Survivre à un monde post-Covid : l’exemple de Cuba après la chute de l’URSS

Survivre à un monde post-Covid : l’exemple de Cuba après la chute de l’URSS

Par Slavoj Zizek

Slavoj Zizek est un philosophe de la culture. Il est chercheur principal à l’Institut de sociologie et de philosophie de l’Université de Ljubljana, professeur émérite d’allemand à l’Université de New York et directeur international de l’Institut Birkbeck des Sciences Humaines de l’Université de Londres.

Source : RT, le 23 octobre 2020

Traduction : lecridespeuples.fr

Il est temps d’avoir le courage de reconnaître que nous sommes dans une situation désespérée, et que le Covid-19 a changé pour toujours la façon dont notre monde fonctionnera. Mais nous pouvons prospérer à nouveau si nous acceptons qu’il y ait davantage de contrôle de l’État dans nos vies.

L’Europe paie maintenant le prix de sa complaisance estivale, alors que nous espérions que le coronavirus serait « brûlé » par la chaleur. Si l’épidémie a diminué, elle n’a pas disparu. La vie s’est ouverte quelque peu, cependant, et il y a eu un soulagement général : le pire semblait être passé.

Maintenant, à l’automne, alors que le virus revient plus virulent que jamais, on peut voir que la chaleur estivale a fait tout ce qu’on pouvait attendre : elle a fait caler l’épidémie [provisoirement, mais il était évident qu’elle allait redémarrer de plus belle]. Notre été fut un bref moment d’espoir, lorsque nous avons tous cru que les choses revenaient à la « normale ».

Partout, on pouvait entendre des avertissements sur la façon dont nous devrions nous préparer pour la deuxième vague, mais ces avertissements n’ont pour la plupart pas été écoutés. La logique du désaveu fétichiste — « Je sais très bien, mais je n’y crois pas vraiment » — s’est une fois de plus affirmée avec force, et à présent, nous sommes surpris que ce que nous attendions se soit effectivement produit.

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Et une autre excuse est en train de s’effondrer : l’affirmation selon laquelle, bien que les infections augmentent fortement, le nombre de décès reste faible, parce que nous aurions affaire à une mutation beaucoup plus bénigne du virus. Les décès dus au Covid-19 sont désormais clairement en augmentation en Europe.

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Au moins deux petits pays européens —la République tchèque et le mien, la Slovénie— approchent d’un effondrement de l’ensemble du système de santé. En Slovénie, la pratique jusqu’à récemment était que, si un médecin ou une infirmière entrait en contact étroit avec une personne infectée, elle devait se mettre en quarantaine. Maintenant, cette mesure a été abrogée ; le personnel médical est obligé de continuer à travailler jusqu’à ce qu’il présente des signes visibles de maladie. Bien que cette pratique se justifie par le manque de personnel médical, elle ouvre la voie à une propagation libre du virus dans les hôpitaux qui sont déjà des foyers d’infection.

De plus, on a dit à ceux qui présentent des symptômes de Covid-19 de ne même pas appeler leur médecin, mais simplement de rester à la maison et d’attendre de voir si leur situation s’aggrave de manière significative. Pire encore, l’État a abandonné le traçage des cas. On dit aux personnes qui présentent des symptômes qu’elles doivent essayer de se souvenir avec qui elles ont été en contact et de les inviter à se comporter prudemment. Bref, l’État capitule devant le virus.

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Tout au long de l’été, il y a eu un argument populaire selon lequel les confinements et les quarantaines seraient un médicament pire que la maladie elle-même, qu’ils causeraient plus de dommages, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan de la santé, à cause de la négligence du diagnostic & du traitement de maladies comme le cancer.

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L’axiome de base était d’éviter le reconfinement à tout prix. L’économie ne peut pas se permettre de suspendre une nouvelle fois la vie pour une longue période, nous a-t-on répété à plusieurs reprises. Mais cela a conduit à une troisième voie, à des demi-mesures qui n’ont sauvé que partiellement l’économie et ont simplement reporté la nouvelle épidémie.

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Tiraillés entre trois points de vue différents —ceux des experts médicaux, du monde des affaires et des populistes négationnistes du Covid—, les gouvernements ont adopté la politique du compromis. Ils ont introduit des demi-mesures souvent incohérentes et ridiculement complexes, et nous en payons maintenant le prix, à savoir non seulement une explosion de nouvelles infections de Covid, mais aussi la perspective claire de difficultés économiques catastrophiques.

