Du bon et mauvais usage d’Orwell

La dystopie est à la mode. Les références à l’auteur de 1984 sont partout. Orwell est devenu LA référence. De la presse progressiste aux journaux réactionnaires, il ne se passe pas un jour sans que ne soit évoquée l’œuvre du Britannique. Politiquement, tous les courants dénoncent la novlangue et le risque de basculement vers une société totalitaire.

L’industrie du divertissement mondial, pourtant liée au pouvoir oligarchique, est aussi en pointe dans la description d’un futur dystopique. Hollywood, Netflix et les GAFAM rivalisent dans la production de contenus fondés sur l’avènement de sociétés dystopiques. Ce sous-genre de la science-fiction, créée en 1932 par Adlous Huxley, hier marginal, inonde désormais les écrans.

Il est assez croustillant de voir les principaux fournisseurs de contenus dénoncer la société de surveillance orwellienne. En effet, ces multinationales, par ailleurs propriétaires des plus grands réseaux sociaux, opèrent un contrôle de plus en plus étroit de leur clientèle en multipliant notamment les algorithmes qui visent à censurer les opinions non conformes. Autrement dit, le pouvoir oligarchique nous met en garde contre le risque d’une société totalitaire que par ailleurs il organise. Le contrôle de la pensée par la critique d’un projet orwellien que l’on initie. Même Orwell n’y avait pas songé.

La mise en avant de George Orwell par les classes dominantes révèle la capacité du système à digérer et travestir sa propre critique. Aujourd’hui, la critique de la novlangue est une nouvelle novlangue et la critique des sociétés totalitaires par ceux qui participent à l’assèchement de la pensée et du langage devient une norme.

Comment une pensée aussi radicale que celle de l’écrivain britannique a-t-elle pu s’intégrer avec autant de facilité au discours dominant?

La raison principale tient au fait qu’elle a été en partie vidée de sa dimension la plus subversive, à savoir la mise en valeur des gens ordinaires. La référence à Orwell s’accompagne toujours d’une critique du concept de « common dececncy ». En effet, en mettant en avant la décence du mode de vie et des valeurs des petites gens, Orwell souligne la centralité de la société populaire. Ce concept met en avant « l’honnêteté commune » et la permanence des valeurs d’entraide, d’égalité et de droiture des milieux populaires est par essence « conservateur » et contredit radicalement l’idéologie libérale-progressiste portée par la classe dominante.

Extrait de Le Temps des gens ordinaires de Christophe Guilluy, Flammarion, 2020

Let’s block ads! (Why?)

Source: Lire l'article complet de L'aut'journal

À propos de l'auteur L'aut'journal

« Informer c’est mordre à l’os tant qu’il y reste de quoi ronger, renoncer à la béatitude et lutter. C’est croire que le monde peut changer. » (Jacques Guay)L’aut’journal est un journal indépendant, indépendantiste et progressiste, fondé en 1984. La version sur support papier est publiée à chaque mois à 20 000 exemplaires et distribuée sur l’ensemble du territoire québécois. L'aut'journal au-jour-le-jour est en ligne depuis le 11 juin 2007.Le directeur-fondateur et rédacteur-en-chef de l’aut’journal est Pierre Dubuc.L’indépendance de l’aut’journal est assurée par un financement qui repose essentiellement sur les contributions de ses lectrices et ses lecteurs. Il ne bénéficie d’aucune subvention gouvernementale et ne recourt pas à la publicité commerciale.Les collaboratrices et les collaborateurs réguliers des versions Internet et papier de l’aut’journal ne touchent aucune rémunération pour leurs écrits.L’aut’journal est publié par les Éditions du Renouveau québécois, un organisme sans but lucratif (OSBL), incorporé selon la troisième partie de la Loi des compagnies.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You