Travail productif et improductif en ce début de XXIéme siècle

Tout le débat sur le travail productif de plus-value et le travail improductif, ne présente qu’un intérêt économique, à savoir « les limites de la production capitaliste ». C’est à dire le moment où la masse de capital fictif n’est plus à même de se valoriser en créant une expansion productive de plus-value. Moment où le capital fixe se fige et se dévalorise et où il n’y a plus assez de liquidités (crédits) pouvant propulser le capital total vers un nouveau cycle productif. Ce moment est il venu ? C’est toute la question qui nous préoccupe.

Premièrement, il me semble indispensable de rappeler la distinction que Marx fait entre travail productif et travail productif de plus-value.

« Du simple point de vue du procès de travail en général, est productif le travail qui se réalise en un produit ou, mieux, une marchandise. Du point de vue de la production capitaliste, il faut ajouter : est productif le travail qui valorise directement le capital ou produit de la plus-value, c’est-à-dire le travail qui se réalise, sans aucun équivalent pour l’ouvrier qui l’exécute, en une plus-value représentée par un surproduit, donc en un incrément additionnel de marchandises pour celui qui monopolise les moyens de travail, le capitaliste. En somme, seul est productif le travail qui pose le capital variable – et partant le capital total – comme C + C = C + v, autrement dit, le travail utilisé directement par le capital comme agent de son auto-valorisation, comme moyen pour produire de la plus-value. » ( Travail productif et improductif ( extrait du chapitre inédit du capital)

Cette distinction est importante dans le sens où l’une fait la distinction typiquement saint simonienne entre ceux qui participent à la production en général et la marxiste qui d’un point de vue capitaliste ne considère que la plus-value qui est la substance de son auto-valorisation. Marx va préciser quelques lignes plus loin sa pensée.

« Il faut toute l’étroitesse d’esprit du bourgeois, qui tient la forme capitaliste pour la forme absolue de la production, et donc pour sa forme naturelle, pour confondre ce qui est travail productif et ouvrier productif du point de vue du capital avec ce qui est travail productif en général, de sorte qu’il se satisfait de cette tautologie : est productif tout travail qui produit en général, c’est-à-dire qui aboutit à un produit ou valeur d’usage quelconque, voire à un résultat quel qu’il soit.
Seul est productif l’ouvrier dont le procès de travail correspond au procès productif de consommation de la force de travail – du porteur de ce travail – par le capital ou le capitaliste. » ( Travail productif et improductif ( extrait du chapitre inédit du capital)

Deuxièmement, Il faut faire aussi la distinction entre la sphère de production ( création de plus value) tout le tome 1 du Kapital et la sphère de circulation du capital (sa dévalorisation) tout le tome 2 du capital. Avec cette particularité de la branche transport « comme la continuation d’un procès de production à intérieur du procès de circulation et pour lui. » (T.2 ,du capital, p.152, ed. Moscou ) Le capital commercial étant considérer comme agent de la sphère de circulation, non créateur de plus-value.
Le tome 3, c’ est le procès d’ ensemble du capital en mouvement contradictoire .

Le texte qui suit, est une contribution déjà ancienne sur la question je ne me souviens plus qui en est l’ auteur.
G.Bad


Réponse a JC Jean Charles : sur le travail improductif.

Résumons brièvement les critiques de JC, tout son texte vise, au non «  du travailleur collectif  », de «  partir du point de vue du salarié  » de la «  plus-value globale  » de l’interchangeabilité rapide du travail à gommer voire faire disparaître la distinction entre travail productif et improductif. Pour lui cette séparation que fait Marx vient d’économistes bourgeois. Toute l’anatomie du capital a pour centre, l’étude de la loi de la valeur, ce n’est pas un hasard si Marx parle de la sphère de production ( tome 1), de la sphère de circulation (tome 2) et du capital total (tome 3).

Dans mon texte «  Travail productif et improductif  » je pense avoir suffisamment expliqué qu’il fallait distinguer la notion de prolétariat en général «celui qui n’a que sa force de travail à vendre » et la notion de prolétariat productif de plus-value.