Enfin, la réalité a pris le dessus, et maintenant, les gouvernements européens envisagent ouvertement des reconfinements si la tendance à la hausse de la contagion n’est pas inversée. Le problème est que dans le cadre des coordonnées socio-économiques du capitalisme mondial d’aujourd’hui, ils ne peuvent pas se permettre un autre confinement, car cela entraînerait une dépression et un chaos économiques inouïs, des troubles sociaux et des crises de la santé mentale. Un seul confinement est tout ce que le système global peut supporter.

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Alors, nous y voilà : le long et chaud été des compromis avec l’ordre capitaliste mondial est terminé, et nous sommes brutalement confrontés à la réalité de ce que nous pouvons essayer de faire pour contenir l’épidémie sans trop déranger cet ordre.

Les possibilités de trouver une solution au sein du système existant sont épuisées. La situation est sans espoir, il n’y a donc aucune chance de solution en son sein. Il faut rassembler le courage d’accepter ouvertement ce désespoir et d’envisager un changement socio-économique radical : une « politisation » (ou socialisation) directe de l’économie, avec un rôle beaucoup plus fort pour l’État, et, simultanément, une bien plus grande transparence des appareils d’État eux-mêmes au profit de la société civile.

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Pour donner une idée générale du changement nécessaire, regardons les quatre composantes de l’idée de justice révolutionnaire telle qu’elle a été élaborée par le philosophe Alain Badiou : le volontarisme (la croyance que nous pouvons « déplacer des montagnes », ignorant les lois et obstacles « objectifs »), la terreur, la justice égalitaire (sans aucune compréhension des « circonstances complexes » qui nous obligeraient prétendument à procéder progressivement) et, enfin et surtout, la confiance dans le peuple.

La simple mention que cette idée puisse avoir une certaine pertinence pour notre situation de pandémie ne peut rien faire d’autre que déclencher l’horreur ou le rire : [selon la sagesse populaire], nous vivons dans une société postmoderne complexe, où de telles procédures sont non seulement éthiquement inacceptables mais se sont également avérées inefficaces. Mais est-ce vraiment le cas ?

Je ne veux pas dire que cette propagation insidieuse de la pandémie nous oblige à inventer une nouvelle version de ces quatre fonctionnalités, mais plutôt une version beaucoup plus forte : car nous le faisons déjà ! Lorsque la crise a frappé Cuba après la chute de l’Union soviétique, les autorités ont appelé cette nouvelle période « la Période Spéciale en temps de paix » : une ère de discipline militaire, même s’il n’y avait pas de guerre. Nous avons ri de ce nom, mais aujourd’hui, ne sommes-nous pas tous dans une « période spéciale en temps de paix » ? Examinons les choses étape par étape.

Volontarisme : même dans les pays où les forces conservatrices sont au pouvoir, de plus en plus de décisions sont prises qui violent clairement les lois « objectives » du marché : les États interviennent directement dans l’industrie et l’agriculture, distribuant des milliards pour prévenir la faim ou pour des mesures de santé. Une socialisation au moins partielle de l’économie deviendra encore plus urgente au fur et à mesure de l’augmentation continue des infections. C’est comme dans une guerre : les soins de santé devront être étendus et réorganisés sans tenir compte des lois du marché.

Terreur : les libéraux ont raison dans leurs craintes —bien qu’il ne s’agisse pas de la vieille terreur policière « totalitaire » —, car de sérieuses limitations de nos libertés sont désormais une réalité. Non seulement les États sont-ils contraints de promulguer de nouveaux modes de contrôle et de réglementation sociaux, mais les gens sont même sollicités pour signaler aux autorités tout membre de la famille ou voisin qui cacherait son infection ou se réunirait en grand groupe. Dans certains pays, un couvre-feu nocturne est imposé. Dans la pandémie, le lanceur d’alerte est pleinement établi comme la nouvelle figure du héros. La résistance de ceux qui considèrent qu’informer les autorités des violations des règles relatives à la pandémie ressemble à quelque chose de similaire à dénoncer des amis à la police doit être traitée comme un acte criminel.

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Justice égalitaire : il est communément admis que l’éventuel vaccin devrait être rendu accessible à tous et qu’aucune partie de la population mondiale ne devrait être sacrifiée au virus. Le remède sera soit mondial, soit inefficace. Cela peut-il être fait ? Comme Emmanuel Kant l’a écrit à propos du devoir, « Du kannst denn du sollst », c’est-à-dire « Vous pouvez le faire parce que vous devez le faire. » Bien sûr, il y aura beaucoup de tricherie, mais cette tricherie doit être traitée comme ce qu’elle est : un crime qui doit être sévèrement puni. Les États qui tentent de contrôler l’éventuel vaccin au détriment des autres devraient être traités comme des États voyous.

