Qui dirige vraiment l'Amérique ?

Qui dirige vraiment l'Amérique ?

Votre serviteur ne pensait pas s’attarder sur le show électoral états-unien mais l’espèce de petit coup d’Etat médiatico-institutionnel qui semble en gestation outre-Atlantique interpelle. Et, une fois n’est pas coutume sur ce blog, nous allons partiellement sortir du champ géopolitique.

Les fraudes ne sont pas nouvelles dans les élections américaines et nous célébrons d’ailleurs le 20e anniversaire de la mascarade floridienne qui a permis à George Dobelyou de prendre ses quartiers à la Maison blanche. Il semble que, cette année, les bidouillages aient été particulièrement nombreux : cargaisons de bulletins («Trump», on imagine) jetés dans des décharges, assesseurs Républicains expulsés ou empêchés d’entrer (nombreux témoignages) voire intimidés, bugs informatiques systématiquement en défaveur du Donald (comme dans ce comté du Michigan où les votes bleus étaient en fait rouges – 47 autres comtés pourraient avoir connu la même «mésaventure»), arrivage de bulletins à la dernière minute qui permettent à Biden de gagner tel Etat sur le fil etc. Bref, trop de fumée pour qu’il n’y ait pas un ou plusieurs feux…

Quelle a été la portée de ces irrégularités ? Ont-elles réellement permis à Joe l’Indien, qui a de toute façon remporté le «vote populaire» (le plus de voix à l’échelle nationale), de voler l’élection ? Ce sera sans doute à la justice d’en décider, si on lui laisse faire son travail. Or, rien n’est moins sûr, et c’est là que les choses deviennent intéressantes.

Nous avons en effet assisté à un événement jamais vu, qui dérange même des officines pourtant férocement anti-Trump. Alors qu’il donnait une conférence de presse lors de laquelle il évoquait les fraudes, les trois plus grandes chaînes de télévision ont purement et simplement décidé de couper la retransmission, empêchant le président en exercice de s’adresser à ses concitoyens ! Ce comportement inouï, digne d’une république bananière, a trouvé son écho chez les GAFAM, où de petits geeks encore boutonneux ont censuré les messages twitter et facebook du chef de la plus grande puissance mondiale. Orwell, sors de ce corps…

Les exemples historiques ne manquent pas de dirigeants renversés qui ont d’abord vu leurs communications avec l’extérieur coupées. Nous n’en sommes pas (encore ?) là mais il y a comme un petit parfum de pré-putsch du côté du Washingtonistan. Et pour faire bonne figure, les médias commencent à lancer des rumeurs menaçantes sur la prise de corps du président par les services secrets s’il refuse de quitter la Maison blanche.

Pas sûr – vous l’aurez compris, c’est un euphémisme – que cette stratégie de la tension soit très bénéfique pour la «nation exceptionnelle» qui se dirige vers des eaux bien troubles. Les partisans galvanisés de Donaldinho sont littéralement chauffés à blanc et il ne faudrait pas beaucoup d’étincelles pour que la situation devienne explosive. Nous avons évoqué plusieurs fois les profondes divisions qui traversent ce pays mais, de l’avis de nombreux observateurs (par exemple ici, à partir de 30′), le risque n’a jamais été aussi grand de voir ces deux Amériques en découdre.

Fraudes massives ou menues, révolution colorée ou pas, ces élections confirment en tout cas que Trump fait face à une cabale extrêmement puissante, multiforme. Le fidèle lecteur sait que la politique étrangère US est dictée par le(s) Deep State, mais dépassons pour une fois le seul champ géopolitique et demandons-nous plus globalement qui dirige les Etats-Unis eux-mêmes.

Le harcèlement constant dont a été l’objet le Donald durant ses quatre ans de présidence et le vrai-faux putschinho en préparation montrent qui l’on peut d’ors et déjà éliminer : le lobby israélien et le lobby pétrolier. Pas de chance pour une grande partie de la presse alternative dont ces thèmes sont le fond de commerce…

Pas un président n’a été aussi favorable à Tel Aviv : reconnaissance de Jérusalem comme capitale, persécution de l’Iran, efforts diplomatiques intenses pour la normalisation des relations avec certains pays arabo-musulmans (EAU, Soudan, Bahrain). Hier encore, alors qu’elle a pourtant bien d’autres choses à penser, son administration n’a pas trouvé mieux que de sanctionner un dirigeant libanais chrétien pour, ne rigolez pas, ses liens avec le Hezbollah.

Si le lobby pro-israélien de Washington était si puissant que cela, comment expliquer la haine féroce de tout l’establishment à l’égard de Trump pendant toutes ces années ? Ca ne tient évidemment pas une seconde. Tout comme ne tient pas l’idée de la toute-puissance du lobby pétrolier. Nous avons déjà expliqué en détail que ses intérêts particuliers passaient toujours après les intérêts stratégiques des Etats-Unis et qu’il subissait beaucoup plus souvent qu’à son tour la politique impériale.

Mais avec le Donald, c’est encore plus clair. La Houppette blonde est le chouchou du secteur énergétique, se démenant comme un beau diable pour le sauver de l’effondrement au printemps, sanctionnant comme un bandit le Nord Stream II, non pas dans une optique géopolitique visant à séparer Heartland et Rimland mais pour des raisons bassement commerciales (tenter d’accroître la part de marché US en Europe). En face, le ticket Biden-Harris parle de mettre fin à la fracturation hydraulique et d’aller à marche forcée vers les énergies renouvelables. On imagine aisément où penche le cœur des majors

Réglons (de manière un peu moins définitive) le cas épineux de Wall Street. Pendant la majorité du mandant présidentiel, la bourse a porté un regard de Chimène sur l’occupant de la maison blanche : baisse d’impôts et profits records, elle n’en demandait pas plus. Il convient donc logiquement de ne pas voir la «rue du mur» derrière le harcèlement constant que Trump a subi durant quatre ans. Par contre, il est vrai que Wall Street l’a récemment «abandonné«. En cause, son absence totale de plan pour contrer la seconde vague covidienne qui créé d’énormes incertitudes économiques, hantise des banksters ne rêvant que de stabilité. Nouvelle preuve au passage que le coronavirus n’est pas un complot de l’oligarchie mais, au contraire, une plaie pour elle (à la notable exception des GAFAM).

Le même Non mais peut être appliqué au lobby militaro-industriel. Le relatif désengagement international de Trump pourrait inquiéter certains secteurs et son budget militaire est moins élevé que durant les premières années du mandat d’Obama, le prix Nobel de… ah oui, de la paix :

Ceci dit, comme on le voit, le Donald a fait repartir ce budget à la hausse, provoquant même l’incompréhension de certains think tank. Son programme militaro-spatial délirant et son obsession de la Chine, avec tous les moyens supplémentaires que cela implique, ont dû couler comme du miel dans l’oreille du lobby militaro-industriel.

Qui reste-il ? Passons en revue les candidats sérieux, tant sur le plan géopolitique qu’économique ou idéologique…

  • Le Deep State anti-russe

Evidemment. C’est le Grand jeu que nous contons en long, en large et en travers depuis des années, il n’est guère besoin d’y revenir.

  • L’oligarchie globaliste

Pour les «élites» mondialisées, le protectionnisme est une hérésie à envoyer au bûcher, une atteinte intolérable au dogme libre-échangiste. Ce que nous écrivions au lendemain de l’investiture du Donald en janvier 2017 n’a pas pris une ride :

Moscou est la troisième Rome, Berlin va-t-elle devenir la deuxième Washington dans un remake de L’empire hors les murs ? C’est le rôle que semble vouloir assumer Merkel qui a tombé le masque et s’est lâchée avec lyrisme :

«Nous ne pouvons laisser personne nous diviser. Nous devons mener cette bataille [pour le libre-échange], ne serait-ce que par principe. Nous devons défendre la démocratie libérale et le commerce. Chaque génération lutte pour ses idéaux et je suis prête pour ce combat».

Au nom du Père, du Fils et du Libre-échange, amen… La guerre générationnelle de mémère pour cette religion néo-impériale est évidemment soutenue par le vice sortant [Biden, ndlr] qui accuse Trump et Poutine de vouloir «faire s’effondrer l’ordre libéral international». D’ici à ce que le protectionnisme devienne un crime contre l’humanité…

Le modèle trumpien – libéral à l’intérieur, protectionniste à l’extérieur – a plutôt très bien fonctionné avant la crise pandémique, les chiffres étant là pour le prouver. Pire, il a mis à mal le récit mythifié de Davos selon lequel libéralisme et libre-échangisme allaient forcément de pair, montrant au contraire que la libération des énergies productives et, au final, la réussite économique étaient possibles avec des frontières, crime impardonnable aux yeux des 1%.