Ce qui nous intéresse c’est de savoir comment, se manifeste aujourd’hui l’accumulation du capital et donc de la plus-value. Pour y parvenir il nous faut bien cerner ce qui est productif de cette plus-value et ce qui ne l’est pas. Il est bien évident que pour un salarié qui touche son salaire, il importe peu qu’il produise ou pas de la plus-value et que son travail soit parasitaire et même néfaste à toute la société. Son problème individuel c’est souvent vivre et survivre ( ici je fais référence aux prolétaires qui pour le compte de l’Etat ou de capitalistes individuels dévastent les forêts). Si nous en restons à ce constat (la sinistre lutte de tous contre tous) qui justifie tout et rien, il nous sera impossible de comprendre les fondements des crises.

Le texte de J.C m’oblige à répondre presque point par point à ses arguments, pour lui montrer qu’ à partir de ses propres déterminations il est en contradiction.

J.C. dit «  on ne voit pas très bien quelle est la différence en matière de vente de sa force de travail entre travailler pour l’Etat ou pour un patron de boîtes privées  » il y en a tout de même une fondamentale, celui des boites privées est soumis à la loi de la valeur, l’autre pas.1 Il y a tout de même une grande différence entre le statut de l’enseignant en France et le statut privé de l’enseignant en Grande Bretagne, et je ne parle pas de tous les précaires qui gravitent sans droits autour de la fonction publique , et qui servent d’airbag en cas de crise ( pour les établissements publics nationaux, plus des 2/3 de leurs 250 000 salariés sont précaires).

J.C., au nom du travailleur collectif veut intégrer l’enseignement comme étant productif de plus-value par ricochet «  L’enseignement est producteur d’une marchandise  : la force de travail…  » La femme qui accouche l’est certainement plus, et elle ne produit pas de plus-value mais des enfants qui seront peut être des producteurs de plus-value s’ ils trouvent un travail productif .

Dans le même chapitre nous pourrions dire , que le CRS qui casse une grève et remet les ouvriers au travail produit de la plus-value…Comme pour JC les frontières entre les différents «  métiers  » tombent  ; que le travail salarié tend à n’avoir d’autre contenu que son nombre d’heures. On peut se demander a quoi sert l’enseignement public , et JC nous le dit en note 6  :  «  L’un des enjeux initiaux de l’enseignement fut lors du développement du capital en Angleterre d’apprendre aux enfants à se lever tôt, à respecter des horaires, à rester assis des heures  ; car une partie de la main d’œuvre adulte ( surtout les hommes issus de l’agriculture) refusait de se plier au normes horaires, et aux contraintes du travail dans les manufactures. Aujourd’hui , le capital se retrouve face à des problèmes du même ordre  : les conditions d’enseignement dans les banlieues.  » Il y a donc ici une passerelle entre le rôle de l’enseignant et le CRS domestiquer / formater la force de travail pour qu’elle valorise au mieux le capital et ce rôle ferait des organes d’état des créateurs de plus-value  !  !  !. Le point de vue du salarié dont parle JC est de considérer ces organes d’Etat comme utiles pour le capital ( maintien de l’ordre, formatage des cerveaux…) mais absolument nuisibles pour le salariat et en aucun cas des travailleurs productifs.

Disons que l’enseignement ( surtout supérieur) contribue à la valorisation de la force de travail. Disons encore que se rôle est depuis le chômage de masse en Europe remis en question.. J.C. au nom du «  travailleur collectif «  considère que le fonctionnaire est créateur de plus-value, il confond les dépenses utiles et nécessaires que l’état doit faire pour le fonctionnement de la société (avec la plus-value extraite de la sphère de production ). Il veut d’emblée placer l’enseignement dans le secteur productif de plus value alors qu’il est en France partie intégrante de l’état.2

Pour JC l’enseignement produit une marchandise dont le temps de production est de l’ordre de 10 ou 15 ans. C’est une belle image d’Epinal , seulement l’enseignement est une belle machine de sélection de domestication de la force de travail, ou l’égalité des chances est toujours déterminé par la situation sociale de l’élève. L’enseignement produit la sélection et valorise ( et non produit) la marchandise force de travail future .

