[unable to retrieve full-text content]
Il y a un sujet tabou dans le monde des soins aux aînés: dans les résidences privées, se pourrait-il que plusieurs d'entre eux soient victimes d'extorsion systématique, le tout déguisé sous l'euphémisme de "services rendus" facturés à la pièce?
Dans ces centres aux loyers prohibitifs en partant, il est de mise de surfacturer abusivement la vieille personne pour chaque menu service qui lui est rendu durant la journée ou la semaine. En consulter la liste des tarifs en surprendra plus d'un. Ne vous avisez surtout pas d'avoir besoin qu'on vous gratte le dos, qu'on vous décachette une lettre, ou qu'on ramasse la petite cuiller que vous avez laissé tomber par mégarde, ce serait s'exposer à une ruine lente mais inévitable! J'exagère à peine.
Et les enfants dans tout ça? Ils se doivent de tout accepter sans rechigner, car ils ne veulent pas se sentir coupables de négliger leurs vieux parents qui leur ont tout donné, et d'avoir cela sur la conscience après leur mort.
Ils ne veulent pas que leurs parents aient moins que ce qu'il y a de mieux en fait de soins et de bons traitements.
Et pendant ce temps-là, c'est la résidence privée qui ne se gêne pas pour s'en mettre plein les poches.
En France, il existe un terme légal, abus de faiblesse, pour désigner l'exploitation de personnes vulnérables et facilement extorquables si on abuse de leur état.
Dans les résidences, on rencontre une majorité de personnes qui répondent à la description suivante:
- personnes âgées en perte d'autonomie, de plus en plus dépendantes des autres
- personnes âgées de plus en plus confuses et n'arrivant plus à prendre des décisions éclairées
- personnes âgées souffrant d'un sentiment d'insécurité chronique
- personnes âgées amoindries ne voulant pas être à la charge de leur famille
- personnes âgées à la lucidité embrouillée par leurs coktails de médication
- personnes âgées craignant d'être punies si elles n'acceptent pas tout: crainte qu'on ne s'occupe plus d'eux comme il faut, qu'on leur apporte un repas refroidi, qu'on ne vienne plus les laver, qu'on ne les aide plus à prendre leur médication parce qu'eux oublient et se trompent, crainte qu'on leur interdise des visites de leurs enfants, sans oublier de faire planer la menace qu'on pourrait les envoyer dans un CHSLD
- personnes âgées fragilisées qui se laissent bourasser et qui paient pour ne pas faire fâcher un préposé autoritaire qui pourrait les négliger par représailles
Bref, il devient très facile pour qui sait s'y prendre de soutirer de l'argent à ces pauvres personnes diminuées à coup de 5$, 10$, 15$ du service rendu, plusieurs fois par jour, par semaine, par mois. Cela devient vite des milliers de dollars dont les pauvres vieux n'ont même pas conscience.
Quelqu'un ayant travaillé dans le domaine des résidences privées m'a confié ce qu'il avait constaté sur le terrain: passé 75 ans, les pertes cognitives graduelles font que les gens perdent la notion de l'argent et n'arrivent plus à compter, budgeter, vérifier leurs comptes.
Ils ne sont plus en mesure d'évaluer ce qui est un prix juste et normal et un prix gonflé, exagéré, exorbitant. Ils ne se souviennent plus de ce qui a déjà été payé. C'est facile de leur faire croire que c'est la situation normale de payer des suppléments, que c'est la même chose pour tout le monde, que c'est comme ça que ça marche et qu'ils n'ont pas à s'en faire.
Et les enfants qui ont placé leurs parents dans ces endroits n'osent pas s'opposer à tous ces petits "extras" si lucratifs pour les gestionnaires et propriétaires de résidence privée pour aînés. Ils ne voudraient pas avoir sur la conscience d'avoir "privé" leurs parents de quoi que ce soit, étant déjà suffisamment tiraillés par le sentiment de culpabilité dû au fait de s'en être "débarrassé" en les plaçant en résidence au lieu de les garder à la maison et d'en prendre soin pendant 15-20 ans de plus, en se faisant aidant naturel comme l'artiste Chloé Sainte-Marie l'a fait pour son mari le cinéaste Gilles Carle.
Cela s'appelle faire du chantage émotif sur le dos des enfants des parents placés. Vous devez payer sans sourciller pour prouver que vous n'êtes pas ingrats envers vos vieux parents à qui vous devez tout.
Toutes ces conditions forment un terrain propice aux abus de facturation en tout genre. Au plus fort de la pandémie, n'a-t-on pas appris qu'un CHSLD très infecté de Gatineau était administré par des gens qui ont déjà été condamnés en Ontario pour fraude et qui ont vu tous les avantages de se recycler dans ce domaine profitable après s'être aperçu qu'il y avait beaucoup d'argent facile à y faire.
Qui se rendra compte que le même service a été facturé 5 fois, même s'il n'a été rendu que 4 fois durant la semaine?
Et c'est sans parler de la question de l'héritage destiné aux enfants qui finit par y passer.
Certains gestionnaires moins scrupuleux que d'autres sont vite tentés par l'idée de s'approprier par ces moyens détournés tout l'héritage réservé en principe aux enfants, à commencer par le loyer exorbitant, puis de le gruger à coups de petits "extras" qu'ils encaissent systématiquement et sans scrupule, un héritage qui se met à fondre à vue d'oeil et dont il ne restera plus grand chose à la mort du parent, ce vieux parent n'étant lui-même plus tout à fait conscient de ce qui se produit au détriment de ses héritiers naturels.
Les bureaux d'enquête de journalistes devraient se pencher sur la question pour faire en sorte que le gouvernement intervienne et légifère sans délai.
Nos aînés ne méritent-ils pas de ne plus être victimes de tels abus exploitant leur vulnérabilité?
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec