Que fait-on quand on commet une injustice ?
On le reconnaît, on s’excuse, on répare. Avec humilité et dignité. Sans « mais » ni « quoique ».
Faits
Nous sommes le 14 décembre 2000. Je suis député et ministre dans le gouvernement de Lucien Bouchard.
Nous arrivons à l’Assemblée nationale pour la période de questions. C’est toujours fébrile.
Cette fois, je sens une fébrilité particulière.
Une motion d’urgence sera déposée conjointement par un des nôtres et un député du PLQ.
La motion condamne les propos « inacceptables » supposément tenus par Yves Michaud à l’endroit des communautés ethniques et de la communauté juive, la veille, devant les États généraux sur la langue française.
Yves Michaud, à l’intention des plus jeunes, fut un journaliste et ami de René Lévesque, ex-député du PLQ converti à la souveraineté, ex-délégué général du Québec en France.
Nous ne demandons pas à voir quels sont ces propos supposément condamnables.
On ne vérifie pas. On fait confiance. On est dans un sauna politique. C’est une motion d’urgence. Chacun pense à ses petites affaires.
On adopte la motion sans débat et à l’unanimité. Je répète : sans débat et à l’unanimité.
Une affaire de quelques secondes…
Rapidement, il apparaît que Michaud n’a rien dit d’épouvantable.
D’abord, il a déploré le vote monolithique de certains groupes ethnoculturels contre la souveraineté.
Ensuite, citant Lionel Groulx, Michaud voudrait que les Québécois francophones prennent exemple sur le peuple juif, dont Groulx vante l’« âpre volonté de survivance », l’« invincible esprit de solidarité » et l’« impérissable armature morale ».
Il ne condamnait pas, il était admiratif au point de le donner en exemple.
Les calculs partisans et les rivalités personnelles ont ensuite empêché les partis politiques et l’Assemblée nationale de réparer cette injustice.
Au sein du PQ, beaucoup détestaient Michaud, un homme capable, il est vrai, d’être irritant comme du poil à gratter.
Le PLQ, voyant la bisbille au sein du PQ, nous laissait mijoter dans notre sauce.
Chacun agit donc individuellement.
Le 29 octobre 2010, conférencier lors du banquet de la Ligue d’Action nationale, j’offre publiquement mes excuses à M. Michaud.
Le 18 décembre 2010, plusieurs députés péquistes publient, dans Le Devoir, une lettre commune d’excuses. D’autres ont suivi.
Mais des excuses individuelles, même nombreuses, ne font pas le poids devant la charge institutionnelle et symbolique d’une motion votée unanimement par tous les élus du peuple.
Ce que l’Assemblée nationale a fait, seule l’Assemblée nationale peut le défaire.
Yves Michaud a aujourd’hui 90 ans.
Je ne sais rien de son état de santé. Nous ne sommes pas des proches.
Il a 90 ans et traîne le poids de cette injustice depuis 20 ans.
Réparer
La poussière est retombée. Le personnel politique a été renouvelé.
Il ne reste à l’Assemblée nationale qu’un seul député ayant voté cette motion : le premier ministre Legault, à l’époque ministre péquiste.
M. Legault est un homme droit.
Dans quelques jours, le 14 décembre, il y aura vingt ans que cette infamie fut commise.
Unanimement, l’Assemblée nationale doit retirer ses propos, s’excuser et adopter une motion réparatrice.
Elle se grandira.
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