Pour moi l’enseignant de l’Etat est un prolétaire, mais un prolétaire non créateur de plus value il est rémunéré avec la plus value extraite des secteurs productifs de cette plus value. Ceci d’ailleurs explique pourquoi le Capital en crise de valorisation, veut privatiser l’enseignement. Un enseignant du privé en ce qu’il valorise un capital placé est un prolétaire productif de profit pour son employeur, le prolétaire de l’Etat ( sauf exception) ne rapporte rien à l’Etat, il est rémunéré par lui à fonds perdu.

 

La notion de travail improductif ( prémices justes conclusions fausses)

Je reproduit ici une partie du texte de Jean Charles sur la question avec des annotations

«  Marx a donné une remarquable description du capital en voyant dans le travail salarié un travail qui tend à n’avoir d’autre contenu que son nombre d’heures. Or, cette tendance est aujourd’hui beaucoup plus vraie que du temps de Marx. On a assisté à une forte réduction des «  métiers  »3, à la disparition en France des grilles de qualification4 au nom de la flexibilité. Par rapport au temps de Marx, il y a beaucoup moins de différences entre les différents travaux,5 ce qui s’exprime par le fait que les salariés vont passer d’un travail à l’autre, que celui-ci soit classé dans la catégorie ouvrier ou employé, production ou service, privé ou public  ; c’est aussi ce qu’exprime la «  flexibilité  » : le travailleur arrive au boulot et on peut lui refiler n’importe quelle tâche. La division du travail persiste, mais les travaux tendent de plus en plus à se ressembler. Bien entendu, ceci n’est qu’une tendance, il restera toujours à cause de la division du travail, des «  métiers  », des «  qualifications  », mais ce qui est important pour décrire précisément ce qui se passe, c’est que, quand on regarde la situation sur une longue période, la tendance à la perte de tout contenu spécifique est une réalité, remarquablement anticipée par Marx, et qui fait que le capital d’aujourd’hui ressemble beaucoup plus au capital décrit par Marx qu’à la forme naissante du capital que Marx avait sous ses yeux.

C’est à partir de la confirmation de cette analyse de Marx qu’on peut contredire la distinction que Marx introduit (en la reprenant à des économistes bourgeois) entre travail productif et travail improductif. Dans toutes les distinctions entre travailleur productif et travailleur improductif qui nous sont proposées, on voit qu’elles ne correspondent en rien à ce que vivent les salariés, qui vont passer de l’un à l’autre, se trouver dans l’un ou dans l’autre sans faire des tâches essentiellement différentes. Des catégories autrefois ouvrières se retrouvent aujourd’hui classées comme services, etc…

Du point de vue des salariés, il n’y a pas de différence entre travail productif et travail improductif  : on va au travail, c’est tout, on va vendre son temps contre un salaire et peu importe pour quoi c’est faire. Telle est la tendance générale.6

Il n’y a de production de plus-value que d’un point de vue global7.

Dans son rapport avec l’État, le capitaliste individuel va tenter autant qu’il peut de réduire sa part d’impôt, dans l’inconscience le plus souvent que le prix futur à payer risque d’être pire. En quelque sorte, l’État est le représentant de «  l’intérêt général  »… des capitalistes. Disons plus précisément que l’État prend en compte l’intérêt global du capital national, parfois à l’encontre des intérêts particuliers de tel ou tel secteur du capitalisme.

Je suis d’accord avec beaucoup de choses de ce qu’écrit Gérard sur l’État, et mon but n’est pas ici de débattre d’une analyse générale de l’État. Mais je voudrais souligner un aspect de l’État dans son rapport au capital  : une fonction de mémoire, de la mémoire de l’expérience du capital dans sa lutte contre le salariat.

Les politiques keynésiennes sont l’expression de la mémoire de la situation sociale née de la crise de l’entre deux-guerres. Les politiques de Welfare State (Sécurité Sociale et autres en France) sont l’expression de la mémoire d’une grande frousse du capital.8  » 

On peut effectivement considérer comme le fait Jean Charles, qu’il y a une certaine porosité entre les métiers et qu’une catégorie ouvrière se retrouve dans les services comme par exemple l’Intérim, ou passe du public au privé ou vis versa ne peut servir d’argument pour gommer l’origine de la plus value.


 

NOTES

Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec

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