Confiance dans le peuple : nous savons tous que la plupart des mesures contre la pandémie ne fonctionnent que si les gens suivent les recommandations, et aucun contrôle de l’État ne peut faire tout le travail. L’appel à la compassion ne suffit pas ici ; les gens doivent être informés des dangers et avoir suffisamment peur pour suivre les règlements. Et, bien sûr, ils ne devraient pas faire entièrement confiance à leurs institutions étatiques ; ces institutions devraient elles-mêmes ressentir la pression « terroriste » du peuple.

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La résistance à ces mesures persistera de tous côtés, mais ce n’est rien d’autre que de la résistance à ce que la science nous dicte. Pas étonnant que la majeure partie de la résistance vienne de la nouvelle droite populiste. Il n’y a pas de place pour le compromis ici. Nous avons déjà jeté aux orties le précieux intermède estival à la recherche de compromis, et nous avons clairement perdu cette bataille. Il est maintenant temps d’agir fermement.

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Cuba : les enseignements de la Période Spéciale

Par Andrew Damitio

Source : Medium, le 30 octobre 2018

Traduction : lecridespeuples.fr

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Entre 1989 et 1991, l’aide de l’URSS à Cuba s’est évaporée alors que l’empire soviétique s’écroulait. Au cours des décennies précédentes, Cuba avait échangé de la canne à sucre à l’URSS contre du pétrole à un taux subventionné. L’URSS a fourni à Cuba une telle quantité de pétrole que Cuba a revendu l’excédent de pétrole à profit aux pays voisins. La perte des subventions pétrolières a entraîné une crise économique importante qui a entraîné une contraction d’un tiers du PIB, une restructuration économique et même des manifestations politiques contre le gouvernement. Cette période a depuis pris le surnom de « période spéciale ».

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Au cours de la période spéciale, les importations de pétrole à Cuba ont chuté brutalement, le pays étant devenu incapable de payer pour importer de nombreuses marchandises. Cela a non seulement rendu le carburant des véhicules extrêmement cher, mais a également eu un impact sur les prix de l’électricité et la production industrielle, car une grande partie de l’électricité de l’île était produite à partir de pétrole. L’incapacité du pays à se permettre d’importer des engrais synthétiques a entraîné une baisse des rendements agricoles, obligeant davantage de terres à être mises en production et de larges pans de la population à travailler temporairement dans l’agriculture. De plus, Cuba importait la moitié de sa nourriture avant la crise. La réduction des importations alimentaires pendant la crise a nécessité en outre l’augmentation de la production nationale de cultures vivrières.

Les succès

Aux yeux des écologistes, la crise a été saluée comme une démonstration de la théorie de la « décroissance ». Ceux qui s’opposent à une économie de marché mondialisée et industrialisée notent comment Cuba est passée du stade de nation à l’agriculture la plus mécanisée d’Amérique latine, produisant de vastes cultures de canne à sucre destinées à l’exportation vers l’Union soviétique en échange de pétrole, à une économie moins basée sur le pétrole. La crise a vu une amélioration de la santé des citoyens cubains [celle-ci était déjà largement supérieure à celle des autres pays du Tiers-Monde], alors même que le PIB du pays a chuté d’un tiers. Pour les Verts, les « troubles » économiques de Cuba dans les années 90 sont considérés comme la solution à de nombreux problèmes auxquels les pays développés sont confrontés aujourd’hui, de l’obésité à la surconsommation de ressources.

Tout au long de la transition, la production alimentaire locale a augmenté, les taux de maladies cardiovasculaires ont chuté de moitié, l’obésité a chuté, la consommation de viande a chuté de façon spectaculaire, la consommation de biens de consommation a chuté, la consommation de pétrole a chuté et les émissions de carbone ont chuté. La marche et l’activité physique ont augmenté [depuis 1959, le sport a toujours été central à Cuba], car de plus en plus de Cubains travaillaient physiquement dans les fermes et devenaient incapables d’aller en voiture partout où ils en avaient besoin en raison du rationnement du carburant (en fait, la consommation de pétrole cubaine n’a jamais rebondi aux niveaux d’avant la crise), et la mortalité globale a chuté. Le nombre de marchés fermiers a augmenté sur l’île, car il devenait coûteux d’expédier de la nourriture aux points de distribution centralisés. La nécessité pour les Cubains d’utiliser chaque parcelle de terrain pour la production alimentaire a abouti à l’appropriation de bâtiments vides et même de parkings pour être utilisés comme fermes urbaines. Comme les engrais synthétiques sont devenus d’un coût prohibitif à utiliser, la conversion en masse vers un système agricole que nous appelons « biologique » a également eu lieu.

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Au-delà des seuls avantages sociologiques de la crise, de nombreux écologistes, en particulier ceux préoccupés par le pic pétrolier, utilisent Cuba comme un exemple de la façon dont le monde entier peut s’éloigner du pétrole en cas de pénurie mondiale catastrophique de pétrole. Pour eux, c’est l’histoire de la façon dont nous pouvons survivre à l’effondrement qu’ils perçoivent. Plusieurs livres et même un documentaire intitulé « Le pouvoir de la communauté : Comment Cuba a survécu au pic pétrolier » ont été réalisés, louant la transition économique de Cuba. De nombreux parallèles peuvent être établis entre la transition économique de Cuba et ce qui s’est passé dans la nation fictive Ecotopia dans le livre du même nom d’Ernest Callenbach paru en 1975.

Du point de vue macroéconomique, la transition économique de Cuba n’a pas été un désastre par rapport à ses pairs. L’économie du pays s’est moins contractée entre 1989 et 1998 que celle de son ancien protecteur, la Russie. Par rapport à la famine dévastatrice de la Corée du Nord, qui s’est produite à cause de la même perte de soutien de l’URSS au cours de la même période, la crise de Cuba a été relativement indolore.

Le revers de la médaille

Ce serait une erreur de penser que le succès de Cuba peut être reproduit [à l’identique] à l’échelle mondiale ou même dans d’autres pays. Bon nombre des conditions qui ont conduit au succès de Cuba, comme un espace suffisant pour la production alimentaire, ne sont pas reproductibles dans des pays plus froids comme la Corée du Nord. La forte capacité d’adaptation de Cuba a été affectée par son climat chaud, qui a non seulement facilité la production agricole, mais a probablement évité des décès importants dus à des pénuries d’énergie, car le pays n’a pas besoin de se préoccuper de garder les maisons au chaud en hiver. Alors que les techniques utilisées par les Cubains pour faire évoluer leur économie afin de faire face à une réduction massive de l’importation de pétrole doivent être examinées, il serait naïf de s’attendre à ce que chaque nation se nourrisse sans produits tels que les engrais artificiels et la mécanisation à base de pétrole. [Concernant le caractère unique de Cuba, il convient également de noter que la révolution de Fidel Castro a placé, dès le début, le bien-être humain au centre du projet de société, et investi massivement dans la santé, l’éducation, la lutte contre la malnutrition et l’exclusion, etc. Des dirigeants si compétents et si dévoués à leur peuple ne se trouvent pas n’importe où.]

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La période spéciale de Cuba n’était pas une utopie agraire. Il est important de noter que la production alimentaire dans les parkings et les bâtiments vides n’a été réalisée que par nécessité. Le peuple cubain a risqué la famine tout au long de la crise. La population bovine du pays a presque été anéantie par la population affamée, et même les chats domestiques ont pu être mangés. Les animaux du zoo de La Havane n’ont pas non plus été épargnés [il s’est produit la même chose en France durant le siège de Paris en 1870 ou pendant le rationnement post-1940]. Le poids moyen des Cubains a chuté de 5 kilogrammes dans l’épreuve. En outre, l’accent mis sur la survie a entraîné une dégradation des biens d’équipement du pays, tels que le parc de logements. Au plus fort de la crise, une manifestation dans les rues de La Havane en août 1994 a été presque sans précédent pour le pays. Alors que certains écologistes fervents peuvent considérer la souffrance de Cuba comme une quantité acceptable de souffrances à laquelle une société doit faire face pour réduire son empreinte écologique, il semble que la plupart des Cubains seraient en désaccord.

Alors que le retour temporaire à l’agriculture par les Cubains peut être romancé par les gens de gauche, le peuple cubain ne voit pas favorablement cette période. Alors que les mesures prises par le peuple cubain sont une histoire de résilience économique, les Cubains sont passés dès que possible à une société plus industrialisée. Depuis 1997, le PIB par habitant de l’île a plus que triplé, et aujourd’hui, seulement 18% de la main-d’œuvre du pays travaille dans l’agriculture.

Après la crise, les Cubains consomment plus de nourriture par habitant qu’avant la crise, le taux d’obésité du pays ayant triplé de 1995 à 2013. Les taux de mortalité et de cancer sont également revenus aux niveaux d’avant la crise. Malgré la transition agricole, Cuba n’est toujours pas autosuffisante en matière de production alimentaire. Les denrées alimentaires de base sont toujours importées et rationnées. Les mesures prises par les Cubains pendant la période spéciale visaient la survie à court terme et ne constituaient pas une solution à long terme.

Bien que les émissions de carbone de Cuba par habitant aient diminué au cours de la période spéciale en raison de la baisse de l’utilisation de l’électricité et des véhicules, le bouquet énergétique de Cuba reste fortement tributaire des combustibles fossiles, avec peu de changements structurels. Les centrales électriques au mazout représentent encore plus de 80% du bouquet énergétique de Cuba, les énergies renouvelables, y compris l’hydroélectricité, représentant environ 1%. La « période spéciale » à Cuba s’est officiellement terminée lorsque la nation a conclu un partenariat avec une autre nation socialiste, le Venezuela, pour obtenir du pétrole bon marché, remplaçant ce qui avait été perdu lors de la chute de l’URSS. La dépendance de Cuba à l’égard du pétrole n’a jamais été rompue pendant la restructuration. Les émissions de carbone par habitant à Cuba sont également revenues aux niveaux d’avant la crise.

Réformes du marché

Malgré la réputation de Cuba comme l’une des seules économies de commandement et le seul État communiste restant au monde, bon nombre de ses réformes des années 90 visant à libéraliser son économie se lisent comme un fantasme de Milton Freidman.

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Pour maintenir la solvabilité du gouvernement, les subventions économiques à divers secteurs de l’économie ont été réduites, ainsi que l’emploi public. Le travail indépendant a été légalisé par le gouvernement et l’emploi privé a absorbé une grande partie des personnes licenciées par le gouvernement, évitant ainsi une grave crise du chômage. De vastes étendues de terres domaniales ont été « privatisées », passant de l’état de grandes exploitations publiques à planification centralisée à celui de collectifs communautaires sans objectifs de production explicites, la propriété publique des terres agricoles étant tombée de 78% en 1989 à 25% en 1994. Les transferts en espèces de l’extérieur de l’île et l’utilisation de dollars américains à Cuba ont également été légalisés, permettant aux Cubains vivant à l’étranger d’envoyer des dollars aux membres de leur famille sur l’île.

Enseignements à tirer

La transition économique de Cuba dans les années 90 était moins un rêve utopique éco-socialiste qu’une série de réformes permanentes du marché et des pratiques environnementales temporairement adoptées par nécessité pour empêcher la famine massive ou l’effondrement du régime. Quatre leçons principales peuvent être tirées :

  1. Le contrôle décentralisé et l’introduction de marchés facilitent une allocation des ressources plus efficace que la planification centralisée. En outre, les économies de marché ne sont pas intrinsèquement plus nuisibles à l’environnement que les économies dirigées.
  2. Il existe des limites au PIB en tant qu’indicateur du bien-être humain et du progrès, et bien que le PIB par habitant soit un bon indicateur du développement humain, il ne tient pas compte de l’espérance de vie, de la mortalité infantile ou d’autres mesures du progrès. Les améliorations ou les baisses des performances économiques ne sont pas toujours ressenties directement par la population. La croissance doit être considérée dans le contexte du bien-être humain.
  3. La croissance économique peut avoir lieu sans augmentation des émissions de carbone ni dégradation de l’environnement. Le triplement du PIB de Cuba depuis la crise s’est produit sans augmentation correspondante de la consommation de pétrole. L’économie cubaine d’avant la crise utilisait le pétrole de manière inefficace en raison de son niveau de subvention. Avec la perte des subventions, la croissance depuis la crise est devenue beaucoup plus « verte ».
  4. Les gens ne veulent pas vraiment recommencer à travailler dans l’agriculture et avoir des régimes pauvres en viande s’ils peuvent faire autrement. Même les nations ayant des populations de gauche comme Cuba n’ont aucune volonté politique de parvenir volontairement à un niveau de vie inférieur simplement pour profiter à l’environnement. Toute transition vers une société agraire désindustrialisée avec une empreinte environnementale plus faible devrait se faire par crise ou par pénurie, et une fois la pénurie terminée, la société reviendra à ses anciennes habitudes.

La société humaine est extrêmement résiliente et, en cas de pénurie de ressources, elle trouvera toujours des moyens nouveaux et novateurs de survivre et de prospérer.

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À propos de l'auteur Le Cri des Peuples

« La voix des peuples et de la Résistance, sans le filtre des médias dominants. »[Le Cri des Peuples traduit en Français de nombreux articles de différentes sources, principalement sur la situation géopolitique du Moyen-Orient. C'est une source incontournable pour comprendre ce qui se passe réellement en Palestine, en Syrie, en Irak, en Iran, ainsi qu'en géopolitique internationale.]

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