine indienne) m’a envoyé un e‑mail. Elle me disait que l’événement était annulé à cause de mes convictions « transphobes ».
Il y a un certain temps, j’avais participé à une discussion sur Twitter à propos des « femmes trans » n’ayant pas (encore) été opérés, et se rendant dans des foyers pour femmes, des prisons, des salles de bain et des salles de sport réservées aux femmes. Quelqu’un a porté les tweets en question à l’attention des organisateurs. Le Projet Polis a donc jugé pertinent d’annuler la projection d’un film sur un sujet urgent touchant les femmes de toutes les couches sociales de la société, au motif que sa réalisatrice estime que le sexe biologique n’est pas une construction sociale, que l’oppression des femmes est réellement fondée sur le sexe, que d’incarcérer des personnes dotées d’organes génitaux masculins dans des espaces où se trouvent des victimes de la violence sexuelle masculine peut être éprouvant pour les détenues, que les maladies mentales comme l’autogynéphilie et autres dysphories peuvent causer des dommages dangereux et irréversibles, et que les théoriciens du genre effacent les femmes, assez à la manière du patriarcat.
J’ai grandi à Avadi, dans le sud de l’Inde. J’ai passé la plus grande partie de ma vie à travailler avec des femmes marginalisées. Mais je ne suis pas suffisamment « woke » pour les membres de la diaspora indienne de Manhattan qui embrassent allègrement la théorie queer postmoderne.
Depuis, j’ai confronté les éditeurs des médias m’ayant mise sur liste noire. Apparemment, des militants indiens pour les droits des trans ont cherché mon nom sur Google et ont écrit à tous les médias où j’avais été publiée afin de leur parler de mes tweets de « TERF » (TERF est un acronyme pour Trans Exclusionary Radical Feminist, soit « féministe radicale excluant les trans »).
Cet ostracisme signifie essentiellement que le féminisme dont je me réclame – le féminisme de Mary Wollstonecraft, Emmeline Pankhurst et Andrea Dworkin – serait excluant parce qu’il s’oppose à la présence d’hommes dans les espaces réservés aux femmes. Que mon intersectionnalité n’est apparemment pas assez étendue au goût des hommes. Que mon féminisme n’encourage pas le « choix » de servir le patriarcat. Que défendre la sécurité des femmes serait « anti-trans » — ce que j’ai toujours du mal à comprendre : je m’oppose uniquement à ces infinies variations sur le thème de la misogynie.
Les féministes radicales comme moi ont enduré une perte de leurs moyens de subsistance, ont été invectivées et interdites de parole parce que les organisations féministes libérales préfèrent nuire à un travail féministe important plutôt que de faire preuve de solidarité dans les luttes qui touchent toutes les femmes. Pas étonnant que d’ardentes féministes comme Ayaan Hirsi Ali soient contraintes de se tourner vers des médias comme le Wall Street Journal ou des talk-shows conservateurs pour faire entendre leur voix.
Comment tant de féministes libérales osent-elles se dire « libérales » tout en faisant l’éloge de la pornographie, une industrie dans laquelle les femmes sont brutalisées (et souvent tuées) ? Comment pouvez-vous encourager les enfants à devenir des « drag queens » pratiquant des actes sexuels d’adultes, au nom de l’idéologie du genre ? On ne devrait plus parler de mouvement. Il s’agit d’une secte célébrant des hommes qui, souvent, ne sont même pas vraiment « queer », mais souhaitent profiter de l’ « auto-identification » en tant que femme afin de pouvoir jouer aux opprimés et obtenir une validation externe.
Mon activisme m’a amené à faire la connaissance de plusieurs personnes transgenres lucides sur la question du sexe biologique. Il est pathétique de constater qu’elles aussi sont ostracisées au sein de leur propre communauté pour avoir osé s’exprimer sur le sujet. Un certain nombre de jeunes adultes ayant été contraints de prendre des bloqueurs de puberté et de subir des mutilations corporelles irréversibles se manifestent publiquement et ont créé une communauté de « détransitionneurs ». Mais les gens sont bien trop enclins à ignorer leurs histoires horribles et à les dénigrer.
Je suis d’accord avec ce que JK Rowling a récemment déclaré – nous devrions tous avoir la liberté d’être qui nous voulons et de l’être avec quiconque est prêt à nous aimer. Mais priver les femmes de leurs moyens de subsistance pour avoir exposé des faits biologiques insulte le bon sens.
Les féministes libérales gagneraient à sortir du miroir aux alouettes des réseaux sociaux, à descendre de leurs tours d’ivoire pour rencontrer les femmes du monde réel, à s’inspirer de la récente campagne électorale du parti travailliste du Royaume-Uni, lors de laquelle des milliers de femmes se sont exprimées par leur bulletin de vote et ont signifié audit parti, défenseur des pronoms personnalisés et de la vertu « woke », que cette voie n’intéressait pas grand monde.
Vaishnavi Sundar
Pour aller plus loin :
Les enfants trans – Il est temps d’en parler (documentaire réalisé par Stella O’Malley)
Source: Lire l'article complet de Le Partage