Arthur Keller ou l’esbrouffe effondrologique (par Nicolas Casaux)

Arthur Keller ou l’esbrouffe effondrologique (par Nicolas Casaux)

Pour com­plé­ter la note de Kévin, je me pro­pose d’ex­po­ser davan­tage le char­la­ta­nisme effon­dro­lo­gique en exa­mi­nant un de ses thu­ri­fé­raires les plus en vue.

« Ingé­nieur en aéro­spa­tial de for­ma­tion », « confé­ren­cier, for­ma­teur et consul­tant, ana­lyste des vul­né­ra­bi­li­tés des socié­tés humaines et expert des stra­té­gies de rési­lience » (ou « spé­cia­liste des limites et vul­né­ra­bi­li­tés des socié­tés humaines et des stra­té­gies de rési­lience col­lec­tive »), « sys­té­mi­cien », « expert des récits comme leviers de mobi­li­sa­tion et de trans­for­ma­tion », « spé­cia­liste des ques­tions de cou­plage entre acti­vi­té éco­no­mique et impacts éco­lo­giques », j’en passe, et des plus amu­sants, Arthur Kel­ler est une des figures de proue de la col­lap­so­lo­gie en France. (Comme on peut le lire sur son (étran­ge­ment) élo­gieuse page Wiki­pé­dia : « Régu­liè­re­ment sol­li­ci­té par les médias [c’est, pour l’instant, un peu exa­gé­ré, il ne l’est qu’assez spo­ra­di­que­ment], Arthur Kel­ler est ame­né à s’exprimer sur ses domaines d’expertise, dans la sphère des spé­cia­listes et pen­seurs qui éva­luent le poten­tiel d’effondrements et pré­co­nisent des stra­té­gies face aux risques socié­taux ».)

Fort de ces mul­tiples spé­cia­li­tés, Arthur Kel­ler nous aver­tit : « nous allons droit vers » un effon­dre­ment qui « a com­men­cé depuis long­temps ». Une pers­pec­tive qu’il pré­cise méti­cu­leu­se­ment : « tout ce qu’on peut dire avec rigueur, c’est que l’éventualité d’une panne immi­nente et subite d’une socié­té est désor­mais envi­sa­geable n’importe quand », cela étant, « un déclin gra­dué sur des décen­nies est tout aus­si pos­sible ».

Par­ve­nir à des pré­dic­tions aus­si rigou­reuses n’est pas chose facile. Ça ne vient pas tout seul. Elles sont, nous dit Arthur Kel­ler, le fruit « de mil­liers d’heures de réflexions et d’analyses rigou­reuses, sys­té­miques, sans conces­sions » (for­mu­la­tion qui rap­pelle celle de son ami Vincent Migne­rot, éga­le­ment admi­nis­tra­teur de l’association Adras­tia, lequel écrit être modes­te­ment par­ve­nu à « un plan cohé­rent pour com­prendre la tota­li­té du monde » au bout de « quan­ti­té de nuits blanches et d’abîmes réflexifs, tem­pé­rés pro­gres­si­ve­ment par un minu­tieux tra­vail de remon­tage »). Cette for­mi­dable somme de tra­vail est loin d’être le seul mérite d’Arthur Kel­ler, qui aime se jeter des fleurs : « Je suis rela­ti­ve­ment peu sujet au déni. » « […] je me suis sevré de ma pré­di­lec­tion pour les grands voyages. » « J’ai lâché un emploi de mana­ger com­mer­cial qui me rap­por­tait près de sept mille euros nets par mois pour un mode de vie lar­ge­ment plus pré­caire […]. » « La remise en ques­tion ne m’effraie pas […] je fais par­tie des excep­tions, sur ce plan-là, et m’efforce de culti­ver les conso­nances cog­ni­tives. »

C’est ain­si qu’Arthur Kel­ler nous « livre une syn­thèse plu­ri­dis­ci­pli­naire de ce qu’on peut faire à tout niveau, qu’on soit une orga­ni­sa­tion, une col­lec­ti­vi­té, une ins­ti­tu­tion, un col­lec­tif citoyen, un inves­tis­seur, un artiste, un lea­der, etc. », en explo­rant « tous ces champs simul­ta­né­ment pour créer des stra­té­gies sys­té­miques cohé­rentes et ins­pi­rantes ». C’est ain­si qu’il « fabrique acti­ve­ment des espoirs réa­listes aux consé­quences saines », qu’il se « mobi­lise […] pour la fon­da­tion d’une nou­velle géné­ra­tion de socié­tés ». Et notam­ment en racon­tant des his­toires. Car Arthur Kel­ler était aupa­ra­vant « for­ma­teur et consul­tant en com­mu­ni­ca­tion et sto­ry­tel­ling » — c’est-à-dire que le monde de l’entreprise (et de la pro­pa­gande renom­mée « rela­tions publiques ») lui a appris à par­ler aux gens. Il sait s’y prendre avec eux : tout d’abord, il faut « ame­ner les gens à digé­rer, à méta­bo­li­ser quelques prises de conscience à leur por­tée afin qu’ils puissent se défaire de leurs idées pré­con­çues et de leurs espoirs irra­tion­nels sur un cer­tain nombre de plans ; il faut ensuite les équi­per d’idées et d’outils pour ins­pi­rer des pas­sages à l’action construc­tifs ; puis il faut, pas à pas, sur­saut par sur­saut, gui­der les esprits vers des pers­pec­tives plus mûres, plus dures. »