  • La gôôche politiquement correcte

C’est le corollaire du point précédent comme nous l’avons expliqué à maintes reprises. Après le Brexit, nous rapportions que les salaires britanniques connaissaient leur plus forte augmentation en dix ans et que le taux de chômage était au plus bas depuis le milieu des années 70 :

Rien de surprenant d’ailleurs, c’est le b-a-ba de l’économie. L’ouverture des frontières et la libre-circulation des biens et des personnes entraînent mécaniquement l’appauvrissement des classes populaires et moyennes (concurrence de la main-d’œuvre étrangère qui pèse à la baisse sur les salaires et importations de biens à bas coûts qui ruinent les producteurs locaux). A cet égard, la fin de la République romaine est un véritable cas d’école. Ce n’est évidemment pas un hasard si le but de toujours de l’oligarchie est la disparition des frontières/nations et l’encouragement à l’immigration, alors que la gauche (la vraie, celle qui va des Gracques à Georges Marchais) s’y est toujours opposée.

Mais revenons à notre Brexit… Depuis qu’il a été voté, une partie de la main-d’œuvre étrangère, notamment polonaise, est partie et les employeurs sont obligés de gratter dans les cartons pour recruter la main-d’œuvre locale en lui proposant des salaires plus attractifs. C’est l’éternelle loi de l’offre et de la demande. Le chômage recule tandis que les revenus augmentent.

Pour nos plumitifs, cette embellie est un drame, et pas seulement pour les poches de ceux qui les emploient. On imagine les mines contrites et effrayées dans les salles de rédaction eurolâtres : «encouragement au populisme», «flambée de l’euroscepticisme».

C’est au tournant des années 80 que la gauche, en trahissant tous ses idéaux et en se convertissant à l’économie de marché libre-échangiste, est devenue la gôôche :

Wall Street avait même réussi l’exploit de s’attacher les gauches occidentales en leur jetant l’os de l’anti-racisme : immigration, le monde est mon village et tout le toutim. Désormais, la gôôôche allait travailler pour le grand capital sans même s’en rendre compte ! Que les No Borders et autres joyeux drilles «anti-capitalistes» soient financés par Soros et soutenus par l’oligarchie eurocratique n’est évidemment pas pour nous surprendre.

L’alliance LI-LI dans toute sa splendeur qui, en France, était en gestation après Mai 68 et a atteint sa vitesse de croisière en 1983 : exclusion des ministres communistes du gouvernement, remplacement du très social Mauroy par l’oligarque Fabius, conversion du PS à l’européisme et création de SOS Racisme. Une coïncidence sans doute…

Désormais, les valeurs de gauche sont défendues par les Trump, Orban, Le Pen & Co tandis que la gôôche défend celles de l’oligarchie, dont le politiquement correct est le corollaire. Elle s’engage d’autant plus fanatiquement dans les questions sociétales associées («anti-racisme», LGBT, dictature des minorités) qu’elle veut faire oublier sa trahison historique, son grand abandon de la question sociale.

On mesure ainsi à quel point un Poutine – président du Heartland et conservateur sur le plan des valeurs – peut susciter la haine universelle de tous ces gens, non seulement sur le plan géopolitique mais aussi idéologique. On comprend également pourquoi Trump – protectionniste dans l’âme et favorable au rapprochement avec la Russie – représente pour eux un véritable Antéchrist…

Source: Lire l'article complet de Chroniques du Grand Jeu

À propos de l'auteur Chroniques du Grand Jeu

« La géopolitique autrement, pour mieux la comprendre... »Présent à l'esprit de tout dirigeant anglo-saxon ou russe, le concept de Grand jeu est étonnamment méconnu en France. C'est pourtant lui qui explique une bonne part des événements géopolitiques de la planète. Crise ukrainienne, 11 septembre, tracé des pipelines, guerre de Tchétchénie, développement des BRICS, invasion de l'Irak, partenariat oriental de l'UE, guerre d'Afghanistan, extension de l'OTAN, conflit syrien, crises du gaz, guerre de Géorgie... tous ces événements se rattachent directement ou indirectement au Grand jeu. Il ne faut certes pas compter sur les médias grand public pour décrypter l'état du monde ; les journaux honnêtes font preuve d'une méconnaissance crasse, les malhonnêtes désinforment sciemment. Ces humbles chroniques ont pour but d'y remédier. Le ton y est souvent désinvolte, parfois mordant. Mais derrière la façade visant à familiariser avec la chose géopolitique, l'information est solide, étayée, référencée. Le lecteur qui visite ce site pour la première fois est fortement invité à d'abord lire Qu'est-ce que le Grand jeu ? qui lui donnera la base théorique lui permettant de comprendre les enjeux de l’actuelle partie d’échecs mondiale.Par Observatus geopoliticusTags associés : amerique latine, asie centrale, caucase, chine, economie, etats-unis, europe, extreme-orient, gaz, histoire, moyen-orient, petrole, russie, sous-continent indien, ukraine

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You