L’élection de Biden ne promet pas de grands changements sur le front impérial — Bruno Odent (l’Humanité)

L’élection de Biden ne promet pas de grands changements sur le front impérial — Bruno Odent (l’Humanité)

Hormis le retour dans l’accord de Paris sur le climat, la diplomatie du nouveau président états-unien ne semble pas vraiment se dégager des cohérences stratégiques de son prédécesseur.

Les années Trump ont été portées par une redoutable cohérence géopolitique. La plupart des médias orphelins du modèle états-unien n’en ont pas pris la mesure, tant ils se sont refusés à traiter la question hors du prisme de la ­personnalité fantasque du président sortant. Trump parti, une normalisation accélérée de ­Washington devrait s’imposer. Et pourtant, la géostratégie de Biden semble loin de se ­détourner de tous les tournants impulsés par son prédécesseur.

Sur le climat toutefois, la présidence Biden devrait insuffler une véritable différence. Le président élu tiendra sa promesse proclamée de faire revenir Washington dans les clous de l’accord de Paris au premier jour de son mandat, le 20 janvier prochain, sachant qu’il s’est engagé à « une transition » pour réduire les émissions record de CO2 des États-Unis. Un certain regain de multilatéralisme est également attendu, avec un probable retour de Washington à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), comme une certaine détente sur la gestion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

La volonté de « mener la marche »

Mais pour le reste, Biden promet d’inscrire le changement dans… la continuité. La méthode destinée à « rendre sa grandeur à l’Amérique » sera différente. Les objectifs n’en resteront pas moins très voisins. L’Amérique se doit « d’être devant et de mener la marche », a écrit Joe Biden, qui précise qu’aucune autre nation « n’aurait la capacité » d’agir ainsi parce qu’aucune ne serait bâtie sur « l’idée de liberté » (1). Les rapports avec la Chine, l’Europe ou le Moyen-Orient devraient être marqués par cette logique, a fortiori si l’on se dirige vers des compromis au sommet avec un Parti républicain toujours porté par le trumpisme.

Les tensions avec Pékin pourraient même prendre un tour encore plus aigu. Barack Obama avait induit une stratégie dite du pivot faisant passer l’effort militaire du Moyen-Orient vers la mer de Chine. Trump n’a fait qu’accélérer cette bascule. Les dirigeants démocrates n’ont pas caché leur accord avec sa guerre commerciale engagée contre les productions chinoises. Pis, ils manifestent volontiers un plus grand appétit d’intervention sur les litiges internes chinois qui fâchent, de Taïwan à Hong Kong, en passant par les Ouïgours. De la même façon, les tensions pourraient s’aggraver avec Moscou.

Avec les Européens, Washington ne devrait pas relâcher sa pression pour qu’ils continuent de s’inscrire dans une hausse continue de leurs financements de l’Otan. Cette démarche stratégique rejoindrait une « normalisation atlantiste » hautement désirée par plusieurs capitales du continent, et en particulier par Berlin et les grands groupes exportateurs allemands. Ils en espèrent des retombées alléchantes après un retour à la case des négociations pour le ­lancement d’un traité Tafta de libre-échange trans­atlantique.

Bruno Odent, l’Humanité, lundi 09 novembre 2020

(1) Les engagements de politique extérieure de Joe Biden : Why America Must Lead Again (Pourquoi l’Amérique doit diriger de nouveau, revue Foreign affairs, mars-avril 2020).

»» https://www.humanite.fr/lelection-de-biden-ne-promet-pas-de-grands-cha…

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