De son propre aveu, il se rat­tache au cou­rant tran­si­tion­niste de Rob Hop­kins. Son ana­lyse de ce qui pose pro­blème et des solu­tions pour y remé­dier sont effec­ti­ve­ment aus­si vagues et/ou absurdes que celles de Rob Hop­kins. Selon le Kel­ler, nous devrions « repen­ser notre place dans la nature », « c’est le com­por­te­ment même des hommes vis-à-vis de la nature, de ses res­sources et de ce qui y vit qu’il faut réfor­mer », il nous fau­drait « de grandes mobi­li­sa­tions citoyennes de pré­ser­va­tion ou de régé­né­ra­tion de la nature, ain­si que de chan­tiers citoyens de co-construc­tion de rési­lience », « bâtir de la rési­lience pour tous et donc pour cha­cun », « mettre hors d’état de nuire ceux qui étendent leur emprise mon­dia­li­sée sur les sys­tèmes finan­ciers, moné­taires, éco­no­miques, légis­la­tifs, judi­ciaires, exé­cu­tifs et cultu­rels » (for­mu­la­tion qui laisse entendre que ces sys­tèmes ne posent pas pro­blème en eux-mêmes, mais seule­ment leurs diri­geants, ce qui est cohé­rent avec la vision géné­rale de Kel­ler).

En bon déma­gogue, le Kel­ler emploie par ailleurs nombre d’expressions radi­cales en vue de flat­ter, de séduire les aspi­rants radi­caux. Il affirme que la situa­tion pré­sente « est une guerre, ne nous y trom­pons pas », et qu’ainsi « la part de l’humanité qui com­prend l’impératif de pro­té­ger la nature doit affron­ter l’autre part, celle qui a décla­ré la guerre au vivant ». « L’heure est plus que venue, pour cha­cun d’entre nous, de choi­sir son camp : s’engager pour pré­ser­ver le vivant ou col­la­bo­rer avec les forces de mort. » Il nous encou­rage à orga­ni­ser une « Résis­tance avec un R majus­cule, en réfé­rence ouverte aux mou­ve­ments clan­des­tins qui se sont oppo­sés, en France et dans d’autres pays d’Europe, à l’occupation alle­mande durant la Seconde Guerre mon­diale », à entre­prendre « des actes de déso­béis­sance civile, de blo­cage ». Il affirme éga­le­ment, tou­jours pour se don­ner des airs de radi­ca­li­té, que « rien de moins qu’un chan­ge­ment com­plet de civi­li­sa­tion ne pour­ra résoudre quoi que ce soit », qu’aucune « “solu­tion endo­gène” n’est pos­sible, aucune sor­tie par le haut façon­née dans les règles du sys­tème qui pose pro­blème », qu’il nous faut « une révo­lu­tion radi­cale de nos sys­tèmes de valeurs », car « seule une réponse sys­té­mique pour­rait repré­sen­ter une voie de sor­tie face à un dérè­gle­ment sys­té­mique ». Autant de for­mules qui, telles quelles, ne disent pas grand-chose. Mais peu importe. Il s’agit de sto­ry­tel­ling, c’est-à-dire de ne rien dire, mais de le dire avec les formes. C’est ain­si que le Kel­ler ter­mine un article pour Repor­terre en nous expli­quant que :

« L’horloge sonne l’heure de la réin­ven­tion. À nous de déployer nos plus belles créa­ti­vi­tés, de pro­po­ser des ima­gi­naires ins­pi­rants pour que cha­cun réa­lise que loin d’être en com­pé­ti­tion, lutte sociale et lutte éco­lo­gique se ren­forcent.

Nulle socié­té pos­sible dans un monde en effon­dre­ment éco­lo­gique ; nulle sta­bi­li­té durable pos­sible dans un monde où l’homme se com­porte en maître et pos­ses­seur, sans limite, de tout ce qui vit à ses côtés ; nul bien-être ou bon­heur pos­sible dans un uni­vers de dis­so­nances cog­ni­tives. Tra­vaillons ensemble pour poser les bases d’une socié­té res­pec­tueuse de l’altérité sachant s’autolimiter de façon lucide et humble, soli­daire et digne.

Un sur­saut. »

Magni­fique.

Si, jusqu’ici, vous n’avez aucune idée de ce qui, selon Arthur Kel­ler, pose fon­ciè­re­ment pro­blème, c’est nor­mal. Il ne désigne rien de concret, il n’approfondit jamais rien. Il ne sau­rait pas. Il se contente de bara­goui­ner quelques condam­na­tions en trompe l’œil, qu’il serait bien inca­pable de sou­te­nir plus en détail, concrè­te­ment. Le spé­cia­liste de tout n’est en réa­li­té spé­cia­liste de rien. Il dénonce « la sacra­li­sa­tion aveugle et l’emprise toxique de l’innovation tech­no­lo­gique », la « finan­cia­ri­sa­tion de tout », etc., de manière par­fai­te­ment creuse. Même un Emma­nuel Macron serait d’accord avec l’idée qu’il faut que l’on cesse de détruire la nature, qu’on res­pecte la vie, qu’on se garde d’une croyance abso­lue en la tech­no­lo­gie, et avec toutes les pla­ti­tudes du même ton­neau qu’on peut ima­gi­ner. En quoi l’innovation tech­no­lo­gique est-elle toxique ? Est-ce tout ? Quid de la tech­no­lo­gie ? Et le capi­ta­lisme pose-t-il pro­blème en lui-même ? Et qu’est-ce que le capi­ta­lisme ? Il dénonce « l’exploitation tyran­nique et désor­mais indus­tria­li­sée du vivant », mais l’industrialisme pose-t-il pro­blème ? Et qu’est-ce que l’industrialisme ? Il pré­tend que seul un « chan­ge­ment com­plet de civi­li­sa­tion » pour­ra nous sau­ver, qu’il n’existe « aucune “solu­tion endo­gène” », « aucune sor­tie par le haut façon­née dans les règles du sys­tème qui pose pro­blème », et pour­tant sou­tient la taxe sur la spé­cu­la­tion de Pierre Lar­rou­tu­rou, qu’il pré­sente comme « une solu­tion qui apporte plus de 50 mil­liards € par an pour un bud­get euro­péen beau­coup plus ambi­tieux sans deman­der 1€ aux citoyens ni aux bud­gets natio­naux », et pour­tant affirme que ce qu’il nous faut, c’est « une relo­ca­li­sa­tion de tout ce qui peut l’être en matière de pro­duc­tion de biens et de ser­vices essen­tiels », et pour­tant s’adresse aux « patrons, lea­ders et inves­tis­seurs » pour leur dire : « tant que vos pro­jets ne concour­ront pas à la rési­lience ter­ri­to­riale, à la régé­né­ra­tion de la nature et à la réin­ven­tion du lien qui nous lie à elle, ils seront voués à l’échec, et au lieu de faire par­tie de la solu­tion, vous res­te­rez du côté du pro­blème », et pareille­ment aux « diri­geants poli­tiques et éco­no­miques », pour leur dire : « doré­na­vant, votre rôle consiste avant tout à faci­li­ter. Plu­tôt que de vou­loir tout déci­der, don­nez aux gens les moyens de rede­ve­nir citoyens et de s’organiser, faites jouer l’intelligence col­lec­tive et sus­ci­tez la codé­ci­sion et l’implication dans tous les choix stra­té­giques ».

Quelle confu­sion ! Quelle déma­go­gie ! Nous en sommes en guerre contre de méchants diri­geants, contre une méchante par­tie de l’humanité, qu’il nous faut com­battre, et pour­tant « on a tous un rôle à jouer dans le chan­ge­ment », et pour­tant on s’adresse aux diri­geants, aux patrons, aux gou­ver­ne­men­teux. Il faut radi­ca­le­ment tout chan­ger, mais en fait pas tant que ça, il faut sur­tout relo­ca­li­ser autant que faire se peut les acti­vi­tés indus­trielles, pré­ser­ver « ce sys­tème dont l’activité est essen­tielle à notre rési­lience »… et aus­si s’en débar­ras­ser com­plè­te­ment pour pré­ci­pi­ter « un chan­ge­ment com­plet de civi­li­sa­tion » ?

En réa­li­té, si le Kel­ler s’inscrit dans le cou­rant tran­si­tion­niste de Rob Hop­kins, les choses sont claires. Arthur Kel­ler n’a rien d’un radi­cal, même s’il tente mal­adroi­te­ment de s’en don­ner des airs. Le cou­rant tran­si­tion­niste de Rob Hop­kins ne consi­dère pas que le capi­ta­lisme pose pro­blème en lui-même, ni l’industrialisme, ni la tech­no­lo­gie. Il s’agit d’un cou­rant majo­ri­tai­re­ment réfor­miste, qui s’imagine, comme bien des cou­rants se pro­cla­mant « éco­lo­gistes », et notam­ment les plus média­tiques, qu’une sorte de civi­li­sa­tion tech­no-indus­trielle éco­lo­gique et démo­cra­tique, sou­te­nable et « socia­le­ment juste », est pos­sible moyen­nant quelques ajus­te­ments, réformes (un peu de low-tech par-ci, un peu de res­tric­tions et beau­coup de règle­men­ta­tions par-là, et hop, le tour est joué).

Si l’on peut poten­tiel­le­ment se réjouir de la radi­ca­li­té — super­fi­cielle — des pro­pos de l’Arthur Kel­ler, de son plai­doyer en faveur du sabo­tage, de la déso­béis­sance civile (expres­sions qui, cela dit, sont éga­le­ment assez floues, der­rière les­quelles on peut mettre beau­coup de choses dif­fé­rentes et très inégales), c’est bien la seule chose à peu près défen­dable de son dis­cours. Pour le reste, c’est du vent. Du vent déma­go­gique, super­fi­ciel, creux, qui s’adapte à son public (selon les prin­cipes de la com­mu­ni­ca­tion), et peut ain­si aus­si bien plaire à un finan­cier éco-anxieux qu’à un ministre inquiet pour le futur de la socié­té indus­trielle ou de la Répu­blique fran­çaise, ou qu’à un « mili­tant cli­mat » ou un végane en quête d’éthique ani­male, parce qu’il s’agit de pro­pos ambi­gus, parce qu’on y trouve à boire et à man­ger, du bio et de l’industriel.

Avide de noto­rié­té, le Kel­ler incarne très bien le col­lap­so­logue-type, ex-ingé­nieur ou scien­ti­fique, ex-ban­quier, ex-PDG, ex-mana­ger com­mer­cial (ex-enfoi­ré ayant vu la lumière), qui parle de tout mais mal, mais pour ne pas dire grand-chose, qui défend tout et son contraire, qui pré­tend pos­sé­der des solu­tions pour résoudre à peu près tous les pro­blèmes que nous connais­sons : « qu’on soit une orga­ni­sa­tion, une col­lec­ti­vi­té, une ins­ti­tu­tion, un col­lec­tif citoyen, un inves­tis­seur, un artiste, un lea­der, etc. », Arthur Kel­ler sau­ra quoi nous faire faire (ou dire, ou pen­ser) pour sau­ver la situa­tion. N’est-ce pas génial ? On en rede­mande.

Les effon­dro­logues issus du même moule qu’Arthur Kel­ler (il y en a une tri­po­tée, dont Loïc Stef­fan, et tous ceux qui gra­vitent autour de l’association Adras­tia) aspirent au bout du compte (en réa­li­té) à sau­ver l’essentiel du mode de vie indus­triel capi­ta­liste — en le ren­dant sou­te­nable, rési­lient, tout ce que vous vou­lez. Non seule­ment sont-ils donc de piètres pen­seurs, mais aus­si de fameux oppor­tu­nistes et de ter­ribles bara­ti­neurs.

Ris­quons une pré­dic­tion : ils ne sont et seront d’aucune aide dans les com­bats en faveur de ce qui mérite d’être défen­du, ils ne nous aide­ront en rien à sau­ver ce qui mérite de l’être, à pen­ser la situa­tion, mais ils conti­nue­ront de gagner en audience à mesure que le désastre s’étendra.

Nico­las Casaux

P.S. : je n’ai rien à pro­po­ser en alter­na­tive aux élu­cu­bra­tions du Kel­ler. Je ne sau­rais conseiller « une orga­ni­sa­tion, une col­lec­ti­vi­té, une ins­ti­tu­tion, un col­lec­tif citoyen, un inves­tis­seur, un artiste, un lea­der, etc. » Je ne suis pas conseiller d’orientation. Je ne cherche aucu­ne­ment à l’être. Si tout ce qui vous vient en tête à la suite de la lec­ture de cette note, c’est que je devrais « pro­po­ser autre chose », « une alter­na­tive », ou que sais-je, alors vous venez de pas­ser à côté de l’essentiel. Si la vacui­té et la fatui­té d’un Arthur Kel­ler — qui relève d’un fou­tage de gueule carac­té­ri­sé vis-à-vis de son audience — ne vous pose aucun pro­blème, alors je ne peux rien pour vous. Et vous êtes sans doute plus éga­ré que vous ne sau­riez l’admettre.

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À propos de l'auteur Le Partage

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